17/09/2007
ARRÊT No
NoRG: 06/03238
CF/EKM
Décision déférée du 20 Avril 2006 - Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE - 03/1423
M. SERNY
Christophe Y...
représenté par la SCP MALET
C/
Rémy Z...
représenté par la SCP DESSART-SOREL-DESSART
SOCIETE FIDAL
représentée par la SCP DESSART-SOREL-DESSART
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ère Chambre Section 1
***
ARRÊT DU DIX SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE SEPT
***
APPELANT
Monsieur Christophe Y...
...
31270 FROUZINS
représenté par la SCP MALET, avoués à la Cour
assisté de Me Michel A..., avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMES
Maître Rémy Z...
...
82009 MONTAUBAN CEDEX
représenté par la SCP DESSART-SOREL-DESSART, avoués à la Cour
assisté de la SCP FABRE-GUEUGNOT-SAVARY, avocats au barreau de PARIS
SOCIETE FIDAL
...
92200 NEUILLY SUR SEINE
représentée par la SCP DESSART-SOREL-DESSART, avoués à la Cour
assistée de la SCP FABRE-GUEUGNOT-SAVARY, avocats au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 26 Juin 2007 en audience publique, devant la Cour composée de :
A. MILHET, président
O. COLENO, conseiller
C. FOURNIEL, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : E. KAIM-MARTIN
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par A. MILHET, président, et par E. KAIM-MARTIN, greffier de chambre.
EXPOSE DU LITIGE :
Monsieur Christophe Y... , masseur-kinésithérapeute , a créé deux cabinets situé l'un ... et l'autre à FROUZINS.
Selon acte du 16 avril 1999 rédigé par maître Rémy Z..., associé au sein de la société d'exercice libéral d'avocats FIDAL, bureau régional du Tarn et Garonne, monsieur Y... a cédé à monsieur Frédéric B... une partie de son activité afférente au cabinet de TOULOUSE, avec présentation de la clientèle à proportion de l'activité cédée, pour le prix de
27.440,82 euros, outre du matériel et des objets mobiliers pour la somme de 6.555,31 euros, lui même continuant à exploiter dans les lieux.
Le même jour monsieur Y... et monsieur B... ont constitué une société civile de moyens, à laquelle ils ont apporté du matériel et du mobilier.
Dès le 23 juin 1999 monsieur B... a contesté l'acte de cession partielle de clientèle au motif que son objet était indéterminé et que monsieur Y... n'avait pas satisfait à son obligation de présentation, puis a fait assigner le cédant en nullité de l'acte du 16 avril 1999.
Par jugement du 4 avril 2001, le tribunal de grande instance de TOULOUSE a considéré que la convention était valable, et a débouté monsieur B... de ses demandes.
La cour d'appel de TOULOUSE, saisie par monsieur B..., a par arrêt du 20 juin 2002 prononcé la nullité de la convention du 16 avril 1999 et de la société civile de moyens qui en était l'accessoire, et a condamné monsieur Y... à payer à monsieur B... la somme de 27.440,82 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 16 avril 1999, ainsi que la somme de 2.000 euros pour frais irrépétibles.
A la suite de cet arrêt, la société civile de moyens a dans le cadre de sa liquidation dénoncé le bail des locaux de TOULOUSE suivant acte d'huissier du 11 septembre 2002.
Monsieur Y... a continué à exercer son activité à FROUZINS.
Par acte d'huissier du 22 avril 2003, monsieur Y... a fait assigner maître Rémy Z... et la société d'avocats FIDAL, sur le fondement des articles 1147 et 1382 du code civil, en paiement des sommes de 35 170, 30 euros avec intérêts au taux légal à compter de la demande, correspondant au montant des condamnations prononcées à son encontre par l'arrêt du 20 juin 2002, et de 2.988, 64 euros avec intérêts au taux légal à compter de la demande, pour les frais d'acte.
Suivant jugement en date du 20 avril 2006, le tribunal de grande instance de TOULOUSE, considérant que maître Z... avait commis une faute en rédigeant un acte inefficace, que toutefois le fait que monsieur Y... n'ait pas pu récupérer ses clients de TOULOUSE suite à l'annulation de la convention n'était pas imputable à maître Z..., mais que monsieur Y... avait exposé des frais en pure perte, a :
-condamné maître Z... et la SELARL FIDAL à payer à monsieur Y... la somme de 7.067,81 euros en réparation de son préjudice financier, sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;
-débouté monsieur Y... de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral ;
-ordonné l'exécution provisoire ;
-condamné maître Z... et la SELARL FIDAL à payer à monsieur Y... la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, et aux dépens.
Par déclaration en date du 6 juillet 2006 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas discutées, monsieur Y... a relevé appel de ce jugement.
Il demande à la cour de :
-confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a retenu la responsabilité de maître Z... et de la SELARL FIDAL, et les a condamnés à lui payer la somme de 7.067,81 euros autitre des frais exposés en pure perte et des frais de défense ;
-le réformer pour le surplus et condamner maître Z... et la SELARL FIDAL à lui payer les somme de 27.140,82 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 avril 1999, 10.000 euros en réparation de son préjudice moral, et 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, ceux d'appel pouvant être recouvrés par la SCP MALET.
L'appelant fait valoir que la faute de maître Z... et de la société FIDAL, soumis en qualité de rédacteur d'acte à une obligation de résultat, ne peut être contestée, que le tribunal a écarté à tort le premier poste de préjudice invoqué, que la somme de 27.440,82 euros lui est due au titre de l'obligation de restitution née de l'annulation du contrat du fait d'une rédaction inefficace, et au titre de la perte de chance de vendre au prix convenu et à l'époque choisie, que la question de la "récupération" de clientèle cédée ne se serait pas posée si l'acte avait été rédigé efficacement, qu'on ne saurait lui faire reproche de la consistance de cette "récupération"et que demeurant les frais qu'il avait déjà avancés il ne pouvait reprendre le contrat de bail après trois ans d'activité ralentie, alors qu'il ne récupérait pas la clientèle y afférente.
Maître Z... et la FIDAL concluent à titre principal à la réformation du jugement en ce qu'il les a condamnés à payer à monsieur Y... la somme de 7.067,81 euros en réparation de son préjudice financier, et sollicite la condamnation de ce dernier au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens distraits par la SCP SOREL et DESSART et SOREL.
A titre subsidiaire ils demandent la confirmation pure et simple du jugement et la condamnation de monsieur Y... au paiement de la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens distraits par la SCP SOREL et DESSART et SOREL.
Les intimés, appelants à titre incident, soutiennent que le cabinet FIDAL a rédigé une présentation partielle de clientèle exclusive de toute faute, que l'établissement d'une liste nominative de clients n'est pas obligatoire, que l'article 3 de la convention prévoyait la remise de toutes les fiches relatives à la clientèle ce qui a été fait, que l'arrêt de la cour d'appel du 20 juin 2002 n'est pas exempt de critique, que monsieur Y... ne peut s'en prendre qu'à lui même d'avoir renoncé à introduire un pourvoi en cassation, et qu'il n'existait dans ce cadre ni mandat ni obligation de conseil à la charge du cabinet FIDAL ;
Subsidiairement maître Z... et la société FIDAL font observer que l'annulation de la convention de cession a eu pour effet de remettre les parties en l'état initial, que l'existence d'une perte de clientèle n'est pas établie, et que quand bien même elle le serait, il n'existe aucun élément permettant d'établir qu'elle serait consécutive à l'annulation de l'acte de cession.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 5 juin 2007.
* * *
MOTIFS DE LA DECISION :
- Sur l'existence d'une faute imputable à maître Z... :
Il résulte des pièces régulièrement versées aux débats que maître Z... n'avait été chargé que de la rédaction des actes de cession partielle d'activité et de présentation de clientèle, et qu'il n'assurait pas la défense de monsieur Y... dans le cadre de l'action intentée par monsieur B....
Par conséquent il n'avait aucun devoir de conseil envers monsieur Y... quant à la stratégie à adopter à la suite de l'arrêt du 20 juin 2002 ayant annulé l'acte de cession de 16 avril 1999.
En revanche il avait l'obligation d'assurer l'efficacité de l'acte qu'il avait rédigé.
Les conventions de cession de la clientèle de professionnels exerçant sous forme libérale une activité médicale ou para médicale sont admises, dès lors que la liberté de choix du patient est sauvegardée.
Le cédant est tenu d'une obligation de moyen, en vertu de laquelle il doit mettre en oeuvre les moyens propres à obtenir un report de la confiance de ses patients sur son nouvel associé.
L'acte du 16 avril 1999 indique que désirant limiter son activité sans pour autant y mettre un terme, monsieur Y... autorise le cessionnaire à reprendre partiellement cette activité.
Il prévoit par ailleurs que :
-le cédant remettra au cessionnaire toutes les fiches relatives à la clientèle au jour de l'entrée en jouissance ;
-le cédant continuant à exercer au même endroit la profession de masseur kinésithérapeute, le cessionnaire prend acte de ce qu'il ne prendra pas d'engagement relatif à l'interdiction d'exercice de la profession ;
-par contre, il s'engage à prendre toutes les mesures de nature à permettre au cessionnaire de jouir paisiblement de la chose cédée ;
-le cédant s'engage à présenter le cessionnaire à sa clientèle comme étant son successeur et ceci à concurrence de l'activité cédée.
Il s'agit donc d'une présentation partielle de clientèle, dont la partie cédée n'est pas déterminée.
En effet le contrat, qui stipule une reprise partielle d'activité et la présentation du cessionnaire à concurrence de l'activité cédée, ne fournit aucune précision de nature à rendre déterminable la proportion de clientèle présentée.
En fonction de ces éléments la deuxième chambre de cette cour, après avoir rappelé que l'obligation devait avoir un objet déterminé et que cet objet devait exister à la formation du contrat, a estimé dans son arrêt du 20 juin 2002 que l'objet du contrat était laissé, de fait, à la discrétion de monsieur Y..., quand bien même celui-ci aurait ultérieurement exécuté la convention de bonne foi, et a prononcé la nullité de la convention, pour défaut d'objet déterminé ou déterminable, ainsi que la nullité de la société civile de moyens qui en était l'accessoire.
Maître Z... et la société FIDAL objectent que cet arrêt est critiquable, compte tenu de la jurisprudence de la cour de cassation qui considère comme licites des contrats de présentation partielle de clientèle sans qu'une liste nominative des clients concernés y figure, et que monsieur Y... n'a pas épuisé toutes les voies de recours dont il disposait.
Cependant dans le cas précis évoqué par les intimés, la proportion de clientèle cédée était mentionnée au contrat, alors que dans l'acte du 16 avril 1999 cette proportion n'est pas déterminée ni déterminable.
Par conséquent il convient d'approuver la décision de première instance en ce qu'elle a dit que maître Z... avait commis une faute en rédigeant un acte inefficace.
- Sur le préjudice subi par monsieur Y... :
Monsieur Y... a dû rendre à monsieur B... le prix payé par ce dernier, avec intérêts au taux légal depuis la date du contrat.
Les restitutions consécutives à l'annulation d'un contrat ne constituent pas en elles mêmes un préjudice indemnisable que le rédacteur de l'acte peut être tenu de réparer.
Monsieur Y... prétend qu'il n'a pas pu récupérer la consistance de l'objet cédé, et que du fait de l'annulation de la vente il a perdu la chance de céder sa clientèle non seulement à l'époque mais également au prix contractuellement convenu.
L'appelant reconnaît que dans le cadre de la convention conclue avec monsieur B... il n'exerçait plus personnellement dans ses locaux de TOULOUSE, et qu'il y déléguait des remplaçants afin d'y maintenir une certaine activité dans le but de le vendre à un moment donné.
Cette organisation et les motifs qu'il en donne démontrent qu'il considérait déjà que l'activité de son cabinet toulousain était moins rémunératrice que celui de FROUZINS, auquel il se consacrait à titre principal.
Par ailleurs monsieur Y... ne peut se prévaloir du congé donné par la société civile de moyens à la suite de l'annulation prononcée par l'arrêt du 20 juin 2002. En effet rien ne lui interdisait de demander la signature d'un nouveau bail de locaux professionnels en son nom personnel, ce qu'il n'a pas fait, s'exposant ainsi à ne pas retrouver les clients de TOULOUSE qu'il avait présentés à monsieur B....
Monsieur Y... ne démontre pas l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre la perte de clientèle qu'il invoque et la faute commise par maître Z....
Il a justement été débouté de sa demande d'indemnisation à ce titre.
En revanche monsieur Y..., qui a exposé en pure perte certains frais dans le cadre de la convention et de la création de la société civile de moyens, mais aussi pour défendre à l'action intentée par monsieur B..., est fondé à solliciter la réparation de ce préjudice financier directement en relation avec le manquement imputable à maître Z....
Ce préjudice a été justement évalué, en fonction des justificatifs régulièrement produits, à la somme de 7.067,81 euros.
La condamnation de maître Z... et de la société FIDAL, solidairement responsable des actes dommageables commis par ses associés, au paiement de cette somme sera confirmée.
Compte tenu de la nature du litige concernant une opération purement financière, monsieur Y... ne justifie pas de l'existence d'un préjudice moral indemnisable.
Le rejet de ce chef de demande doit donc être maintenu.
- Sur les demandes annexes :
Il convient de confirmer la condamnation prononcée contre maître Z... et la SELARL FIDAL sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Il n'y a pas lieu de faire application de ces dispositions en cause d'appel.
- Sur les dépens :
Maître Z... et la SELARL FIDAL, parties succombantes en première instance, ont été à bon droit condamnés aux dépens.
C... MARTIN qui a initié un appel injustifié supportera les dépens de la présente procédure.
* * *
PAR CES MOTIFS
La cour
En la forme, déclare les appels principal et incident réguliers,
Au fond, confirme le jugement,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne monsieur Y... aux dépens de l'instance d'appel, dont distraction au profit de la SCP SOREL-DESSART-SOREL, avoués à la cour.
LE GREFFIER : LE PRESIDENT :