30/01/2006 ARRÊT No NoRG: 05/01789 OC/EKM Décision déférée du 24 Février 2005 - Tribunal de Commerce de TOULOUSE - 00/1320 M. MONIER EIFFAGE CONSTRUCTION X... venant aux droits de la Société SAEMP représentée par la SCP MALET C/ SOCIETE SAREC représentée par la SCP NIDECKER PRIEU-PHILIPPOT Compagnie AM PRUDENCE représentée par la SCP NIDECKER PRIEU-PHILIPPOT
INFIRMATION Grosse délivrée le à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
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COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ère Chambre Section 1
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ARRÊT DU TRENTE JANVIER DEUX MILLE SIX
[***] APPELANTE actuellement EIFFAGE CONSTRUCTION X... venant aux droits de la SNC SAEMP venant elle-même aux droits de la Société BAYSSELIER 1 allée des Pionniers de L'Aérospatiale BP 4195 31000 TOULOUSE représentée par la SCP MALET, avoués à la Cour assistée de la SCP SALESSE-DESTREM, avocats au barreau de TOULOUSE INTIMEES SOCIETE SAREC venant aux droits de la SARL ISOCOB 3 chemin de Naudinats 31770 COLOMIERS représentée par la SCP NIDECKER PRIEU-PHILIPPOT, avoués à la Cour assistée de Me Anne LAFAGE, avocat au barreau de TOULOUSE Compagnie AM PRUDENCE venant aux droits de la Compagnie GFA 11 rue de l'Amiral D' Estaing 75793 PARIS représentée par la SCP NIDECKER PRIEU-PHILIPPOT, avoués à la Cour assistée de Me Anne LAFAGE, avocat au barreau de TOULOUSE COMPOSITION DE LA COUR L'affaire a été débattue le 05 Décembre 2005 en audience publique,
devant la Cour composée de : H. MAS, président O. COLENO, conseiller C. FOURNIEL, conseiller qui en ont délibéré. Greffier, lors des débats : E. KAIM-MARTIN ARRET : - contradictoire - prononcé par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par H. MAS, président, et par E. KAIM-MARTIN, greffier de chambre.
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FAITS ET PROCÉDURE :
Un jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 avril 2003 statuant sur le recours de La compagnie GENERALI FRANCE ASSURANCE, assureur dommages-ouvrage subrogé dans les droits du maître de l'ouvrage, l'Office public de H.L.M. de l'Ariège, a condamné solidairement la société SAEMP SNC, entreprise générale, l'architecte et le contrôleur technique au paiement de la somme principale de 53.406,87 ç représentative du coût des travaux de reprise de dommages d'infiltrations apparus en 1997 sur un foyer pour personnes âgées qu'ils avaient construit à Sainte-Croix Volvestre pour son compte en 1988 et 1989, dont la réception avait été prononcée le 6 juillet 1989;
Par acte d'huissier du 25 février 2000, la société SAEMP SNC a fait citer la société SAREC venant aux droits de la société ISOCOB S.A.R.L., sous-traitant chargé du lot étanchéité-couverture et son assureur GFA, ainsi que la société ONDES REVÊTEMENTS S.A.R.L. et son assureur AXA COURTAGE devant le tribunal de commerce de Toulouse, en garantie de la somme de 37.384,81 ç représentative de la part laissée à sa charge définitive des travaux de reprise, soit 70% du coût total.
Par le jugement déféré du 24 février 2005, le tribunal a rejeté l'ensemble des demandes, considérant d'une part que le rapport d'expertise de la SARETEC, qui lui était d'ailleurs inopposable, n'imputait aucune responsabilité à la société ONDES REVÊTEMENTS
S.A.R.L., d'autre part que l'assignation était nulle faute de préciser le fondement juridique du recours engagé contre la société SAREC, ce à quoi ne satisfont pas les seules références à des décisions de justice rendues dans des instances auxquelles elle n'avait pas été appelée, pas plus qu'à une mesure d'instruction ordonnée dans le cadre de ces instances.
La société SAEMP, régulièrement appelante, aux droits de laquelle vient la société EIFFAGE CONSTRUCTION X..., conclut à la réformation de cette décision et demande à la Cour de condamner la société SAREC et son assureur AM PRUDENCE à la relever et garantir intégralement de la condamnation prononcée à son encontre par le tribunal administratif.
Elle soutient que son assignation, qui contenait un exposé détaillé des motifs fondant son recours en garantie, et qui a été complétée par des conclusions précisant le fondement juridique de sa demande, en l'occurrence l'article 1147 du code civil à titre principal et subsidiairement l'article 1792, n'encourait pas la nullité prononcée, que l'action en garantie contractuelle ne se prescrit qu'à compter de l'apparition du dommage et que l'action principale engagée le 16 octobre 1998 devant le tribunal de grande instance de Foix a interrompu la prescription, que l'expert, dont les opérations se sont déroulées contradictoirement à son égard, retient des fautes d'exécution qui lui sont imputables.
La société SAREC et la compagnie AM PRUDENCE concluent à la confirmation pure et simple du jugement dont appel.
Elles soutiennent que la prescription décennale se trouvait acquise le 7 juillet 1999, que le contrat de sous-traitance avait soumis la société SAREC à la présomption de responsabilité établie par les articles 1792 et suivants du code civil, écartant ainsi la responsabilité de droit commun, que l'assignation ne précisait pas le
fondement juridique de la demande, que les expertises invoquées ne sont pas des expertises judiciaires et ne lui sont donc pas opposables, de même que les décisions de justice sur lesquelles se sont conclues des instances auxquelles elles n'étaient pas parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Attendu, sur la nullité de l'assignation, qu'ont satisfait aux prescriptions de l'article 56 du nouveau code de procédure civile édictées à peine de nullité, les motifs par lesquels la société SAEMP exposait que, poursuivie en garantie sur le fondement des dispositions de l'article 1792 du code civil par l'assureur dommages-ouvrage dont elle signifiait en même temps la requête devant le tribunal administratif, elle entendait voir la société ISOCOB condamnée à la relever et garantir indemne de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre, en vertu du contrat de sous-traitance qui les avait liées pour l'exécution du lot étanchéité de l'ouvrage;
qu'il en résulte un exposé de moyens en fait et en droit suffisamment explicite pour permettre à la société ISOCOB de comprendre l'objet de l'instance à laquelle elle se trouvait attraite ainsi que les fondements juridiques invoqués, la nature des dommages par la référence à l'article 1792 et à la nature des travaux sous-traités, le fondement juridique par la référence au contrat de sous-traitance; que le jugement dont appel doit être réformé sur ce premier point;
Attendu que le contrat de sous-traitance stipulait en son article XII que l'entreprise sous-traitante devrait justifier qu'elle est titulaire d'une police d'assurance "couvrant, pour les travaux sous-traités, les responsabilités et garanties prévues par les articles 1792 et suivants du code civil (...) pour toute la période durant laquelle elles pourront être recherchées";
mais attendu que ces stipulations, qui ne font qu'instaurer une obligation d'assurance à la charge de l'entreprise sous-traitante couvrant la réparation des désordres de la nature de ceux définis aux articles 1792 et suivants du code civil dont elle serait responsable, n'ont pas de la sorte pour objet de modifier le régime juridique de la responsabilité du sous-traitant envers sa co-contractante entreprise principale tel qu'il résulte de la loi;
Attendu que le sous-traitant, qui n'est pas lié au maître de l'ouvrage mais engagé contractuellement envers l'entrepreneur principal qui l'a chargé de l'exécution des travaux, n'est pas tenu envers ce dernier de la garantie prévue à l'article 1792 du code civil, mais d'une obligation de résultat en vertu de l'article 1147 du code civil, et ne peut se prévaloir de la prescription abrégée de l'article 2270 du code civil;
que les deux parties étant commerçantes, le délai de prescription de l'action de l'entrepreneur principal envers son sous-traitant commençait à courir, à l'époque où l'action a été engagée, du jour où l'entrepreneur agissant en garantie avait été assigné par le maître de l'ouvrage où l'assureur subrogé dans les droits de celui-ci;
Attendu que c'est à bon droit que l'appelante soutient qu'à son égard, la prescription décennale avait été interrompue, en ce qui concerne les désordres d'étanchéité mettant en cause les travaux exécutés par la société ISOCOB, par les assignations en garantie délivrées par l'architecte dans le cadre de l'instance introduite le 16 octobre 1998 par le maître de l'ouvrage devant le tribunal de grande instance de Foix, qui s'est conclue par un jugement rendu le 29 juin 1999, soit avant l'expiration du délai d'épreuve, quand bien même le tribunal se serait déclaré incompétent au profit du tribunal administratif pour ce qui concerne la SAEMP, ce que le tribunal administratif a du reste expressément jugé;
Attendu en conséquence que la régularité et la recevabilité de l'action de la société SAEMP ne sont pas utilement discutées;
Attendu que, pour n'être certes pas opposables aux intimées qui n'ont pas été parties aux instances par lesquelles elles se sont conclues, les décisions de justice intervenues précédemment en relation avec le présent litige, en l'occurrence le jugement du tribunal de grande instance de Foix et le jugement du tribunal administratif de Toulouse, constituent à leur égard des faits juridiques qui établissent certains éléments;
Attendu par ailleurs que c'est à tort que la société SAREC se prévaut de l'inopposabilité des rapports d'expertise de la SARETEC au seul motif qu'il ne s'agit pas d'expertises judiciaires alors que les opérations de ces expertises, certes extra-judiciaires, qui sont celles mises en oeuvre dans le cadre de l'assurance dommages-ouvrage et comme telles ne sont pas de droit opposables aux sous-traitants, se sont néanmoins intégralement déroulées en présence de représentants de la société ISOCOB ainsi qu'il résulte tout à la fois de leurs mentions non discutées et du fait que la société ISOCOB a proposé à l'expert des devis de reprise, ce qui témoigne de ce qu'elle a été tenue informée de la progression de ses investigations, et de leur sens;
que leurs conclusions sont en outre soumises à la libre discussion des parties dans le cadre de la présente instance;
Attendu que les constatations qu'elles mettent en évidence, d'où il résulte que les dommages procèdent de divers défauts de mise en oeuvre notamment dans la pose des panneaux isolants, à plusieurs égards non conforme à l'avis technique les concernant, et dans la pose des relevés d'étanchéité, ne font l'objet d'aucune discussion de la part de la société SAREC et son assureur;
qu'elles mettent ainsi en évidence autant de manquements du poseur,
la société ISOCOB, à l'obligation de résultat qui lui incombait en vertu du contrat de sous-traitance, dont la société SAEMP est fondée à lui demander compte;
Attendu que les travaux de réfection totale de l'étanchéité, qui ont été admis par le tribunal de grande instance de Foix au bénéfice du maître de l'ouvrage sur la base de ces constatations faisant ressortir un désordre généralisé et évolutif, ne sont pas plus discutés, non plus que leur coût;
Attendu en conséquence que le jugement dont appel doit être en tout réformé, et l'action de la société EIFFAGE CONSTRUCTIONS X... aux droits de la société SAEMP déclarée bien fondée;
Attendu en conséquence que le jugement dont appel doit être en tout réformé, et l'action de la société EIFFAGE CONSTRUCTIONS X... aux droits de la société SAEMP déclarée bien fondée;
que toutefois le point de départ du cours des intérêts au taux légal ne peut être fixé à la date du 10 décembre 1999 comme demandé dès lors d'une part que la créance n'a pu naître avant le jugement du tribunal administratif qui l'a fixée, d'autre part que les intérêts au taux légal ne peuvent courir qu'à partir d'une mise en demeure;
qu'en l'état des renseignements résultant de l'examen du dossier du tribunal de commerce, seule la date de l'audience devant le premier juge peut être retenue comme celle certaine de la demande en justice formée contre les intimées;
Attendu que les dispositions du jugement dont appel à l'égard de la société ONDES REVÊTEMENTS et son assureur AXA COURTAGE ne sont pas remises en cause par l'appel;
Attendu que les intimées, qui succombent et seront tenues des dépens, ne sont pas fondés en leur demande au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;
Attendu qu'aucune considération tirée de l'équité ou de la situation
économique des parties ne s'oppose à l'application, en faveur de la société EIFFAGE CONSTRUCTIONS X... des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS : La Cour, Statuant dans les limites de l'appel, Réforme la décision déférée en toutes ses dispositions concernant la nullité de l'assignation et la société SAREC ainsi que la compagnie AM PRUDENCE, et, statuant à nouveau, Condamne in solidum la société SAREC et la compagnie d'assurances AM PRUDENCE à relever et garantir indemne la société EIFFAGE CONSTRUCTIONS X... des condamnations mises à sa charge par le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 avril 2003, soit 70% de la somme de 53.706,87 ç, augmentées des intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2004; Condamne in solidum la société SAREC et la compagnie d'assurances AM PRUDENCE à payer à la société EIFFAGE CONSTRUCTIONS X... la somme de 2.000 ç en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile; Déboute la société SAREC et la compagnie d'assurances AM PRUDENCE de toutes leurs demandes; Condamne in solidum la société SAREC et la compagnie d'assurances AM PRUDENCE aux entiers dépens de l'instance, en ce compris ceux exposés tant en première instance qu'en appel, et reconnaît pour ceux d'appel, à la SCP MALET, avoué qui en a fait la demande, le droit de recouvrement direct prévu à l'article 699 du nouveau code de procédure civile. Le présent arrêt a été signé par H. MAS, président et E. KAIM-MARTIN, greffier. LE GREFFIER :
LE PRESIDENT : E. KAIM-MARTIN
H. MAS