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21/01/2008 | FRANCE | N°06/06021

France | France, Cour d'appel de Toulouse, Ct0038, 21 janvier 2008, 06/06021


21/ 01/ 2008
ARRÊT No
NoRG : 06/ 06021 CF/ CD

Décision déférée du 21 Novembre 2006- Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE-04/ 884 M. X... dit G...

SA CLINIQUE DU PARC représentée par la SCP BOYER-LESCAT-MERLE SOCIETE MACSF (MEDI ASSURANCES) représentée par la SCP BOYER-LESCAT-MERLE

C/
Bernadette Z...épouse A... représentée par la SCP NIDECKER PRIEU-PHILIPPOT JEUSSET CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE HAUTE GARONNE représentée par la SCP DESSART-SOREL-DESSART Gérard Y... représenté par la SCP RIVES-PODESTA

CONFIRMATION PARTIELLE


Grosse délivrée
le
àREPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS *** COUR D'APPEL DE TOULOU...

21/ 01/ 2008
ARRÊT No
NoRG : 06/ 06021 CF/ CD

Décision déférée du 21 Novembre 2006- Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE-04/ 884 M. X... dit G...

SA CLINIQUE DU PARC représentée par la SCP BOYER-LESCAT-MERLE SOCIETE MACSF (MEDI ASSURANCES) représentée par la SCP BOYER-LESCAT-MERLE

C/
Bernadette Z...épouse A... représentée par la SCP NIDECKER PRIEU-PHILIPPOT JEUSSET CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE HAUTE GARONNE représentée par la SCP DESSART-SOREL-DESSART Gérard Y... représenté par la SCP RIVES-PODESTA

CONFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
àREPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS *** COUR D'APPEL DE TOULOUSE 1ère Chambre Section 1 *** ARRÊT DU VINGT ET UN JANVIER DEUX MILLE HUIT ***

APPELANTES
SA CLINIQUE DU PARC 2 rue Bernard Mulé 31000 TOULOUSE représentée par la SCP BOYER-LESCAT-MERLE, avoués à la Cour assistée de Me BARTHET, avocat au barreau de TOULOUSE

SOCIETE MACSF (MEDI ASSURANCES) 20 rue Brunel 75856 PARIS CEDEX 17 représentée par la SCP BOYER-LESCAT-MERLE, avoués à la Cour assistée de Me BARTHET, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEES
Madame Bernadette Z...épouse A...... 31550 MARLIAC représentée par la SCP NIDECKER PRIEU-PHILIPPOT JEUSSET, avoués à la Cour assistée de Me Serge TERRACOL-LAJEUNE, avocat au barreau de TOULOUSE (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 31555/ 2007/ 000888 du 16/ 01/ 2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE HAUTE GARONNE 3, boulevard Professeur Léopold Escande 31093 TOULOUSE CEDEX 9 représentée par la SCP DESSART-SOREL-DESSART, avoués à la Cour

Monsieur Gérard Y... ... représenté par la SCP RIVES-PODESTA, avoués à la Cour assisté de la SCP SAINT GENIEST-GUEROT, avocats au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 27 Novembre 2007 en audience publique, devant la Cour composée de :
A. MILHET, président O. COLENO, conseiller C. FOURNIEL, conseiller qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : E. KAIM-MARTIN
ARRET :
- contradictoire-prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties-signé par A. MILHET, président, et par E. KAIM-MARTIN, greffier de chambre.

********
EXPOSE DU LITIGE
Madame Bernadette Z...épouse A... a été hospitalisée dans le service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire de la CLINIQUE DU PARC à TOULOUSE du 27 septembre au 10 octobre 1983 en raison d'une phlébite de la jambe gauche.
Compte tenu de l'anémie révélée par les bilans sanguins pratiqués à la clinique, madame Z...a été transfusée par injection de deux concentrés globulaires.
Elle a subi lors de son séjour une phlébographie pratiquée par le docteur Y... et une gastroscopie.
Le 17 octobre 1983 les résultats sanguins ont montré que l'anémie avait disparu.
Madame Z...a été suivie notamment pour une asthénie persistante, et des examens sans bilan hépatique ont été réalisés.
Madame Z...a été hospitalisée pour accouchement du 20 au 27 juillet 1988.
Courant 1991 elle a présenté une asthénie plus intense, des nausées plus fréquentes et un amaigrissement qui ont motivé des bilans et une recherche sérologique à la suite desquels le diagnostic d'hépatite C a été posé le 11 octobre 1991.
Madame Z...a sollicité et obtenu en référé la désignation d'un expert, le professeur C..., qui a déposé son rapport le 6 mars 1999.
Au vu de ce rapport elle a fait assigner au fond les sociétés CLINIQUE DU PARC et NOUVELLE CLINIQUE DU PARC en réparation de son préjudice.
Elle a appelé dans la cause la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE de la Haute Garonne, puis la MACSF, assureur des établissements de soins susvisés.
La MACSF a appelé en garantie le docteur Y....
La société CLINIQUE DU PARC et la MASCF ont également appelé en garantie le CRTS de TOULOUSE et la société AXA FRANCE IARD.
Suivant jugement en date du 21 novembre 2006, le tribunal de grande instance de TOULOUSE a :
- prononcé la mise hors de cause du CRTS de TOULOUSE, de la société AXA FRANCE IARD et du docteur Y... ;- déclaré la société CLINIQUE DU PARC responsable de la contamination de madame Bernadette Z...par le virus de l'hépatite C ;- condamné la société CLINIQUE DU PARC in solidum avec son assureur la MACSF à payer à madame Z..., avec intérêts au taux légal à compter du jugement, la somme de 418. 584, 76 euros au titre du préjudice soumis à recours et 3. 400 euros au titre du préjudice purement personnel ;- condamné la société CLINIQUE DU PARC in solidum avec la MACSF à payer à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE de la Haute Garonne, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, la somme de 1. 419, 18 euros à titre de dommages et intérêts et 380 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;- condamné in solidum la société CLINIQUE DU PARC et la MACSF aux dépens y compris les frais d'expertise et les dépens du référé ;- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration en date du 22 décembre 2006 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas discutées, la SA CLINIQUE DU PARC et la société MACSF ont relevé appel de ce jugement contre madame Z..., la société NOUVELLE CLINIQUE DU PARC, la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE de la Haute Garonne et monsieur Y....
Par ordonnance du 18 mai 2007, le magistrat chargé de la mise en état a donné acte aux appelantes de ce qu'elles se désistaient purement et simplement de l'instance engagée devant la cour vis à vis de la société NOUVELLE CLINIQUE DU PARC.
Dans leurs conclusions récapitulatives du 12 novembre 2007, la SA CLINIQUE DU PARC et la MASCF demandent à la cour :
- à titre principal, de dire et juger que madame Z...ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité entre sa contamination et l'hospitalisation réalisée en septembre et octobre 1983 au sein de la CLINIQUE DU PARC ;- à titre subsidiaire, si par impossible la responsabilité de la CLINIQUE DU PARC devait être retenue, de débouter madame Z...de sa demande d'indemnisation d'un préjudice pour perte de chance, ou du moins de réduire cette indemnisation, et de statuer ce que de droit sur les autres chefs de préjudice.- à titre infiniment subsidiaire, d'ordonner une nouvelle mesure d'expertise judiciaire aux fins de savoir si madame Z...est apte à l'exercice d'une activité professionnelle ;- en tout état de cause, de dire et juger que la mise en cause du docteur Y... est recevable et fondée, que le rapport d'expertise du docteur C... lui est opposable, et de le condamner à les relever et garantir de toute condamnation ou à tout le moins à concurrence de moitié des sommes susceptibles d'être mises à leur charge, dans l'hypothèse où la responsabilité serait retenue en raison d'une infection nosocomiale, et subsidiairement d'ordonner une nouvelle mesure d'expertise en présence du docteur Y....

Les appelantes demandent par ailleurs la condamnation de tout succombant au règlement de la somme de 1. 500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens qui pourront être recouvrés directement par la SCP BOYER-LESCAT-MERLE. La CLINIQUE DU PARC et son assureur prétendent que les signes cliniques du virus sur lesquels se fonde madame Z...pour démontrer le caractère nosocomial de l'infection existaient déjà au moment de son hospitalisation de septembre à octobre 1983, que dès lors l'infection peut ne pas être due à cette hospitalisation mais à son état antérieur, aux suites de sa maladie, ou avoir été contractée à l'extérieur de l'hôpital, ce que l'expert n'exclut pas, et que les facteurs de contamination multiples ont été énumérés par le professeur C... sans qu'il en ait privilégié un par rapport à d'autres parce que cela n'entrait pas dans sa mission.

A titre subsidiaire les appelantes disent que la mise en cause du docteur Y... n'est intervenue qu'en 2002 car la discussion autour d'une possible contamination par infection n'est apparue que tardivement dans l'instance, que ce praticien a pu discuter les conclusions expertales devant le tribunal, qu'il était tenu d'une obligation de sécurité et de résultat en matière d'infection nosocomiale, et qu'il ne rapporte pas la preuve d'une cause étrangère intervenue dans la réalisation du dommage subi par madame Z....
La clinique et son assureur affirment enfin que la preuve d'imputabilité de la contamination sur l'avenir professionnel de madame Z...n'est pas rapportée, que l'asthénie même persistante ne constitue pas un obstacle insurmontable pour l'exercice d'une activité professionnelle, que madame Z...peut retrouver un emploi adapté à son invalidité, et qu'il conviendrait pour évaluer le préjudice de perte de chance de rechercher le salaire susceptible d'être perçu par l'intimée en faisant valoir son diplôme de comptabilité financière, et de calculer ensuite le montant de la différence entre ce salaire et le salaire minimum susceptible d'être perçu avec son doctorat de chimie pharmaceutique.
Par conclusions du 11 septembre 2007, madame Z...épouse A... demande à la juridiction de :
- déclarer la SA CLINIQUE DU PARC, la SA NOUVELLE CLINIQUE DU PARC et le docteur Y... solidairement responsables du dommage qu'elle a subi par application des articles 1147 du code civil et L 1142-1. 1 du code de la santé publique ;- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société CLINIQUE DU PARC in solidum avec son assureur la MACSF à lui payer les sommes de 3. 400 euros au titre du pretium doloris et 27. 800 euros au titre de l'IPP ;- porter à la somme de 406. 000 euros l'indemnité due au titre de son préjudice professionnel, par application de la table TD 88/ 90.

Elle sollicite en outre la condamnation de la société CLINIQUE DU PARC et de son assureur au paiement de la somme de 2. 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
A titre infiniment subsidiaire, elle demande un complément d'expertise afin de déterminer l'origine précise et l'identité des donneurs des deux lots sanguins portant les numéros 6027533 et 29053 qui lui ont été transfusés le 30 septembre 1983.
L'intimée, appelante à titre incident, soutient que contrairement à ce qu'indique l'expert la suspicion d'une contamination provenant de la transfusion sanguine effectuée lors de son hospitalisation à la CLINIQUE DU PARC en septembre et octobre 1983 ne peut être totalement écartée, qu'en toute hypothèse il résulte du rapport d'expertise qu'elle subit les conséquences d'une infection nosocomiale survenue lors des examens médicaux pratiqués en 1983 dans cet établissement, et que la SA CLINIQUE DU PARC, la SA NOUVELLE CLINIQUE DU PARC et le docteur Y... n'apportent pas la preuve qui leur incombe soit d'une cause étrangère, en présence d'une infection nosocomiale, soit que les produits qu'ils ont administrés sont d'une parfaite qualité et exempts de toute contamination.
Sur la détermination de son préjudice, elle fait observer qu'elle ne peut en raison de son hépatite C avoir une vie professionnelle et personnelle normale, alors que le niveau d'études qu'elle avait atteint permettait d'augurer d'un avenir professionnel brillant, et qu'elle subit une perte de chance sur la base d'un revenu annuel de 31. 658 euros.
Le docteur Gérard Y... conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il l'a mis hors de cause, au débouté de toutes les demandes dirigées à son encontre, et à la condamnation de la MASCF et de la société CLINIQUE DU PARC au paiement d'une indemnité de 2. 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens de première instance et d'appel, ces derniers pouvant être recouvré par la SCP RIVES-PODESTA.
Il soutient le rapport d'expertise sur lequel sont fondées les demandes principales et en garantie ne constitue pas à son égard un mode de preuve juridiquement admissible, puisqu'il n'a été ni appelé ni représenté aux opérations d'expertise.
Il ajoute qu'en toute hypothèse ce rapport ne permet pas de retenir sa responsabilité, qu'en effet le lien de causalité entre la contamination de madame Z...par le VHC et les soins qu'il lui a donnés au cours de son hospitalisation en septembre-octobre 1983 n'est pas démontré, que dès lors il n'a pas à rapporter la preuve d'une cause étrangère exonératoire, et qu'en tout état de cause les prétentions de madame Z...sont surévaluées.
La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE de la Haute Garonne conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné in solidum la CLINIQUE DU PARC et la MASCF à lui payer les sommes de 1. 489, 18 euros et celle de 380 euros, et sollicite la condamnation des appelants au paiement de la somme complémentaire de 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, qui seront recouvrés par la SCP DESSART-SOREL-DESSART.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 13 novembre 2007.
* * *
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la contamination du fait des transfusions sanguines réalisées le 30 septembre 1983 au sein de la CLINIQUE DU PARC
Le jugement n'est pas critiqué en ce qu'il a mis hors de cause le CRTS de TOULOUSE et sa compagnie d'assurance, mais madame Z...maintient à l'égard de la CLINIQUE DU PARC que l'origine transfusionnelle de sa contamination ne peut être exclue.
Le rapport de l'expert C... conclut à l'absence de lien de causalité entre les transfusions sanguines pratiquées le 30 septembre 1983 et la survenue de l'hépatite C, sur le fondement des résultats d'une enquête transfusionnelle réalisée par le CRTS de TOULOUSE.
L'expert mentionne que le CRTS a indiqué avoir délivré au nom de madame Z...deux concentrés globulaires à la date du 10 octobre 1983 : no 2028846 et 8028857, mais que madame Z...n'a pas été transfusée par ces deux produits ; que dans le dossier médical ont été retrouvées deux copies de cartes-contrôle mentionnant les numéros des deux concentrés globulaires transfusés à madame Z...: no 029053 et 027533.

Dans la note du 4 mars 1999 adressée par le CRTS à l'expert, ces lots sont mentionnés comme transfusés le 30 septembre 1983 à madame Z...mais non trouvés en distribution.
Ces éléments sont révélateurs d'une difficulté d'identification des lots des produits sanguins effectivement administrés à madame Z....
Cependant les résultats de l'enquête transfusionnelle font apparaître que les donneurs des lots des produits sanguins no 2028846 et 8028857 dont la date de distribution mentionnée est le 10 octobre 1983 ont été contrôlés négatifs au VHC pour la dernière fois en 1996 ; que les donneurs des lots no 6027533 et 29053 ont également été contrôlés négatifs en 1996 et 1998 pour le premier et en 1997 pour le second.

Il s'ensuit que les donneurs de tous ces lots ont pu être identifiés et contrôlés négatifs.
Au vu des résultats des contrôles effectués sur les donneurs des quatre concentrés, l'expert a estimé que ces résultats ne mettaient pas en évidence une origine transfusionnelle à l'hépatite virale C dont est atteinte madame Z....
Celle-ci qui évoque devant la cour une insuffisance d'investigations de la part de l'expert, ne justifie pas avoir adressé un dire au professeur C... afin de lui demander des recherches complémentaires tant auprès du CRTS que de la CLINIQUE DU PARC.
Il ne peut être fait grief à l'expert de ne pas avoir répondu à une lettre du 6 juillet 1999, postérieure de plusieurs mois à la date de dépôt du rapport d'expertise.
Par conséquent le tribunal a justement considéré comme fiables les résultats de l'enquête transfusionnelle et en a conclu à bon droit qu'était établie l'absence de contamination par le virus de l'hépatite C des donneurs des concentrés globulaires fournis à madame Z...le 30 septembre 1983, et par suite l'absence de contamination de cette dernière par l'effet des transfusions sanguines réalisées ce jour là.
Aucune responsabilité ne peut donc être retenue de ce chef à l'encontre de la CLINIQUE DU PARC.
Sur la contamination du fait d'une infection nosocomiale
L'infection nosocomiale se définit comme toute maladie provoquée par des micro-organismes, contractée dans un établissement de soins par tout patient après son admission, soit pour hospitalisation, soit pour y recevoir des soins ambulatoires.
Il appartient au patient de rapporter la preuve du caractère nosocomial de l'infection dont il souffre, preuve qui peut être faite par tout moyen, y compris par présomptions conformément à l'article 1353 du code civil.
En l'espèce madame Z...invoque l'origine nosocomiale de sa contamination par le VHC en se fondant sur le rapport du professeur C....
Or le docteur Y... n'était pas partie à l'ordonnance de référé du 19 juin 1996, alors que son intervention pendant la période d'hospitalisation de madame Z...à la CLINIQUE DU PARC était parfaitement connue tant de la patiente que l'établissement de soins. Il n'a donc pas été appelé aux opérations d'expertise qui lui sont inopposables.

Les premiers juges ont estimé à juste titre que le fait de pouvoir débattre du rapport par conclusions n'était pas suffisant compte tenu de la technicité de la question à résoudre, qui emportait nécessité d'un débat entre l'expert médecin et le praticien dont la responsabilité était mise en cause.
Le professeur C... avait pour mission de rechercher la réalité de la contamination de madame Z...par le virus de l'hépatite C, le lien entre les transfusions sanguines réalisées et la survenue de la contamination, mais aussi d'étudier s'il existait d'autres facteurs de contamination, notamment au regard de la chronologie, des antécédents médicaux de l'intéressée, de son mode de vie, des caractéristiques de son entourage, et des conditions de son hospitalisation.
L'expert a éliminé la contamination par toxicomanie intraveineuse, ou lors de séjours à l'étranger. Il indique que les seuls actes invasifs subis par madame Z..., à l'exception des soins dentaires réalisés en 1985, sont la phlébographie et la gastroscopie d'octobre 1983 et une gastroscopie de contrôle effectuée en 1987. Il conclut que " la survenue de cette hépatite C peut, compte tenu de la chronologie d'apparition des signes cliniques, trouver son origine lors de l'hospitalisation de septembre-octobre 1983 soit par la réalisation de la phlébographie, soit par une cause actuellement indéterminée ". L'expert précise : " Au vu des déclarations de la demanderesse et du dossier médical, aucun facteur de risque évident de contamination par le VHC n'apparaît en dehors de l'hospitalisation elle-même, de l'existence de facteurs de risque potentiels (phlébographie, gastroscopie). Il s'agit très probablement d'une contamination dite sporadique. "

Il résulte du dossier médical fourni à l'expert que madame Z...a subi à la CLINIQUE DU PARC deux actes invasifs, une phlébographie et une gastroscopie, dont le caractère potentiellement contaminant est reconnu ;
qu'elle a présenté dès sa sortie de la clinique de cet établissement une asthénie importante et persistantes ainsi que des nausées de plus en plus fréquentes, signes cliniques d'une contamination par le VHC ; que le temps d'incubation, entre 1983 et 1991, est compatible avec une contamination pendant la période d'hospitalisation à la CLINIQUE DU PARC.

Le fait qu'une anémie d'origine carentielle ait été révélée par le bilan biologique pratiqué à la clinique ne permet pas d'affirmer que les signes cliniques du virus de l'hépatite C existaient déjà au moment de l'hospitalisation de madame Z....
Entre la sortie de clinique et octobre 1991, date de révélation de l'hépatite C, il n'est justifié de la réalisation d'aucun bilan hépatique.
Les soins dentaires de 1985 et la gastroscopie de 1987 peuvent être éliminés comme facteurs de risque car ces interventions ont été pratiquées plusieurs années après l'apparition des signes cliniques de la maladie, et aucun acte invasif n'a été réalisé en juillet 1988 à l'occasion de l'accouchement de madame Z....
En conséquence la confrontation de l'ensemble de ces éléments établit que madame Z...a été contaminée par le VHC à l'occasion de son séjour à la CLINIQUE DU PARC du 27 septembre au 10 octobre 1983.
S'agissant d'une infection nosocomiale, la CLINIQUE DU PARC est tenue d'une obligation de sécurité de résultat, et elle ne peut s'en exonérer qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère imprévisible et irrésistible dont la démonstration n'est pas faite par cet établissement de soins.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré la CLINIQUE DU PARC responsable de la contamination de madame Z...par le virus de l'hépatite C, et l'a condamnée in solidum avec sa compagnie d'assurance la MASCF qui ne dénie pas sa garantie, à réparer les préjudices occasionnés par cette contamination.
Le rapport d'expertise du docteur C... étant inopposable au docteur Y..., qui n ‘ a été attrait à la procédure qu'en février 2002, soit près de 6 ans après la prononcé de l'ordonnance de référé, la mise hors de cause de ce médecin doit être confirmée.
Sur l'indemnisation des préjudices
En application de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 relative au financement de la sécurité sociale pour l'année 2007, applicable aux instances en cours, les recours subrogatoires des caisses s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent les préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. Conformément à l'article 1252 du code civil, la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ; en ce cas, l'assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée. Cependant si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice. Le professeur C... indique que madame Z...est atteinte d'une affection hépatique grave qui a provoqué des signes cliniques persistants (asthénie d'intensité variable mais persistante, troubles digestifs, nausées matinales, douleurs abdominales, insomnie et anxiété...) ces troubles ayant eux mêmes eu des répercussions psychologiques. Il précise qu'il persiste sur le plan biologique une virémie active. L'expert estime que l'état de madame Z...n'est pas consolidé, qu'un état actuellement stationnaire ne permet pas de dire qu'à long terme la maladie peut évoluer en amélioration, que cependant cela n'est pas à exclure même en l'absence de traitement, et qu'une aggravation peut aussi intervenir à moyen ou long terme.

Sur le fondement de ces éléments il évalue l'incapacité permanente partielle (déficit fonctionnel permanent) à 20 %, qualifie le quantum doloris de moyen (3/ 7) et ajoute que madame Z..., titulaire d'un doctorat ès sciences en chimie pharmaceutique, n'a pas pu trouver de travail en relation avec son diplôme et a dû renoncer à son projet professionnel.
Les appréciations expertales qui ne font pas l'objet de critique sérieuse seront prises en considération pour déterminer les indemnités dues à madame Z....
I/ Les préjudices patrimoniaux
A/ Les dépenses de santé actuelles (frais médicaux, pharmaceutiques, d'hospitalisation et de transport)
Il s'agit de frais médicaux et de frais pharmaceutiques pris en charge par la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE de la Haute-Garonne pour la somme de 1. 489, 18 euros.
B/ Le préjudice professionnel
Au moment de la découverte de sa maladie madame Z...était étudiante.
Elle a obtenu en 1993 un doctorat en chimie pharmaceutique, mais sa maladie hépatique a constitué un handicap dans sa recherche d'emploi compte tenu d'une asthénie persistante parfois intense.
L'expert mentionne qu'un travail dans une unité chimique est impossible en raison de l'hépato-toxicité des produits manipulés.
Il fait état d'une formation en comptabilité financière.
Lors des opérations d'expertise madame Z...était demandeur d'emploi.
Elle est actuellement exploitante agricole et selon les avis d'imposition versés aux débats cette exploitation était déficitaire en 2003, 2004 et 2005.
Il ne ressort pas du rapport d'expertise, ni du certificat du docteur D..., médecin traitant de madame Z..., daté du 30 juin 2007, que celle-ci est dans l'incapacité définitive d'exercer toute activité professionnelle.
Le docteur D... indique que l'hépatite C chronique ne lui permet pas d'avoir une activité professionnelle continue et normale, ce qui n'exclut pas une activité à temps partiel dans un cadre aménagé.
Madame Z...ne justifie pas de recherches d'emploi de ce type.
Elle a incontestablement perdu une chance sérieuse d'obtenir un emploi rémunéré au minimum 31. 658 euros par an, selon la convention collective de métiers pharmaceutiques, toutefois elle ne peut prétendre à une indemnisation calculée sur la totalité de cette somme, dans la mesure où il n'est pas établi qu'elle ne puisse pas occuper un emploi non qualifié à temps partiel pour une rémunération annuelle de l'ordre de 10. 000 euros.
Il convient également de prendre en compte l'incidence fiscale qu'aurait eu la perception de revenus plus élevés, et d'appliquer à ce titre un abattement de 20 % à la somme de 31. 658 euros, soit 6. 332 euros, ce qui limite à 25. 326 euros le montant dont elle aurait pu effectivement bénéficier en cas d'obtention d'un emploi en rapport avec son diplôme.
Seule la différence entre cette somme et celle de 10. 000 euros, égale à 15. 326 euros, doit être retenue pour calculer le préjudice effectivement subi par madame Z....
En application du barême de capitalisation des rentes temporaires limitées à 65 ans, le capital dégagé de cette perte annuelle s'élève à 15. 326 x 16, 057 = 246. 090 euros.
La perte de chance d'obtenir un emploi correspondant au niveau d'études de madame Z...peut être évaluée à 80 % de cette somme, soit 196. 872 euros.
II/ Les préjudices extra patrimoniaux
A/ Le déficit fonctionnel permanent
Compte tenu des troubles présentés par madame Z..., qui était âgée de 35 ans à la date de dépôt du rapport d'expertise, la somme de 27. 800 euros allouée par le tribunal sera maintenue.
B/ Les souffrances endurées
Madame Z...a dû subir une biopsie du foie, plusieurs jours d'hospitalisation, et une longue surveillance médicale et une répercussion importante sur sa vie personnelle et professionnelle, ce qui justifie l'allocation de la somme de 3. 400 euros dont il est demandé confirmation par l'intimée.
Sur les autres demandes
Les condamnations prononcées au profit de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE de la Haute Garonne seront confirmées.
Le débouté des autres demandes formées par les parties en première instance sera également confirmé.
Il y a lieu d'allouer à la C. P. A. M. de la Haute-Garonne une somme complémentaire de 400 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a dû exposer devant la cour.
Les demandes formées en cause d'appel sur ce fondement par les autres parties seront rejetées.
Sur les dépens
La société CLINIQUE DU PARC et la MASCF ont été justement condamnées aux dépens de première instance, y compris les frais d'expertise et les dépens du référé.
Succombant pour une grande part en leurs prétentions d'appelantes elles supporteront les dépens de l'instance d'appel.
* * *
PAR CES MOTIFS
La cour
En la forme, déclare les appels réguliers,
Au fond, réforme partiellement le jugement,
Condamne in solidum la SA CLINIQUE DU PARC et la MASCF à payer à madame Bernadette Z...épouse A... la somme de 196. 872 euros au titre de son préjudice patrimonial,
Confirme le jugement en ses autres dispositions,
Y ajoutant
Condamne in solidum la SA CLINIQUE DU PARC et la MASCF à payer à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE de la Haute Garonne la somme de 400 euros au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés en cause d'appel,
Déboute les parties de toutes autres demandes,
Condamne in solidum la SA CLINIQUE DU PARC et la MASCF aux dépens de l'instance d'appel, qui seront recouvrés par les SCP RIVES-PODESTA et DESSART-SOREL-DESSART, avoués à la cour qui en ont fait la demande, étant précisé que madame Z...bénéficie de l'aide juridictionnelle.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
*******


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : Ct0038
Numéro d'arrêt : 06/06021
Date de la décision : 21/01/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Toulouse, 21 novembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2008-01-21;06.06021 ?
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