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14/09/2006 | FRANCE | N°417

France | France, Cour d'appel de Toulouse, Ct0035, 14 septembre 2006, 417


14/09/2006ARRÊT No417NoRG: 05/03175Décision déférée du 16 Mai 2005 - Tribunal de Commerce de TOULOUSE - 04/196PASCAUDAndré BIENESreprésenté par la SCP NIDECKER PRIEU-PHILIPPOTC/SARL C... ET FILSDenis X... Y... divorcée Z... par la SCP B. CHATEAU - O. PASSERA

réformationGrosse délivréeleà

REPUBLIQUE FRANOEAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS

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COUR D'APPEL DE TOULOUSE

2ème Chambre Section 1

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ARRÊT DU QUATORZE SEPTEMBRE DEUX MILLE SIX

***APPELANT(E/S)Monsieur André A..., rue des Lilas31240 L UNIONreprésenté par la S

CP NIDECKER PRIEU-PHILIPPOT, avoués à la Courassisté de Me Catherine LAGRANGE, avocat au barreau de TOULOUSEINTIME(E/S)...

14/09/2006ARRÊT No417NoRG: 05/03175Décision déférée du 16 Mai 2005 - Tribunal de Commerce de TOULOUSE - 04/196PASCAUDAndré BIENESreprésenté par la SCP NIDECKER PRIEU-PHILIPPOTC/SARL C... ET FILSDenis X... Y... divorcée Z... par la SCP B. CHATEAU - O. PASSERA

réformationGrosse délivréeleà

REPUBLIQUE FRANOEAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

2ème Chambre Section 1

***

ARRÊT DU QUATORZE SEPTEMBRE DEUX MILLE SIX

***APPELANT(E/S)Monsieur André A..., rue des Lilas31240 L UNIONreprésenté par la SCP NIDECKER PRIEU-PHILIPPOT, avoués à la Courassisté de Me Catherine LAGRANGE, avocat au barreau de TOULOUSEINTIME(E/S)SARL C... ET FILSMonsieur Denis B... Industrielle LA CROIX8, impasse de la Feuilleraie31140 LAUNAGUETreprésentés par la SCP B. CHATEAU - O. PASSERA, avoués à la Courassistés de la SELARL MORVILLIERS, SENTENAC, avocats au barreau de TOULOUSEMadame Georgette Y... divorcée BIENESBP 284398713 PAPEETE - RPreprésentée par la SCP B. CHATEAU - O. PASSERA, avoués à la Courassistée de la SCP DE MASQUARD - TAMAIN, avocats au barreau de TOULOUSECOMPOSITION DE LA COURAprès audition du rapport, l'affaire a été débattue le 22 Juin 2006 en audience publique, devant la Cour composée de :J.P. SELMES, présidentV. VERGNE, conseillerD. VERDE DE LISLE, conseillerqui en ont délibéré.Greffier, lors des débats : A.

THOMASARRET : - contradictoire- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties- signé par J.P. SELMES, président, et par A. THOMAS, greffier de chambre

M. André C... a relevé appel le 3 juin 2005 du jugement rendu le 16 mai 2005 par le tribunal de commerce de Toulouse qui a déclaré ses prétentions irrecevables.

M. André C... exerçait une activité d'électricité. En 1981 il a décidé de donner à cette activité une forme sociale et une SARL a été créée incluant son épouse Mme Y... ainsi que Denis et Gilles les deux fils du couple. Les statuts portaient 160 parts pour M. André C..., 40 parts pour Mme Y..., 200 parts pour Denis, 100 parts pour Gilles. M. André C... a été le gérant de la société jusqu'au 3 février 1992 où Denis C... lui a succédé. Le couple C... Y... a divorcé par jugement du 26 novembre 1991 suivi d'un arrêt du 11 août 1994. Dans le cadre de la liquidation de la communauté, laquelle comprend les parts de la société C... et Fils, une expertise a été instituée confiée à M. Nicodème pour rechercher la valeur des parts. Il est apparu qu'à une assemblée générale extraordinaire du 18 décembre 1995, à laquelle M. André C... n'avait pas été convoqué, la décision avait été prise de répartir les bénéfices à raison de 1% pour M. André C..., 1% pour Mme Y..., 1% pour Gilles C..., 97%

pour Denis C.... Par ailleurs, toujours à l'insu de M. André C..., Gilles C... et Mme Y... ont cédé leurs parts à Denis C... selon actes du 22 décembre 1997 de sorte qu'à ce jour M. André C... possède toujours 160 parts et Denis C... en possède 340. Enfin une assemblée générale du 30 décembre 2000 a prévu d'attribuer 1% des bénéfices à M. André C... et 99% à Denis C.... M. André C... a saisi le tribunal pour obtenir la nullité de l'assemblée générale du 18 décembre 1995 et des actes de cession de parts du 22 décembre 1997. Le tribunal a rendu le jugement déféré qui a considéré que M. André C... n'était pas recevable à agir seul relativement à des biens en indivision avec Mme Y....

M. André Bienes expose qu'en créant la société C... et Fils en 1981 il a effectué un apport en nature, qu'il est porteur de 160 parts et qu'il est associé ce dont il déduit qu'il peut solliciter la nullité de l'assemblée générale du 18 décembre 1995. Il considère que l'article 815-3 du Code civil qui lui est opposé n'est pas applicable car lui-même effectue un acte de conservation des biens indivis prévu à l'article 815-2 du même code et son action préserve les droits du coindivisaire. Par ailleurs il invoque la fraude à ses droits, fraude à laquelle Mme Y... a participé ce qui justifie encore qu'il agisse seul. Il réfute l'application de la prescription triennale résultant de l'article L 235-9 du Code de commerce puisque justement il n'a pas été convoqué à l'assemblée générale litigieuse et il ignorait les décisions sociales. S'agissant de sa demande de nullité de la cession de parts intervenue entre Mme Y... et M. Denis C..., il réfute la prescription triennale pour le même motif. Sur le fond il invoque la nullité de l'assemblée générale au premier motif qu'il n'y a pas été convoqué, au second motif que la majorité des 3/4 n'a pas été atteinte, au troisième motif que les résolutions votées sont léonines

et il conteste que Mme Y... ait eu un mandat même apparent pour le représenter. Il déduit de la nullité des résolutions votées le 18 décembre 1995 que la répartition des bénéfices doit être corrigée depuis cette date sur la base de la répartition antérieure. Sur la nullité de la cession des 40 parts de Mme Y... à Denis C..., il fait valoir que ces parts étaient un bien de communauté, qu'elles sont devenues indivises ensuite du divorce, qu'il devait donner son accord à la cession. M. André C... conclut à la recevabilité de son action, à la nullité de la modification du 18 décembre 1995 sur la répartition des bénéfices et des pertes, à la rectification de cette répartition conformément aux statuts antérieurs, à la restitution sur son compte courant du montant des bénéfices acquis en tant que porteur de 160 parts dans la société C... et Fils. Il conclut également à la nullité de la cession des 40 parts de Mme Y.... Il sollicite 30 000 ç à titre de dommages et intérêts et 2 000 ç pour frais irrépétibles avec distraction des dépens au profit de la SCP Nidecker et Prieu Philippot.

La société C... et Fils, M. Denis C... et Mme Y... ont conclu le 16 juin 2006 sous la même constitution et par les mêmes écritures. La société C... et Fils et M. Denis C... ont repris seuls les mêmes écritures le 20 juin 2006. Ils exposent que le changement de gérant intervenu en 1992 s'est produit dans un contexte familial conflictuel, M. André C... étant rejeté par le reste de sa famille pour des raisons de violence. Ils font valoir que les époux C... étaient mariés sans contrat, que le divorce est définitif depuis le 11 août 1994, que les 160 parts dont M. André C... était titulaire sont devenues des biens indivis entre lui-même et Mme Y.... Ils contestent que les mesures demandées par M. André C... aient un caractère conservatoire relevant de l'article 815-2 du Code civil et

ils estiment qu'à défaut de l'accord de Mme Y... l'action intentée par M. André C... seul est irrecevable. Sur l'application de l'article 1832-2 du Code civil et la recevabilité de l'action de M. André C... en sa qualité d'associé, ils font état de l'alinéa 4 dudit article qui réserve la dissolution de la communauté. Par ailleurs ils contestent la fraude au motif que M. André C... se tenait à l'écart de sa famille, qu'il aurait dissimulé son adresse, qu'il lui appartenait de se manifester. Ils invoquent la prescription triennale de l'article L 235-9 du Code civil et ils estiment que M. André C... aurait du se renseigner sur la tenue de l'assemblée générale annuelle. Ils considèrent par ailleurs que M. André C... aurait du faire désigner un représentant de l'indivision et ils prétendent que Mme Y... avait cette qualité au moins en raison d'un mandat apparent. Ils critiquent les arguments avancés par M. André C... pour faire prononcer la nullité de la répartition inégalitaire des bénéfices. Ils concluent à la confirmation du jugement, subsidiairement à la prescription de l'action, encore plus subsidiairement au débouté. M. Denis C... demande 3 000 ç à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, la société C... et Fils demande 3 000 ç pour frais irrépétibles, il est sollicité l'application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile au profit de la SCP Chateau Passera.

SUR QUOI

Attendu qu'il convient de statuer en premier lieu sur la recevabilité de l'action de M. André C... en nullité de l'assemblée générale de la société C... et Fils en date du 18 décembre 1995 et en nullité de la cession de parts sociales de Mme Y... à M. Denis C...,

étant acquis que les 160 parts dont M. André C... était titulaire dans la société C... et Fils sont en indivision avec Mme Y... depuis le divorce intervenu le 11 août 1994 ;

Attendu que selon l'article 815-2 du Code civil, tout individu peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis ; que selon l'article 815-3 du même code, les actes d'administration et de disposition des biens indivis requièrent le consentement de tous les indivisaires ;

Attendu que l'acte de conservation s'entend des mesures propres à soustraire le bien indivis à un péril imminent ; que M. André C... ne caractérise aucun péril imminent s'agissant de la répartition des bénéfices décidée le 18 décembre 1995 et de la cession intervenue le 22 décembre 1997 ; que les demandes en nullité qu'il présente ont un objet qui excède la simple conservation des parts sociales et des droits qui y sont attachés ; que l'application de l'article 815-2 doit être écartée ;

Attendu qu'en l'absence d'accord des indivisaires, celui qui veut accomplir un acte d'administration ou de disposition doit obtenir une autorisation judiciaire ;

Attendu cependant que la règle d'unanimité des indivisaires pour tout acte d'administration ou de disposition doit céder quand les indivisaires sont au nombre de deux et que l'un agit à propos des biens indivis dont l'autre a disposé sans son accord ; qu'en l'espèce l'action de M. André C... en nullité de la vente des parts sociales indivises est dirigée contre Mme Y... qui a disposé seule de ces parts ; que cette action, qui a pour objet de protéger les droits de

M. André C... contre les actes de Mme Y..., ne peut être soumise à l'accord de celle-ci ; que M. André C... a donc qualité pour agir seul et son action en nullité de ce chef sera déclarée recevable ;

Attendu, sur l'action de M. André C... en nullité des délibérations de l'assemblée générale du 18 décembre 1995, que Mme Y... et M. Denis C... ne peuvent opposer à M. André C... l'article 815-3 du Code civil s'ils ont agi de concert de manière à frauder les droits de ce dernier quant aux biens indivis ; que Mme Y... et M. Denis C... ne contestent pas avoir agi de concert dans un contexte de dissensions qui a provoqué l'exclusion de M. André C... non seulement de la vie familiale mais également de la vie de la société C... et Fils ; qu'il est constant que le vote du 18 décembre 1995 a été pris sans convocation de M. André C... et sans information de ce dernier ; qu'en infraction avec l'article L 223-27 du Code de commerce, il n'est produit aucune convocation de M. André C... aux assemblées générales de la société C... et Fils et en particulier à l'assemblée extraordinaire du 18 décembre 1995 ; que si M. André C... ne s'est pas manifesté spontanément aux assemblées générales, sa convocation n'en était pas moins obligatoire ; que s'il se trouvait propriétaire indivis de parts avec Mme Y..., ce qui aurait du entraîner la désignation d'un mandataire commun, la carence dans cette désignation est partagée avec Mme Y... ; que celle-ci et M. Denis C... ne peuvent sérieusement soutenir que Mme Y... avait un mandat apparent de représentation de M. André C... alors que l'un et l'autre étaient des protagonistes du conflit existant dans le couple et dans la famille ; qu'enfin il n'est pas plus sérieux de soutenir que l'adresse de M. C... était ignorée alors que le conseil actuel de M. André Bienes adressait une correspondance à la société C... et Fils le 2 août 1994, soit bien avant le 18 décembre

1995, et que le contentieux judiciaire qui perdurait entre les époux rendait aisée la communication de l'adresse de M. André C... si tant est qu'elle ait jamais été ignorée par Mme Y... ; qu'en définitive c'est par un accord frauduleux entre Mme Y... et M. Denis Bienes que M. André Bienes a été écarté de la société C... et Fils ; que cette fraude interdit à ces parties d'opposer à M. André C... le défaut d'accord de Mme Y... pour intenter l'action en nullité des délibérations de l'assemblée générale du 18 décembre 1995 ; que M. André C... sera déclaré recevable dans son action en nullité ;

Attendu, sur la prescription, que l'article L 235-9 du Code de commerce prescrit par trois ans les actions en nullité de la société ou d'actes et délibérations postérieurs à sa constitution ; que la demande en nullité des délibérations de l'assemblée générale du 18 décembre 1995 aurait du être présentée au plus tard le 18 décembre 1998 ;

Attendu cependant que M. André C... ayant été frauduleusement tenu à l'écart de l'assemblée générale litigieuse, la prescription n'a couru qu'à compter du jour où il a eu connaissance de cette assemblée et des décisions qui y ont été prises ; que ni la société C... et Fils, ni Mme Y..., ni M. Denis C... ne contestent que M. André C... a connu l'assemblée générale du 18 décembre 1995 par le pré-rapport de M. Nicodème en juillet 2003 ; que la prescription n'était pas donc pas acquise lors de l'assignation du 15 décembre 2003 ;

Attendu au fond que la décision sociale prise sans convocation d'un associé encourt la nullité ; qu'en outre la part de chaque associé

dans les bénéfices sociaux est en proportion de sa part dans le capital social ; qu'en l'espèce les délibérations attaquées avaient pour effet, sinon pour objet, de léser les droits des associés à l'exception de M. Denis C... ce dernier se voyant gratifier de 97% des bénéfices alors qu'il détenait 200 parts sur 500 ; que le motif invoqué d'optimisation fiscale de la rémunération du gérant n'est pas de nature à justifier une telle dérogation au principe d'égalité des associés ; que la demande en nullité présentée par M. André C... est donc fondée ; qu'en conséquence son compte courant devra être régularisé par la restitution des bénéfices dont il a été indûment privé ;

Attendu, sur la prescription applicable à la cession des parts de Mme Y... à M. Denis C..., qu'elle ne relève pas de l'article L 235-9 du Code de commerce puisqu'il ne s'agit pas d'un acte de la société mais de l'article 1304 du Code civil relatif aux conventions ; qu'en toute hypothèse, pour les motifs précédemment invoqués et tenant à la fraude de Mme Y... et de M. Denis C..., le point de départ de la prescription a été reporté à la découverte de l'acte attaqué, juillet 2003, et la prescription n'est pas acquise ;

Attendu au fond que la vente de biens indivis requiert le consentement de tous les indivisaires ; que la vente des 40 parts sociales indivises de Mme Y... sans le consentement de M. André C... est nulle ;

Attendu, sur la demande de dommages et intérêts présentée par M. André C..., qu'elle vise toute partie succombante en raison de sa carence ; qu'une telle demande ne caractérise ni la faute d'une

partie ni le préjudice, ni le lien de causalité ; qu'elle sera rejetée ;

Attendu qu'il convient d'allouer 2 000 ç pour frais irrépétibles ;PAR CES MOTIFSInfirme le jugement déféré,Déclare recevables les demandes de M. André C... tant en nullité des résolutions votées à l'assemblée générale extraordinaire du 18 décembre 1995 qu'en nullité de l'acte du 22 décembre 1997 portant cession de parts sociales par Mme Y... à M. Denis C...,Déclare ces demandes non prescrites Prononce la nullité des résolutions votées à l'assemblée générale extraordinaire du 18 décembre 1995,Ordonne la restitution sur le compte courant de M. André C... des bénéfices acquis selon les proportions antérieures aux résolutions annulées Prononce la nullité de l'acte du 22 décembre 1997 portant cession par Mme Y... à M. Denis C... de quarante parts de la société Bienes et Fils Déboute M. André C... de sa demande en dommages et intérêts Condamne in solidum Mme Y... et M. Denis C... à payer à M. André C... deux mille euros (2 000 ç) pour frais irrépétibles Condamne in solidum Mme Y... et M. Denis C... aux dépens Autorise la SCP Nidecker et Prieu Philipot à faire application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : Ct0035
Numéro d'arrêt : 417
Date de la décision : 14/09/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : J-P SELMES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2006-09-14;417 ?
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