10/04/2006
ARRÊT No
NoRG: 05/03235
CF/CD
Décision déférée du 21 Avril 2005 - Tribunal de Grande Instance de MONTAUBAN - 04/1931
R. METTAS
Françoise X... épouse Y...
représentée par la SCP BOYER-LESCAT-MERLE
C/
Isabelle Z... - A...
représentée par la SCP CANTALOUBE-FERRIEU CERRI
CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DU TARN ET GARONNE
représentée par la SCP BOYER-LESCAT-MERLE
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ère Chambre Section 1
***
ARRÊT DU DIX AVRIL DEUX MILLE SIX
***
APPELANTE
Madame Françoise X... épouse Y...
Lieudit "Perrufe"
82160 MOUILLAC
représentée par la SCP BOYER-LESCAT-MERLE, avoués à la Cour
assistée de Me Line B..., avocat au barreau de MONTAUBAN
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 31555/2005/010907 du 02/11/2005 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)
INTIMEES
Madame Isabelle Z... - A...
...
82000 MONTAUBAN
représentée par la SCP CANTALOUBE-FERRIEU CERRI, avoués à la Cour
assistée de Me Georges C..., avocat au barreau de PARIS
CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DU TARN ET GARONNE
...
B.P. 778
82015 MONTAUBAN CEDEX
représentée par la SCP BOYER-LESCAT-MERLE, avoués à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 06 Mars 2006 en audience publique, devant la Cour composée de :
H. MAS, président
O. COLENO, conseiller
C. FOURNIEL, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : E. KAIM-MARTIN
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par H. MAS, président, et par E. KAIM-MARTIN, greffier de chambre.
EXPOSE DU LITIGE
Madame Françoise X... épouse Y... a subi le 19 juin 2001 une thyroïdectomie sub totale pratiquée par le docteur A....
Suite à l'opération madame Y... s'est plainte de dysphonie.
Le jour de sa sortie, le 22 juin 2001 le docteur A... lui a prescrit un traitement par Levothyrox et des corticoïdes à dose dégressive.
Le même jour le docteur A... a informé le docteur D..., médecin traitant de madame Y..., des suites opératoires et de l'état de la patiente.
Le 4 juillet 2001 madame Y... a consulté le docteur E..., oto-rhino-laryngologiste, qui a constaté l'immobilité de la corde vocale droite , et a prescrit une série de séances de rééducation orthophonique.
Madame Y... a effectué cette rééducation du 3 août au 10 décembre 2001 auprès de madame F..., orthophoniste.
Le 21 novembre 2002 madame Y... a sollicité en référé la désignation d'un expert.
Par ordonnance du 31 décembre 2002 le docteur G... a été désigné, puis a été remplacé suivant décision du 5 mai 2003 par le docteur H..., qui a déposé son rapport le 22 avril 2004.
Par acte d'huissier du 2 juillet 2004, madame Y... a fait assigner la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE de Tarn et Garonne et le docteur A... aux fins de voir homologuer le rapport d'expertise et condamner le docteur A... au paiement de diverses sommes en réparation de son préjudice.
Suivant jugement en date du 21 avril 2005, le tribunal de grande instance de MONTAUBAN, considérant que madame Y... ne rapportait pas la preuve du caractère fautif de l'acte chirurgical à l'origine de son préjudice, a débouté celle-ci et la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE de l'ensemble de leurs demandes, et a condamné madame Y... à verser au docteur A... une somme de 700 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Par déclaration en date du 7 juin 2005 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas discutées, madame X... épouse Y... a relevé appel de ce jugement.
Elle demande à la cour d'homologuer le rapport du docteur H..., de dire et juger que le docteur A... a commis lors de l'intervention chirurgicale une faute entraînant sa responsabilité contractuelle sur le fondement de l'article 1147 du code civil, et de condamner en conséquence ce praticien à lui verser, en réparation de ses préjudices réels et certains :
-17.685 euros au titre de l'ITT ;
- 5.000 euros au titre de l'IPP ;
- 1.500 euros au titre du pretium doloris ;
- 2.000 euros au titre du préjudice d'agrément.
Elle sollicite également la condamnation du docteur A... à lui verser la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, et en tous les dépens.
A titre subsidiaire, elle demande à la cour de surseoir à statuer et d'ordonner un complément d'expertise.
L'appelante soutient que le docteur A... a commis dans son geste chirurgical une maladresse qui a conduit à une lésion nerveuse , que cette faute est à l'origine de son préjudice et que le rapport d'expertise ne mentionne pas l'éventualité d'un aléa thérapeutique.
Elle ajoute que ses demandes d'indemnisation des différents postes de préjudice examinés par l'expert sont fondées, et que le rapport d'expertise est en totalité opposable au docteur A....
Madame Isabelle I... conclut à la confirmation du jugement, et à la condamnation de madame Y... au paiement de la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec possibilité de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
L'intimée répond à l'argumentation adverse que la faute du médecin ne peut se déduire du seul lien entre l'intervention et le préjudice subi, qu'elle a assuré une parfaite prise en charge de sa patiente en période préopératoire, en délivrant une information particulièrement explicite, spécifiquement sur les risques d'atteinte des nerfs récurrents et de ses conséquences, mais aussi en périodes per et post opératoires, et qu'en l'absence de faute caractérisée le préjudice subi par madame Y... doit s'analyser en un aléa thérapeutique.
Le docteur I... prétend que la demande subsidiaire de complément d'expertise est irrecevable pour être nouvelle en cause d'appel, et en toute hypothèse non fondée tant en droit qu'en fait.
Subsidiairement, elle affirme qu'elle n'a pas été convoquée à la réunion d'expertise du 30 mars 2004, et n'a pas été de ce fait en mesure de faire valoir ses observations sur le chiffrage des préjudices de madame Y..., de sorte que les conclusions du rapport d'expertise, plus particulièrement sur l'évaluation des préjudices, lui sont inopposables.
Plus subsidiairement encore, elle dit que les demandes indemnitaires de madame Y... ne sont pas fondées.
La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE de Tarn et Garonne demande à la cour de condamner le docteur A... à lui régler la somme de 6.147,19 euros correspondant à l'état définitif des prestations par elle versées à madame Y..., la somme de 760 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L 376-1 alinéa 7 du code de la sécurité sociale, et celle de 700 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle sollicite enfin la condamnation du docteur A... aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers pouvant être recouvrés directement par la SCP BOYER-LESCAT-MERLE.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 6 mars 2006.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la responsabilité du docteur I...
Il se forme entre le médecin et son patient un véritable contrat comportant pour le praticien l'obligation de donner des soins consciencieux, attentifs et, sous réserve de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science.
Cette obligation concerne également le diagnostic du médecin, ses investigations ou mesures préalables, le traitement et le suivi du traitement.
La violation même involontaire de cette obligation engage la responsabilité du médecin sur le fondement de l'article 1147 du code civil .
Il s'agit d'une obligation de moyen dont le non respect ne peut engager la responsabilité du médecin que pour faute prouvée, laquelle ne peut se déduire du seul échec des soins, de la seule anormalité du dommage ou de sa gravité exceptionnelle.
L'aléa thérapeutique, qui se définit comme la survenance, en dehors de toute faute du praticien, d'un risque accidentel inhérent à l'acte médical et qui ne pouvait être maîtrisé, ne peut impliquer la responsabilité du praticien.
En l'espèce le rapport d'expertise du docteur H... mentionne qu'après l'intervention du 19 juin 2001, pour thyroïdectomie subtotale, madame X... épouse Y... est devenue dysphonique avec gêne à la déglutition sans état antérieur décrit par la victime ;
que la dysphonie et la gêne à la déglutition sont imputables à la paralysie laryngée droite subie suite à l'intervention chirurgicale.
Le préjudice et le lien de causalité entre ce préjudice et l'acte chirurgical sont ainsi clairement établis par l'expert.
Le docteur A... a d'ailleurs écrit le 22 juin 2001 au médecin traitant de madame Y..., le docteur D... : "Les suites opératoires ont été simples mis à part une atteinte récurrentielle du côté droit, mais celle-ci va en s'améliorant."
Cependant l'existence d'un préjudice consécutif à un acte chirurgical ne suffit pas entraîner la responsabilité du praticien, encore faut-il que soit démontrée une faute de ce dernier dans la réalisation du geste chirurgical.
Il est indiqué dans le rapport d'expertise, au paragraphe "Rappel des faits" :
Le docteur A..., chirurgien général, viscéral et thoracique pratique l'exérèse partielle droite de la thyroïde : thyroïdectomie sub-totale après repérage de l'isthme : ligature du pôle supérieur gauche glandulaire, "repérage du nerf récurrent droit qui est très grêle et adhérent".
Il n'y a donc pas de section du nerf.
Force est de constater que le rapport d'expertise ne fait ressortir aucune maladresse commise par le docteur A... au cours de l'acte chirurgical.
L'organisation d'un complément d'expertise n'est pas nécessaire.
Il résulte de la littérature médicale versée aux débats que les troubles présentés par madame Y... sont une complication assez fréquente de la chirurgie thyroïdienne, et au cas d'espèce il existait une circonstance particulière tenant à l'adhérence du nerf récurrent droit à la thyroïde.
Il apparaît donc que l'atteinte récurrentielle qui s'est produite ne résulte pas d'une maladresse commise par le chirurgien mais relève d'un risque inhérent à l'acte médical pratiqué qui n'a pu être maîtrisé.
Par conséquent la responsabilité du docteur I... ne peut être retenue, et madame Y... ainsi que la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE ont été justement déboutées de leurs demandes.
Sur les demandes annexes
La somme allouée au docteur A... en première instance au titre des frais irrépétibles est équitable.
Une somme complémentaire de 800 euros lui sera accordée au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a dû exposer pour faire assurer sa défense devant la cour.
Sur les dépens
La condamnation prononcée en première instance contre madame Y..., partie succombante, sera confirmée.
L'appelante sera également condamnée aux dépens de la présente procédure qu'elle a initiée à tort.
PAR CES MOTIFS
La cour
En la forme, déclare l'appel régulier,
Au fond, confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant
Condamne madame Y... à payer au docteur I... la somme de 800 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel,
Déboute les parties de toutes autres demandes,
Condamne madame Y... aux dépens de la présente procédure, dont distraction au profit de la SCP CANTALOUBE-FERRIEU-CERRI et de la SCP BOYER-LESCAT-MERLE, avoués, étant précisé que madame Y... est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle.
Le présent arrêt a été signé par H. MAS, président, et par E. KAIM MARTIN, greffier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT