28/06/2005 ARRÊT No NoRG: 04/04366 MLA/CB Décision déférée du 04 Décembre 2003 - Tribunal d'Instance de CASTELSARRASIN - 03/170 Mr CAVE Marie-Rose X... épouse Y... représentée par la SCP BOYER-LESCAT-MERLE Jacqueline Y... représenté par la SCP BOYER-LESCAT-MERLE Nicole Y... représentée par la SCP BOYER-LESCAT-MERLE Francis Y... représenté par la SCP BOYER-LESCAT-MERLE C/ Robert Y... représenté par la SCP RIVES-PODESTA Suzanne Y... épouse Z... sans avoué constitué Société UDAF DE L'AUDE sans avoué constitué
CONFIRMATION Grosse délivrée le à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
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COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ère Chambre Section 2
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ARRÊT DU VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE CINQ
*** APPELANT(E/S) Madame Marie-Rose X... épouse Y... 17, rue Marcel Cachin 11600 CONQUES SUR ORBIEL représentée par la SCP BOYER-LESCAT-MERLE, avoués à la Cour assistée de Me Nicole BENZEKRI, avocat au barreau de TOULOUSE Madame Jacqueline Y...
A... les Platanes 17, chemin du Cassal 31400 TOULOUSE représenté par la SCP BOYER-LESCAT-MERLE, avoués à la Cour assisté de Me Nicole BENZEKRI, avocat au barreau de TOULOUSE (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 31555/2004/013468 du 06/10/2004 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE) Madame Nicole Y... 8O, rue de la Paix BAT. C - Appt 4O 82370 LABASTIDE ST PIERRE représentée
par la SCP BOYER-LESCAT-MERLE, avoués à la Cour assistée de Me Nicole BENZEKRI, avocat au barreau de TOULOUSE Monsieur Francis Y...
B... de Lapeyrouse 82130 LAFRANCAISE représenté par la SCP BOYER-LESCAT-MERLE, avoués à la Cour assisté de Me Nicole BENZEKRI, avocat au barreau de TOULOUSE INTIME(E/S) Monsieur Robert Y...
C... 82700 ESCATALENS représenté par la SCP RIVES-PODESTA, avoués à la Cour assisté de Me Frédérique VAYSSE-BATTUT, avocat au barreau de TOULOUSE Madame Suzanne Y... épouse Z...
D... 82270 MONTPEZAT DE QUERCY sans avoué constitué Société UDAF DE L'AUDE Rue de Vaucanson 11850 CARCASSONNE sans avoué constitué COMPOSITION DE LA COUR L'affaire a été débattue le 31 Mai 2005 en chambre du conseil, devant la Cour composée de : D. BOUTTÉ, président C. BELIERES, conseiller S. LECLERC D'ORLEAC, conseiller qui en ont délibéré. Greffier, lors des débats : S. E... ARRET : - CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par D. BOUTTÉ, président, et par S. E..., greffier de chambre EXPOSE DES FAITS ET PROCEDURE
Raymond Y... propriétaire d'une exploitation agricole à ESCATALENS (82) est décédé le 27 août 1998 laissant pour lui succéder sa veuve, Marie Rose X... épouse Y... et ses cinq enfants Jacqueline Y..., Suzanne Y... épouse Z..., Nicole Y..., Robert Y... et Francis Y...
Par acte du 27 janvier 2003 Robert Y... a fait assigner la veuve, assistée de sa curatrice l'UDAF de l'Aude, et les co-héritiers en fixation de sa créance de salarie différé.
Par ordonnance du 23 mai 2003 le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de MONTAUBAN s'est déclaré incompétent au profit du tribunal d'instance de CASTELSARRASIN.
Par jugement du 4 décembre 2003 cette juridiction a - fixé la créance de salaire différé de Robert Y... pour la période du 1er janvier
1971 au 31 décembre 1975 à la somme de 46.211,10 ç - débouté les parties de leurs autres demandes - condamné Marie Rose X... épouse Y... assistée de son curateur, Jacqueline Y..., Nicole Y..., et Francis Y... [*.à payer à Robert Y... la somme de 800 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile *] aux entiers dépens.
Par acte du 30 août 2004 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestés, Marie Rose X... épouse Y..., Jacqueline Y..., Nicole Y... et Francis Y... ont interjeté appel de la décision. MOYENS DES PARTIES
Marie Rose X... épouse Y..., Jacqueline Y..., Nicole Y... et Francis Y... indiquent, tout d'abord, se désister de leur appel à l'encontre de l'UDAF de l'AUDE, la main levée de la mesure de protection prise à l'égard de la veuve ayant été prononcée par jugement du juge des tutelles de Carcassonne du 7 octobre 2004.
Ils soutiennent que Robert Y... n'a versé aux débats aucun élément probant attestant qu'il ait pu être, conformément aux dispositions des articles L 321-13 et suivants du code rural, aider à l'activité agricole de son père, faute de rapporter la preuve de la participation effective à l'exploitation.
Ils font valoir que sa réclamation repose sur des attestations de pure complaisance qui reprennent les mêmes éléments, dans le même ordre et dans des termes similaires à savoir la formation professionnelle à la maison Familiale Rurale de 1967 à 1970, la travail prétendu à l'exploitation familiale à temps complet de 1971 à 1975, la période de 3 mois de service militaire à déduire, la description des travaux effectués, le fait que les autres enfants Y... ne participaient à l'exploitation agricole que de façon occasionnelle puisque travaillant à l'extérieur, et ont donc indiscutablement été rédigées sous la dictée de l'intéressé.
Ils prétendent qu'en réalité Robert Y... n'a aidé qu'occasionnellement à l'exploitation familiale, ce qui ne lui ouvrait pas droit à un salaire différé.
Ils affirment que - pour les années 1969, 1970, 1971, 1972, 1973 il a travaillé l'hiver et au début du printemps chez M. F... à la taille des arbres à temps plein puisqu'il était logé sur l'exploitation et ne rentrait pas de la semaine - pour l'année 1972 il a travaillé chez M. G... en juillet, août et septembre pour les moissons - pour l'année 1974 il a travaillé chez cette même personne et pour les mêmes travaux du mois de juin au mois de septembre - en 1975 il a été employé à l'entreprise FUNEBOIS et a été rétribué pour ces travaux de façon occulte.
Ils s'étonnent que Robert Y... n'ait rien réclamé pendant plus de 25 ans, ne présente sa demande qu'au moment où un litige l'oppose aux autres héritiers sur l'attribution de la maison familiale et ait en cours d'instance modifié la période concernée, d'abord du 1er janvier 1973 au 31 décembre 1978 puis de janvier 1971 au mois de décembre 1975.
Ils soutiennent que son affiliation à la mutualité sociale agricole en qualité d'aide familial ne peut confirmer la réalité d"un travail permanent sur l'exploitation car elle a été régularisée dans le seul but de lui permettre d'obtenir une couverture en cas de maladie ou d'accident, pour être protégé, tout en recevant une rétribution de ses employeurs nette d'impôts.
Ils soulignent que tous ses autres frère et soeur ont eux mêmes régulièrement aidé sur l'exploitation familiale sans demander quoi que ce soit en retour.
Ils demandent, en définitive, la réformation du jugement déféré et l'octroi de la somme de 1.500 ç au titre des frais irrépétibles exposés.
Robert Y... fait tout d'abord remarquer que Jacqueline Y... et Francis Y... ne persistent pas en cause d'appel dans leur demande reconventionnelle d'octroi d'une créance de salaire différé à leur propre bénéfice d'un montant respectif de 4.032,60 ç et 4.756,40 ç, ce qui suffit à caractériser leur mauvaise foi.
Il soutient avoir été le seul enfant à avoir participé de manière régulière, directe et effective dans l'exploitation de la propriété agricole de son père pendant une durée de 5 ans de 1971 à 1975 à l'exception de ses trois mois de service militaire.
Il fait valoir que les attestations émanant de proches voisins qui corroborent cet état de fait objectif sont confirmés par d'autres données et, notamment, le suivi d'une formation agricole en alternance de 1967 à 1970 qui lui a donné les qualifications nécessaires, son inscription à la MSA en qualité d'aide familial, son embauche au sein des établissements LASJUNIES à partir de 1976 seulement, son relevé de carrière de la CRAM.
Il dénie toute valeur probante aux attestations versées aux débats par les appelants dont les auteurs prétendent "ne l'avoir jamais vu travailler sur l'exploitation lors des années litigieuses" alors qu'elles émanent de personnes âgées et demeurant à plusieurs kilomètres de l'exploitation, qui ne sont jamais venus sur celle-ci sauf Mme H... mais à partir de 1976 seulement.
Il admet avoir, à plusieurs reprises, apporté une aide à des tiers dans le cadre de bonnes relations de voisinage mais de façon ponctuelle et notamment chez M. I... une semaine en juillet 1972.
Il conteste avoir eu l'intention de racheter l'immeuble familial ayant lui même fait construire sa maison en 1978.
Il conclut à la confirmation du jugement déféré et à l'octroi à son profit de la somme de 2.000 ç sur le fondement de l'article 700 du
nouveau code de procédure civile.
Suzanne Y... épouse Z... et l'UDAF de l'AUDE régulièrement assignés à personne par actes du 14 mars 2005 (sur réassignation du 6 janvier 2005 à domicile) et du 3 janvier 2005 respectivement n'ont pas constitué avoué ; l'arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l' article 474 du nouveau code de procédure civile. MOTIFS DE LA DECISION Sur la procédure Sur la procédure
Il convient de donner acte à Marie Rose X... épouse Y..., Jacqueline Y..., Nicole Y... et Francis Y... de leur désistement d'appel à l'égard de l'UDAF de l'AUDE. Sur la créance de salaire différé
Aux termes de l'article L 321-13 du code rural, le descendant qui âgé de plus de 18 ans a participé aux travaux de l'exploitation sans avoir été rémunéré en contrepartie de la collaboration est bénéficiaire d'une créance de salaire différé sur la succession de l'exploitant égale aux 2/3 du SMIC pour une durée maximale de 10 ans. Robert Y... justifie remplir toutes les conditions légales pour y prétendre.
Né en janvier 1953, il a participé personnellement dès sa majorité directement et effectivement aux travaux de mise en valeur de la propriété agricole exploitée par son père pour la période du 1er janvier 1971 au 31 décembre 1975, seule concernée par la demande.
Plusieurs habitants de la commune ou voisin de ce fonds rural attestent que "Robert Y... a travaillé sur la propriété de Raymond Y... à partir de 1971.. et durant plusieurs années...de 1971 à 1975...a participé à tous les travaux des champs : semis, blé, ma's, tomate, tabac, élevage bovins, entretien du matériel et des bâtiments....(Mme J..., M. K..., M. L..., M. M...) ...a
travaillé sur l'exploitation de ses parents mais je ne peux préciser les dates (M. N...) "avoir vu Robert Y... travailler les terres avec le tracteur en tant que labour, pour préparer les semis de blé, de mais, dans les vignes ainsi que le ramassage des récoltes.... (M. O...).
Ces témoignages réguliers en la forme, précis et concordants, qui relatent des faits que leur auteur a personnellement constatés, sont corroborés par d'autres données objectives.
En effet, Robert Y... disposait de la qualification nécessaire puisqu'il justifie avoir suivi une formation agricole auprès de la Maison Familiale et Rurale de 1968 à 1970 suivant attestation du directeur.
Il a été déclaré auprès de la MSA de Haute Garonne comme aide familial non salarié agricole pour la période du 5 janvier 1971 au 31 décembre 1975 suivant attestation de cet organisme du 30 novembre 2001 confirmée par le relevé de carrière tant de la MSA que de la CRAM MIDI PYRENEES.
Ce n'est qu'en janvier 1976 suivant certificat de travail du 10 avril 1982 versé aux débats qu'il a été embauché par les pépinières LASJUNIES.
Les témoignages susvisés ne sont contredits par aucun des éléments versés aux débats.
Les toutes récentes attestations produites par les appelants sont inopérantes et dépourvues de toute valeur probante à cet égard ; particulièrement sommaires et imprécises, émanant de personnes étrangères à la commune, elles visent soit une période antérieure à 1967 (M. P...) soit postérieure à 1976 (Mme H...) ou émanent de personnes qui, en raison de leur qualité, ne peuvent avoir été les témoins de faits d'exploitation ; il en va ainsi pour M. Q... chauffeur dans une entreprise de marchand de bestiaux qui ne pouvait
que faire de rares passages sur l'exploitation et qui se limite d'ailleurs à dire "qu'il n'a jamais aperçu Robert Y... lorsqu'il allait chercher les bêtes pour son employeur chez M. et Mme Raymond Y...".
Aucun élément de la cause ne vient corroborer les dires des appelants sur la prétendue activité extérieure de Robert Y....
M. G... précise "Robert Y... a travaillé pour l'entreprise G... pour les battages blé et ma's dans les années 1973-1974". Mais la loi ne requiert pas que la participation soit permanente et exclusive de toute occupation dès lors qu'elle n'est pas simplement occasionnelle.
Peu importe, dès lors, que Robert Y... ait pu parallèlement et pour des périodes très limitées participer ponctuellement au cours de ces cinq années à une activité saisonnière au profit de tiers.
Il peut donc être légitimement retenu une période de 5 ans de collaboration à l'activité agricole de ses parents.
Robert Y... n'a été ni associé aux résultats ni reçu de salaire en argent en contrepartie, et n'a disposé que des avantages en nature inhérents au statut d'aide familial et à la communauté de vie (logement, nourriture et un peu d'argent de poche).
Cette absence de rémunération confirmée par les relevés de la MSA et de la CRAM n'est d'ailleurs pas discuté par les héritiers, même à titre subsidiaire ; dans une attestation qu'ils produisent eux-mêmes en date du 6 mai 2005, Mme GARRIGUES R... indique que Raymond Y... "n'avait pas les moyens de lui (à son fils) payer un revenu" ; les sommes de 77,75 ç et de 91,47 ç qui figurent sur le relevé MSA, extrêmement modiques, se rapportent aux activités extérieures saisonnières susvisées puisqu'elles portent sur 11 jours pour chacune de ces années.
Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point, le chiffrage de la créance de salaire différé n'étant pas en lui-même discuté.
Les consorts Y... s'étonnent, certes, que Robert Y... ait attendu autant d'années avant de formuler une réclamation de ce chef ; mais en vertu des articles L 321-13 du code rural le bénéficiaire d'un contrat de travail à salaire différé exerce son droit de créance après le décès de l'exploitant et au cours du règlement de sa succession ; et son action se prescrit par trente ans à compter de l'ouverture de cette succession. *
Le jugement doit être confirmé pour le surplus de ses dispositions sans examen au fond puisque l'acte d'appel étant général la dévolution s'est opérée pour le tout en vertu de l'alinéa 2 de l'article 562 du nouveau code de procédure civile et qu'aucune critique n'est formulée par l'une ou l'autre des parties sur l'ensemble de ses autres chefs, aucun moyen n'étant développé à leur sujet. Sur les demandes annexes
Marie Rose X... épouse Y..., Jacqueline Y..., Nicole Y... et Francis Y... qui succombent dans leur recours supporteront donc la charge des dépens ; il ne peuvent, de ce fait, bénéficier des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
Eu égard aux circonstances de la cause et à la position des parties, il est inéquitable de laisser à la charge de Robert Y... la totalité des frais exposés pour se défendre et assurer sa représentation en justice en cause d'appel et non compris dans les dépens, ce qui commande l'octroi de la somme de 1.200 ç sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, complémentaire à celle déjà allouée en première instance et qui doit
être confirmée. PAR CES MOTIFS La Cour,
- Donne acte à Marie Rose X... épouse Y..., Jacqueline Y..., Nicole Y... et Francis Y... de leur désistement d'appel à l'encontre de l'UDAF de l'AUDE.
- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions Y ajoutant, - Condamne solidairement Marie Rose X... épouse Y..., Jacqueline Y..., Nicole Y... et Francis Y... à payer à Robert Y... la somme globale de 1.200 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
- Déboute Marie Rose X... épouse Y..., Jacqueline Y..., Nicole Y... et Francis Y... de leur propre demande au titre des frais irrépétibles exposés.
- Condamne solidairement Marie Rose X... épouse Y..., Jacqueline Y..., Nicole Y... et Francis Y... aux entiers dépens d'appel.
- Dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile au profit de la SCP RIVES-PODESTA avoués. Le présent arrêt a été signé par M. BOUTTE, président et par Mme E...
LE GREFFIER, Le Président
S. E... D. BOUTTÉ