14/12/2007
ARRÊT No
No RG : 05/06601
CP/CS
Décision déférée du 08 Novembre 2005 - Conseil de Prud'hommes de TOULOUSE - 03/00663
HYLAIRE Sylvie
Didier MOREREAU-HOFFER
C/
SARL EMIN NABEDIAN
REFORMATION
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4ème Chambre Section 2 - Chambre sociale
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ARRÊT DU QUATORZE DECEMBRE DEUX MILLE SEPT
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APPELANT(S)
Monsieur Didier MOREREAU-HOFFER
3 rue Denfert Rochereau
31000 TOULOUSE
représenté par Me DENJEAN, M.C ETELIN, C.ETELIN, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIME(S)
SARL EMIN NABEDIAN prise en la personne de son liquidateur amiable Madame Denise NABEDIAN EMIN
1 bis avenue des Sports
31150 FENOUILLET
représentée par Me François XUEREB, avocat au barreau de TOULOUSE substitué par Me Frédéric SIMONIN, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 18 Octobre 2007, en audience publique, devant la Cour composée de:
P. DE CHARETTE, président
C. PESSO, conseiller
C. CHASSAGNE, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : D. FOLTYN-NIDECKER
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile
- signé par P. DE CHARETTE, président, et par D. FOLTYN-NIDECKER, greffier de chambre.
FAITS ET PROCÉDURE
M. MOREREAU a été engagé en qualité de vendeur par la société EMIN NABEDIAN, selon un contrat de travail initiative-emploi à durée indéterminée daté du 12 avril 1999, à effet du 26 avril 1999, à temps partiel devenu à temps plein à compter de 1o août 2000.
L'employeur a délivré au salarié deux avertissements les 10 et 13 décembre 2002.
Il lui a adressé le 7 janvier 2003 une lettre lui notifiant une mise à pied à titre conservatoire et le convoquant à un entretien préalable, qui a eu lieu le 10 janvier.
Par lettre recommandée envoyée le 17 janvier 2003, il lui a notifié son licenciement pour faute grave caractérisée par des agressions verbales, insultes, violences et absence à la visite médicale de reprise du travail, faits du 12 décembre 2002 et du 7 janvier 2003.
M. MOREREAU a saisi le conseil de prud'hommes de Toulouse, lequel, par jugement de départition en date du 8 novembre 2005, a dit que le licenciement repose sur une faute grave, a débouté le salarié de ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail ainsi que de celles en paiement d'un rappel de salaire pour la période du 12 au 26 avril 1999, d' heures supplémentaires et d'un reliquat de congés payés.
Par lettre recommandée envoyée au greffe le 17 décembre 2005, M. MOREREAU a régulièrement relevé appel de ce jugement qui lui a été notifié le 22 novembre 2005.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. MOREREAU, par conclusions déposées au greffe le 24 octobre 2006 soutenues à l'audience de plaidoiries, demande à la cour de réformer le jugement entrepris, d'annuler les avertissements, de dire que le licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse, est abusif et vexatoire, de condamner la société EMIN NABEDIAN à lui remettre le certificat de travail et l'attestation destinée à l' ASSEDIC conformes à la présente décision, sous astreinte et à lui payer:
- 20.000€ à titre de dommages-intérêts,
- 2.000€ à titre d' indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,
- 4.327,28€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 432,72€ à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,
- 229€ au titre de l' indemnité de licenciement,
- 2.001,73€ à titre de complément d' heures supplémentaires,
- 200,17€ à titre d' indemnité de congés payés sur heures supplémentaires,
- 281,27€ à titre de rappel de salaire entre le 12 et le 26 avril 1999,
- 28,12€ à titre d' indemnité de congés payés sur rappel de salaire,
- 455,23€ à titre de complément d' indemnité de congés payés,
- 1.500€ sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Il fait valoir les moyens suivants:
- la procédure de licenciement est irrégulière, le délai séparant la convocation et l'entretien préalable étant inférieur à 5 jours;
- les griefs motivant le licenciement ne peuvent être établis par les attestations produites par l' employeur alors que certains sont antérieurs à un avertissement qui ne les a pas mentionnés et a purgé de tels faits, et les autres sont du 7 janvier 2003, jour où le contrat de travail a été une nouvelle fois suspendu à partir de 10 heures; la résiliation du contrat par l' employeur est en réalité motivée par les problèmes personnels de la gérante de l' entreprise et par l'embauche de sa fille en décembre 2002;
- les deux avertissements sont fondés sur des faits inexacts;
- toutes les heures supplémentaires accomplies n'ont pas été payées, ainsi que cela résulte du relevé d'horaires qu'il a établi, corroboré par les bulletins de paye et plusieurs attestations et qui n'est pas contredit par l' employeur, lequel ne fournit aucun élément à ce titre;
- il a commencé à travailler le 12 avril 1999 et non le 26 date figurant sur le contrat avec une surcharge.
La société EMIN NABEDIAN, par conclusions écrites déposées au greffe le 15 mars 2007 présentées oralement, sollicite la confirmation du jugement déféré tout en demandant la condamnation de M. MOREREAU à lui payer 1.000€ sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle soutient que:
- le comportement de M. MOREREAU caractérise la faute grave puisqu'après avoir fait l'objet de deux avertissements, il a commis des actes répétés de brutalités et insultes sur la personne de la gérante de l' entreprise ainsi qu'un refus de respecter les directives, faits qui sont établis par plusieurs attestations que les premiers juges ont retenues à juste titre, alors que les explications du salarié sont de mauvaise foi;
- l'intéressé n'a effectué aucune heure supplémentaire impayée et n'établit rien à cet égard; il a été intégralement payé pour les jours de congés et pour les premiers jours de travail.
MOTIVATION
Sur les rappels de salaire
Sur le début de la relation contractuelle
Le conseil de prud'hommes a énoncé de manière pertinente, par des motifs que la cour adopte, que les conventions signées par les parties – contrat de travail et avenant – mentionnent que l'emploi du salarié a débuté le 26 avril 1999 et qu'il importe peu que cette date soit « surchargée » sur le contrat initiative-emploi conclu entre l' employeur et l' ANPE.
M. MOREREAU n'apportant aucun élément de preuve utile de ce qu'il aurait commencé à travailler pour le compte de la société EMIN NABEDIAN avant cette date, sa demande de paiement de salaire pour la période du 12 au 25 avril 1999 sera rejetée.
Sur les heures supplémentaires
M. MOREREAU verse aux débats des tableaux récapitulatifs de ses heures de travail assortis de commentaires personnels qu'il a établis, certainement au fur et à mesure, à la suite d'une visite en date du 3 avril 2001 au contrôleur du travail, lequel lui a remis un document manuscrit et signé retraçant quelques règles en matière d' heures supplémentaires.
Ces documents qui sont corroborés par quelques attestations de clients de l' entreprise établissant que M. MOREREAU travaillait tard le soir ou durant l'heure du déjeûner suffisent à étayer sa demande en paiement d' heures supplémentaires, laquelle tient compte des sommes mentionnées à ce titre sur les bulletins de salaire.
La société EMIN NABEDIAN n'apportant aucun élément de nature à justifier que le décompte du salarié est inexact et à déterminer le nombre précis d' heures de travail accomplies par celui-ci, la somme réclamée par M. MOREREAU, soit 2.001,73€ brut, doit lui être accordée à titre de rappel de salaire outre l'indemnité compensatrice de congé payés correspondante.
Sur les congés payés
A l'examen des bulletins de salaire, il apparaît que M. MOREREAU a pris en janvier 2002, en dehors de la période du 1o mai au 31 octobre 2001, 8 jours de congés payés acquis pendant la période du 1o mai 2000 au 30 avril 2001, de sorte que, conformément aux dispositions de l'article L223-8 du code du travail, il avait droit à deux jours de congés dits de « fractionnement ».
En revanche, n'ayant pris aucun congé durant la période allant de novembre 2002 à son licenciement, il ne pouvait pas prétendre à des congés de ce type pour la période du 1omai 2001au 30 avril 2002 ni à fortiori ni pour la période ultérieure.
La société EMIN NABEDIAN, qui lui a payé lors de la rupture du contrat de travail une indemnité compensatrice de congés payés de 34 jours ne comprenant pas les 2 jours de fractionnement, est donc redevable de la somme de 153,47€ à ce titre.
Sur les avertissements
Les avertissements délivrés au salarié étaient motivés, le premier par des insultes, des reproches à l'égard de la gérante de l' entreprise et des départs sans son autorisation les 8 novembre et 10 décembre 2002, le second par l'absence de l'intéressé le 11 décembre à partir de 15 heures.
Dès lors que l' employeur n'apporte aucun élément de preuve de la réalité des faits reprochés à l' intéressé qui les conteste, la demande d'annulation de ces sanctions, formulée pour la première fois en appel , sera accueillie.
Sur le licenciement
La lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement ayant été présentée au salarié le 7 janvier 2003 et l'entretien ayant eu lieu le 10 janvier suivant, le délai de 5 jours ouvrables entre les deux, exigé par l'article L122-14 du code de travail alors applicable aux entreprises n'ayant pas d'institutions représentatives du personnel, comme la société EMIN NABEDIAN, n'a pas été respecté.
Cette irrégularité de procédure justifie l'attribution à M. MOREREAU, employé dans une entreprise occupant moins de 11 salariés, d'une indemnité de 500€.
La lettre de licenciement pour faut grave de M. MOREREAU est ainsi motivée:
«Vous avez agressé verbalement, insulté et porté des attaques diffamatoires vis à vis de la gérante Mme NABEDIAN, notamment les 12 décembre 2002 et 7 janvier 2003. Nous vous rappelons que vous aviez fait l'objet d'un avertissement le 10 décembre 2002 pour ce même type d'agissement.
Vous avez quitté le lieu de travail le 7 janvier 2003 sans explication et de manière totalement soudaine. Nous vous rappelons que vous aviez fait l'objet d'une avertissement le 11 décembre 2002 pour ce même type de comportement.
Vous avez agressé physiquement la gérante le 12 décembre 2002, la saisissant par le bras et la poussant violemment.
Vous ne vous êtes pas présenté le 7 janvier 2003 à la visite médicale de reprise du travail.
Cette attitude met en cause la bonne marche de l' entreprise. »
Les faits reprochés au salarié pour la journée du 12 décembre 2002 ne peuvent être considérés comme établis par les attestations de Mmes CARRIERE et LE CARDINAL selon lesquelles l'intéressé a bousculé Mme NABEDIAN en lui tapant le bras contre le comptoir du magasin.
En effet, d'une part, la première de ces attestations comporte une contradiction, étant datée deux fois, l'une du jour même des faits, 12 décembre 2002, l'autre du 12 décembre 2003; d'autre part, Mme NABEDIAN n'a fait mention de cet incident, pourtant particulièrement sérieux, ni dans l'avertissement délivré quelques jours plus tard pour une absence injustifiée, ni lors de l'entretien préalable au cours duquel, selon le compte-rendu non contesté établi par le conseiller du salarié, la gérante de l' entreprise a indiqué avoir été frappée le 7 janvier 2003.
Les faits reprochés à M. MOREREAU pour la journée du 7 janvier 2003 ne peuvent pas non plus être considérés comme prouvés par les attestations de Mmes BESSON, HABIB et MOULIERES qui font état d'une agression verbale et d'insultes de la part du salarié à l'égard de son employeur.
En effet, ces attestations sont suspectes, en raison non seulement de leur imprécision, mais également des dires contradictoires de Mme NABEDIAN lors de l'entretien préalable. En outre, le salarié produit des certificats médicaux selon lesquels le 7 janvier 2003, entre 9 et 10 heures, il a consulté son médecin traitant qui lui a prescrit un arrêt de travail jusqu'au 1o février 2003, ce qui fait présumer qu'il n'a pas ce jour là rejoint son poste de travail.
Ainsi, contrairement à ce que les premiers juges ont énoncé, la société EMIN NABEDIAN n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de la véracité des griefs de violences physiques, d'insultes, d'absence injustifiée.
Elle ne démontre pas non plus, comme le conseil de prud'hommes l' a à juste titre retenu, que le salarié était avisé qu'il devait se rendre le 7 janvier 2003 dans l'après-midi à une visite médicale. En conséquence, le licenciement de M. MOREREAU ne repose ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse.
Compte tenu de l'ancienneté de M. MOREREAU, de son âge - 44 ans -, de son salaire moyen des trois derniers mois -1757,19€ - , de sa situation de maladie et de chômage jusqu'à fin 2005, il doit être indemnisé, par application de l'article L122-14-5 du code de travail, par la somme de 15.000€ qui se cumule avec l'indemnité accordée pour l'irrégularité de la procédure.
Le salarié devra en outre percevoir:
- 2.777,48€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis pour la période du 2 février au 20 mars 2003 ( le salarié étant en arrêt pour maladie jusqu'au 1o février 2003),
- 277,74€ à titre d'indemnité de congés payés correspondants,
- 229€ au titre de l' indemnité de licenciement.
L'employeur devra remettre au salarié un certificat de travail et une attestation destinée à l' ASSEDIC conformes à la présente décision, sous astreinte de 20€ par jour de retard à l'issue du délai de 15 jours à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les demandes annexes
La société EMIN NABEDIAN devra supporter les entiers dépens.
Elle sera également condamnée à payer à M. MOREREAU la somme de 1.500€ sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Réforme le jugement du conseil de prud'hommes de Toulouse en date du 8 novembre 2005, sauf en ce qu'il a débouté M. MOREREAU de ses demandes en paiement de rappel de salaire et de congés payés correspondants,
Statuant à nouveau sur les chefs réformés et ajoutant au jugement,
Annule les avertissements des 10 et 13 décembre 2002,
Dit que le licenciement de M. MOREREAU ne repose ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse,
Condamne la société EMIN NABEDIAN à payer à M. MOREREAU:
- 2.001,73€ à titre de complément d' heures supplémentaires,
-
- 200,17€ à titre d' indemnité de congés payés sur heures supplémentaires,
-
- 153,47€ à titre d'indemnité compensatrice de congés payés de « fractionnement »,
-
- 500€ à titre d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement
- ,
- 15.000€ à titre de dommages-intérêts pour licenciement injustifié
- ,
- 2.777,48€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 277,74€ à titre d'indemnité de congés payés correspondants,
- 229€ au titre de l' indemnité de licenciement,
- 1.500€ sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Condamne la société EMIN NABEDIAN à remettre à M. MOREREAU un certificat de travail et une attestation destinée à l' ASSEDIC conformes à la présente décision, sous astreinte de 20€ par jour de retard à l'issue du délai de 15 jours à compter de la notification du présent arrêt,
La condamne aux entiers dépens.
Le présent arrêt a été signé par M. P. de CHARETTE, président et par Mme D. FOLTYN-NIDECKER, greffier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
D. FOLTYN-NIDECKER P. DE CHARETTE