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13/04/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006949285

France | France, Cour d'appel de Toulouse, Ct0112, 13 avril 2006, JURITEXT000006949285


13/04/2006 ARRÊT No No RG : 05/01701 RM/MB Décision déférée du 24 Février 2005 - Conseil de Prud'hommes de CASTRES (03/161) D. LACROUX Daniel X... C/ S.A.R.L. GARAGE CARROSSERIE PARAYRE ET FILS

INFIRMATION

RÉPUBLIQUE FRANOEAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème Chambre Section 1 - Chambre sociale

ARRÊT DU TREIZE AVRIL DEUX MILLE SIX

APPELANT Monsieur Daniel X... 4 chemin de Grezelles 81300 GRAULHET représenté par Me Jean COLOMES, avocat au barreau d'ALBI INTIMÉE S.A.R.L. GARAGE CARROSSERIE PARAYRE ET FIL

S Route de Réalmont 81300 GRAULHET représentée par Me Emmanuelle BONNEAU-RUAUD, avocat au barreau de ...

13/04/2006 ARRÊT No No RG : 05/01701 RM/MB Décision déférée du 24 Février 2005 - Conseil de Prud'hommes de CASTRES (03/161) D. LACROUX Daniel X... C/ S.A.R.L. GARAGE CARROSSERIE PARAYRE ET FILS

INFIRMATION

RÉPUBLIQUE FRANOEAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

4ème Chambre Section 1 - Chambre sociale

ARRÊT DU TREIZE AVRIL DEUX MILLE SIX

APPELANT Monsieur Daniel X... 4 chemin de Grezelles 81300 GRAULHET représenté par Me Jean COLOMES, avocat au barreau d'ALBI INTIMÉE S.A.R.L. GARAGE CARROSSERIE PARAYRE ET FILS Route de Réalmont 81300 GRAULHET représentée par Me Emmanuelle BONNEAU-RUAUD, avocat au barreau de CASTRES COMPOSITION DE LA COUR En application des dispositions de l'article 945.1 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Novembre 2005, en audience publique, devant R. MULLER, président, chargé d'instruire l'affaire, les parties ne s'y étant pas opposées. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de : R. MULLER, président C. PESSO, conseiller C. CHASSAGNE, conseiller Greffier, lors des débats : P. MARENGO ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile - signé par R. MULLER, président, et par P. MARENGO,

greffier de chambre.

EXPOSÉ DU LITIGE Selon contrat écrit non daté, mais signé par les deux parties, Daniel X... a été embauché à compter du 15 janvier 1996 par la S.A.R.L. GARAGE CARROSSERIE PARAYRE ET FILS pour une durée indéterminée en qualité de magasinier, niveau 2, échelon 1, coefficient 170. Après entretien préalable le 31 mars 2003, la S.A.R.L. GARAGE CARROSSERIE PARAYRE ET FILS a notifié le 8 avril 2003 à Daniel X... son licenciement pour motif économique dans les termes suivants : "Nous faisons suite à notre entretien qui s'est déroulé le 31mars dernier, au cours duquel nous vous avons exposé les raisons pour lesquelles nous envisagions de procéder à votre licenciement. Celui-ci résulte de la suppression de votre poste consécutive à la réorganisation de notre entreprise pour sauvegarder sa compétitivité. Cette réorganisation a été rendue nécessaire par accumulation de plusieurs circonstances. Tout d'abord, compte tenu de la faible rentabilité de cette activité et de la très forte concurrence sur ce secteur, nous avons décidé de cesser la vente de pièces détachées aux clients particuliers, attribution qui vous était dévolue en votre qualité de magasinier mécanique. Dès lors, nous avons constaté qu'en rationalisant l'organisation du magasin, un seul poste demeurait nécessaire tant pour la partie mécanique que carrosserie. Nous avons donc été contraints de supprimer votre poste de travail. Ensuite, en raison des faibles volumes de ventes, des coûts de mise aux normes techniques et environnementales, nous avons été contraints de cesser

totalement notre activité de distribution de carburant. Les pompes ont d'ailleurs été supprimées. Deux salariés affectés aux pompes ont conservé leurs autres attributions : ô

Monsieur Y... demeure chargé de l'établissement de Briatexte : accueil des clients, mécanique, dépannages, ô

Monsieur Z... est chargé de la préparation des véhicules d'occasion et de la petite mécanique. L'emploi de monsieur A... est supprimé. Enfin, monsieur B..., qui exerçait les fonctions de chef d'atelier et d'accueil des clients, a suivi une formation (COTECH) exigée par RENAULT. Compte tenu des qualifications techniques qu'il a ainsi acquises et de la nécessité de se consacrer pleinement à l'atelier, nous l'avons libéré de ses attributions d'accueil de la clientèle. Pendant la durée de cette formation, monsieur C... (chef d'atelier carrosserie, magasinier carrosserie et chargé des experts) a occupé les fonctions d'accueil des clients mais, en concertation avec lui, nous avons conclu que ces attributions ne lui convenaient pas. Compte tenu du temps ainsi libéré et de son expérience à ce niveau, il se chargera de vos attributions restantes au niveau du magasin. Nous avons donc décidé de dédier un poste complet à l'accueil et l'orientation des clients, comme le font de nombreux confrères, et de créer un poste de réceptionnaire. C'est la raison pour laquelle, par lettre du 13 janvier 2003, nous vous avons proposé, ainsi qu'à monsieur A..., de vous reclasser à ce poste nouvellement créé. Après une période probatoire que chacun a effectué, nous avons décidé de retenir monsieur A..., notamment en raison de sa formation mécanique, de sa bonne connaissance de la clientèle et de son ancienneté dans notre entreprise. Ce sont les raisons pour lesquelles nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour le motif économique précité". Contestant ce licenciement Daniel X... a saisi le

conseil de prud'hommes de Castres qui, par jugement du 24 février 2005, l'a débouté de toutes ses demandes et condamné aux dépens, en estimant le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse. Daniel X... a interjeté appel de ce jugement le 15 mars 2005 et demande à la cour de le réformer et de :

dire et juger que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse dès lors que les circonstances invoquées par l'employeur étaient bien antérieures à la réorganisation de l'entreprise, que celle-ci n'était pas davantage justifiée par des difficultés économiques que l'employeur n'aurait jamais invoquées, que l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement,

dire et juger, subsidiairement si la cour estimait que le licenciement reposait bien sur une cause réelle et sérieuse, que le fait par la S.A.R.L. GARAGE CARROSSERIE PARAYRE ET FILS de ne pas avoir respecté l'engagement pris dans le cadre du passage aux 35 heures de maintenir les effectifs pendant une durée de deux années, autorise le salarié à demander réparation du préjudice que lui a causé le licenciement,

condamner la S.A.R.L. GARAGE CARROSSERIE PARAYRE ET FILS, outre aux dépens, à lui payer la somme de 23.400 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. La S.A.R.L. GARAGE CARROSSERIE PARAYRE ET FILS conclut à la confirmation du jugement et sollicite la condamnation de Daniel X..., outre aux dépens, à lui verser une indemnité de procédure de 1.500 euros et une somme de 1.500 euros au titre du caractère abusif de la procédure (sic) en faisant valoir qu'elle était en droit, dès lors que des difficultés économiques étaient prévisibles, de prendre par anticipation les mesures nécessaires pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, que les difficultés économiques de l'entreprise étaient bien réelles à la

date à laquelle la réorganisation a été entamée et le licenciement de Daniel X... envisagé, que l'obligation préalable de reclassement à la charge de l'employeur a été parfaitement respectée. Elle ajoute que les lois des 13 juin 1998 et 19 janvier 2000 et le décret du 23 février 2000 prévoient une liste limitative des sanctions encourues par l'entreprise qui, bénéficiaire de l'aide incitative à la réduction du temps de travail, ne respecte pas son engagement de maintenir l'effectif, et que Daniel X... étranger à l'accord entre l'Etat et la S.A.R.L. GARAGE CARROSSERIE PARAYRE ET FILS ne peut prétendre à aucune indemnisation du fait du non respect par l'employeur de son engagement. MOTIFS DE L ARRÊT I. Sur la rupture du contrat de travail Aux termes de la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, le licenciement de Daniel X... a été prononcé pour motif économique. Il convient de rappeler, à titre liminaire, que l'article L. 321-1 du Code du travail dispose, d'une part, que constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification substantielle du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques, d'autre part, qu'un tel licenciement ne peut intervenir que si le reclassement du salarié sur un emploi de même catégorie ou équivalent, ou à défaut et avec son accord sur un emploi de catégorie inférieure ne peut être réalisé dans l'entreprise ou les entreprises du groupe auquel l'employeur appartient. A. Sur les difficultés économiques Seuls des signes précis et concrets de difficultés économiques actuelles ou prévisibles peuvent justifier un licenciement pour motif économique dans le cadre d'une réorganisation de l'entreprise avec suppression d'emploi. En l'espèce, il résulte des pièces produites que si

l'exercice comptable clos le 30 septembre 2002 était bénéficiaire, dès les premiers mois de l'exercice suivant l'entreprise a enregistré une chute brutale de son chiffre d'affaires en ce qui concerne la vente de véhicules d'occasion, que cette dégradation de la situation économique de l'entreprise, que l'employeur pouvait constater par la simple diminution des commandes des clients, s'est trouvée confirmée par la situation comptable au 31 mars 2003 qui a fait apparaître par rapport à la même période de l'exercice précédent une baisse de plus de 423.680 euros du chiffre d'affaires réalisé sur les dites ventes (1.260.604 euros pour les cinq premiers mois de l'exercice 2002 et 841.924 euros pour les cinq premiers mois de l'exercice 2003), le résultat courant de l'entreprise passant sur les mêmes périodes d'un bénéfice de 9.562 euros à une perte de 82.112 euros. Cette dégradation légitimait de la part de l'employeur non seulement la poursuite des mesures de réorientation de la politique commerciale déjà entreprise, mais également une réorganisation qui n'apparaît pas avoir été mise en oeuvre pour augmenter la rentabilité de l'entreprise mais bien pour sauvegarder la compétitivité de celle-ci dans un contexte hautement concurrentiel et face à une dégradation de l'activité dont rien ne permettait à l'employeur de penser qu'elle n'était que temporaire et conjoncturelle. Dans ce contexte la suppression du poste de magasinier de Daniel X... n'apparaît pas abusive, mais procède d'un choix de gestion qui ressort des pouvoirs d'organisation et de direction de l'employeur. B. Sur l'obligation de reclassement Il convient de rappeler que l'existence d'un motif économique ne suffit pas à justifier le licenciement si l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement et que c'est à l'employeur de justifier du respect de cette obligation. En l'espèce il soutient avoir satisfait à son obligation de reclassement en proposant le 13 janvier 2003 à Daniel X... un emploi de

réceptionnaire, nouvellement créé dans le cadre de la réorganisation opérée. Cette argumentation n'est pas sérieuse et pour l'écarter il suffira de relever :

que l'employeur doit dans l'exécution de son obligation de reclassement agir avec loyauté,

que tel n'a pas été le cas en l'espèce dès lors qu'il ressort tant des déclarations de monsieur A... que des constatations effectuées par les conseillers rapporteurs en première instance que le poste de reclassement proposé le 13 janvier 2003 à Daniel X... n'était pas réellement disponible,

qu'en effet monsieur A... a admis que 15 jours avant la formulation de cette proposition à Daniel X..., et à lui même, il avait déjà été affecté par l'employeur au poste de réceptionnaire ; qu'il l'a occupé sans interruption, jusqu'au 17 mars 2003, date à

qu'en effet monsieur A... a admis que 15 jours avant la formulation de cette proposition à Daniel X..., et à lui même, il avait déjà été affecté par l'employeur au poste de réceptionnaire ; qu'il l'a occupé sans interruption, jusqu'au 17 mars 2003, date à laquelle il a été mis en congé par son employeur,

que le pseudo stage de quatre jours de Daniel X... dans cet emploi, destiné selon l'employeur à lui permettre de choisir entre les deux salariés qui avaient accepté ce poste de reclassement, n'était qu'une façade destinée à donner une apparence de régularité à la procédure de reclassement et que le caractère purement artificiel de la proposition faite à Daniel X... apparaît évident si l'on compare les conditions respectives dans lesquelles ont été placés les deux salariés. L'employeur ne justifiant d'aucune recherche effective des possibilités de reclassement de Daniel X... par voie de modification du contrat de travail, le licenciement apparaît dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement entrepris sera donc réformé en ce

sens. II. Sur les conséquences financières Ayant plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise de onze salariés et plus (en l'espèce 18 salariés) Daniel X... est fondé à se prévaloir des dispositions de l'article L.122-14-4 du Code du travail qui prévoit que lorsque le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, le juge peut attribuer au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Compte tenu de l'âge du salarié (né en 1955), de son ancienneté, et du fait qu'il n'a pu, malgré ses efforts, retrouver un emploi, il y a lieu de lui allouer une somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts. III. Sur les autres chefs de demandes La S.A.R.L. GARAGE CARROSSERIE PARAYRE ET FILS, qui succombe, doit être déboutée de ses demandes en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive et d'indemnité de procédure, et doit être condamnée aux dépens d'instance et dappel. Par ailleurs l'équité justifie la condamnation de la S.A.R.L. GARAGE CARROSSERIE PARAYRE ET FILS à payer à Daniel X... une indemnité de procédure de 1.500 euros. PAR CES MOTIFS : LA COUR, Déclare l'appel régulier en la former et recevable, Infirme le jugement entreprise en toutes ses dispositions, Statuant à nouveau et y ajoutant, Dit que le licenciement économique de Daniel X... ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, Condamne la S.A.R.L. GARAGE CARROSSERIE PARAYRE ET FILS à payer à Daniel X... les sommes de : 1o-

15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 2o-

1.500 euros par application de 700 du nouveau procédure civile. Déboute la S.A.R.L. GARAGE CARROSSERIE PARAYRE ET FILS de ses prétentions, Condamne la S.A.R.L. GARAGE CARROSSERIE PARAYRE ET FILS aux dépens d'instance et d'appel. Le présent arrêt a été signé par monsieur MULLER, président et madame MARENGO, greffier. Le greffier,

Le président, P. MARENGO

R. MULLER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Formation : Ct0112
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006949285
Date de la décision : 13/04/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2006-04-13;juritext000006949285 ?
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