09/10/2006 ARRÊT No No RG: 05/05559CF/CD Décision déférée du 28 Septembre 2005 - Tribunal de Grande Instance de FOIX - 03/1114M. TESSIER FLOHIC Jacques Aimé X... représenté par la SCP BOYER-LESCAT-MERLE Odette Simone Y... épouse X...représentée par la SCP BOYER-LESCAT-MERLE C/Société D'AMENAGEMENT FONCIER ET D'ETABLISSEMENT RURAL "SAFER"DE GASCOGNE HAUT LANGUEDOC représentée par la SCP NIDECKER PRIEU-PHILIPPOT
CONFIRMATION Grosse délivréeleà
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
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COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ère Chambre Section 1
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ARRÊT DU NEUF OCTOBRE DEUX MILLE SIX
***APPELANTS Monsieur Jacques Aimé X... ... représenté par la SCP BOYER-LESCAT-MERLE, avoués à la Cour assisté de la SCP BARAT, BALARD, avocats au barreau d'ARIEGE Madame Odette Simone Y... épouse X... ... représentée pa la SCP BOYER-LESCAT-MERLE, avoués à la Cour assistée d la SCP BARAT, BALARD, avocats au barreau d'ARIEGE INTIMEE Société D'AMENAGEMENT FONCIER ET D'ETABLISSEMENT RURAL "SAFER"DE GASCOGNE HAUT LANGUEDOC6 place de L'Ancien Foirail 32000 AUCHreprésentée par la SCP NIDECKER PRIEU-PHILIPPOT, avoués à la Cour assistée de la SCP CABINET CAMILLE ASSOCIÉS, avocats au barreau de TOULOUSE COMPOSITION DE LA COUR En application des dispositions des articles 786 et 910 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Septembre 2006,
en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant O. COLENO, conseiller, C. FOURNIEL, conseiller, chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :H. MAS, présidentO. COLENO, conseillerC. FOURNIEL, conseillerGreffier, lors des débats : E. KAIM-MARTIN ARRET : - contradictoire- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties- signé par H. MAS, président, et par E. KAIM-MARTIN, greffier de chambre.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur Jacques X... et son épouse madame Odette Simone Y..., exploitants agricoles à ARGEIN (Ariège) ont acquis de madame Alice Z..., par acte sous seing privé du 28 janvier 2003, la parcelle B 589 et diverses autres parcelles.
Par acte d'huissier du 23 avril 2003, la SOCIETE D'AMENAGEMENT FONCIER ET RURAL DE GASCOGNE ET DU HAUT LANGUEDOC (SAFER GHL) a notifié au notaire qu'elle entendait exercer son droit de préemption.
Le 15 octobre 2003 les époux X... ont fait assigner la SAFER aux fins d'annulation de la préemption ainsi exercée, ainsi qu'en paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, et d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La SAFER a conclu in limine litis à l'irrecevabilité de la demande pour défaut de publication de l'assignation à la Conservation des Hypothèques, et au fond à la régularité de l'exercice de son droit de préemption.
Suivant jugement en date du 28 septembre 2005, le tribunal de grande instance de FOIX a débouté monsieur et madame X... de l'ensemble de leurs demandes, débouté la SAFER GASCOGNE HAUT LANGUEDOC de sa demande de dommages et intérêts, et condamné les époux X... au
paiement de 800 euros au profit de la SAFER au titre des frais d'avocat, outre les entiers dépens.
Par déclaration en date du 25 octobre 2005 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas discutées, les époux X... ont relevé appel de ce jugement.
Ils demandent à la cour d'annuler la préemption effectuée par la SAFER à leur préjudice et la rétrocession au profit de madame A..., de condamner la SAFER au règlement de 1.000 euros de dommages et intérêts et de 1.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, et aux entiers dépens.
Les appelants font valoir qu'en s'opposant à leur acquisition de la parcelle 589 la SAFER n'a pas respecté ses objectifs et n'a pas agi dans un intérêt général, que le prix de rétrocession qu'elle a proposé pour les autres parcelles préemptées est excessif, que la décision de rétrocession était prise dès la préemption au profit d'un bénéficiaire facilement identifiable, ce qui constitue un détournement de pouvoir, que l'exploitation de madame A... n'est pas contiguù à la parcelle litigieuse sur laquelle au surplus monsieur X... bénéficie d'un bail, que la préemption n'est motivée que par des généralités, et qu'elle repose sur de faux motifs équivalant à une absence de motivation.
Ils ajoutent que de façon surprenante la SAFER a en cours de procédure de première instance proposé à monsieur X... un échange de parcelles avec l'EARL gérée par madame A... et son concubin, ce qui prouve qu'il n'y avait aucune priorité à attribuer les parcelles litigieuses à madame A..., et qu'il y a discrimination à leur préjudice.
La SAFER GASCOGNE ET HAUT LANGUEDOC conclut à la confirmation du jugement, sauf à condamner les époux X... au paiement de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts, et sollicite l'allocation de
2.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel, ainsi que la condamnation des appelants aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP NIDECKER etamp; PRIEU-PHILIPPOT.
L'intimée soutient tout d'abord, au visa de l'article L 143-14 du code rural, que les époux X... sont irrecevables à solliciter l'annulation de la rétrocession en dehors de la préemption et par des moyens qui lui seraient propres.
Elle dit ensuite que sa décision de préempter est suffisamment motivée, que la rétrocession à madame A... n'est que la conséquence de l'exigence des époux X... du tout à leur seul profit, qu'il a été fait allusion à l'existence d'un bail sur la parcelle B 589 pour la première fois dans le courrier que monsieur X... lui a adressé le 8 août 2003 à propos de la rétrocession, que les époux X... ne se trouvaient nullement dans une situation préférable à celle de madame A..., et que la recherche en 2004 d'un éventuel échange de parcelles entre cette dernière et les appelants s'inscrivait dans la logique de la préemption exercée en 2003 et de ce qu'elle avait préconisé au niveau de la rétrocession.
La SAFER souligne enfin que le moyen tiré du prix pratiqué à la revente est inopérant, et affirme qu'en engageant ce contentieux les époux X... ont commis un véritable abus de droit justifiant réparation.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 6 septembre 2006.* * *
MOTIFS DE LA DECISION Sur la régularité de la notification de la décision de préemption
Par de justes motifs que la cour fait siens le tribunal a écarté le moyen des demandeurs tiré de la prétendue irrégularité à leur égard de la notification de la préemption.
Les époux X... ne reprennent d'ailleurs pas ce moyen en cause d'appel.Sur le bien fondé de la demande d'annulation de la décision
de préemption
L'article L 143-3 du code rural fait obligation aux sociétés d'aménagement foncier et rural (SAFER) de justifier leurs décisions de préemption par référence explicite et motivée à l'un ou plusieurs des objectifs définis par l'article L 143-2 du code rural.
Le contrôle nécessaire de cette motivation impose à la SAFER, à peine de nullité de l'acte, de fournir des données concrètes permettant de vérifier la réalité des objectifs allégués et leur concordance avec les finalités légales.
Il n'appartient pas aux juridictions saisies d'une demande d'annulation d'une telle décision d'en apprécier l'opportunité.En l'espèce la décision de préemption de la SAFER GHL vise l'agrandissement et l'amélioration de la répartition parcellaire des exploitations existantes conformément à l'article L 331-2 du code rural.
Elle est motivée par les caractéristiques des biens objet de la préemption, leur situation dans un canton d'élevage traditionnel bovins et ovins avec transhumance, nécessitant la constitution d'îlots de pâturage bien structurés, par les difficultés des conditions d'exploitation, liées à une structure parcellaire souvent déficiente, la diminution du nombre des exploitants, 48,5 % de 1988 à 2000, et l'existence d'une demande émanant d'une exploitation contiguù à une partie des biens en vente, faisant apparaître des besoins d'amélioration de sa répartition parcellaire.
La décision litigieuse comporte une référence expresse à un objectif énoncé par l'article L 143-2 du code rural, ainsi que des indications précises sur des données concrètes, de nature à permettre la vérification de la réalité de l'objectif poursuivi et sa concordance avec les finalités légales.
Le fait de mentionner qu'une exploitation contiguù à une partie des
biens en vente a sollicité la SAFER ne peut être considéré comme un pré jugement de l'attribution définitive du fonds et par suite comme un détournement de pouvoir, dès lors qu'il est précisé au paragraphe suivant que ces indications sont données sous réserve de l'examen des diverses candidatures qui pourront être formulées à la suite de la publicité à laquelle sont astreintes les SAFER.
S'il apparaît que l'exploitation de madame A... n'est pas effectivement contiguù à la parcelle 589, il n'est pas discuté par les appelants qu'une contigu'té existe entre certaines parcelles objet de la préemption et deux des parcelles de madame A....
Cet élément relatif à la localisation des parcelles ne peut donc suffire à remettre en cause la pertinence de la motivation de la décision contestée.
Quant au moyen tiré de l'existence d'un bail au profit de monsieur X... sur la parcelle 589, force est de constater que ni la réquisition faite au notaire de procéder aux formalités préalables à la vente et d'établir l'acte authentique de vente, document signé par l'acquéreur X... et par la venderesse madame Z..., ni la notification de vente adressée par le notaire à la SAFER GHL ne font état d'un tel bail, les biens vendus étant désignés comme libres de toute location.
L'argument tiré de la différence entre le prix d'achat et le prix de rétrocession est inopérant au regard des exigences requises au niveau de la motivation des décisions de préemption.
Enfin l'évocation de l'échange de parcelles proposé par la SAFER en cours de procédure de première instance est sans incidence sur l'appréciation de la régularité de la décision de préemption critiquée.
En conséquence il convient de considérer que les conditions de forme et de fond prévues par la loi en la matière ont été respectées, et
que la demande tendant à voir annuler la décision de préemption n'est pas fondée.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les époux X... de leurs prétentions.Sur la recevabilité de la contestation relative à la régularité de la rétrocession
Il résulte des dispositions de l'article L 143-14 du code rural que sont irrecevables les actions en justice contestant les décisions de rétrocession prises par les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural intentées au delà d'un délai de six mois à compter du jour où les décisions motivées de rétrocession ont été rendues publiques.
Au cas d'espèce les époux X... ont contesté par voie de conclusions déposées le 7 septembre 2004 la décision de rétrocession publiée le 4 novembre 2003.
Cette contestation est par conséquent irrecevable, ainsi que l'a justement décidé le tribunal.Sur les demande de dommages et intérêts
Les époux X... ont été à bon droit déboutés de ce chef de demande.
La SAFER ne démontre pas que l'action engagée à son encontre procède d'un abus de droit d'ester en justice.
Sa demande de dommages et intérêts a été justement rejetée.Sur l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile
Il est équitable de maintenir la condamnation des époux X... au paiement de la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles exposés par la SAFER GHL en première instance.
Il sera alloué à l'intimée qui a dû engager des frais devant la cour une somme complémentaire de 1.000 euros.Sur les dépens
Les époux X... succombant en leurs prétentions d'appelants seront condamnés aux dépens de la présente procédure, la condamnation aux dépens prononcée à leur encontre à juste titre par les premiers juges
étant maintenue.* * *
PAR CES MOTIFS
La cour
En la forme, déclare l'appel régulier,
Au fond, confirme le jugement,
Y ajoutant
Condamne les époux X... à payer à la SAFER DE GASCOGNE ET HAUT LANGUEDOC la somme de 1.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel,
Les condamne aux dépens de la présente procédure, dont distraction au profit de la SCP NIDECKER etamp; PRIEU-PHILIPPOT, avoué.Le présent arrêt a été signé par H. MAS, président, et par E. KAIM MARTIN, greffier.LE GREFFIER
LE PRESIDENTE. KAIM MARTIN
H. MAS