30/01/2006 ARRÊT No No RG : 05/00016 Décision déférée du 11 Janvier 2005 - Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE - 03/205 GUILHEM SEM CONSTELLATION ANCIENNEMENT DÉNOMMÉE SEM DE BLAGNAC CONSTELLATION C/ Joùl X... Alain X... SERVICES FISCAUX DE LA HAUTE-GARONNE
CONFIRMATION PARTIELLE
RÉPUBLIQUE FRANOEAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS
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COUR D'APPEL DE TOULOUSE
Chambre des Expropriations
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ARRÊT DU TRENTE JANVIER DEUX MILLE SIX
[***] APPELANT(S) SEM CONSTELLATION Anciennement dénommée SEM DE BLAGNAC CONSTELLATION , domicile élu en l'étude de Me BOUYSSOU 160 (E11) Grande Rue Saint Michel 31400 TOULOUSE Aéropole 5 B.P. 109 5, Avenue Albert Durand 31703 BLAGNAC Assisté de Me BOUYSSOU Avocat au barreau de TOULOUSE INTIME(S) Monsieur Joùl X... 13, Route de Grenade 31700 BEAUZELLE Assisté de la SCP LEIK RAYNALDY Avocats au barreau de PARIS Monsieur Alain X... 13, Route de Grenade 31700 BEAUZELLE Assisté de la SCP LEIK RAYNALDY Avocats au barreau de PARIS COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT SERVICES FISCAUX DE LA HAUTE-GARONNE Hôtel des Impôts de Rangueil 33, Rue Marvig 31404 TOULOUSE Représentés de M. MONTARIOL COMPOSITION DE LA COUR Y... a été débattue le 12 Décembre 2005, en audience publique, devant la Cour composée de: Président
: C. BABY, Assesseurs
: L. PARANT, juge de l'expropriation pour le département de l'Ariège, désigné par ordonnance du premier président du 3 décembre 2002
: I. MOLLEMEYER, juge de l'expropriation pour le département de Tarn et Garonne désigné par ordonnance du premier président du 18 septembre 2003 qui en ont délibéré. Greffier, lors des débats : R. GARCIA ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par C. BABY, président, et par R. GARCIA, greffier de Chambre
Vu les mémoires déposés et régulièrement notifiés à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement. Vu les convocations adressées aux parties et au commissaire du gouvernement. A l'audience, le Commissaire du Gouvernement est entendu à sa demande en ses observations. FAITS ET PROCÉDURE La création de la ZAC Andromède, qui représente une emprise de 200 ha environ sur les communes de Blagnac et de Beauzelle, est l'une des conséquences de l'installation à Blagnac des nouveaux ateliers destinés à la construction de l'Airbus A 380. Elle a été décidée par arrêté préfectoral du 27 février 2002, l'enquête parcellaire s'est déroulée du 5 au 28 mai 2003, et les ordonnances d'expropriation sont intervenues les 10 février (cas du présent dossier) et 1er octobre2004.
L'opération concerne entre autres quatre parcelles sises sur la commune de Beauzelle, lieudit "route de Grenade", cadastrées AM 95 (357 m ) sous emprise totale, propriété de M. Alain X..., AM 94 (1 162 m , dont 1 113 sous emprise) et AM 97 (1 057 m sous emprise totale) propriété de son frère Joùl X..., et AM 96 (1 419 m dont 750 m sous emprise), propriété indivise des deux frères. L'emprise concerne donc 3 277 m .
Les propriétaires n'ayant pas accepté l'offre qui leur a été faite à 11 ç/m pour l'ensemble de ces parcelles, l'autorité expropriante a saisi le juge de l'expropriation de Toulouse, qui, par jugement du 11 janvier 2005, a retenu une valeur de 40 ç/m , soit une indemnité principale de 131 080 ç. L'indemnité de remploi, au taux de 15 % à concurrence de 77 000 ç et 10 % au-delà, ressortait à 16 958 ç . Le tout était donc de 148 038 ç, dont 114 970,01 ç ont été attribués à M. Joùl X..., le solde, soit 33 067,99 ç revenant à son frère. Chacun d'entre eux s'est vu allouer en outre 1 250 ç en indemnisation de ses frais irrépétibles.
L'expropriante a relevé appel de cette décision par déclaration du 8 février 2005.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
L'expropriante précise que les parcelles en cause sont situées à l'arrière de celles sur lesquelles est construite la maison familiale, elle-même en façade sur la route de Grenade. Elles sont, à la date de référence, soit le 2 janvier 2002, date à laquelle a été approuvée la modification du plan local d'urbanisme, classées en zone 1 AU-c, correspondant au futur quartier d'habitat individuel à faible densité jouxtant la zone de loisirs de Pinot Barricou. Y sont autorisées seulement des opérations d'ensemble portant sur au moins deux hectares, les industries et commerces supérieurs à 300 m étant
interdits. Le COS est de 0,25 pour les habitations et leurs annexes, de 0,5 pour les autres constructions autorisées.
Elle rappelle que l'article L 13-15 exige qu'un terrain remplisse, pour être qualifié de terrain à bâtir, deux conditions cumulatives :
une desserte suffisante par la voirie et les réseaux électrique, d'eau potable, et, le cas échéant, le réseau d'assainissement, et une situation dans un secteur désigné comme constructible par le document d'urbanisme applicable ou la décision du conseil municipal et du représentant de l'Etat dans le département en l'absence d'un tel document. A défaut de remplir ces deux conditions, le terrain doit être évalué en fonction de son usage effectif, agricole en l'espèce. Elle considère que la condition réglementaire est remplie en l'espèce, mais pas la condition de desserte, qui doit être appréciée au regard de l'ensemble de la zone. En l'espèce, le réseau électrique est insuffisant, et il n'y a pas de raccordement au réseau d'eaux usées. Il y a donc lieu de s'en tenir à l'usage effectif.
Son offre de 11 ç tient compte de la plus-value imputable à la situation privilégiée, non contestée, des parcelles en cause, la valeur d'un terrain agricole étant très inférieure. Elle cite de nombreuses cessions amiables à ce prix sur les communes de Blagnac et Beauzelle.
Elle maintient donc son offre, arrondie à 41 455 ç.
Les expropriés n'ont pas déposé de mémoire devant la cour.
En première instance, M. Joùl X... soutenait que le classement en zone AU des parcelles AM 94 et 97 révélait une intention dolosive, car elles forment une unité foncière avec les parcelles AM 92 et 93, classées en zone UC. Retenant une évaluation par zones, il demandait pour les parcelles sous emprise, considérées en troisième zone, une
valeur de 55 ç, le surplus étant valorisé à 33 ç. L'indemnité principale ressortait ainsi à 89 210 ç, l'indemnité de remploi aux taux de 20 % jusqu'à 5 000 ç, 15 % pour les 10 000 ç suivants et 10 % au-delà, ressortait à 9 921 ç, et il demandait 1 500 ç en indemnisation de ses frais irrépétibles.
L'indivision sollicitait sur les mêmes bases une indemnité principale de 36 850 ç et une indemnité de remploi de 4 685 ç, outre 1 500 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Pour la parcelle AM 95 entièrement en 4ème zone, M. Alain X... demandait, toujours aux termes de la même argumentation, une indemnité principale de 11 781 ç et une indemnité de remploi de 2 017 ç, outre 1 500 ç au titre de ses frais irrépétibles.
Mme le commissaire du gouvernement soutient que le prix de 11 ç est adapté, s'agissant de terrains de réserve : ils sont certes juridiquement constructibles, mais ne pourront être construits qu'après exécution des travaux d'aménagement nécessaires. Ils ne peuvent donc être indemnisés au prix du terrain à bâtir, et leur proximité avec des zones bâties importe peu à cet égard. Ils ne peuvent davantage l'être au prix du terrain agricole, compte tenu de leur situation privilégiée.
La valeur retenue se trouve confortée par la vente intervenue le 5 février 2003 d'un terrain de 111 855 m à Cornebarrieu au prix de 13,99 ç. Ce terrain est affecté à la construction d'immeubles collectifs réservés pour les 3/4 à l'usage d'habitation et à leurs dessertes, parkings, cours et jardins, la SHON étant de 17 243 m .
Elle demande donc à la cour de retenir l'offre, et d'allouer à l'indivision X... une indemnité globale de dépossession de 41 455 ç.
SUR QUOI
Aux termes de l'article L 13-13 du Code de l'expropriation , les indemnités allouées à l'exproprié doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par l'expropriation.
Ni l'usage effectif agricole à la date de référence, ni la fixation de celle-ci au 2 janvier 2002, date de la modification du plan local d'urbanisme aboutissant au classement des parcelles expropriées en zone 1-AU-c ne sont discutés par les parties. Celles-ci s'opposent en revanche sur la qualification de terrain à bâtir des parcelles en cause, et les taux de l'indemnité de remploi.
Sur la qualification de terrain à bâtir
Il convient de rappeler que l'article L 13-15-II du Code de l'expropriation, d'ordre public aux termes de l'article L 13-19 du même Code, et qui contient la définition du terrain à bâtir, la réserve aux terrains qui, à la date de référence,
"sont, quelle que soit leur utilisation, tout à la fois :
a) effectivement desservis par une voie d'accès, un réseau électrique, un réseau d'eau potable et, dans la mesure où les règles relatives à l'urbanisme et à la santé publique l'exigent ... un réseau d'assainissement, à condition que ces divers réseaux soient situés à proximité immédiate des terrains en cause et soient de dimensions adaptées à la capacité de construction de ces terrains. Lorsqu'il s'agit de terrains situés dans une zone désignée par un plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé comme devant faire l'objet d'une opération d'aménagement d'ensemble, la dimension de ces réseaux est appréciée à l'égard de l'ensemble de la zone ;
b) situés dans un secteur désigné comme constructible par un plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé ou
b) situés dans un secteur désigné comme constructible par un plan
d'occupation des sols rendu public ou approuvé ou par un document d'urbanisme en tenant lieu ..."
Il n'est pas discuté en l'espèce que les parcelles sont juridiquement constructibles, comme incluses dans une zone 1AU du POS, seule la nature des constructions autorisées étant différente selon un classement secondaire des parcelles incluses dans la zone.
La discussion porte en revanche sur l'existence et la suffisance de leur desserte et de la possibilité de les raccorder à des réseaux existants et suffisants.
Le texte prévoyant expressément le caractère cumulatif de la condition de desserte et de la condition de constructibilité juridique, le terrain ne peut en effet être qualifié de terrain à bâtir si l'une de ces deux conditions est défaillante.
Or, il apparaît que les parcelles en cause se situent à l'arrière de parcelles bâties, sont dépourvues d'accès direct à une voie publique, et ne sont pas raccordées au réseau d'assainissement. Même lorsque les réseaux électrique et d'eau potable sont à proximité, ils sont insuffisants par rapport à la zone définie au PLU dans son ensemble, que l'article L 13-15 impose de prendre en considération en pareil cas. Cette insuffisance est confirmée par la disposition du document d'urbanisme précisant que, dans les zones 1 AU qu'il détermine, et qui englobent les parcelles présentement en cause, "les constructions et opérations d'aménagement ne pourront être autorisées qu'après réalisation des équipements d'infrastructure indispensables (voirie et réseaux divers) mentionnés à l'article 1 AU 4."
L'insuffisance des réseaux, lorsqu'ils sont à proximité, ainsi que l'absence de raccordement au système d'évacuation des eaux usées interdit de considérer que la condition prévue à l'article L 13-15 - 11 - a) serait remplie.
Les expropriés soutenaient en première instance qu'il s'agissait de
terrains à bâtir car leur classement en zone AU révélait une intention dolosive de la collectivité : mais ils ne rapportaient pas la preuve d'une telle intention, qui leur incombait, et qui supposait la constitution de servitudes nouvelles. Or, en l'espèce, il n'est pas précisé quel était le classement antérieur des parcelles en cause, de sorte que l'intention alléguée ne peut être vérifiée.
Ils déduisaient la qualification de terrain à bâtir de la position en fond de parcelle bâtie des terrains sous emprise, et du principe de l'unicité du terrain. Mais ce principe, à supposer que la parcelle AM 92 ait les mêmes propriétaires que les parcelles situées à l'arrière, se heurte en l'espèce à la réalité administrative du classement dans deux zones distinctes du document d'urbanisme : la partie bâtie est en zone UC, ce qui n'est pas le cas des parcelles sous emprise. La délimitation des zones s'impose à la juridiction de l'expropriation, qui doit appliquer en conséquence les textes d'ordre public régissant la matière, et retenir que l'absence d'accès direct à la voirie publique et l'insuffisance des réseaux au regard de l'ensemble de la ZAD excluent la qualification de terrain à bâtir pour les parcelles expropriées de la famille X....
Dès lors que la qualification de terrain à bâtir ne peut être retenue au sens des textes applicables dans le cadre de la présente instance, force est d'évaluer le terrain en considération de son seul usage effectif, dont il n'est pas discuté qu'il est, par défaut, agricole. Il ne peut en particulier être retenu un prix qui serait celui d'un fond de terrain à bâtir, calculé par abattements successifs pratiqués sur le prix d'un terrain de lotissement.
L'expropriante admet que, eu égard à son emplacement dans la périphérie toulousaine et à la pression foncière dont fait l'objet toute l'agglomération, dans un contexte de hausse générale du marché
immobilier, il ne peut être retenu une valeur de terrain agricole au sens strict de ce terme. Elle admet donc que l'indemnisation doit tenir compte d'une situation privilégiée, caractérisée par la proximité des zones urbanisées de Blagnac.
Pour offrir dans ce contexte 11 ç/m , l'expropriante se fonde sur les accords amiables qu'elle a obtenus, dans certains cas peu de mois avant la date du jugement à laquelle la cour statue, dans le cadre de la même opération, et qui, s'ils n'atteignent pas les seuils fixés par l'article L 13-16 du Code de l'expropriation, n'en constituent pas moins un terme de comparaison pertinent, d'autant que la rareté de ventes de terrains comparables ne permet pas de disposer d'une grande quantité de termes de comparaison.
En l'absence d'informations pertinentes permettant de considérer qu'elle n'est pas de nature à réparer l'entier préjudice matériel des expropriés, la valeur de 11 ç sera donc retenue pour l'ensemble des parcelles.
Sur l'indemnité de remploi
Elle n'est pas contestée en son principe, et le calcul retenu par le tribunal et admis par l'expropriante pour l'ensemble de l'opération sera appliqué, ne serait-ce que parce qu'il est plus favorable aux expropriés que les taux qu'ils avaient proposés en première instance. Sur ces bases, l'indemnité allouée sera donc conforme à l'offre.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Statuant à la date du jugement déféré,
Le réforme sur le quantum de l'indemnisation,
Fixe l'indemnité globale de dépossession revenant aux consorts
X... à 41 455 ç (quarante et un mille quatre cent cinquante cinq euros), dont 4 516,15 ç (quatre mille cinq cent seize euros et quinze centimes) revenant à M. Alain X..., 27 451,12 ç (vingt sept mille quatre cent cinquante et un euros et douze centimes) revenant à M. Joùl X..., le solde, soit 9 487,73 ç (neuf mille quatre cent quatre vingt sept euros et soixante treize centimes) revenant à l'indivision qu'ils forment entre eux,
Confirmant les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles,
Condamne les consorts X... aux dépens d'appel en application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. LE GREFFIER
LE PRÉSIDENT R. GARCIA
C. BABY