21 / 01 / 2008
ARRÊT No
NoRG : 06 / 05729 OC / EKM
Décision déférée du 24 Octobre 2006-Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE-05 / 01822 M. SERNY
ASSOCIATION SYNDICALE LIBRE DU LOTISSEMENT DOMAINE DE MONTBRUN représentée par la SCP DESSART-SOREL-DESSART
C /
BANQUE POPULAIRE TOULOUSE PYRENEES représentée par la SCP NIDECKER PRIEU-PHILIPPOT JEUSSET
INFIRMATION
EXPERTISE M. Y...
Grosse délivrée
le
à REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS *** COUR D'APPEL DE TOULOUSE 1ère Chambre Section 1 *** ARRÊT DU VINGT ET UN JANVIER DEUX MILLE HUIT ***
APPELANTE
ASSOCIATION SYNDICALE LIBRE DU LOTISSEMENT DOMAINE DE MONTBRUN ... 31450 MONTBRUN LAURAGAIS représentée par la SCP DESSART-SOREL-DESSART, avoués à la Cour assistée de la SCP DOUCHEZ-LAYANI AMAR, avocats au barreau de TOULOUSE
INTIMEE
BANQUE POPULAIRE TOULOUSE PYRENEES... 31130 BALMA représentée par la SCP NIDECKER PRIEU-PHILIPPOT JEUSSET, avoués à la Cour assistée de Me MARFAING DIDIER du cabinet DECKER, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 27 Novembre 2007 en audience publique, devant la Cour composée de :
A. MILHET, président O. COLENO, conseiller C. FOURNIEL, conseiller qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : E. KAIM-MARTIN
ARRET :
-contradictoire-prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties-signé par A. MILHET, président, et par E. KAIM-MARTIN, greffier de chambre.
FAITS ET PROCÉDURE
Suivant arrêté municipal du 5 août 1994, Louis B... a obtenu l'autorisation de lotir en 22 lots un terrain situé sur la Commune de Montbrun Lauragais.
Le 26 mai 1995, la Banque populaire de Toulouse Midi-Pyrénées a accordé sa garantie pour l'achèvement des travaux de voirie et réseaux divers à la S. A. R. L. B... LOTISSEMENT dans les conditions prévues aux articles R. 315-33 et suivants du code de l'urbanisme pour les besoins de l'autorisation ensuite accordée à celle-ci par arrêté du 12 septembre 2005 de procéder à la vente des lots avant l'exécution de tout ou partie des travaux prescrits.
Au motif que les travaux de voirie et réseaux divers n'ont jamais été achevés par la S. A. R. L. B... LOTISSEMENT, entre-temps mise en liquidation judiciaire, l'association syndicale libre du lotissement Domaine de Montbrun a, par acte d'huissier du 19 mai 2005, a assigné la Banque populaire Toulouse-Midi-Pyrénées devant le tribunal de grande instance de Toulouse en paiement de la somme de 41. 770, 30 € au titre de la mise en oeuvre de la garantie d'achèvement, et subsidiairement institution d'une expertise.
Par le jugement déféré du 24 octobre 2006 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a rejeté les demandes, considérant que l'achèvement des travaux qui met fin aux obligations du garant n'était pas nécessairement à l'égard de ce dernier un acte écrit émanant de l'autorité administrative, qu'en l'absence d'un tel acte le procès-verbal de réception des travaux établi sans réserve entre le lotisseur et l'entreprise, en présence de l'autorité municipale qui l'a signé, établissait suffisamment l'achèvement conforme des travaux, que le certificat de refus d'achèvement établi par la Commune le 23 juillet 2003 résultait donc d'une déplorable erreur et que les dégradations de la voirie étaient imputables à la réalisation de travaux postérieurement à la réception qui n'engageaient la responsabilité que de leurs auteurs. Jugeant que la procédure revêtait un caractère abusif en ce qu'elle se fondait sur un acte administratif assis sur une contre-vérité, le tribunal a condamné l'association syndicale libre au paiement d'une somme de 1. 250 € à titre de dommages et intérêts.
Aux termes de ses conclusions du 12 avril 2007, l'association syndicale libre du lotissement Domaine de Montbrun, régulièrement appelante, conclut à la réformation de cette décision en toutes ses dispositions et demande à la Cour de juger que la Banque populaire de Toulouse Midi-Pyrénées demeure tenue de la garantie d'achèvement et de la condamner au paiement de la somme de 41. 770, 30 €, de désigner tel coordinateur de travaux ou expert pour assurer la conduite des travaux, subsidiairement d'ordonner une expertise sur la conformité et les désordres des travaux.
Elle soutient que l'achèvement des travaux ne peut résulter que de la délivrance du certificat émanant de la Commune, que le procès-verbal de réception invoqué n'a de valeur qu'entre le lotisseur et l'entreprise qui a exécuté les travaux, que pour tout ce qui concerne l'urbanisme la Commune se repose sur les services instructeurs du département, que la Banque aurait dû, conjointement avec le lotisseur, demander le certificat d'achèvement et avertir les co-lotis de son intention de lever la garantie, ce qu'elle n'a pas fait de sorte qu'elle ne peut se prévaloir d'une délivrance tacite du certificat, qu'au contraire c'est une décision de refus de délivrance du certificat qui a été prise le 23 avril 2003, que l'existence de travaux non finis est établie.
Aux termes de ses conclusions du 25 septembre 2007, la Banque populaire occitane venant aux droits de la Banque populaire de Toulouse Midi-Pyrénées conclut à la confirmation du jugement dont appel et reconventionnellement demande à la Cour de condamner l'association syndicale libre à lui payer la somme de 2. 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et atteinte à son image commerciale, soutenant que les travaux ont été achevés le 10 mai 1996 en ce qui concerne la voirie et les réseaux et le 5 mai 1998 en ce qui concerne le lotissement, que la garantie ne couvre que cet achèvement et non les désordres, qu'elle a sollicité le certificat d'achèvement de la Commune par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 30 juillet 1998 et qu'aucune réponse ne lui a été apportée malgré la notification de la levée de la garantie à défaut de réponse sous quinzaine, qu'aucune condamnation ne saurait être prononcée sur la base d'une expertise qui n'est pas contradictoire et qu'il n'existe aucun motif légitime de procéder à la mesure d'instruction sollicitée qui ne peut non plus être ordonnée pour suppléer la carence de l'appelante compte tenu de l'importance du délai écoulé depuis l'achèvement des travaux.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu qu'aux termes des articles R. 315-36 et R. 315-36-1 du code de l'urbanisme, c'est à l'autorité administrative compétente qu'il incombe de délivrer le certificat d'achèvement des travaux prescrits par l'arrêté de lotir, ce qu'aux termes du premier de ces textes elle fait sur papier libre, sans frais et en double exemplaire ;
qu'il s'agit d'un acte administratif, qui a pour objet de constater l'achèvement des travaux faits en exécution des prescriptions de l'arrêté d'autorisation de lotir ;
Attendu que le document intitulé " réception des travaux " établi le 10 mai 1996 par le maître d'oeuvre en présence du maître de l'ouvrage, de l'entrepreneur et en la circonstance litigieuse du Maire de la Commune de Montbrun Lauragais est un document privé qui, selon les mentions qu'il comporte reconnaît, en l'occurrence sans réserve, la conformité des travaux au marché ;
qu'il a certainement pleine valeur contractuelle entre l'entreprise " BTP LAURAGAIS " et le maître de l'ouvrage " B... LOTISSEMENT " qui l'ont signé avec le maître d'oeuvre, dans le cadre de l'exécution du marché privé qui les unissait, mais qu'il n'a aucune signification au regard des dispositions des articles susvisés du code de l'urbanisme par la signature que le Maire de la Commune y a apposée puisque par aucune mention écrite celui-ci n'a certifié avoir en cette occasion constaté l'achèvement des travaux prescrits par l'arrêté de lotir ;
que c'est donc à tort que le premier juge a admis à ce document, qui ne se prononce que par référence à l'exécution d'un marché privé, la valeur attendue de l'acte administratif se prononçant par référence aux prescriptions d'un arrêté portant autorisation de lotir ;
Attendu que le second document, intitulé " certificat " établi par le Maire de cette Commune le 31 juillet 2000 ne peut se voir admettre plus de portée en référence aux articles R. 315-36 et R. 315-36-1 du code de l'urbanisme alors que, établi en référence au code général des impôts et donc en principe pour d'autres besoins, il fait état de l'achèvement d'immeubles construits sur 22 lots en vertu d'un permis de construire ;
Attendu que la Banque populaire de Toulouse Midi-Pyrénées ne s'est d'ailleurs pas trompée sur la valeur du premier document puisque par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 28 juillet 1998, elle demandait au Maire de Montbrun-Lauragais de lui délivrer " le certificat administratif de réception des travaux " dans la perspective de mettre fin à sa garantie, ce qui, au-delà de la terminologie, s'entend bien de la demande du certificat d'achèvement des travaux prévu aux articles R. 315-36 et R. 315-36-1 du code de l'urbanisme qu'elle peut en effet réclamer, et sa garantie prenant fin à l'achèvement des travaux en vertu de l'article R. 315-38 ;
mais attendu qu'elle ne peut se prévaloir de l'absence de réponse à cette demande pour prétendre que le certificat serait réputé accordé au sens de l'article R. 315-36 dès lors qu'elle ne justifie pas que sa requête ait été faite conformément aux dispositions de l'article R. 315-36-1 qui prévoit non seulement qu'elle doit être présentée conjointement avec le lotisseur bénéficiaire de l'autorisation, mais surtout qu'elle doit être accompagnée de la justification que les acquéreurs de lots ont été préalablement informés de son intention en leur précisant qu'elle demande le certificat pour obtenir la levée de la garantie ;
Attendu par conséquent qu'aucun certificat constatant l'achèvement des travaux prescrits par l'arrêté de lotir n'a jamais été donné par l'autorité compétente avant le 23 avril 2003 ;
qu'il s'ensuit que c'est à bon droit que l'association syndicale libre demande qu'il soit jugé que la garantie consentie par la Banque Populaire de Toulouse Midi-Pyrénées n'est pas éteinte ;
Attendu que le Maire de la Commune de Montbrun Lauragais a au contraire pris ce 23 avril 2003 une décision motivée portant refus de délivrance du certificat d'achèvement de travaux en référence à l'article R. 315-36 paragraphe b du code de l'urbanisme et à l'arrêté municipal du 5 août 1994, au constat détaillé du fait que les travaux prévus par l'autorisation de lotir ne sont pas à ce jour exécutés dans leur totalité ;
que la Banque populaire occitane ne met en avant aucun élément précis qui soit de nature à contredire les termes de cette décision, les prescriptions de l'arrêté de lotir ne se limitant pas aux seules rues et trottoirs ;
qu'il s'ensuit que la garantie de la Banque est à juste titre recherchée par l'association syndicale, qui a qualité pour ce faire, pour l'exécution des travaux tels qu'ils sont mentionnés dans cette décision ;
Attendu que le chiffrage des travaux établi par l'expert mis en mouvement par l'association syndicale libre est en revanche à juste titre discuté par la Banque qui n'a pas été associée à son élaboration, dans la mesure où d'une part ce chiffrage prend en compte des désordres qui ne relèvent pas du domaine des obligations du garant, telle la réparation de dommages apparus sur des travaux exécutés conformément aux prescriptions de l'arrêté de lotir, et d'autre part ne fait pas apparaître de correspondance suffisante avec les postes de travaux inexécutés énumérés par la décision de refus de délivrance du certificat d'achèvement de travaux ;
que selon les termes de l'article R. 315-34 du code de l'urbanisme et de la garantie délivrée le 26 mai 1995 par la banque, le garant n'est tenu qu'au paiement, pour le compte du lotisseur disparu des sommes nécessaires à l'achèvement des travaux prescrits par l'arrêté portant autorisation de lotir ;
Attendu par conséquent que la demande chiffrée de l'association syndicale libre ne peut être admise ;
qu'il ne peut pas pour autant être fait grief à cette dernière d'une carence dans l'administration de la preuve, laquelle est faite de l'inachèvement qui fonde l'action mais doit être mieux orientée pour ce qui est de la détermination concrète de l'exécution de l'obligation recherchée ;
que le visa d'un texte de procédure inapproprié n'invalide pas la demande, qui est justifiée pour la solution du litige ;
Attendu qu'il apparaît néanmoins à la Cour que l'expertise, si elle est indispensable pour lui permettre de trancher sur le montant de la garantie, peut ne l'être pas absolument entre les parties dès lors que l'autorité compétente a défini les travaux prévus par l'arrêté de lotir qui ne sont pas exécutés, ce qui circonscrit en principe de manière précise l'objet de l'obligation dont l'exécution est poursuivie ;
que les parties en aviseront entre elles, et que l'expertise sollicitée sera donc ordonnée pour permettre de trancher en cas de besoin ;
que dans cet esprit et pour permettre aux parties de mettre un terme au litige si c'est possible, il sera d'ores et déjà statué sur les frais et dépens engagés jusqu'à présent ;
Attendu qu'il suit des motifs qui précèdent que l'action de l'association syndicale libre ne revêtait aucun caractère abusif ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme la décision déférée et, statuant à nouveau,
Vu les articles R. 315-33 à R. 315-38 du code de l'urbanisme,
Vu la décision prise par le Maire de la Commune de Montbrun Lauragais le 23 avril 2003 portant refus de délivrance du certificat d'achèvement de travaux ;
Juge que la garantie délivrée le 26 mai 1995 par la Banque populaire de Toulouse Midi-Pyrénées est engagée pour la réalisation et l'achèvement des travaux de voirie et réseaux divers prescrits par l'arrêté municipal no31 366 94 LH001 délivré le 5 août 1994 par le Maire de la Commune de Montbrun Lauragais ;
Condamne en conséquence la Banque populaire occitane au paiement, pour le compte du lotisseur en liquidation judiciaire, des sommes nécessaires à l'achèvement des travaux ;
Dit que ces sommes seront versées à l'Association syndicale libre du lotissement Domaine de Montbrun sur un compte ouvert au nom de celle-ci au fur et à mesure de l'exécution des travaux et sur justification de celle-ci ;
Avant dire droit sur le montant de ces sommes,
Ordonne une expertise technique,
Commet pour y procéder Monsieur Henri Y..., expert inscrit sur la liste de la cour d'appel de Toulouse avec mission, connaissance prise des pièces du dossier, de :
-se rendre sur les lieux, décrire les travaux qui n'ont pas été réalisés en exécution de l'arrêté portant autorisation de lotir et les chiffrer au vu de devis d'entreprises, en précisant si une maîtrise d'oeuvre mérite d'être prévue dont il conviendra d'évaluer le coût ;
-entendre tout sachant, et notamment la ou les personnes en charge du dossier à la direction départementale de l'équipement,
-donner tous avis utiles à la solution du litige et, après diffusion d'un projet de rapport, répondre aux dires des parties ;
Dit que, sauf prorogation, l'expert déposera un rapport de ses opérations dans les quatre mois de l'avis de la consignation émis par le greffe de la Cour ;
Fixe à 2. 000 € le montant de la consignation que l'Association syndicale libre du lotissement Domaine de Montbrun devra déposer au greffe de la Cour dans le délai d'un mois de la présente décision ;
Déboute la Banque populaire occitane de sa demande de dommages et intérêts ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Rejette la demande formée par la Banque populaire occitane ;
Condamne la Banque populaire occitane à payer à l'Association syndicale libre du lotissement Domaine de Montbrun la somme de 3. 000 € ;
Condamne la Banque populaire occitane aux entiers dépens de l'instance exposés jusqu'à présent, lesquels comprendront les honoraires de l'expert, en ce compris ceux exposés tant en premier ressort qu'en appel, et reconnaît pour ceux d'appel, à la SCP SOREL DESSART SOREL, avoué qui en a fait la demande, le droit de recouvrement direct prévu à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIER : LE PRESIDENT :