18/09/2006 ARRÊT No NoRG: 04/01821 CF/CD Décision déférée du 05 Avril 2004 - Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE - 02/1824 M. SERNY Max X... représenté par la SCP RIVES-PODESTA SCP RIOLS LAFAGE représentée par la SCP RIVES-PODESTA C/ Andrée Y... représenté par la SCP BOYER-LESCAT-MERLE Jocelyne Z... représenté par la SCP SOREL-DESSART-SOREL
CONFIRMATION Grosse délivrée le à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
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COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ère Chambre Section 1
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ARRÊT DU DIX HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE SIX
[***] APPELANTS Maître Max X...
... 33250 PAUILLAC représenté par la SCP RIVES-PODESTA, avoués à la Cour assisté de la SCP G.L. LARRAT & N. LARRAT, avocats au barreau de TOULOUSE SCP RIOLS LAFAGE 51 rue Despeyroux BP 45 82500 BEAUMONT DE LOMAGNE représentée par la SCP RIVES-PODESTA, avoués à la Cour assistée de la SCP G.L. LARRAT & N. LARRAT, avocats au barreau de TOULOUSE INTIMEES Madame Andrée Y...
... 31770 COLOMIERS représenté par la SCP BOYER-LESCAT-MERLE, avoués à la Cour assisté de la SELAFA MONTEIS-GISTAIN, avocats au barreau de TOULOUSE Maître Jocelyne Z... 54, rue Pargaminières 31000 TOULOUSE représenté par la SCP SOREL-DESSART-SOREL, avoués à la Cour assisté de la SCP MERCIE FRANCES JUSTICE ESPENAN, avocats au barreau de TOULOUSE COMPOSITION DE LA COUR Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 26
Juin 2006 en audience publique, devant la Cour composée de : H. MAS, président O. COLENO, conseiller C. FOURNIEL, conseiller qui en ont délibéré. Greffier, lors des débats : C. DUBARRY ARRET : - contradictoire - prononcé par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par H. MAS, président, et par E. KAIM-MARTIN, greffier de chambre. [********]
EXPOSE DU LITIGE
Dans le cadre de la procédure de divorce sur requête conjointe engagée par les époux Jean A... et Andrée Y... , mariés sous le régime de la séparation de biens, maître X..., notaire associé de la SCP MIQUEL-RIOLS, a établi par acte des 23 et 30 décembre 1994 une convention définitive intitulée "liquidation de communauté", destinée à organiser le partage des biens immobiliers acquis indivisément par les conjoints.
Cette convention prévoyait que monsieur Jean A... serait attributaire de l'ensemble des biens et droits immobiliers indivis, à charge pour lui de payer le solde du crédit immobilier souscrit avec son épouse pendant la vie commune et de verser à madame Y... une soulte de 335.000 francs. Le paiement de cette soulte devait se faire à concurrence de 35 000 francs au moyen d'une dation en paiement, le solde de 300 000 francs devant être réglé dans le délai d'un mois à compter du jour du prononcé du divorce, et ce au moyen d'un prêt , précision faite que passé ce délai la soulte produirait des intérêts au taux de 10 % l'an.
Il était également stipulé qu'à la garantie du paiement de la somme de 300.000 francs madame Y... faisait réserve expresse de son privilège de copartageant prévu par l'article 2109 du code civil, et les parties convenaient de ce que cette inscription serait prise lors de la réalisation des conditions suspensives, à savoir le prononcé du divorce.
Le jugement de divorce prononcé le 10 janvier 1995 a été transcrit le 3 juillet 1995.
L'acte de partage de l'indivision n'a jamais été publié, et la soulte prévue au profit de l'épouse n'a pas été réglée.
La SARL MENUISERIES ARTISANALES ET TRADITIONNELLES A... a été mise en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de TOULOUSE du 27 octobre 1995, puis en liquidation judiciaire le 28 novembre 1997. Cette procédure collective a été étendue à monsieur Jean A... selon jugement du 29 janvier 1999 confirmé par arrêt de la cour d'appel de TOULOUSE du 2 décembre 1999.
Maître Z..., mandataire liquidateur, ayant engagé une action en partage et licitation des biens indivis entre les époux A..., le tribunal de grande instance de TOULOUSE, par jugement du 7 février 2003, a désigné le président de la chambre des notaires ou son délégataire à l'effet de procéder aux opérations de compte, liquidation et partage du régime matrimonial , et a ordonné au préalable la licitation de ces biens à la barre du tribunal.
Parallèlement par acte d'huissier du 8 octobre 2002, madame Andrée Y... a fait assigner maître Max X... et la SCP RIOLS -LAFAGE, venant aux droits de la SCP MIQUEL-RIOLS, en responsabilité et réparation du préjudice subi par elle du fait de l'impossibilité d'exécuter l'acte de partage et d'obtenir paiement de son dû.
Suivant jugement en date du 5 avril 2004, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de grande instance de TOULOUSE a condamné Max X... et la SCP RIOLS-LAFAGE lui succédant, à payer à madame Andrée Y... la somme de 87.598,19 euros qui porterait intérêts au taux de 10 % l'an sur le principal de 45.735 euros à compter de la décision, ainsi que la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, outre les dépens.
Par déclaration en date du 30 avril 2004 dont la régularité et la
recevabilité ne sont pas discutées, maître X... et la SCP RIOLS-LAFAGE ont relevé appel de ce jugement, et par acte d'huissier du 12 mai 2004, ils ont fait appeler en intervention forcée maître Jocelyne Z..., en sa qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de monsieur Jean A...
Les appelants demandent à la cour de débouter madame Y... de l'intégralité de ses demandes, et de la condamner à restituer la somme de 87.598,19 euros réglée au titre de l'exécution provisoire, ainsi que celle de 312, 40 euros également réglée au titre des intérêts échus à compter du jugement du 5 avril 2004. Ils sollicitent en outre sa condamnation au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, et aux entiers dépens.
Pour le cas où le jugement serait confirmé, ils entendent voir dire et juger qu'ils seront subrogés dans les droits de madame Y... à concurrence des condamnations mises à leur charge, dans le cadre des opérations de compte, liquidation et partage ordonnées par le tribunal de grande instance de TOULOUSE, et qu'en conséquence maître Z... sera tenue de leur distribuer le montant des sommes qu'ils ont été amenés à payer en exécution de la décision du 5 avril 2004.
Maître X... et la SCP RIOLS-LAFAGE font valoir qu'il était convenu entre les parties signataires de l'acte du 30 décembre 1994 que la perfection du partage serait subordonnée au paiement immédiat de la somme de 300.000 francs par monsieur A..., que ce dernier avait préalablement à la signature de l'état liquidatif sollicité et obtenu le prêt nécessaire, mais que ce prêt n'a jamais été libéré, que le partage n'a pu être considéré comme définitif du fait de l'absence de règlement de la soulte litigieuse, et que le notaire ne peut être tenu pour responsable de la non exécution par la banque de ses obligations contractuelles, de la non publication du partage et de la
non inscription du privilège de copartageant.
Les appelants ajoutent que madame Y... ne s'est pas opposée à la procédure de licitation engagée par maître Z..., et a fait état d'une transaction avec le mandataire liquidateur, qu'elle devrait percevoir la moitié du prix d'adjudication et ne justifie d'aucun préjudice en relation avec les manquements qu'elle reproche au notaire, et que le jugement du 20 décembre 2005 invoqué par madame Y... et maître Z... ne leur est pas opposable.
Madame Y... conclut à la confirmation du jugement, sauf à condamner les appelants à lui verser la somme de 6.000 euros au titre du préjudice causé par l'instance engagée par maître Z....
Elle sollicite en outre le paiement de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, et la condamnation des appelants aux dépens, dont distraction au profit de la SCP BOYER-LESCAT-MERLE.
L'intimée soutient qu'il appartenait à maître X... de vérifier que le prêt avait bien été consenti à monsieur A..., ainsi que la situation hypothécaire avant de faire signer l'acte de partage, que par la négligence fautive du notaire elle a apposé sa signature sur un acte dont elle pensait à tort qu'il lui assurerait le paiement effectif de la soulte, et que maître X... a manqué à son devoir de conseil en omettant de l'alerter sur les difficultés rencontrées.
Elle précise que par jugement du 20 décembre 2005 le tribunal de grande instance de TOULOUSE a attribué à maître Z... l'intégralité du solde du prix de licitation de la maison d'AUSSONNE, après déduction des frais de poursuite d'ordre et de radiation hypothécaire, et qu'il en sera de même pour le prix de licitation des appartements indivis.
A l'appui de son appel incident madame Y... fait observer que l'action en partage engagée par maître Z... et les procédures
subséquentes ont entraîné des frais et l'ont affectée.
Maître Z..., liquidateur judiciaire de monsieur A..., demande à la cour de prononcer sa mise hors de cause, et de condamner les notaires au paiement de la somme de 1.500 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP SOREL-DESSART-SOREL.
Elle soutient qu'elle est étrangère au litige qui oppose madame Y... aux notaires, qu'il n'y a jamais eu de transaction, que le jugement du 20 décembre 2005 est opposable aux notaires, que madame Y... n'ayant pas déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire de monsieur A..., ils ne peuvent en toute hypothèse participer à la distribution du prix, et que les fonds disponibles seraient de toute façon insuffisants pour permettre une distribution au profit des appelants.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 14 juin 2006. * * *
MOTIFS DE LA DECISION B... la responsabilité du notaire maître X... Il est constant que l'acte de partage des 23 et 30 décembre 1994 n'a pas été publié à la conservation des hypothèques, de sorte qu'à l'égard des tiers les biens sont demeurés indivis.
En conséquence maître Z..., liquidateur, était en sa qualité de représentant des créanciers de monsieur A... fondée à agir en partage de ce patrimoine indivis, ce qu' a jugé le tribunal de grande instance de TOULOUSE dans sa décision du 7 février 2003.
L'absence de publicité du partage et d'inscription subséquente du privilège du copartageant n'implique par pour autant que l'acte de partage litigieux est dépourvu d'effet entre les époux.
Il est indiqué dans cet acte que la soulte de 335.000 francs revenant à l'épouse sera payable à concurrence de 35.000 francs au moyen d'une dation en paiement, laquelle a été effective puisqu'il est précisé
que pour se libérer de cette somme monsieur A... a abandonné en paiement une voiture de marque Renault 5. Une partie de la soulte a donc été réglée.Une partie de la soulte a donc été réglée.
Contrairement à l'argumentation développée par les notaires devant les premiers juges et reprise en cause d'appel, la liquidation du régime matrimonial des époux est faite sous la seule condition suspensive du prononcé du divorce.
Il est stipulé que la somme de 300.000 francs sera payée dans le délai d'un mois à compter du jour du divorce au moyen d'un prêt que doit consentir la BPTP à monsieur A... et à ce jour accordé ainsi qu'il résulte d'une lettre délivrée par ladite banque en date du 28 décembre 1994 qui demeurera jointe et annexée aux présentes après mention.
Au paragraphe intitulé "délai et constatation de la réalisation de la condition suspensive" il est précisé que la condition suspensive sera réalisée par le prononcé du divorce, et qu'elle sera constatée par le dépôt au rang des minutes du notaire soussigné, par la partie la plus diligente, d'un extrait ou d'une copie du jugement de divorce et d'un certificat de non appel dans les quinze jours de la réception de la copie de ce jugement avec paiement concomitant de la soulte.
Cette mention "avec paiement concomitant de la soulte" ne constitue pas une condition suspensive mais une simple modalité d'exécution de l'accord intervenu entre les époux.
Le divorce ayant été effectivement prononcé la condition suspensive a été réalisée.
A aucun moment madame Y... n'a manifesté la volonté de renoncer à se prévaloir de cet acte à l'égard de son ex époux. Les courriers adressés par elle-même ou par son notaire à maître X..., et la sommation faite par huissier le 25 janvier 1996 à monsieur A... d'avoir à comparaître en l'étude notariale afin de constater la
réalisation de la condition suspensive stipulée dans l'acte des 23 et 30 décembre 1994, et de procéder au paiement de la soulte convenue, démontrent le contraire.
Il n'est nullement justifié de l'existence d'une transaction entre madame Y... et maître Z..., étant observé que le liquidateur ne peut en vertu de l'article L 622-20 du code de commerce transiger sans autorisation judiciaire.
En ordonnant la licitation des immeubles indivis le jugement du 7 février 2003 a tiré les conséquences du défaut de publication du partage à l'égard des tiers mais n'a pas statué sur sa validité.
C'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que l'acte de partage litigieux obligeait les époux dans leurs rapports entre eux.
Il s'évince de la chronologie des faits qu'en dépit de l'énonciation contenue dans l'acte de partage rédigé par maître X... le prêt destiné à permettre le paiement du solde de la soulte n'a pas été accordé à monsieur A....
Le notaire, qui était tenu de prendre les dispositions nécessaires pour assurer l'efficacité de son acte, ne pouvait se satisfaire d'une simple télécopie de l'organisme bancaire indiquant que le dossier de prêt était accepté, mais devait vérifier le versement effectif des fonds destinés au règlement de la soulte au profit de madame Y....
Cette absence de vérification fautive de la part du notaire a conduit l'épouse à apposer sa signature sur un acte de partage dont les énonciations lui laissaient croire qu'il lui garantissait le paiement de la soulte.
La responsabilité de maître X... est donc engagée à ce titre. B... le préjudice subi par madame Y...
La somme de 45.735 euros restant due à madame Y... au titre du solde de la soulte ne lui a pas été réglée par son ex époux.
En vertu de l'effet déclaratif du partage reconnu valable entre les époux, monsieur A... est réputé avoir la pleine propriété des biens indivis.
En conséquence maître Z..., en sa qualité de représentant légal du débiteur monsieur A..., est fondée à appréhender l'intégralité du prix de licitation des immeubles, sauf les frais de poursuite, d'ordre et de radiation hypothécaire, pour le distribuer aux créanciers de la liquidation.
C'est ce qu' a jugé le tribunal de grande instance de TOULOUSE par une décision du 20 décembre 2005 dont il est justifié par le liquidateur qu'elle n'a fait l'objet d'aucun recours.
Cette décision n'a pas l'autorité de la chose jugée à l'égard des notaires, mais elle constitue un fait juridique qui leur est opposable et qui démontre que, contrairement à l'affirmation des appelants, madame Y... ne percevra aucune somme sur le prix de vente des immeubles.
Par suite le préjudice de cette dernière est égal au montant du solde de la soulte qu'elle n'a pas pu percevoir, soit la somme de 45.735 euros, augmentée des intérêts au taux de 10 % prévus dans l'acte de partage, d'un montant de 41.863,19 euros pour la période du 5 février 1995 au 30 mars 2004 tels que calculés par le tribunal.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné maître X... et la SCP RIOLS LAFAGE, en sa qualité de cessionnaire de l'étude, à payer à madame Y... la somme de 87.598,19 euros.
Le préjudice subi par madame Y... est suffisamment réparé par l'allocation de cette somme, et il n'y pas lieu de lui allouer dans le cadre de la présente instance une somme complémentaire au titre des frais et désagréments que lui a occasionnés l'action en partage introduite par maître Z.... B... la demande formée par maître X... et la SCP RIOLS-LAFAGE à l'encontre de maître Z...
Les notaires ne peuvent se prévaloir d'une subrogation dans les droits que madame Y... aurait pu faire valoir sur l'actif de la liquidation judiciaire de monsieur A..., dans la mesure où ils sont condamnés au paiement de dommages et intérêts et non au règlement de la soulte au lieu et place du débiteur de cette soulte, étant au surplus observé que madame Y... n'a apparemment pas déclaré sa créance au passif de la liquidation de son ex époux.
Il convient par conséquent de rejeter la demande formée contre maître Z... es qualité de liquidateur de judiciaire de monsieur A...
B... les demandes annexes
La somme octroyée à madame Y... en première instance sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile est équitable et sera donc maintenue.
Une somme complémentaire de 2.000 euros lui sera accordée au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a dû exposer pour faire assurer sa défense devant la cour.
Maître Z..., assignée à tort en intervention forcée devant la cour, se verra allouer la somme de 1.200 euros. B... les dépens
Maître X... et la SCP RIOLS -LAFAGE qui succombent en leurs prétentions supporteront les dépens de la présente procédure, tout comme ceux de première instance. * * *
PAR CES MOTIFS
La cour
En la forme, déclare l'appel régulier,
Au fond, confirme le jugement,
Y ajoutant
Déboute maître X... et la SCP RIOLS-LAFAGE de leur demande formée contre maître Z..., es qualité de liquidateur judiciaire de monsieur Jean A...,
Les condamne in solidum à payer à madame Y... la somme de 2.000
euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel , à maître Z... es qualité la somme de 1.200 euros sur le même fondement,
Condamne in solidum maître X... et la SCP RIOLS-LAFAGE aux dépens de la présente procédure, dont distraction au profit des SCP BOYER-LESCAT-MERLE et SOREL-DESSART-SOREL, avoués. Le présent arrêt a été signé par H. MAS, président, et par E. KAIM MARTIN, greffier. LE GREFFIER
LE PRESIDENT E. KAIM MARTIN
H. MAS