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07/09/2007 | FRANCE | N°06/03068

France | France, Cour d'appel de Toulouse, Ct0036, 07 septembre 2007, 06/03068


07/09/2007

ARRÊT No

No R : 06/03068

RM/FS**

Décision déférée du 11 Mai 2006 - Conseil de Prud'hommes de TOULOUSE - 04/02395

M. RIGAL

SA AIR FRANCE

C/

SYNDICAT CGT AIR FRANCE

CONFIRMATION

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème Chambre Section 2 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE SEPT

***

APPELANTE

SA AIR FRANCE

...

95747 ROISSY CDG CDEX

représentée par Me Baudo

uin DE MOUCHERON, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ

SYNDICAT CGT AIR FRANCE

Le dôme

Bât 5

95703 ROISSY CDG CEDEX

représentée par Me Jean-marc DENJEAN, avocat au barreau de TOULOUSE

CO...

07/09/2007

ARRÊT No

No R : 06/03068

RM/FS**

Décision déférée du 11 Mai 2006 - Conseil de Prud'hommes de TOULOUSE - 04/02395

M. RIGAL

SA AIR FRANCE

C/

SYNDICAT CGT AIR FRANCE

CONFIRMATION

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème Chambre Section 2 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE SEPT

***

APPELANTE

SA AIR FRANCE

...

95747 ROISSY CDG CDEX

représentée par Me Baudouin DE MOUCHERON, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ

SYNDICAT CGT AIR FRANCE

Le dôme

Bât 5

95703 ROISSY CDG CEDEX

représentée par Me Jean-marc DENJEAN, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 26 avril 2007, en audience publique, devant la Cour composée de:

R. MULLER, président

F. BRIEX, conseiller

M.P. PELLARIN, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : D. FOLTYN-NIDECKER

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile

- signé par M.P. PELLARIN conseiller pour le président empêché, et par D. FOLTYN-NIDECKER, greffier de chambre.

EXPOSE DU LITIGE

Saisi par le syndicat CGT AIR FRANCE, qui faisait valoir qu'à la suite d'un mouvement de grève d'une partie des salariés du service passage d'AIR FRANCE à Toulouse l'employeur avait octroyé une bonification salariale aux salariés non grévistes et qu'il s'agissait d'une mesure discriminatoire, le Conseil de prud'hommes de Toulouse, par jugement du 11 mai 2006, après avoir estimé l'action recevable, a dit et jugé que les 43 salariés grévistes ont été victimes de discrimination syndicale et a condamné la SA AIR FRANCE, outre aux dépens, à payer

- à chacun des salariés grévistes une somme de 300 € ;

- au syndicat CGT AIR FRANCE la somme de 4 500 € à titre de dommages et intérêts et celle de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

La SA AIR FRANCE a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe de la cour le 27 juin 2006.

Selon écritures déposées au greffe le 25 janvier 2007, régulièrement reprises et développées à l'audience et auxquelles la cour se réfère expressément, la SA AIR FRANCE conclut à la réformation du jugement entrepris et demande à la cour :

1 - de déclarer le syndicat CGT irrecevable en ses demandes, en faisant valoir, d'une part, que l'action a été engagée sans délibération préalable de la Commission Exécutive Nationale l'autorisant, et en violation des statuts du syndicat, d'autre part, que le syndicat ne justifie pas avoir informé certains salariés pour lequel il prétend exercer l'acte de substitution et que les lettres adressées aux autres salariés n'apportent aucune précision sur les demandes que le syndicat entendait présenter en leur nom ; que les dispositions de l'article L 122-45-1 du code du travail ont été ainsi violées ;

2 - subsidiairement, de débouter le syndicat CGT AIR FRANCE de ses demandes en exposant que la compensation attribuée aux salariés du service passage et du service litige bagages n'était pas liée à l'exercice ou non du droit de grève, mais en fonction de critères objectifs, à savoir une surcharge anormale de travail pour les salariés ayant travaillé le vendredi 2 avril 2004 dans les dits services, particulièrement "impactées "par les circonstances exceptionnelles de cette journée, veille des vacances scolaires de printemps pour l'académie de Toulouse, journée traditionnellement très chargée ;

- défaillance de l'appareil de contrôle des bagages ;

- embarquement difficile de 4 passagers aveugles ;

- arrivée tardive de 40 adolescents à l'enregistrement entraînant attente de bagages ;

- saturation de l'enregistrement ;

- annulation d'un vol pour cause technique, avec 4 passages handicapés, dont 1 aveugle, et 2 enfants non accompagnés ;

3 - de condamner le syndicat CGT AIR FRANCE aux dépens et au paiement d'une indemnité de procédure de 2 500 € ;

* *

Le syndicat CGT AIR FRANCE conclut au rejet de l'appel principal et, formant appel incident, demande à la cour de porter à 500 € par salarié les dommages et intérêts réparant le préjudice résultant de la mesure discriminatoire dont ils ont été victimes, et de condamner AIR FRANCE aux dépens et au paiement de la somme de 4 500 € à titre de dommages et intérêts et celle de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il fait valoir tout d'abord qu'une délibération a été prise le 5 et 6 septembre 2004 par la commission exécutive nationale du syndicat pour autoriser l'action du syndicat, que cette délibération n'imposait aucune limite et autorisait donc l'action de substitution exercée.

Il ajoute que les salariés ont été tenus informés dès le début des motifs et des buts de l'action, de son déroulement, de la possibilité de se retirer de l'action, de la teneur du jugement et qu'aucun n'a souhaité se désolidariser du mouvement, qu'accepter le moyen d'irrecevabilité équivaudrait à sanctionner les salariés sur le fondement d'une jurisprudence qui doit normalement les protéger.

Il soutient enfin que les salariés ont été victime d'une discrimination et que l'explication donnée par AIR FRANCE pour tenter de justifier cette différence de traitement est incohérente et factuellement fausse, que la gratification n'est en rien justifiée objectivement et que son seul intérêt était de récompenser les non grévistes pour leur comportement et de sanctionner indirectement les grévistes qui avaient manifesté leur mécontentement le jour de la visite de M. Y..., dirigeant d'AIR FRANCE.

MOTIFS DE L'ARRÊT

I - Sur la recevabilité de l'action

A - Sur l'autorisation d'ester en justice

L'article 217 des statuts du syndicat CGT AIR FRANCE dispose que seuls la Commission Exécutive Nationale ou le bureau national en cas d'urgence sont habilités à décider de l'engagement d'une procédure juridique pour la représentation ou la défense des intérêts du syndicat ou des salariés entrant dans la branche d'activité du syndicat ;

Pour écarter la fin de non recevoir soulevée par AIR FRANCE pour violation de ces dispositions il suffira de constater que le syndicat CGT AIR FRANCE produit un document, à l'en tête du bureau national, en date du 20 octobre 2004, intitulé "délibération" aux termes duquel " la Commission Exécutive Nationale du syndicat CGT AIR FRANCE, réunie les 5 et 6 septembre 2004, a décidé d'ester en justice contre AIR FRANCE sur le fait d'avoir accordé à l'escale de Toulouse Blagnac des heures de compensation à des salariés non grévistes et pour se faire donner pouvoir à M. Erick Z... de représenter l'organisation syndicale"

- que cette autorisation est antérieure à la saisine des premiers juges par le syndicat CGT AIR FRANCE - intervenue le 19 octobre 2004 - et qu'il a été satisfait aux exigences de l'article 27 précité, étant observé que l'autorisation prévoit suffisamment l'objet de la procédure que la CGT entendait engager.

B - Sur le respect des dispositions de l'article L 122-45-1 du contrat de travail

L'article L 122-45-1 du code du travail dispose en son alinéa 12 que " les organisations syndicales représentatives au plan national... peuvent exercer en justice toutes actions qui découlent de l'article L 122-45, ... en faveur ...d'un salarié de l'entreprise, sans avoir à justifier d'un mandat de l'intéressé, pourvu que celui-ci ait été averti par écrit et ne s'y soit pas opposé dans un délai de 15 jours à compter de la date à laquelle l'organisation syndicale lui a notifié son intention"

Il résulte de ces dispositions que le syndicat qui entend exercer l'action de substitution devra avertir par écrit le salarié au nom duquel il veut agir et que le salarié concerné pourra s'y opposer dans un délai de 15 jours à compter de la date à laquelle l'intention du syndicat lui a été notifiée.

Pour écarter le premier argument soulevé par AIR FRANCE, selon lequel le syndicat ne justifie pas avoir informé Mmes A..., B..., C..., D... et E... de son intention d'exercer l'action de substitution, il suffira de constater que le syndicat produit les avis de réception des courriers qu'il a adressé à ces salariés, signés par Mme A... le 12 août 2004, par Mme B... le 11 août 2004, Mme C... le 11 août 2004, Mme D... le 15 juillet 2004 et Mme E... le 14 juin 2004, et qu'en conséquence le moyen manque en fait.

Pour écarter ensuite l'argumentation d'AIR FRANCE, selon laquelle les lettres adressées aux salariés par le syndicat ne précisaient pas la nature et l'objet de l'action exercée par le syndicat il suffira de relever

- que les lettres litigieuses mentionnaient expressément que le syndicat entendait exercer une action en justice en leur nom au motif que la mesure consistant à octroyer 3 heures de compensation à chacun des salariés non grévistes présents le 2 avril 2004 au service passage et bagages instaurait une discrimination entre salariés grévistes et non grévistes,

- que la lettre précisait ainsi suffisamment la nature de la demande, faire juger que le mesure litigieuse était discriminatoire, et son objet, faire sanctionner l'employeur , la demande en dommages et intérêts n'étant que la mise en oeuvre de cette sanction.

II - Sur le fond du litige

AIR FRANCE soutient que la compensation de 3 heures supplémentaires n'a pas été attribuée en fonction de la participation ou non au mouvement de grève du 2 avril 2004, mais d'un critère objectif, la surcharge anormale de travail pour les salariés ayant travaillé ce jour là dans le service passage et le service litige bagages, confronté à une activité exceptionnelle et anormalement chargée.

Pour écarter cette argumentation et confirmer le jugement énonçant que les 43 salariés grévistes ont été victime de discrimination syndicale et condamnant AIR FRANCE à payer à chacun d'eux une indemnité de 300 € il suffira de relever :

- que l'employeur peut accorder une gratification particulière et occasionnelle aux salariés non grévistes en considérant un surcroît de travail auquel ils ont eu à faire face,

- qu'il lui appartient de rapporter la preuve de ce surcroît de travail et qu'à défaut l'avantage supplémentaire octroyé aux non grévistes constituera une mesure discriminatoire ;

- qu'en l'espèce AIR FRANCE fait état de ce que l'activité , déjà chargée en raison de ce que le 2 avril était veille des vacances scolaires de printemps pour l'académie de Toulouse, s'était alourdie à la suite de divers incidents ;

- que force est de constater tout d'abord qu' AIR FRANCE n'allègue et à fortiori ne justifie pas que la surcharge de travail la veille de congés scolaires ait donné lieu précédemment ou ultérieurement , pour les salariés des services passage et litige bagage, à une compensation ;

- que par ailleurs, si elle produit un compte rendu de l'activité du 2 avril 2004, faisant état de divers incidents, elle ne produit aucun autre document permettant une quelconque comparaison pour déterminer si le nombre des incidents et leur incidence était anormale et entraînait une charge de travail inhabituelle pour les salariés ;

- que dès lors AIR FRANCE succombe dans la charge de la preuve,

- que la bonification de 3 heures accordées aux salaires non grévistes constitue donc une mesure de discrimination à l'égard des salariés grévistes, fondée sur leur participation au mouvement de grève ;

- que le préjudice résultant pour les salaires grévistes de la discrimination dont ils ont été victime a été justement apprécié par les premiers juges ;

III - Sur les autres demandes

A -sur les dommages intérêts

L'attitude discriminatoire de AIR FRANCE a contraint le syndicat à exercer l'acte de substitution, mais lui a causé également un préjudice dans la mesure où elle constitue une entrave à l'exercice de l'action syndicale et porte atteinte à des intérêts que le syndicat a pour objet de défendre.

Dès lors c'est à bon droit que AIR FRANCE a été condamnée à payer au syndicat une indemnité de 4 500 € ;

B - Sur les frais non répétibles

AIR FRANCE qui succombe, ne peut bénéficier des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et sera condamnée à payer au syndicat une indemnité de procédure de 1 500 €, en sus de celle allouée en première instance ;

C - Sur les dépens

AIR FRANCE, qui succombe en son appel principal;, doit les dépens d'instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Déclare l'appel régulier en la forme et recevable,

Au fond,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute AIR FRANCE de sa demande en paiement d'une indemnité de procédure ;

Condamne AIR FRANCE à payer au syndicat CGT AIR FRANCE une indemnité de procédure de 1 500 € ;

Condamne AIR FRANCE aux entiers dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé M.P. PELLARIN conseiller pour le président empêché, et par D. FOLTYN-NIDECKER, greffier.

LE GREFFIER P/LE PRÉSIDENT

Dominique F... M.P. PELLARIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : Ct0036
Numéro d'arrêt : 06/03068
Date de la décision : 07/09/2007

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Toulouse, 11 mai 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2007-09-07;06.03068 ?
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