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23/08/2007 | FRANCE | N°05/05680

France | France, Cour d'appel de Toulouse, Ct0036, 23 août 2007, 05/05680


23/08/2007

ARRÊT No

No R : 05/05680

FB/FS**

Décision déférée du 19 octobre 2005 - Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de HAUTE GARONNE 20300630

N. SAINT RAMON

Joseph X...

C/

Société la GRANDE PAROISSE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE GARONNE

REFORMATION PARTIELLE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème Chambre Section 2 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU VINGT TROIS AOÛT DEUX MILLE SEPT

***



APPELANT(S)

Monsieur Joseph X...

Route de Merenville

31350 LASSERRE

représenté par la SCP TESSONNIERE ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

INTIME(S)

Société l...

23/08/2007

ARRÊT No

No R : 05/05680

FB/FS**

Décision déférée du 19 octobre 2005 - Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de HAUTE GARONNE 20300630

N. SAINT RAMON

Joseph X...

C/

Société la GRANDE PAROISSE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE GARONNE

REFORMATION PARTIELLE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème Chambre Section 2 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU VINGT TROIS AOÛT DEUX MILLE SEPT

***

APPELANT(S)

Monsieur Joseph X...

Route de Merenville

31350 LASSERRE

représenté par la SCP TESSONNIERE ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

INTIME(S)

Société la GRANDE PAROISSE

...

31057 TOULOUSE

représentée par la SCP LEMAIRE ET MORAS, avocats au barreau de VALENCIENNES

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE GARONNE

Service Juridique 3

...

31093 TOULOUSE CEDEX 9

représentée par M. VIGNETTE en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945.1 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 février 2007, en audience publique, devant , F. BRIEX et M.P. PELLARIN conseillers chargés d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

R. MULLER, président

F. BRIEX, conseiller

M.P. PELLARIN, conseiller

Greffier, lors des débats : D. FOLTYN-NIDECKER

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile

- signé par R. MULLER, président, et par D. FOLTYN-NIDECKER, greffier de chambre.

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur Joseph X... a travaillé, en qualité d'ouvrier polyvalent et en tant que conducteur de production, au sein de la société Grande Paroisse ( SA) du 20 mai 1963 au 31 mars 1986.

Le 2 décembre 2000, le salarié saisissait la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Haute Garonne d'une demande de reconnaissance de maladie professionnelle.

Une notification de prise en charge de la maladie professionnelle

no 30ABJ920 était adressée à Monsieur X... le 31 mai 2001; un rente basée sur un taux d‘IPP de 10% lui était notifiée le 17 décembre 2001;

En date du 20 décembre 2002, Maître TEISSONNIERE , avocat de Monsieur Joseph X..., introduisait une demande tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

Conformément à la législation en vigueur, la Caisse Primaire mettait en oeuvre la procédure de conciliation. La commission se réunissait le 15 mai 2003, aucun accord n'ayant pu intervenir entre les parties , un procès verbal était établi le jour même

Monsieur X... saisissait le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la Haute Garonne auquel il demandait de:

- déclarer son action recevable,

- juger que la maladie professionnelle dont il est atteint est la conséquence de la faute inexcusable de son employeur,

- fixer à son maximum la majoration de la rente qui lui est servie,

- fixer l'indemnisation de ses préjudices personnels à 16 000 € au titre des souffrances physiques, 16 000 € au titre des souffrances morales et 16 000 € au titre du préjudice d'agrément,

- condamner la société Grande Paroisse à lui verser la somme de 1 600 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale, par jugement en date du 19 octobre 2005, déclarait Monsieur X... recevable en sa demande et l'en déboutait.

Monsieur X... interjetait appel de cette décision le 31 octobre 2005

MOYENS ET PRETENTIONS

Monsieur X... fait valoir à l'appui de son appel

- que son action n'est pas prescrite le délai écoulé entre la reconnaissance du caractère professionnel de son affection , soit le 31 mai 2001, et la saisine de la caisse, soit le 20 décembre 2002, ne dépassant pas le délai de deux ans imposé par l'article L 431-2 du Code de la Sécurité Sociale ;

- que sur le fond , les éléments de la faute inexcusable sont réunis ;

- que l'obligation de sécurité contenue dans le contrat de travail, doit être analysée à l'instar de celle qu'implique le contrat de transport dont la doctrine considère qu'elle constitue l'archétype de l'obligation accessoire de sécurité qui est toujours une obligation de résultat ;

- que les mesures de sécurité que doit prendre l'employeur sont celles qui sont nécessaires pour préserver le salarié du risque et notamment celles prescrites par la réglementation ;

- que l'apparition de la maladie signe l'inadaptation des mesures prises par l'employeur ;

- que la société de la Grande Paroisse ayant utilisé en grandes quantités l'amiante comme isolant, il a été exposé au même titre que d'autres salariés durant de nombreuses années à l'inhalation de poussières d'amiante, sans protection individuelle ou collective et sans avoir été informé des risques encourus pour sa santé; qu'il manipulait régulièrement l'amiante qu'il devait déposer sur les tuyaux , étant en outre chargé d'opérations de maintenance et de réparation sur les installations calorifugées à l'amiante laquelle se désagrégeait rapidement ;

- que ses deux frères François et Lucien X..., qui tous deux ont travaillé pour la société de la Grande Paroisse et ont été exposés à l'inhalation de poussières d'amiante sont décédés des suites d'une maladie due à l'inhalation de poussières d'amiante;

- que l'employeur au delà de la connaissance théorique des dangers de l'amiante ne pouvait pas légitimement ignorer que le salarié y était exposé; que la connaissance du danger dépend non pas du type d'activité industrielle mais des circonstances de l'exposition personnelle du salarié ;

- qu'il s'agisse d'un spécialiste de l'amiante ou d'un simple utilisateur , l'employeur est tenu à une obligation de sécurité de résultat ;

- que la société de la Grande Paroisse disposait de services juridique, administratif et de médecine du travail parfaitement structurés et devait donc nécessairement connaître :

* l'ordonnance du 2 août 1945 qui a inscrit les maladies consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante au tableau des maladies professionnelles numéro 25;

*le décret du 31 août 1950 définissant isolément l'asbestose comme une fibrose broncho-pulmonaire consécutive à l'inhalation de poussières d'amiante, les travaux de calorifugeage figurant à la liste indicative des principaux travaux susceptibles de provoquer cette maladie ;

*l'étude menée par DOLL en 1955 sur une population de travailleurs de l'amiante établissant un lien entre l'abestose et l'accroissement du risque du cancer du poumon ;

*l'article paru dans la revue de L'INRS en avril 1956 intitulé "Le travail de l'amiante et ses risques professionnels", cet article détaillant les travaux supposant la manipulation de calorifugeage ;

- que le raisonnement du premier juge qui a considéré que l'employeur ne pouvait pas avoir eu conscience du risque encouru pour ses salariés du fait de leur exposition à l'inhalation des poussières d'amiante avant 1996, dans la mesure où les travaux d'usinage et de découpe de l'amiante n'ont figuré au tableau 30 des maladies professionnelles que depuis le 22 mai 1996, est critiquable ;

- que les éléments constitutifs de la faute inexcusable tels que dégagés par la jurisprudence sont réunis ;

Monsieur X... demande en conséquence à la Cour :

- de reconnaître la faute inexcusable de l'employeur

- de majorer la rente versée à Monsieur X... et de dire que cette majoration suivra l'éventuelle évolution du taux d'incapacité permanente partielle

- de lui allouer

au titre de son préjudice physique: la somme de 16 000 €

au titre de sa souffrance morale: la somme de 16 000 €

au titre de son préjudice d'agrément: la somme de 16 000 €

L'employeur réplique que l'action est prescrite ,que la décision de prise en charge de la maladie par la caisse primaire d'assurance maladie lui est inopposable ,,que Monsieur X... ne rapporte pas la preuve d'une exposition dans des conditions susceptibles d'entraîner la reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur et que c'est à tort qu'il soutient que le simple constat d'une maladie professionnelle est suffisant pour caractériser la violation de l'obligation de sécurité de résultat par l'employeur et que l'employeur ne pouvait ignorer qu'il était exposé au risque lié à l'utilisation de l'amiante;

Il ajoute qu'il ne peut pas être jugé en vertu d'une norme juridique qui n'avait pas cours lors de la survenance des faits qui sont à l'origine du litige ;

Elle demande en conséquence à la Cour :

- de dire et juger que l'action est prescrite et subsidiairement ,si la Cour déclarait l'action recevable , de dire que cette recevabilité ne saurait faire échec à l'application de l'article 40 de la loi du 23 décembre 1998 modifié et dire que sur ce fondement l'action récursoire de la caisse primaire est interdit

au fond ,

- de confirmer le jugement ;subsidiairement de dire que la décision par laquelle la caisse primaire d'assurances maladie a reconnu la pathologie déclarée par Monsieur X... au titre de la législation professionnelle lui est inopposable; de dire en conséquence qu'elle ne saurait être tenue de rembourser à la caisse primaire d'assurances maladie les indemnités que celle-ci serait éventuellement amenée à verser à la victime ;

La Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Haute Garonne , après avoir rappelé la définition et les conséquences de la faute inexcusable , fait valoir que l'action du salarié est recevable et s'en remet à l'appréciation de la Cour quant à l'existence d'une faute inexcusable ;

Elle demande en conséquence à la Cour:

- dans l'hypothèse où la faute inexcusable serait retenue , de dire qu'elle sera chargée de procéder au paiement de la majoration de la rente et au versement des indemnités réparant les préjudices extra patrimoniaux ,qu'elle

récupérera sur l'employeur, soit immédiatement, soit par le biais d'une majoration des cotisations accidents du travail , le montant de la majoration de la rente et des sommes allouées au titre des préjudices extra patrimoniaux;

- de dire que les sommes allouées éventuellement au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile seront directement réglées par l'employeur ou par sa compagnie d'assurances ;

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la prescription

Attendu que la société Grande Paroisse soulève la prescription de l'action sur le fondement de l'article L 431-2 du Code de la sécurité sociale qui dispose que les droits de la victime aux prestations et indemnités prévues par le livre quatrième se prescrivent par deux ans à dater du jour de l'accident, de la clôture de l'enquête ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière;

Attendu que le délai de prescription de l'action du salarié pour faute inexcusable de l'employeur ne peut commencer à courir qu'à compter de la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie ;

Attendu que le délai entre la date de la reconnaissance du caractère professionnel de l'affection , soit le 31 mai 2001 et la date de saisine de la caisse , soit le 20 décembre 2002, est inférieur à 2 ans ;

Attendu que la Cour confirmera en conséquence le jugement en ce qu'il a déclaré l'action non prescrite et recevable ;

Sur la maladie professionnelle

Attendu que suite à la déclaration de la maladie professionnelle établie par Monsieur Joseph X... , la caisse primaire d'assurances maladie a adressé à l'employeur la copie de la demande de reconnaissance de la maladie professionnelle ainsi qu'un questionnaire à retourner dûment complété ;

Attendu que le 30 avril 2001, l'employeur a reconnu avoir reçu le dit questionnaire et l'a retourné accompagné d'un courrier précisant les différents postes occupés par Monsieur X... au sein de leur société ;

Attendu cependant qu ‘en méconnaissance de l'article R 441-11 la Caisse n'a pas informé l'employeur de la clôture de l'instruction et de la possibilité de prendre connaissance du dossier avant la date à laquelle elle envisageait de prendre une décision ;

Attendu que si dès lors l'employeur est en droit de contester devant la Cour le caractère professionnel de la maladie , il ne peut pas se borner à invoquer l'inopposabilité de la décision de la caisse sans produire aucun élément de preuve permettant d'écarter le caractère professionnel de la maladie ;

Attendu que la maladie professionnelle est une intoxication lente sous l'effet répété de certaines substances ou émanations au contact desquelles ses activités professionnelles exposent de façon habituelles le travailleur;

Qu'aux termes de l'alinéa 2 de l'article L.461-1 du Code de la sécurité sociale est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées dans ce tableau ;

Que la maladie qui présente les caractéristiques d'une affection décrite dans un tableau et qui se déclare chez un salarié ayant effectué les travaux définis au tableau pendant la période de prise en charge est réputée maladie professionnelle ;

Attendu que le docteur Y... , pneumologue à la clinique des Cèdres a établi en date du 14 novembre 2000, un certificat médical ainsi libellé:

"Je soussigné docteur Pierre Y... , pneumologue à la clinique des Cèdres, certifie que Monsieur Joseph X..., âgé de 70ans , présente des plaques pleurales, et un début d'asbestose basale gauche , responsable d'une insuffisance ventilatoire restrictive. Le patient était soumis à une exposition à l'amiante .Ces images sont tout à fait typiques de cette exposition professionnelle. A noter que son frère Lucien est décédé d'un mésothelium malin .Ils travaillaient dans la même usine presqu'au même poste de travail" ;

Que la maladie dont souffre Joseph X... figure au tableau 25 des maladies professionnelles ;

Attendu par ailleurs que Monsieur Joseph X... a travaillé au sein de la société chimique la Grande Paroisse du 20 mai 1963 au 31 mars 1986 en tant qu'ouvrier polyvalent , mais également de conducteur de travaux ;

Qu'il a été amené à en tant qu ‘ouvrier polyvalent sur différents postes de travail à :

travailler avec des tuyauteurs et des chaudronniers,

manipuler l'amiante qu'il devait poser sur les tuyauteries , ainsi que sur les réacteurs,

entretenir les filtres de chlore ou d'acides gras qui contenaient de l'amiante en poudre qui au contact de ces substances se désagrégeait

en sa qualité de conducteur de travaux,

intervenir à différents stades de production et effectuer essentiellement des travaux de réparation, étant notamment chargé de démonter et de remonter les différentes installations calorifugées à l'amiante et qu'à ce titre il était massivement exposé au risque dès lors que le calorifuge présent sur les conducteurs se dégradait et devait être remplacé après que ces derniers aient été grattés

intervenir également au stade de l'entretien et nettoyer les fours au balai et à la pelle ;

Que Monsieur René X..., neveu de l'appelant atteste de ce que

"Les tuyauteries étaient entourées d'amiante , celle ci recouvertes d'un calorifuge ; au service dont je faisais partie , les nettoyages et changements de filtre se faisaient avec de l'amiante; la protection du visage par un masque n'était pas suffisante. L'atmosphère était irrespirable et on ne voyait plus rien plus loin de quatre mètres. A ce moment là le personnel n'était pas au courant du grave danger que représentait l'amiante" ;

Que Monsieur Gérard Z... atteste de ce que " jamais nous n'avons été au courant des risques. Nous n'avions pas de protection individuelle" ;

Que si l'employeur estime insuffisants ces témoignages pour établir la maladie professionnelle , il ne conteste pas que les deux témoins décrivent les conditions de travail susmentionnées ont effectivement travaillé aux côtés de Monsieur SEGURA ;

Qu ‘au cours de travail le salarié était donc exposé à l'inhalation de poussière d'amiante ;

Attendu que force est de constater que les conditions fixées par l'article L.461-1 précité pour présumer de l'origine professionnelle de la maladie dont souffre Joseph X... se trouvent réunies ;

que l'employeur ne combat pas utilement cette présomption , se contentant d'une contestation de principe que rien ne vient étayer ;qu'il n'a même pas jugé utile de demander une expertise ;

Attendu que le caractère professionnel de la maladie est en conséquence suffisamment établi

Sur la faute inexcusable

Attendu qu'en vertu du contrat de travail le liant à son salarié l'employeur est tenu envers celui ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ; que le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L452-1 du Code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait du avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ;

Attendu que le salarié ne bénéficie pas d'une présomption de faute inexcusable de l'employeur: c'est à lui seul de rapporter la preuve de ce que l'employeur avait ou aurait du avoir conscience du danger auquel était exposé ;

Attendu que la preuve de la conscience du danger est un préalable à l'établissement de la faute inexcusable, avant même de démontrer que les mesures nécessaires pour préserver les salariés n'ont pas été prises.

Sur la conscience du danger

Attendu que l'appréciation de la conscience du danger par l'employeur se fait in abstracto. qu'ainsi, la conscience du danger n'est pas celle que l'employeur a eue du danger créé, mais celle qu'il devait ou aurait du normalement avoir de ce danger ;

Attendu que le site de Toulouse de la société la Grande Paroisse produisait de l'acide gras et de l'azote ;

Attendu que l'usine utilisait massivement l'amiante comme isolant lors d'opération de pose , de dépose , d'entretien des isolations autour des sources de chaleur fixe telles que des tuyaux , chaudières et fours ;

Attendu que l'amiante se délitant rapidement, les salariés ,dont Monsieur X... , effectuaient des opérations de maintenance et de réparation , consistant à gratter le calorifugeage usager et à le remplacer par de nouvelles bandelettes d'amiante ;

Attendu qu ‘au cours de travail le salarié était exposé à l'inhalation de poussière d'amiante ;

Attendu que la société Grande Paroisse disposant de services juridique , administratif et de médecine du travail ne pouvait théoriquement ignorer la nocivité de l'inhalation de poussières d'amiante au regard de la législation et des études menées sur l'inhalation des poussières d'amiante ci après énumérées:

* ordonnance du 2 août 1945, qui a inscrit les maladies consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante au tableau des maladies professionnelles no25,

* décret du 31 août 1950, définissant isolément l'asbestose comme une fibrose broncho pulmonaire consécutive à 'l'inhalation de poussières d'amiante, les travaux de calorifugeage figurant ensuite à la liste indicative des principaux travaux susceptibles de provoquer cette maladie,

* l'étude menée par DOLL en 1955 sur une population de travailleurs de l'amiante établissant un lien entre l'asbestose et l'accroissement du risque du cancer du poumon,

* l''article paru dans la revue de L'INRS en avril 1956, intitulé "Le travail de l'amiante et ses risques professionnels " article qui énumère les travaux supposant la manipulation de calorifugeage,

Attendu que l'inscription au tableau des maladies professionnelles ne peut constituer le point de départ de la conscience des dangers que pouvait avoir ou ne pas avoir la société Grande Paroisse, cette inscription dispensant simplement le salarié d'une preuve parfois difficile du lien de causalité entre l'exposition au risque et la maladie ;

Attendu en conséquence que l'argument selon lequel les travaux d'équipement d'entretien ou de maintenance effectués sur le matériel revêtu ou contenant de l'amiante ainsi que les travaux d'usinage et de découpe de matériaux en contenant ne figurent au tableau 30 des maladies professionnelles que depuis le décret du 22 mars 1996 est sans portée ;

Attendu qu'au delà de la connaissance théorique du risque qu'avait l'employeur, la conscience du danger implique la connaissance par l'employeur de l'exposition du salarié au danger ;

Attendu que cette connaissance du danger dépend non pas du type d'activité industrielle , mais des circonstances de l'exposition personnelle du salarié ;

Attendu que la société Grande Paroisse faisait une utilisation massive de l'amiante pour l'isolation de tous ses moyens de production ;

qu'elle ne pouvait ignorer, tenant l'exposition du salarié à l'amiante, les risques encourus par lui alors que le tableau no30 des maladies professionnelles dans la rédaction de 1951 , prévoyait comme travaux exposant à l'inhalation des poussières d'amiante, à titre indicatif, les travaux de calorifugeage au moyen d'amiante ;

Sur les mesures pour préserver le salarié du danger

Attendu que si avant le décret du 17 août 1977 il n'existait aucune législation ou réglementation spécifiques en matière d'inhalation des poussières d'amiante , il existait une réglementation générale sur les poussières , qui s'appliquait également aux poussières d'amiante ;

Attendu que le décret de 1977 n'a pas été le texte exclusif réglementant l'utilisation de l'amiante et ne s'est pas substitué aux dispositions sur les poussières résultant du livre II du Code du travail ;

Attendu que c'est la raison pour laquelle dans la circulaire du 8 août 1988, relative à l'application du décret du 27 mars 1987, modifiant le décret du 17 août 1977, le ministère du travail rappelait que dans les établissements où le personnel est exposé à l'exposition des poussières d'amiante restaient applicables:"les textes généraux qui s'appliquent à tous les travailleurs, y compris à ceux exposés à l'amiante .Tel est le cas par exemple, des dispositions des articles R 232 -1 à R 232-13 du Code du travail, c'est à dire la réglementation sur les poussières prévue depuis 1913." ;

Attendu qu'à partir de 1977 le décret prévoyait que la concentration moyenne en fibres d'amiante de l'atmosphère inhalée par un salariée ne devait pas dépasser deux fibres par centimètre cube et que l'atmosphère des lieux de travail devait être contrôlée au moins une fois par mois ;

Attendu par ailleurs que ce même décret imposait à l'employeur la liste à disposition d'appareils respiratoires anti poussières et le conditionnement des déchets et des emballages susceptibles de dégager des fibres d'amiante et l'information par l'employeur de tout salarié susceptible d'être exposé à l'amiante sur les risques encourus ;

Attendu que force est de constater, au travers des dépositions de Monsieur René X... et de Monsieur Gérard Z... que l'employeur ne s'est pas soumis à cette législation ;

Attendu que l'employeur n'apporte aucun élément de nature à contrer leurs dépositions en démontrant qu'il avait pris toutes les mesures pour assurer la protection des salariés et les avait informés du risque encouru ;

Attendu que les éléments constitutifs de la faute inexcusable sont réunis et que la maladie professionnelle est la conséquence de la faute inexcusable de l'employeur;

Sur les conséquences de la faute inexcusable

La majoration de la rente

Attendu dès lors que la maladie professionnelle est consécutive à la faute inexcusable de son employeur , Monsieur X... est droit de prétendre à une majoration de rente fixée au maximum qui s'ajoute à la rente forfaitaire

Attendu que la majoration suivra l'évolution du taux d'IPP ;

Sur la réparation de la souffrance physique

Attendu que Monsieur X... fait valoir que les explorations fonctionnelles versées aux débats en date du 21 novembre 2001,laissent apparaître une amputation de la capacité pulmonaire ainsi que de la capacité vitale; que l'insuffisance respiratoire dont il est atteint l'affaiblit de jour en jour qu'il est contraint de subir un certain nombre d'examens tous les ans pour contrôler l'évolution de son état de santé et demande des dommages intérêts à hauteur de 16000 € ;

Attendu que si le certificat médical du 21 novembre 2001 établi par le Docteur Y... fait état d'une capacité pulmonaire de 80 % de la capacité théorique ;

Attendu que Monsieur X... est soumis périodiquement à des examens de contrôle ;

Attendu qu'il apparaît justifié de lui allouer de ce chef une somme de 7500 € à titre de dommages intérêts ;

Sur la réparation du préjudice moral

Attendu que l'asbestose place Monsieur X... parmi les catégories à risque au regard de maladies comme le cancer broncho pulmonaire et surtout le mésothéliome , le risque pour l'intéressé de contracter une telle maladie étant multiplié par dix mille ;

Attendu que le caractère de la maladie est irréversible ;

Attendu que le salarié a vu ses deux frères François et Lucien décéder des suites d'un mésothéliome ;

Attendu que le préjudice moral est avéré et justifie l'allocation de dommages intérêts à hauteur de 7500 € ;

Sur le préjudice d'agrément

Attendu la fatigue chronique engendrée par sa maladie entrave au quotidien la vie de Monsieur X... , qui ne peut plus pratiquer sans effort les activités habituelles telles que marche , vélo, jardinage , bricolage ;

Attendu que son état de santé ne lui permet plus de profiter des agréments de la vie et est un obstacle à une vie sociale et familiale épanouie ;

Attendu que la Cour alloue en conséquence au salarié la somme de 7 500 € de ce chef ;

Sur les autres prétentions

Attendu que la caisse primaire d'assurances maladie de la Haute Garonne sera chargée de procéder au paiement de la majoration de la rente et au versement des indemnités réparant les préjudices extra patrimoniaux ;

Attendu que la caisse primaire d'assurances maladie récupérera sur l'employeur le montant de la majoration de la rente et les sommes versées au titre des préjudices extra patrimoniaux;

Attendu que la Cour condamnera la société Grande Paroisse à verser à Monsieur X... la somme de 1 600 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La COUR

Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré la demande recevable ;

Infirme le jugement entrepris pour le surplus ;

statuant à nouveau et ajoutant au jugement

Dit que la maladie professionnelle dont est atteint Joseph X... est due à la faute inexcusable de l'employeur ;

Fixe au maximum prévu par la loi la majoration de la rente servie à Monsieur X... ;

Dit que la majoration suivra l'évolution du taux d'IPP ;

Fixe l'indemnisation des préjudices complémentaires selon les modalités suivantes:

* réparation de la souffrance physique: 7 500 €

* réparation du préjudice moral : 7 500 €

* réparation du préjudice d'agrément :7 500 €

Fixe comme point de départ des intérêts au taux légal:

* pour la majoration de la rente , la date de la tentative de conciliation

* pour les préjudices extra patrimoniaux , la date du présent arrêt

Déboute Monsieur X... du surplus de ses demandes ;

Dit que la caisse primaire d'assurances maladie de la Haute Garonne sera chargée de procéder au paiement de la majoration de la rente et au versement des indemnités réparant les préjudices extra patrimoniaux ;

Dit que la caisse primaire d'assurances maladie récupérera sur l'employeur le montant de la majoration de la rente et les sommes allouées au titre des préjudices extra patrimoniaux ;

Condamne la société Grande Paroisse à verser à Monsieur X... la somme de 1 600 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Le présent arrêt a été signé par R. MULLER président , et par D. FOLTYN-NIDECKER, greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Dominique A... Raymond MULLER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : Ct0036
Numéro d'arrêt : 05/05680
Date de la décision : 23/08/2007

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2007-08-23;05.05680 ?
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