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30/11/2007 | FRANCE | N°06/05134

France | France, Cour d'appel de Toulouse, Ct0036, 30 novembre 2007, 06/05134


30 / 11 / 2007

ARRÊT No

No RG : 06 / 05134
CC / DN

Décision déférée du 12 Octobre 2006-Conseil de Prud'hommes de TOULOUSE-05 / 03136
G. X...

SARL NOUVELLES EDITIONS LOUBATIERES
Jocelyne Y...
Z...

C /

Michèle A...
A. G. S.-C. G. E. A. MIDI-PYRENEES

CONFIRMATION PARTIELLE

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4ème Chambre Section 2-Chambre sociale
***
ARRÊT DU TRENTE NOVEMBRE DEUX MILLE SEPT
***

APPELANT (S)

SARL NOUVELLES E

DITIONS LOUBATIERES
10 bis boulevard de l'Europe BP 27
31122 PORTET SUR GARONNE

Société en redressement judiciaire
représentée par Me Jean-Pierre ...

30 / 11 / 2007

ARRÊT No

No RG : 06 / 05134
CC / DN

Décision déférée du 12 Octobre 2006-Conseil de Prud'hommes de TOULOUSE-05 / 03136
G. X...

SARL NOUVELLES EDITIONS LOUBATIERES
Jocelyne Y...
Z...

C /

Michèle A...
A. G. S.-C. G. E. A. MIDI-PYRENEES

CONFIRMATION PARTIELLE

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4ème Chambre Section 2-Chambre sociale
***
ARRÊT DU TRENTE NOVEMBRE DEUX MILLE SEPT
***

APPELANT (S)

SARL NOUVELLES EDITIONS LOUBATIERES
10 bis boulevard de l'Europe BP 27
31122 PORTET SUR GARONNE

Société en redressement judiciaire
représentée par Me Jean-Pierre CEZANNE, avocat au barreau de TOULOUSE

Maître Jocelyne B..., mandataire judiciaire de la Sarl Nouvelles Editions C...
...
31000 TOULOUSE

non comparant, bien que régulièrement convoquée

Maître Z..., administrateur judiciaire de la Sarl Nouvelles Editions LOUBATIERES
...
31000 TOULOUSE

représenté par Me Jean-Pierre CEZANNE, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIME (S)

Madame Michèle A...
...
31470 FONSORBES

comparant en personne, assistée de la SCP BRUNEL et ASSOCIES, avocats au barreau de TOULOUSE substituée par Me Arnault CHARRIERE, avocat au barreau de TOULOUSE

A. G. S.-C. G. E. A. MIDI-PYRENEES
72 rue Riquet BP 846
31015 TOULOUSE CEDEX 6

représentée par Me Bruno VACARIE, avocat au barreau de TOULOUSE substitué par Me Elodie BAYER, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 18 Octobre 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :

P. DE CHARETTE, président
C. PESSO, conseiller
C. CHASSAGNE, conseiller
qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : D. FOLTYN-NIDECKER

ARRET :
-REPUTE CONTRADICTOIRE
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile
-signé par P. DE CHARETTE, président, et par D. FOLTYN-NIDECKER, greffier de chambre.

FAITS ET PROCEDURE :

Embauchée à compter du 18 septembre 1989 en qualité d'aide comptable puis de comptable par la SA EDITIONS LOUBATIERES, devenue la SARL Nouvelles Editions LOUBATIERES après cession dans le cadre d'une liquidation judiciaire, Michèle A... était licenciée pour faute grave par courrier du 15 décembre 2005, après avoir été mise à pied dès sa convocation à l'entretien préalable par lettre du 30 novembre.

Le 22 décembre 2005, elle saisissait le conseil de prud'hommes de Toulouse pour contester cette sanction et réclamer diverses indemnités.

Par jugement en date du 12 octobre 2006, le conseil, estimant que le licenciement ne reposait ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse, condamnait la SARL Nouvelles Editions LOUBATIERES à payer à Michèle A... les sommes suivantes :

-20 837,39 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement
-3 268,16 euros au titre du délai congé ainsi que 326,81 euros de congés payés afférents
-1 037,01 euros de rappel de salaire au titre de la mise à pied ainsi que 103,71 euros de congés payés afférents
-26 145 euros à titre de dommages et intérêts
-1500 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
-

La SARL Nouvelles Editions LOUBATIERES interjetait régulièrement appel de cette décision le 3 novembre 2006.

Suite à la déclaration de cessation des paiements déposée le 31 octobre 2006, la SARL Nouvelles Editions LOUBATIERES était placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Toulouse en date du 10 novembre 2006, Maître Jocelyne B... étant désignée comme mandataire judiciaire et la SELARL Vincent MEQUINION en qualité d'administrateur judiciaire.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :

La SELARL Vincent MEQUINION, administrateur judiciaire de la SARL Nouvelles Editions LOUBATIERES, demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris pour débouter Michèle A... de l'ensemble de ses demandes et la condamner à lui verser 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle indique que les motifs du licenciement de Michèle A... sont de deux ordres, d'une part, le contenu des deux courriers que la salariée a adressés au gérant les 28 octobre et 25 novembre 2005 et, d'autres part, les irrégularités comptables qui sont apparues lors du contrôle de la comptabilité auquel le gérant a fait procéder dès réception de la première de ces lettres.

Elle maintient que la lettre de licenciement est suffisamment précise, que les faits invoqués sont matériellement vérifiables et ne sont ni amnistiés ni prescrits puisque le gérant n'en n'a eu connaissance qu'à l'occasion de ce contrôle et que ces fautes rendaient impossible le maintien du lien contractuel.

Elle souligne que c'est au moment du départ en retraite de Monsieur C..., fondateur de l'entreprise, dont Michèle A... était proche, que celle-ci a mis en place une stratégie de rupture aux torts de l'employeur en adressant par écrit des accusations totalement infondées car elle craignait la découverte par la nouvelle direction des irrégularités de la tenue de la comptabilité dont elle avait seule la responsabilité.

Elle affirme que les motifs du licenciement ont bien été exposés à la salariée lors de l'entretien préalable et qu'aucune irrégularité n'entache la procédure de licenciement.

Elle relève que Michèle A... calcule l'indemnité de licenciement qu'elle réclame sur la base d'une disposition conventionnelle dont elle ne peut bénéficier.

Elle ajoute que le conseil de prud'hommes a commis une erreur de droit en la condamnant à payer des dommages et intérêts sur le fondement de l'article L122-14-4 du code du travail alors que l'entreprise comporte moins de 10 salariés.

Elle estime enfin que Michèle A... n'apporte aucune preuve d'un préjudice spécifique et précise que les sommes exorbitantes fixées par le conseil de prud'hommes l'ont placée en état de cessation des paiements.

Michèle A... conclut à la confirmation du jugement sur le principe de l'absence de cause du licenciement et les sommes qui lui ont été allouées au titre du préavis et du rappel de salaire sur la période de mise à pied mais à sa réformation pour le surplus et réclame :

-26 826,14 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
-49 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
-3 268,16 euros d'indemnité pour procédure irrégulière
-3500 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle soutient que les derniers mois de la relation contractuelle ont été ponctués d'obstacles graves à l'exercice normal de ses fonctions dont elle a fait état dans un courrier adressé au gérant le 28 octobre 2005, qu'en l'absence de réponse, elle lui demandait par un second courrier du 25 novembre de la recevoir mais la seule réponse fût sa convocation à un entretien préalable au licenciement.

Elle considère que la procédure de licenciement est irrégulière car :

-l'imprécision des griefs invoqués lors de l'entretien préalable et dans la lettre de rupture ne lui a pas permis de se défendre efficacement.

-l'utilisation du verbe confirmer dans la lettre de licenciement démontre que la décision de la licencier était déjà prise avant.

-l'employeur ne rapporte pas la preuve de la date à laquelle il a pris connaissance des fautes qu'il lui reproche alors qu'il invoque des faits très anciens.

Elle soutient que dès avant son embauche officielle le 9 novembre 2005, l'épouse du gérant, Line D... avait pris la charge de la direction financière qu'elle-même assurait antérieurement, ce qui justifiait l'inquiétude manifestée par son courrier du 28 octobre.

Elle discute et conteste les divers griefs invoqués par l'employeur à l'appui de son licenciement et souligne que beaucoup sont largement prescrits ou même amnistiés.

Elle stigmatise la brutalité de son éviction de l'entreprise et indique ne pas avoir retrouvé d'emploi alors qu'elle assume seule la charge d'un enfant.

L'AGS, après avoir rappelé les conditions et limites de sa garantie, s'associe aux conclusions de l'employeur pour conclure au débouté des prétentions de Michèle A... et soutient que l'indemnité liée à l'irrégularité de la procédure ne se cumule pas avec celle allouée au titre de l'article L122-14-4 du code du travail.

Elle estime que les sommes réclamées au titre du caractère prétendument abusif du licenciement doivent être réduites.

Me DUTO, bien que régulièrement convoqué devant la Cour n'a pas comparu.

SUR QUOI :

Sur le contexte :

Attendu que Michèle A... a été embauchée en 1989 par Monsieur Francis C... comme aide comptable, puis comme comptable alors qu'il était le dirigeant de la SA Editions C... ; que cette société a fait l'objet en 2000 d'une liquidation judiciaire dans le cadre de laquelle le fonds de commerce et les salariés ont été repris par la SARL Nouvelles Editions LOUBATIERES dont le gérant minoritaire est Maxence E..., Monsieur Francis C... gardant le poste de directeur éditorial salarié ; que Monsieur C... prenait sa retraite le 31 octobre 2005 après avoir cédé les 90 % de parts de la SARL qu'il détenait à Maxence E... (40 %), son épouse Line G... (30 %) et Michel F... (30 %), cession intervenue le 25 octobre 2005 ; que les pièces versées aux débats démontrent que Michèle A... avait d'excellentes relations avec Monsieur C... et a mal vécu ce départ ;

Sur la procédure de licenciement :

Attendu qu'il résulte des pièces produites que Michèle A... a été convoquée à un entretien préalable fixé au 12 décembre 2005 et mise à pied à compter du 1er décembre 2005, par lettre recommandée du 30 novembre 2005 ; que la salariée s'est présentée à cet entretien accompagné d'un conseiller qui n'a pas établi de compte rendu ; que la lettre de licenciement a été expédiée en recommandé le 15 décembre 2005 ; que la SARL Nouvelles Editions LOUBATIERES a donc respecté les formes et délais prescrits par l'article L122-14 du code du travail ; que si l'emploi du verbe " confirmer " dans la lettre de licenciement est maladroit, il ne démontre pas à lui seul que la décision de licenciement était prise avant la mise en œ uvre de la procédure ; que les insuffisances éventuelles de la motivation de la lettre de rupture ne constituent pas une irrégularité de procédure mais ont, le cas échéant, pour effet de rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'au vu de ces considérations, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Michèle A... de sa demande au titre de l'irrégularité de la procédure ;

Sur les motifs du licenciement :

Attendu que le contrat de travail sans limitation de durée peut être rompu à l'initiative de l'une ou de l'autre des parties ; que cependant le licenciement ne peut être justifié que par une cause réelle et sérieuse qui doit être caractérisée par des faits objectifs, matériellement vérifiables que l'employeur est tenu d'énoncer dans la lettre de notification conformément à l'article L122-14-2 du code du travail, laquelle fixe les limites du débat judiciaire ; qu'en matière disciplinaire la cause réelle et sérieuse ne peut être qu'une faute du salarié qu'il appartient à l'employeur de prouver lorsqu'elle est contestée ; que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans ses fonctions pendant la durée du préavis ;

Qu'en outre, en application de l'article L122-44 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ; qu'il appartient donc à l'employeur d'apporter la preuve qu'il a eu connaissance exacte et complète des faits sanctionnés dans les deux mois ayant précédé l'envoi de la convocation à l'entretien préalable ;

Attendu qu'en l'espèce, la lettre de rupture notifiée à Michèle A... est rédigée dans les termes suivants :
« Nous vous confirmons notre décision de licenciement.
Cette décision est motivée par les griefs suivants :
Brusque inexécution de certaines de vos obligations essentielles (échéancier de trésorerie …).
Accusations graves portées à l'encontre du dirigeant mettant en cause la probité de celui-ci.
Allégations prêtant au dirigeant des propos inexacts, de nature à nuire gravement aux rapports de travail.
Ce comportement et ces accusations brusques et réitérées à l'encontre du dirigeant nous ont amené à effectuer des vérifications systématiques de votre activité qui ont abouti également aux constatations reprises ci-après :
Irrégularités graves et répétées en matière de déclarations obligatoires, de nature à engager la responsabilité du dirigeant.
Communication de données confidentielles à des tiers, et communication de données visant à les faire bénéficier de sommes indues.
Ces faits revêtent un caractère grave et légitiment votre licenciement avec effet immédiat … » ;

Attendu sur les deux derniers motifs, qu'il résulte des conclusions et pièces produites par la SARL Nouvelles Editions LOUBATIERES que sont visés les faits suivants :

-pour les irrégularités en matières de déclarations obligatoires :

§ défaut de déclaration de TVA sur les droits d'auteurs jusqu'en décembre 2003 et de mai à octobre 2004
§ erreurs dans les déclarations de TVA sur les droits d'auteurs effectuées entre janvier 2004 et septembre 2005 (sur déclaration ou sous déclaration)
§ erreurs dans les déclarations à l'AGESSA entre le 3ème trimestre 2002 et le 3ème trimestre 2005
§ erreur d'assiette pour le calcul de la CSG et de la RDS depuis le 1er janvier 2003
§ erreur pour le calcul des cotisations établies entre 2001 à 2005 en matière de retraite complémentaire pour les techniciens de la société
§ établissement à la demande du gérant, le 30 décembre 2004, d'un relevé afférent aux droits d'auteur erroné en ce qu'il ne mentionnait pas les avances déjà versées ;
§ erreurs dans la majoration des heures supplémentaires depuis la mise en place de l'accord sur la réduction du temps de travail du 17 décembre 2001 (25 % au lieu de 10 %) ;

-pour la communication de données confidentielles à des tiers :
§ passation d'une écriture le 31 décembre 2004 dans le journal des opérations diverses tendant à provisionner une somme de 34 071 euros sous le libellé « H... litige I... à provisionner » qui concernait en réalité l'ancienne société SA EDITIONS LOUBATIERES dans le but d'avantager son ancien patron ;
§ la mise à contribution de l'aide comptable pour transmettre la copie d'un rapport annoté concernant le litige I...-H....
§ établissement en octobre et novembre 2002, pour le compte de Francis C..., d'un état des sommes versées et dues au titre des droits d'auteur pour l'année 2002 et transmission de cet état au juge commissaire du tribunal de commerce.

Qu'il convient en premier lieu de relever que la SARL Nouvelles Editions LOUBATIERES ne justifie pas du moment où elle aurait eu connaissance de l'ensemble de ces faits dont la plus grande partie était prescrite au jour du déclenchement de la procédure de licenciement ; qu'en effet, aucun rapport d'audit ou de contrôle ni même aucune lettre d'observation du cabinet d'expertise comptable n'est versé aux débats ;

Qu'ensuite, il est patent eu égard à la technicité et à la variété des faits visés que la formulation de la lettre de licenciement ne permettait absolument pas à la salariée de connaître la nature exacte des fautes qui lui étaient reprochées sous le vocable imprécis utilisé ;

Qu'au surplus, il échet de constater que les quatre dernières catégories de fautes incluses dans le premier de ces grief et les deux premières fautes incluses dans le second, n'ont aucun rapport avec le libellé du grief auquel elles sont sensées se rapporter ;

Qu'au vu de ces constatations, ces deux griefs imprécis seront écartés et ne peuvent justifier le licenciement ;

Attendu sur le premier grief, qu'il faut relever d'emblée la mauvaise foi de Michèle A... qui soutient dans ces conclusions ne pas avoir compris avant de recevoir les premières écritures de l'employeur que ce grief concernait les échéanciers de trésorerie alors que cette précision figure dans la lettre de licenciement ;

Que sur le fond, la salariée ne conteste pas que les échéanciers établis par ses soins à compter du mois d'octobre 2005 étaient incomplets par rapport aux précédents mais elle soutient, d'une part, qu'ayant été privée de ses fonctions, elle ne disposait plus de tous les éléments nécessaires et, d'autre part, qu'elle avait fourni à son employeur les renseignements manquants à première demande par une note séparée ; qu'il convient donc de constater que ce deuxième argument annule le premier puisque si elle a pu établir une note sur les éléments manquants c'est bien qu'elle disposait des informations nécessaires, ce qui alimente la thèse de l'employeur sur la mauvaise volonté de la salariée à remplir sa fonction ; qu'eu égard à son rôle de comptable et à la situation délicate de l'entreprise sur le plan financier qui faisait de ces échéanciers un instrument de gestion important, l'attitude de Michèle A... pouvait avoir même à court terme des conséquences fâcheuses pour l'entreprise (découverts bancaires, rejet de chèques remis à des fournisseurs) et à ce titre constituait bien une faute ;

Attendu que le second grief est relatif au contenu de deux courriers adressés à Maxence J..., le gérant de la société les 28 octobre et 25 novembre 2005, dans lesquels la salariée fait état de nombreuses difficultés qu'elle impute à son employeur dont la plupart s'avère en réalité sans fondement comme par exemple :

*elle se plaint de l'absence de réponse au sujet d'une formation, alors que l'employeur démontre qu'au moment où elle écrit cette lettre, Michèle A... savait que cette formation n'aurait pas lieu car elle était attachée à l'utilisation d'un nouveau logiciel qui n'a pas été acheté par l'entreprise en raison du refus des organismes publics d'accorder les subventions nécessaires à son achat ;

* elle évoque la charge que représente pour elle la mise en place obligatoire de la DADSU (télétransmission des déclarations sociales) alors qu'en réalité l'employeur démontre que c'était facultatif ;

* elle se plaint que son ordinateur portable fonctionnait mal, alors que si jusque là, l'ensemble du parc informatique de l'entreprise était obsolète, au moment où la salariée a écrit cette lettre le problème n'existait plus puisque du matériel neuf était installé depuis 20 octobre 2005 ;

* elle prétend avoir été dépossédée de ses attributions sans en fournir aucune preuve tangible ; que le seul élément nouveau est l'arrivée de l'épouse du gérant qui, bien qu'embauchée officiellement en qualité de responsable administrative et financière à compter du 9 novembre 2005 (soit après la première lettre) est intervenue dès le mois d'octobre 2005 pour établir un prévisionnel transmis pour accord au cabinet d'expertise comptable le 27 octobre, destiné à obtenir un prêt de 75. 000 euros de la banque ; que si les documents produits démontre que Madame K...-E..., qui n'a pas de qualification en comptabilité, était l'interface entre la société et ses interlocuteurs extérieurs, ils prouvent également que Michèle A... conservait son rôle de comptable ;
* elle fait état d'une conversation avec autre salarié, Marc Bradfer, qui l'aurait informée de nouvelles instructions du gérant selon lesquelles les appels téléphoniques des auteurs relatifs au règlement de leurs droits seraient désormais gérés par Line K... et non plus par elle, alors que l'employeur produit, d'une part, l'attestation de Monsieur Bradfer qui dément avoir tenu les propos que lui prête Michèle A... et, d'autre part, une pièce écrite de la main de Michèle A... qui démontre qu'elle a continué à prendre des appels d'auteurs ;

Attendu que surtout, dans ces courriers, Michèle A... fait de nombreuses allusions péjoratives pour son employeur notamment dans les termes suivants :

« dans ce contexte vous comprendrez qu'il ne me soit plus possible de répondre à vos instructions lorsque celles-ci sont susceptibles de mettre en cause le professionnalisme dont je fais preuve depuis tant d'années »
« ce qui ne correspond pas à mon éthique de travail et me pèse professionnellement »
« la situation de compromission dans laquelle vous me maintenez »

qu'en réalité, la salariée faisait référence au fait qu'en raison de l'équilibre financier très précaire de la société, le gérant lui demandait de ne payer les factures et autres charges qu'à la dernière limite pour éviter des frais bancaires, ce qui en soi est certainement inconfortable pour un comptable mais n'a rien d'illégal ; que surtout, il résulte des pièces versées aux débats que cette situation n'avait rien de nouveau, car tous les éléments comptables démontrent que cette société (tant l'ancienne que la nouvelle) a toujours été fragile économiquement ; que la SA demandait régulièrement l'échelonnement de ses dettes et avait même fait l'objet, alors que Michèle A... était déjà comptable, d'une évaluation d'office par l'URSSAF pour les années 1997 et 1998, en raison des omissions et insuffisances déclaratives, ce qui prouve que la comptabilité était loin d'être rigoureuse ; que la concomitance entre l'éveil de l'éthique de Michèle A... et le départ de Monsieur C... est pour le moins troublante ; qu'au surplus, au moment où elle a envoyé ces courriers Michèle A... savait pertinemment que Maxence E... était peu disponible car sa mère était en train de mourir ; qu'ajouté à la mauvaise exécution des prévisionnels de trésorerie qu'elle effectuait correctement jusque là, ce manque de loyauté à l'encontre du gérant est bien constitutif d'une faute qui justifiait son licenciement et la prive du droit de réclamer des dommages et intérêts au titre de la rupture ; que toutefois, au regard de la durée de la relation contractuelle qui s'était déroulée sans le moindre incident jusque là, cette faute ne rendait pas impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; que le jugement sera réformé en ce sens ;

Sur les conséquences indemnitaires du licenciement :

Attendu que le licenciement de Michèle A... repose donc sur une faute simple qui constituait une cause réelle et sérieuse de rupture ; que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il lui a alloué des indemnités au titre du délai congé et un rappel de salaire sur la période de mise à pied, dont le calcul et le montant ne sont pas, par ailleurs, utilement critiqués par la SARL NOUVELLES EDITIONS LOUBATIERES ;

Attendu qu'en outre, la salariée peut également prétendre à l'indemnité conventionnelle de licenciement ; qu'il est constant au vu du contrat signé par les parties et des mentions figurant sur les bulletins de salaire, que jusqu'à la cession au profit de la SARL NOUVELLES EDITIONS LOUBATIERES, la relation contractuelle était régie par la convention collective du commerce de gros (car l'objet social était à l'origine la vente de cartes postales) ; qu'en application des dispositions de l'article L 132-8 du code du travail, nonobstant la cession au profit de l'appelante régie par la convention collective de l'édition, la convention collective du commerce de gros continuait de produire effet jusqu'à ce qu'une négociation s'engage dans l'entreprise pour l'adaptation aux dispositions conventionnelles nouvellement applicables ;

Qu'en l'espèce, cette négociation n'a à l'évidence pas été menée et ne pouvait être remplacée par la signature d'un avenant au contrat de travail ; qu'en conséquence, Michèle A... ne peut se prévaloir des dispositions transitoires prévue à l'annexe VII relatif à l'entrée en vigueur de la convention collective nationale de l'édition du 14 janvier 2000 ;

Que toutefois, la SARL NOUVELLES EDITIONS LOUBATIERES considère que l'indemnité de licenciement due à Michèle A... doit être calculée en fonction des dispositions de l'article 13 de la convention collective de l'édition ; que la Cour constate que ce calcul est plus favorable à la salarié que celui qui découlerait de l'application de la convention collective du commerce de gros ; que la position de l'employeur doit donc s'analyser comme une application volontaire de la convention collective de l'édition sur ce point ; que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a alloué à Michèle A... une indemnité de licenciement calculée sur cette base ;

Attendu qu'en raison de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, la SARL NOUVELLES EDITIONS LOUBATIERES ne peut plus être condamnée à régler directement les sommes dues à la salariée ; que les sommes allouées par les premiers juges à Michèle A... et confirmées par le présent arrêt, seront donc fixées au passif de la procédure collective de la SARL NOUVELLES EDITIONS LOUBATIERES et garanties par l'AGS dans les conditions et limites prévues par les articles L143-11-1 et suivants du code du travail ;

Attendu que la SELARL Vincent MEQUINION es qualité d'administrateur de la SARL NOUVELLES EDITIONS LOUBATIERES assumera les dépens d'appel sera en outre condamnée à verser à Michèle A... la somme de 500 euros en application de ce texte, somme non garantie par L'AGS.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Toulouse le 12 octobre 2006, sauf en ce qu'il a dit que le licenciement de Michèle A... était dépourvu de cause réelle et sérieuse et alloué à celle – ci une somme de 26 145 euros à titre de dommages et intérêts.

Le réformant de ce chef, statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que le licenciement notifié le 15 décembre 2005 par la SARL NOUVELLES EDITIONS LOUBATIERES à Michèle A... repose sur une faute simple qui constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Déboute en conséquence Michèle A... de sa demande indemnitaire à ce titre.

Dit que les créances de Michèle A... telles qu'évaluées par le conseil de prud'hommes et confirmées par le présent arrêt seront fixées au passif de la procédure collective de la SARL NOUVELLES EDITIONS LOUBATIERES et garanties par l'AGS dans les conditions et limites prévues par la loi.

Condamne la SELARL Vincent MEQUINION, es qualité d'administrateur de la SARL NOUVELLES EDITIONS LOUBATIERES à verser à Michèle A... 500 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par M. P. de CHARETTE, président et par Mme D. FOLTYN-NIDECKER, greffier.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Dominique FOLTYN-NIDECKERPatrice de CHARETTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : Ct0036
Numéro d'arrêt : 06/05134
Date de la décision : 30/11/2007

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Toulouse, 12 octobre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2007-11-30;06.05134 ?
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