09/02/2006 ARRÊT No No RG : 05/01919 MPP/MB Décision déférée du 09 Mars 2005 - Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de TARN - 20300396 A. FAVREAU SOCIÉTÉ X... C/ CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU TARN Henry Y... D.R.A.S.S.
CONFIRMATION
RÉPUBLIQUE FRANOEAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS
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COUR D'APPEL DE TOULOUSE
4ème Chambre Section 1 - Chambre sociale
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ARRÊT DU NEUF FÉVRIER DEUX MILLE SIX
[***] APPELANTE SOCIÉTÉ X... BP 33 78540 VERNOUILLET représentée par Me Philippe PLICHON, avocat au barreau de PARIS INTIMÉE CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU TARN 5, place Lapérouse 81016 ALBI CEDEX 09 Régulièrement représentée Monsieur Henry Y... 5 rue de Touny Lerys 81150 LAGRAVE représenté par la SCP TESSONNIERE ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS D.R.A.S.S. 71 bis allées jean jaures 31050 TOULOUSE non comparante COMPOSITION DE LA COUR L'affaire a été débattue le 08 Décembre 2005, en audience publique, devant la Cour composée de: A. MILHET, président M. TREILLES, conseiller M.P. PELLARIN, conseiller qui en ont délibéré. Greffier, lors des débats : P. MARENGO ARRÊT : - réputé contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile - signé par A. MILHET, président, et par P. MARENGO, greffier de
chambre.
FAITS ET PROCÉDURE Salarié de la S.A X... de novembre 1961 au 31 janvier 2003, M. Henri Y... a présenté des plaques pleurales asbestosiques et a été reconnu atteint d'une maladie professionnelle inscrite au tableau no 30 le 10 septembre 2003 avec un taux d'incapacité fixé à 5% à compter du 21 novembre 2003. M. Henri Y... a saisi la C.P.A.M du TARN d'une demande de mise en oeuvre de la procédure de conciliation prévue à l'article L 452-4 du Code de la sécurité sociale puis, à défaut d'accord, il a saisi le T.A.S.S du TARN aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur. Par jugement du 9 mars 2005, le T.A.S.S du TARN, déclarant recevable la demande de ce salarié, a dit que la maladie professionnelle dont il est atteint était due à la faute inexcusable de la S.A X..., a ordonné la majoration du capital au taux maximum en suivant l'évolution du taux d'incapacité, a ordonné une expertise médicale avant évaluation de l'indemnisation des préjudices complémentaires, a déclaré opposable à la S.A X... la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie et dit que la S.A X... serait tenue de rembourser à la C.P.A.M du TARN les sommes dont celle-ci aurait fait l'avance au bénéfice de M. Henri Y... La S.A X... a relevé appel le 30 mars 2005 de cette décision. PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES La S.A X... demande à la Cour d'infirmer le jugement. Elle s'en remet à justice sur l'existence d'une faute inexcusable, en soulignant cependant que la
reconnaissance de la responsabilité de l'Etat telle qu'elle résulte des arrêts rendus par le Conseil d'Etat en la matière permet de douter de la conscience du danger que pouvait avoir l'employeur il y a 20 ans. Elle critique le jugement en ce qu'il lui a déclaré opposable la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie par la C.P.A.M, en soutenant que celle-ci n'a pas respecté la procédure d'instruction prévue aux articles D 461-8 et suivants et R 441-10 et suivants du Code de la sécurité sociale, puisque selon l'appelante : - l'enquête administrative a été insuffisante et non contradictoire, - l'avis de clôture de l'instruction n'est pas conforme aux exigences de l'article R 441-11 dudit code, - en dépit de ses demandes, la Caisse ne lui a pas communiqué les pièces du dossier qu'elle détenait, et notamment de l'avis du médecin-conseil, lequel doit au surplus être motivé. Elle en conclut que la C.P.A.M du TARN ne peut exercer d'action récursoire à son encontre.
M. Henri Y... demande à la Cour de juger l'action de la S.A X... irrecevable, de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que sa maladie était la conséquence de la faute inexcusable de l'employeur et a ordonné la majoration du capital au taux maximum, et, en usant de sa faculté d'évocation, de fixer l'indemnisation des préjudices complémentaires de la façon suivante : - réparation de la souffrance physique :
16.000 ç - réparation de la souffrance morale : 25.000 ç - réparation du préjudice d'agrément : 16.000 ç, et de lui accorder une indemnité de 1.600 ç en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Il fait valoir que dans la mesure où il est impossible de repérer les restrictions respiratoires au niveau individuel, l'expertise qui a été ordonnée ne pourra apporter d'indications autres que celles qui figurent déjà dans le dossier. La C.P.A.M du TARN demande à la Cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement qui lui est déféré. Elle s'en remet à
justice sur le point de savoir si la maladie professionnelle de M. Henri Y... est due à la faute inexcusable de l'employeur. Elle soutient avoir entièrement respecté les dispositions relatives à l'instruction de la demande en reconnaissance de maladie professionnelle et à ce titre, fait valoir : - que la S.A X... ne peut critiquer et déclarer ignorer le contenu de l'enquête alors qu'à trois reprises, elle a confirmé l'exposition de son salarié à l'amiante, - que l'avis de clôture satisfait aux exigences réglementaires en invitant l'employeur à consulter le dossier, après lui avoir indiqué la date à laquelle elle prévoit de prendre sa décision, - qu'aucune forme particulière n'est imposée pour la communication du dossier, qui peut donc être assurée par l'invitation à consulter le dossier, que la S.A X... avait au surplus reçu en cours d'enquête les certificats médicaux initiaux, qu'enfin l'avis du Médecin-conseil n'a pas à être motivé, cette absence de motivation ne causant en outre aucun grief à l'employeur. MOTIFS DE LA DÉCISION L'appel régularisé dans les formes et délais réglementaires par la S.A X... est recevable. - sur l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur et son lien avec la maladie professionnelle de M. Henri Y...
Z... fait de s'en remettre à justice sur le bien fondé d'une prétention adverse n'équivaut pas à un accord implicite, et doit dès lors être assimilé à une contestation. La Cour est donc saisie de ce chef de décision. C'est par des motifs pertinents et complets que la Cour adopte, que le T.A.S.S du TARN a retenu qu'en exposant M. Henri Y... à l'inhalation de poussières d'amiante, fait non contesté, la S.A X... avait commis une faute inexcusable, cause nécessaire du dommage. Z... Tribunal a d'ailleurs exactement répondu à l'argumentation reprise en appel par la S.A X... en précisant que la responsabilité de l'ETAT liée au retard pris à interdire l'usage de l'amiante n'exonérait pas cet employeur dès lors
que cette responsabilité n'était pas exclusive, et que, spécialisé dans la transformation de l'amiante, il ne pouvait ignorer plus le danger après la création par décret du 31 août 1950 du tableau no 30 des maladies professionnelles relatif à l'inhalation de poussières d'amiante, la nocivité de ce matériau étant dénoncée déjà depuis le début du XX ème siècle. Z... jugement, non utilement critiqué, est confirmé sur ce point, ainsi que sur les conséquences qui en résultent quant à la majoration du capital au taux maximum, en l'absence d'une quelconque faute de la victime. - sur la demande d'évaluation du préjudice Pour les motifs exposés par les premiers juges, il y a lieu de confirmer la décision qui a ordonné l'expertise. On observe en effet que M. Henri Y... prétend lui-même subir un préjudice moral particulièrement important, et qui selon ses demandes, justifierait une indemnisation d'un montant supérieur à celui qui est alloué par les juridictions dont il produit les décisions. Or ces demandes ne peuvent s'apprécier qu'au vu d'une évaluation médicale des conséquences effectivement subies par la victime au regard notamment de sa personnalité et de ses antécédents. - sur l'opposabilité à l'employeur de la décision de la Caisse * sur le caractère prétendument insuffisant et non contradictoire de l'enquête La S.A X... reproche à la Caisse de ne pas avoir entendu de façon contradictoire l'assuré et l'employeur, dans le cadre de l'enquête prévue par l'article D 461-9 du Code de la sécurité sociale, et de ne pas lui avoir communiqué les conclusions de l'agent enquêteur établies le 23 mai 2003 ainsi que l'audition de M. Henri Y... en date du 15 mars 2003. L'enquête administrative précitée a pour but d'identifier le ou les risques auxquels le salarié a pu être exposé. Elle apparaît tout à fait suffisante en l'espèce, dans la mesure où, compte tenu de l'activité exercée par l'entreprise, le seul objet de l'enquête était de connaître les postes occupés par M.
Henri Y... et ses conditions de travail. Or les renseignements ont été fournis tant par M. Henri Y... que par la S.A X... au moyen des questionnaires et de l'attestation d'exposition remise par l'entreprise, mais également de l'audition de l'assuré et d'un représentant de l'entreprise. En outre, les informations à recueillir étant techniques et vérifiables, elles ne nécessitent pas d'auditions menées contradictoirement. Enfin, le principe du contradictoire est respecté dès lors que l'employeur est mis en mesure de prendre connaissance des conclusions du rapport de l'agent enquêteur et de l'audition du salarié comme de toutes les autres pièces de la procédure avant décision de la Caisse. * sur l'irrégularité de l'avis de clôture Par courrier du 29 juillet 2003, la Caisse informait la S.A X... que l'instruction étant terminée, elle l'invitait à venir consulter les pièces constitutives du dossier pendant un délai de dix jours à compter de la date du courrier, préalablement à la prise de décision sur le caractère professionnel de la maladie de M. Henri Y... La S.A X... fait valoir que cet avis ne contient ni l'analyse des pièces susceptibles de faire grief à l'employeur, ni la date à laquelle la Caisse doit prendre sa décision.laquelle la Caisse doit prendre sa décision. Or, en lui accordant un délai précis pour consulter le dossier et faire dès lors valoir ses observations avant de prendre sa décision, la Caisse l'a nécessairement avisé qu'elle statuerait sur le caractère professionnel de la maladie à l'issue de ce délai. En l'espèce, la décision n'est d'ailleurs intervenue que le 10 septembre 2003. En outre, l'obligation faite à la Caisse par l'article R 441-11 du Code de la sécurité sociale d'assurer l'information des parties sur les points susceptibles de leur faire grief n'implique pas celle de procéder en leurs lieu et place à une analyse des diverses pièces figurant au dossier, mais seulement de leur permettre de consulter l'ensemble des documents susceptibles
d'être retenus à leur encontre. Cette obligation a été remplie en l'espèce. On ne peut manquer de relever au surplus que la S.A X... qui en avait fait la demande dès le 9 mai 2003 disposait d'une copie du certificat médical concernant M. Henri Y... constatant la présence de plaques pleurales asbestosiques, copie qui lui avait été remise par l'agent enquêteur, ainsi qu'en atteste le rapport de celui-ci en date du 23 mai 2003. Enfin, dans le questionnaire qu'elle a adressé à la Caisse, la S.A X... confirmait les postes occupés par M. Henri Y... tels qu'indiqués par celui-ci de 1961 à 2003 et admettait que ces postes étaient susceptibles d'exposition à l'amiante jusqu'en 1996. Elle avait donc de fait déjà connaissance des principaux documents susceptibles de lui faire grief. * sur la communication du dossier A réception de la notification de la déclaration faite par M. Henri Y..., la S.A X... a par courrier du 9 mai 2003 formulé des réserves sur le caractère professionnel de la maladie et émis le souhait d'obtenir communication intégrale du dossier avant toute décision de la Caisse. A réception de l'avis de clôture l'invitant à consulter le dossier dans le délai de dix jours, elle a sollicité par courrier du 1er août 2003 la communication intégrale du dossier. Elle n'a pas obtenu de réponse. La S.A X... soutient que dès lors, la Caisse a manqué à l'obligation qui lui est faite par l'article R 411-13 du Code de la sécurité sociale de communiquer le dossier à l'employeur ou son mandataire, sur leur demande. Or aucune forme n'est exigée par ce texte pour assurer cette communication, et dès lors que l'employeur ne justifie pas que le mode choisi, celui de la consultation dans les locaux de la Caisse, rendait de fait impossible l'exercice de son droit, il ne pouvait imposer à cette dernière de lui envoyer une copie de tous les documents. Z... dernier moyen soulevé par la S.A X..., à savoir l'absence de motivation de l'avis délivré par le Médecin-conseil de
la Caisse est inopérant en l'espèce, puisque l'appelante s'est elle-même dispensée de consulter le dossier et n'a donc pu être lésée par cette absence de motifs, lesquels ne sont au demeurant pas exigés par les textes. En conséquence, c'est à bon droit que le Tribunal a déclaré opposable à la S.A X... la décision de la C.P.A.M du TARN et fondée l'action récursoire de cette dernière à l'encontre de cet employeur, de sorte qu'il y a lieu de confirmer son jugement en toutes ses dispositions. - sur les demandes annexes L'appelante qui perd le procès a contraint M. Henri Y... à exposer des frais pour assurer sa défense. Il y a lieu en conséquence de faire bénéficier ce dernier des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. PAR CES MOTIFS La Cour, Confirme en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 9 mars 2005 par le T.A.S.S du TARN. Y ajoutant, Condamne la S.A X... à payer à M. Henri Y... la somme de 1.200 ç en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Z... présent arrêt a été signé par monsieur MILHET, président et madame MARENGO, greffier. Z... greffier,
Z... président, P. MARENGO
A. MILHET