14/11/2007
ARRÊT No780
No RG : 06/05737
BB/MFM
Décision déférée du 27 Novembre 2006 - Conseil de Prud'hommes d'ALBI - 06/000052
A. CABROL
Serge X...
C/
SARL ETABLISSEMENTS LOISEAU ET COMPAGNIE
CONFIRMATION
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
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COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4ème Chambre Section 1 - Chambre sociale
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ARRÊT DU QUATORZE NOVEMBRE DEUX MILLE SEPT
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APPELANT(S)
Monsieur Serge X...
LA TEULIERE
81990 FREJAIROLLES
représenté par la SCP ALBAREDE ET ASSOCIES, avocats au barreau d'ALBI
INTIME(S)
SARL ETABLISSEMENTS LOISEAU ET COMPAGNIE
7 Pace Saint Eloi
79700 RORTHAIS
représentée par Me James GAILLARD, avocat au barreau de NIORT
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 03 Octobre 2007, en audience publique, devant la Cour composée de:
B. Y..., président
C. PESSO, conseiller
C. CHASSAGNE, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : P. Z...
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile
- signé par B. Y..., président, et par P. Z..., greffier de chambre.
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES:
Monsieur Serge X... a été embauché en qualité de VRP Multicarte le 20 octobre 1983 par Monsieur Joseph A... sans contrat écrit; en 1986, la SARL ETABLISSEMENTS LOISEAU ET CIE est venue aux droits de Monsieur Joseph A....
Les relations contractuelles entre les parties se sont déroulées normalement jusqu' en 2005.
Par courrier du 13 octobre 2005, les Etablissements A... ont mis en demeure Monsieur X... de leur adresser ses rapports d'activité, demande réitérée par courrier du 9 novembre 2005; il n'a pas été satisfait à leur demande.
Par courrier du 22 novembre 2005, Monsieur Serge X... a été convoqué à un entretien préalable pour le 1er décembre 2005.
Par courrier du 28 novembre 2005, Monsieur X... a refusé de fournir les pièces réclamées par son employeur dans les courriers précités.
Monsieur X... a été licencié pour faute grave le 9 décembre 2005.
Le 2 mars 2006 Monsieur Serge X... a saisi le conseil de prud'hommes d'Albi d' une action tendant à voir dire que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse et que lui étaient dues différentes sommes tant au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse qu'à celui de l'indemnité de clientèle.
Par décision en date du 27 novembre 2006, le conseil de prud'hommes d'Albi a considéré que le comportement du salarié était constitutif d'une faute grave et qu'il y avait lieu de le débouter de ses demandes, fins et conclusions.
Le 13 décembre 2006, Monsieur Serge X... a relevé appel de cette décision.
Dans ses explications orales à l'audience reprenant et développant ses écritures écrites auxquelles il y a lieu de se référer, Monsieur Serge X..., partie appelante, expose au soutien de son appel :
- que la baisse du chiffre d'affaires qui ne peut caractériser une faute grave n'est pas établie, alors que cette baisse invoquée, rapportée à sa période de congé maladie et à la baisse générale de l'activité de l'entreprise, n'est pas avérée;
- qu'il était en arrêt maladie du 21 novembre 2005 au 4 décembre 2005;
- que, compte tenu de l'usage existant, la SARL ETABLISSEMENTS A... ne peut retenir comme une faute grave le fait de ne pas vouloir poser les rapports d'activité par écrit;
- qu'il y a lieu à réformation de la décision déférée;
- qu'il y a lieu de lui allouer au titre de l'indemnité de clientèle la somme de 68.382€, somme correspondant à 24 mois de salaires bruts;
- qu'il y a lieu de faire droit à ses demandes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Dans ses explications orales à l'audience reprenant et développant ses écritures écrites auxquelles il y a lieu de se référer, la SARL ETABLISSEMENTS A... , partie intimée expose:
- qu'en raison du contentieux qui a concerné la cession de sa clientèle, Monsieur Serge X... a pris l'initiative de ne plus visiter la clientèle; que c'est dans ces conditions que lui a été demandé à plusieurs reprises un compte rendu d'activité; que Monsieur Serge X... a refusé de rendre compte; qu'en l'absence de compte rendu d'activité, il lui était impossible de neutraliser les périodes de maladie;
- que l'article 2 de la Convention Collective des VRP oblige les VRP à rendre compte de leur activité à leur employeur dès lors que ceux-ci en font la demande;
- qu'elle a, toujours, respecté ses obligations;
- qu'il y lieu de confirmer la décision déférée et de lui allouer la somme de 4000€ sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
MOTIVATION DE LA DÉCISION:
Il y a lieu de constater que:
- la déclaration d'appel a été signée par un mandataire avocat,
- la déclaration d'appel est intervenue dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision déférée, conformément aux dispositions de l'article R 517-7 du code du travail, la date de l'appel formé par lettre recommandée étant celle du bureau d'émission,
- le jugement déféré est susceptible d'appel dans les conditions des article R 517-3 et R 517- 4 du code du travail, la valeur totale des prétentions de l'une des parties, à l'exclusion de la seule demande reconventionnelle en dommages et intérêts fondée exclusivement sur la demande initiale, dépassant le taux de compétence en dernier ressort du conseil de prud'hommes, soit 4000€.
En conséquence, l'appel est recevable.
La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige comporte le grief d'avoir refusé de rendre compte à la SARL ETABLISSEMENTS A..., et d'avoir ainsi méconnu les obligations nées du lien de subordination existant entre parties, en dépit de demandes réitérées.
Il n'a pas été contesté et il est constant que le statut de représentant s'applique à Monsieur Serge X.... Il n'a pas été contesté par Monsieur Serge X... qu'il adressait annuellement et régulièrement à son employeur des rapports (page 8 de ses conclusions); il est seulement soutenu qu'il s'agissait de compte rendus oraux et que rien ne justifiait le formalisme de l'écrit.
Le fait que Monsieur Serge X... a reconnu avoir régulièrement rendu compte depuis 22 ans caractérise le fait que les parties ont entendu marquer l'existence d ‘un lien de subordination fort. Il s'agit de l'expression de l'obligation de loyauté dans l'exécution des contrats et de l'état de dépendance qui résulte de tout contrat de travail.
Dans l'espèce, il apparaît que si durant 22 années la qualité des relations contractuelles a permis la pratique sans problèmes de simples rapports oraux, à partir d'avril 2005 un contentieux va apparaître à propos de la cession par Monsieur Serge X... des droits qu'il détenait sur sa clientèle (Projet de cession du 18 avril 2005, courrier du 20 avril 2005 de M. B...).
Postérieurement à l'émergence de ce contentieux, la SARL ETABLISSEMENTS A... va constater une baisse extrêmement importante du chiffre d'affaires de Monsieur Serge X... (-28% au 30 novembre 2005 par rapport à N-1, -28,38% au 31 décembre 2005 par rapport à N-1, -36,40% en septembre, octobre, novembre décembre 2005 par rapport à N-1). Par ailleurs, la SARL ETABLISSEMENTS A... justifie de ce que la baisse relevée aurait été beaucoup plus importante si elle n'avait comparé que les commandes directes passées par Monsieur Serge X... et non les chiffres englobant les commandes indirectes passées en dehors de son intervention mais dans son secteur géographique. La SARL ETABLISSEMENTS A... justifie pleinement de ce que la situation était de nature à l'inquiéter et de nature à demander à Monsieur Serge X... des explications précises; cette demande de compte rendu était d'autant plus justifiée que durant la période de baisse Monsieur Serge X... a connu une période de congé maladie. Il était tout à fait normal que la SARL ETABLISSEMENTS A... recherche l'origine de la baisse de chiffre d'affaire et détermine quelle part était imputable à l'absence légitime de Monsieur Serge X... et quelle part était susceptible d'être imputable à d'autres causes.
C'est dans ces conditions que par courriers en date des 13 octobre 2005, 9 novembre 2005, 22 novembre 2005 la SARL ETABLISSEMENTS A... a demandé à Monsieur Serge X... des compte rendus écrits et détaillés; demandes auxquelles Monsieur Serge X... n'a pas déféré exprimant, au demeurant, son refus de principe par courrier en date du 22 novembre 2005.
La carence et le refus de Monsieur Serge X... , eu égard aux éléments particuliers ci-dessus mis en évidence, ont un caractère gravement fautif; par ailleurs, dans le contexte de tension existant entre parties et eu égard à la très importante baisse des commandes directes prises par Monsieur Serge X..., les fautes mises en évidence ne permettaient pas à la SARL ETABLISSEMENTS A... de considérer que le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis était possible sans que ses intérêts n'en soient affectés.
En conséquence, la décision déférée doit être confirmée dans toutes ses dispositions à l'exception de celle relative à l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile sur laquelle il sera statué ci-après.
L'article 696 du nouveau Code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en remette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. En l'espèce, Monsieur Serge X... succombant sur la majorité des points supportera les dépens d'appel.
L'article 700 du nouveau Code de procédure civile dispose que dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou, à défaut, la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, que le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée et qu'il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.
En l'espèce, les éléments de la cause et des considérations tirées de l'équité justifient qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile tant en première instance qu'en appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant comme il est dit ci dessus,
Déclare recevable l'appel de Monsieur Serge X...;
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions à l'exception de celle relative à l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne Monsieur Serge X... aux dépens de l'instance d'appel; dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile tant en première instance qu'en appel.
Le présent arrêt a été signé par monsieur BRUNET, président et madame MARENGO, greffier.
Le greffierLe président
P. Z... B. Y...