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11/01/2008 | FRANCE | N°06/03082

France | France, Cour d'appel de Toulouse, Ct0036, 11 janvier 2008, 06/03082


11 / 01 / 2008

ARRÊT No

No RG : 06 / 03082
MP P / HH

Décision déférée du 22 Mai 2006-Conseil de Prud'hommes de TOULOUSE-04 / 03003
Bernard VINCENT

John AA...

C /

Société AIRBUS MOBILITY SAS

REFORMATION PARTIELLE

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4ème Chambre Section 2-Chambre sociale
***
ARRÊT DU ONZE JANVIER DEUX MILLE HUIT
***

APPELANT (S)

Monsieur John AA...
Lieu Dit Gragnague
7 avenue du Lauragais
31290 MONTGAILLA

RD LAURAGAIS

représenté par la SCP SABATTE L'HOTE, avocats au barreau de TOULOUSE substituée par Me Cécile ROBERT, avocat au barreau de TOULOUSE

INT...

11 / 01 / 2008

ARRÊT No

No RG : 06 / 03082
MP P / HH

Décision déférée du 22 Mai 2006-Conseil de Prud'hommes de TOULOUSE-04 / 03003
Bernard VINCENT

John AA...

C /

Société AIRBUS MOBILITY SAS

REFORMATION PARTIELLE

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4ème Chambre Section 2-Chambre sociale
***
ARRÊT DU ONZE JANVIER DEUX MILLE HUIT
***

APPELANT (S)

Monsieur John AA...
Lieu Dit Gragnague
7 avenue du Lauragais
31290 MONTGAILLARD LAURAGAIS

représenté par la SCP SABATTE L'HOTE, avocats au barreau de TOULOUSE substituée par Me Cécile ROBERT, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIME (S)

Société AIRBUS MOBILITY SAS venant aux droits de la SA INTERNATIONAL SCHOOL OF TOULOUSE
2 allée de l'Herbaudière
Route de Pibrac
31770 COLOMIERS

représentée par Me Magali LAUBIES, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 15 Novembre 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :

P. de CHARETTE, président
F. BRIEX, conseiller
M. P. PELLARIN, conseiller
qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : D. FOLTYN-NIDECKER

ARRET :
-CONTRADICTOIRE
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile
-signé par P. de CHARETTE, président, et par D. FOLTYN-NIDECKER, greffier de chambre.

FAITS ET PROCÉDURE

M. John AA... a été salarié de la S. A. S INTERNATIONAL SCHOOL OF TOULOUSE (dénommée ci-après I. S. T) en qualité de professeur d'anglais et directeur des études puis de directeur adjoint du 18 novembre 1999 au 16 juillet 2004, son licenciement pour motif économique lui ayant été notifié le 16 avril 2004. Il percevait dans le dernier état de la relation contractuelle une rémunération brute de près de 6. 000 €.

Il a saisi le Conseil de Prud'hommes de TOULOUSE le 21 décembre 2004 aux fins de voir juger que par son comportement fautif, l'employeur avait contribué à la dégradation de son état de santé et pour obtenir le paiement d'une somme de 71. 274,24 € de dommages-intérêts.

Par jugement du 22 mai 2006, le Conseil de prud'hommes lui a alloué la somme de 100 € pour insuffisance de mise en oeuvre par l'employeur de moyens adaptés en exécution de l'obligation de sécurité fixée par l'article L 230-2 du Code du travail, ainsi qu'une somme de 800 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, mais l'a débouté du reste de ses demandes.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Régulièrement appelant, M. John AA... maintient sa demande initiale en paiement de dommages-intérêts, en faisant valoir qu'il présente des éléments de fait caractérisant l'existence d'un harcèlement, et que son action s'inscrit également dans le cadre de l'application combinée des articles L230-2 du Code du travail et 1382 du Code civil.

Il estime démontrer l'atteinte à ses conditions de travail provoquée par l'attitude de l'I. S. T, attitude qui selon lui a compromis de façon définitive son avenir professionnel.

Il sollicite une indemnité de 2. 500 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La S. A. S AIRBUS MOBILITY, qui vient aux droits de l'I. S. T, conteste tout agissement ayant pu nuire à M. John AA..., ainsi que tout lien avec les problèmes médicaux qu'il a pu connaître. Elle soutient avoir mené les actions nécessaires de prévention des risques professionnels, conclut par réformation partielle du jugement au débouté de M. John AA... et réclame la somme de 3. 000 € de dommages-intérêts pour comportement déloyal de son ancien salarié, celle de 3. 000 € pour procédure abusive, ainsi qu'une indemnité de 4. 000 € en remboursement des frais exposés pour sa défense. Ce n'est que très subsidiairement qu'elle suggère l'organisation d'une expertise sur le contexte des relations de travail.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Au soutien de son action, M. John AA... reproche à la Direction de l'I. S. T :

-de l'avoir " lâché " lors de l'affaire dite " BARBEAU ", relative à la découverte sur un ordinateur d'images à caractère sexuel, ayant donné lieu à une plainte déposée par M. John AA... en mars 2001 et classée sans suite en avril suivant,

-de ne pas l'avoir soutenu face à des critiques ouvertes sur son travail, transmises par des collègues au moyen de courriers électroniques, et au contraire de l'avoir humilié en abandonnant brutalement le projet qu'il aurait élaboré,

-de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour protéger la santé de son salarié, victime de la dégradation de ces relations professionnelles.

M. John AA... ne fournit aucun élément objectif relatif au premier incident. L'attestation de son épouse, également professeur dans l'école, devant être écartée en raison des risques évidents de partialité, seule demeure celle de M. MATTHEWS, qui relate son appréciation de l'attitude du directeur M. ABISTON sans citer d'éléments précis susceptibles de vérifier d'une part la réalité des attaques contre M. John AA..., d'autre part la passivité fautive de M. ABISTON.

L'appelant ne démontre pas non plus avoir été contraint d'abandonner un projet, ni avoir subi d'humiliation du fait du directeur.

L'échange de courriers électroniques, dont certains collectifs, intervenus les 12 décembre 2002,29 janvier et 19 février 2003 témoigne en revanche de ce que, à l'occasion d'un projet qu'il élaborait pour améliorer la section " 7 Year " M. John AA..., aisément identifiable bien que son nom ne soit pas toujours cité, a été de la part d'un collègue par ailleurs délégué du personnel suppléant, M. ARDLEY, la cible de critiques publiques, mettant directement en cause ses compétences et son utilité, puisque son remplacement y était même réclamé.

Ces faits qui révèlent l'abus par un salarié représentant du personnel de son droit d'expression dans un contexte purement professionnel ne peuvent caractériser un harcèlement moral, lequel suppose des agissements répétés de l'employeur ou de ceux sur lesquels il exerce un pouvoir de contrôle et de direction, envers le salarié qui en est victime et qui ont pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des relations de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale.

Pour autant, il n'est pas contestable qu'ils révélaient un climat de tension grave, qu'ils ont exposé M. John AA... à un risque sérieux de dégradation de son état de santé, et que l'employeur ne pouvait qu'en avoir conscience, le directeur étant le destinataire des courriels litigieux, mais également destinataire de deux lettres du médecin du travail de décembre 2002 et novembre 2003 attirant son attention sur le climat de stress dont se plaignaient les salariés et sur la nécessité d'agir. En outre, M. John AA... a été victime d'un infarctus du myocarde en mars 2003. Enfin, il apparaît à la lecture d'un courriel d'un collègue faisant suite à une réunion du 29 octobre 2003 que M. John AA... ne bénéficiait pas du respect auquel il pouvait prétendre de la part de certains enseignants.

Il appartenait donc à l'I. S. T, en vertu de l'article L 230-2 du Code du travail, de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ce salarié qu'elle savait en butte à des attaques professionnelles injustifiées. Or la réplique du Directeur, M. ABISTON, sollicité expressément par M. John AA... (cf. réunion du 19 février) qui s'est borné à répondre dans un courriel collectif du 20 février sur la dernière critique émise par M. ARDLEY et à le recevoir pour faire cesser son comportement s'est manifestement révélée insuffisante, le climat délétère, imputé par les salariés au comportement de certaines personnes, à l'absence de dialogue et de respect mutuel étant rapporté par le médecin du travail en novembre 2003. De la même façon, les recommandations du groupe de travail chargé de réfléchir dès fin 2002 à l'amélioration de la communication, sur un plan organisationnel, n'ont pas réglé les difficultés. Enfin, conscient de la persistance des problèmes fin 2003, l'employeur n'a pas entrepris de démarche sérieuse aux fins de protéger la santé de ses salariés : seules ont eu lieu une réunion du comité d'entreprise en présence du médecin du travail le 12 décembre 2003 décidant de la saisine du C. H. S. C. T, une réunion du C. H. S. C. T du 15 janvier 2004 concluant à la nécessité de l'intervention d'un psychologue chargé de l'aider pour l'élaboration d'un questionnaire puis d'analyser les réponses. Aucune suite n'a été donnée à ce projet.

S'il ne peut être établi de lien patent entre les conditions de travail moralement difficiles auxquelles était soumis M. John AA... et l'infarctus qu'il a subi (aucun document médical relatif aux causes de cet accident cardiaque n'est produit), il en va différemment de l'état de stress dégénérant en syndrome dépressif en 2004, dépression constatée tant par son médecin traitant que par le cardiologue, l'attestation de M. MATTHEWS confirmant si besoin ce lien entre cette pathologie et la déconsidération dont a fait l'objet M. John AA....

Doit être ainsi indemnisé par l'employeur le préjudice correspondant à ce grave mal être durant deux années, étant observé que M. AA... ne justifie pas d'une perturbation dans sa vie professionnelle après la rupture de son contrat de travail. La Cour dispose des éléments suffisants pour l'évaluer à la somme de 20. 000 €.

Le sort réservé à la demande de M. John AA... implique le rejet des prétentions adverses de la S. A. S AIRBUS MOBILITY.

En application de l'article 700 du Code de procédure civile, il est alloué à M. John AA... seul l'indemnité fixée au dispositif de cette décision.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Réforme le jugement déféré sur le montant des dommages-intérêts alloués à M. John AA....

Et statuant à nouveau sur ce point,

Condamne la S. A. S AIRBUS MOBILITY à payer à M. John AA... la somme de 20. 000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par le manquement de l'employeur aux obligations visées par l'article L 230-2 du Code du travail.

Confirme le jugement en toutes ses autres dispositions.

Y ajoutant,

Condamne la S. A. S AIRBUS MOBILITY à payer à M. John AA... une indemnité de 1. 500 € en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et la déboute de sa demande à ce titre.

Condamne la S. A. S AIRBUS MOBILITY au paiement des dépens.

Le présent arrêt a été signé par M. P. de CHARETTE, président et par Mme D. FOLTYN-NIDECKER, greffier.

Le greffierLe président

Dominique FOLTYN-NIDECKERPatrice de CHARETTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : Ct0036
Numéro d'arrêt : 06/03082
Date de la décision : 11/01/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Toulouse, 22 mai 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2008-01-11;06.03082 ?
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