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19/10/2007 | FRANCE | N°06/04470

France | France, Cour d'appel de Toulouse, Ct0036, 19 octobre 2007, 06/04470


19 / 10 / 2007

ARRÊT No

No RG : 06 / 04470
PC / DN

Décision déférée du 13 Septembre 2006-Conseil de Prud'hommes de TOULOUSE-04 / 01170
MILARES

ASSOCIATION LA CROIX GLORIEUSE

C /

Valérie A...

REFORMATION

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4ème Chambre Section 2-Chambre sociale
***
ARRÊT DU DIX NEUF OCTOBRE DEUX MILLE SEPT
***

APPELANT (S)

ASSOCIATION LA CROIX GLORIEUSE
1 place Philippe Ravary
Faubourg Bonnefoy

31500

TOULOUSE
représentée par la SELARL BEDRY-JULHE-BJB, avocats au barreau de TOULOUSE

INTIME (S)

Mademoiselle Valérie A...
C...
66000 PERPIGNAN

repr...

19 / 10 / 2007

ARRÊT No

No RG : 06 / 04470
PC / DN

Décision déférée du 13 Septembre 2006-Conseil de Prud'hommes de TOULOUSE-04 / 01170
MILARES

ASSOCIATION LA CROIX GLORIEUSE

C /

Valérie A...

REFORMATION

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4ème Chambre Section 2-Chambre sociale
***
ARRÊT DU DIX NEUF OCTOBRE DEUX MILLE SEPT
***

APPELANT (S)

ASSOCIATION LA CROIX GLORIEUSE
1 place Philippe Ravary
Faubourg Bonnefoy

31500 TOULOUSE
représentée par la SELARL BEDRY-JULHE-BJB, avocats au barreau de TOULOUSE

INTIME (S)

Mademoiselle Valérie A...
C...
66000 PERPIGNAN

représentée par Me Mourad BRIHI, avocat au barreau de PERPIGNAN
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 31555 / 2007 / 006634 du 02 / 05 / 2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 06 Septembre 2007, en audience publique, devant la Cour composée de :

P. DE CHARETTE, président
F. BRIEX, conseiller
M.P. PELLARIN, conseiller
qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : D. FOLTYN-NIDECKER

ARRET :
-CONTRADICTOIRE
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile
-signé par P. DE CHARETTE, président, et par D. FOLTYN-NIDECKER, greffier de chambre.

OBJET DU LITIGE

L'association La Croix Glorieuse a régulièrement relevé appel d'un jugement du Conseil des Prud'hommes de Toulouse en date du 13 septembre 2006 qui a reconnu à Mlle S... la qualité de salariée pour la période de mai 1999 au 18 novembre 2002 et l'a condamnée à verser à celle-ci la somme de 47 898,21 € à titre de rappel de salaire et les congés payés correspondants.

Le jugement a par ailleurs considéré qu'une lettre de Mlle S... en date du 18 novembre 2002 constituait une prise d'acte de la rupture du contrat de travail et devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il lui a alloué à ce titre la somme de 12 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, celle de 1 994,91 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et les congés correspondants, et celle de 1 113,97 € à titre d'indemnité de licenciement. Le Conseil a par ailleurs ordonné à l'association La Croix Glorieuse de délivrer sous astreinte à Mlle S... les bulletins de salaire, les déclarations aux organismes sociaux, l'attestation pour l'ASSEDIC et le certificat de travail.

L'association La Croix Glorieuse demande l'infirmation du jugement en faisant valoir que Mlle S... ne s'est engagée au sein de l'association que pour y vivre sa foi religieuse en prononçant des voeux temporaires et définitifs, situation exclusive de l'existence d'un contrat de travail.

Mlle S... demande la confirmation du jugement pour ce qui concerne l'existence d'un contrat de travail, le montant du rappel de salaire, de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité de licenciement. Elle forme appel incident et demande les sommes de 25 177,6 € à titre d'heures supplémentaires,7 307,72 € pour les congés payés correspondants,19 963,17 € à titre d'indemnité pour non-respect du repos compensateur. Elle demande enfin que le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse soit élevé à la somme de 42 000 €.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les différents acteurs

Les pièces produites de part et d'autre font apparaître de façon concordante que la communauté de la Croix Glorieuse a vu ses statuts approuvés par l'évêque de Perpignan le 6 août 1994. Cette communauté a, pour l'Eglise catholique, le statut d'une association privée de fidèles.

Cette communauté n'ayant pas la personnalité morale, une association relevant de la loi de 1901 a été créée sous le nom d'association La Croix Glorieuse. Dans une attestation produite par Mlle S..., M. Christian Thuau, ecclésiastique, indique que « cette association est l'entité civile et juridique de la communauté ».

Enfin, les consultations de spécialistes du droit canon versées aux débats par Mlle S... font apparaître que les moines et moniales se trouvant au sein de la communauté de la Croix Glorieuse n'ont pas pour l'Eglise le statut de religieux et que les voeux qu'ils sont amenés à prononcer au titre de leur engagement ne sont pas des voeux publics dont il ne pourraient être relevés que par le Saint-Siège, mais constituent des voeux privés.

L'activité de Mlle S...

Mlle S... a intégré l'établissement de Perpignan de la communauté et de l'association La Croix Glorieuse le 1er septembre 1996, puis le siège social à Toulouse en septembre 1997. Elle a quitté ces structures le 18 novembre 2002.

L'enquête des conseillers rapporteurs du Conseil des Prud'hommes a précisé les diverses tâches matérielles accomplies par Mlle S... pendant cette période. Dans son attestation, M. Thuau énonce de façon détaillée que Mlle S... a travaillé :

-comme membre de la communauté ecclésiale dénommée communauté de la Croix Glorieuse, association privée de fidèles du diocèse de Perpignan,

-comme membre de l'association 1901 appelée La Croix Glorieuse, entité civile et juridique de la communauté regroupant cinq filiales correspondant aux cinq implantations de celle-ci,

-comme membre de la paroisse de l'Immaculée Conception à Toulouse, dont le statut fiscal et juridique est celui de l'Association diocésaine du diocèse de Toulouse,

-et enfin comme membre de l'association Bonnefoy Convivialité créée par la précédente pour la gestion d'activités paroissiales.

Le document intitulé « Informations concernant la situation professionnelle » établi le 11 mars 2004, produit par Mlle S..., détaille une série d'activités accomplies par celle-ci et porte dans la colonne employeurs l'association La Croix Glorieuse, la communauté de la Croix Glorieuse et la paroisse Immaculée Conception pour les différentes catégories de tâches réalisées.L'association Paroisse Immaculée Conception n'a cependant pas été appelée en cause par Mlle S... qui n'a présenté aucune demande à son encontre, pas plus que l'association Bonnefoy Convivialité, qui n'est pas autrement mentionnée.

En septembre 1997, Mlle S... a pris l'habit religieux et a reçu le nom de soeur Marie Carmen. Le 13 septembre 1998, elle a demandé à s'engager pour trois années en tant que moniale au sein de la communauté. Le 30 mai 2001, elle a demandé à s'engager définitivement, en tant que moniale apostolique. Le 15 septembre 2001, elle a déclaré faire pour toujours entre les mains du « berger de la communauté » les voeux de pauvreté, chasteté et obéissance dans la condition de moniale de la communauté de la Croix Glorieuse, s'engageant à observer fidèlement ses statuts. Ces trois engagements, constituant des voeux privés au regard du droit canon, ont été contresignés par Monseigneur André Fort, évêque de Perpignan.

Ces engagements explicites établissent de façon non équivoque que Mlle S... s'est intégrée au sein de la communauté et de l'association La Croix Glorieuse non pas pour y percevoir une rémunération au titre d'un contrat de travail, mais pour y vivre sa foi dans le cadre d'un engagement de nature religieuse. Elle s'est dès lors soumise aux règles de la vie communautaire et a exécuté à ce titre les tâches définies par les responsables de la communauté. Les conditions dans lesquelles ces tâches ont été ainsi accomplies sont exclusives de l'existence de tout contrat de travail.

L'attestation de M. Jérôme Cardaillac, énonçant que Mlle S... « a été salariée non rémunérée en espèces, nourrie et logée à titre gratuit à la paroisse de l'Immaculée Conception de septembre 1997 à novembre 2002 » » est sur ce point inopérante, puisqu'elle émane de l'administrateur de la paroisse Immaculée Conception, entité juridique distincte, qui n'est pas en la cause.

Il y a lieu de relever d'autre part que dans son courrier du 30 novembre 2002 dans lequel elle rappelle les conditions de son départ, Mlle S... ne fait mention d'aucun contrat de travail, mais évoque seulement des désaccords avec les pratiques suivies au sein de la communauté, puis une « pression invivable » dont elle a fait l'objet après les avoir exprimées.

Elle conclut en ces termes :

« C'est dans une lucidité douloureuse que je constate qu'il ne m'est plus possible de poursuivre ma vocation de moniale comme membre de la Communauté de la Croix Glorieuse, car ce serait cautionner ce système. En conscience, je ne peux plus vivre les voeux de religion auxquels je me suis engagée l'an dernier, au sein de la communauté. Aujourd'hui, les contradictions m'apparaissent plus clairement, ainsi que des certitudes sur plusieurs impostures.

C'est avec déchirement que j'ai donné ma démission il y a quelques jours. Car je ne renierai pas tous les beaux moments passés ensemble. Soyez assurés que je garde chacun de vous dans mon coeur.

J'espère et prie pour que la Vérité se fasse de la racine jusqu'à la tête et que notre Mère l'Eglise ne souffre pas trop de toutes ces dérives ».

Enfin, Mlle S... n'est pas fondée à faire état de deux sommes qui lui ont été versées par l'association La Croix Glorieuse après son départ, pour conclure à l'existence d'une rémunération dont le principe aurait été accepté par l'association. Les courriers échangés entre les parties, sur un ton d'ailleurs chaleureux, font en effet apparaître que dans un courrier du 27 août 2003, Mlle S..., qui avait demandé un secours de 3 000 € correspondant à l'équivalent d'une bourse universitaire, n'avait reçu que 1 525 € et souhaitait recevoir le complément pour faire face aux frais de scolarité à l'école d'infirmières au sein de laquelle elle venait d'être reçue. Le 25 septembre 2003, le Frère Christophe, modérateur général de la communauté de la Croix Glorieuse, lui a fait part de l'accord du conseil de la communauté pour compléter la somme et lui a transmis 1 475 €.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que Mlle S... n'était pas unie par un contrat de travail à l'association La Croix Glorieuse. Le jugement sera en conséquence infirmé.

Mlle S... devra restituer à l'association les sommes perçues au titre de l'exécution provisoire du jugement.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement.

Rejette l'ensemble des demandes de Mlle S....

Ordonne à Mlle S... de restituer à l'association La Croix Glorieuse les sommes perçues par elle au titre de l'exécution provisoire du jugement.

Laisse les dépens de première instance et d'appel à la charge de Mlle S....

Le présent arrêt a été signé par M.P. de CHARETTE, président et par Mme D. FOLTYN-NIDECKER, greffier.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Dominique FOLTYN-NIDECKERPatrice de CHARETTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : Ct0036
Numéro d'arrêt : 06/04470
Date de la décision : 19/10/2007

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, FORMATION - Définition - Lien de subordination - Défaut - Applications diverses - / JDF

Une personne s'étant engagée au sein d'une association de fidèles après avoir prononcé des voeux privés de moniale apostolique, pour y vivre sa foi dans le cadre d'un engagement de nature religieuse, a accompli les tâches de la vie communautaire dans des conditions exlusives de l'existence de tout contrat de travail


Références :

ARRET du 20 janvier 2010, Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 20 janvier 2010, 08-42.207, Publié au bulletin

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Toulouse, 13 septembre 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2007-10-19;06.04470 ?
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