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07/03/2005 | FRANCE | N°04/01495

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 07 mars 2005, 04/01495


07/03/2005 ARRÊT N°118 N°RG: 04/01495 CF/CD Décision déférée du 23 Janvier 2004 - Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE - 02/2081 Mme BLANQUE JEAN

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

** *

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ère Chambre Section 1

* **

ARRÊT DU SEPT MARS DEUX MILLE CINQ

** * APPELANTS Monsieur Gérard A, en qualité d'héritier de sa mère, Mme V veuve A représenté par la SCP BOYER-LESCAT-MERLE, avoués à la Cour assisté de Me Jean-paul COTTIN, avocat au barreau de TOULOUSE Monsieur Christian

A, en qualité d'héritier de sa mère, Mme V veuve A représenté par la SCP BOYER-LESCAT-MERLE, avoués à la Cour as...

07/03/2005 ARRÊT N°118 N°RG: 04/01495 CF/CD Décision déférée du 23 Janvier 2004 - Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE - 02/2081 Mme BLANQUE JEAN

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

** *

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ère Chambre Section 1

* **

ARRÊT DU SEPT MARS DEUX MILLE CINQ

** * APPELANTS Monsieur Gérard A, en qualité d'héritier de sa mère, Mme V veuve A représenté par la SCP BOYER-LESCAT-MERLE, avoués à la Cour assisté de Me Jean-paul COTTIN, avocat au barreau de TOULOUSE Monsieur Christian A, en qualité d'héritier de sa mère, Mme V veuve A représenté par la SCP BOYER-LESCAT-MERLE, avoués à la Cour assisté de Me Jean-paul COTTIN, avocat au barreau de TOULOUSE INTIMEE Madame M représentée par Me Bernard DE LAMY, avoué à la Cour assistée de la SCP JEAY FAIVRE-MARTIN DE LA MOUTTE-JEAY, avocats au barreau de TOULOUSE COMPOSITION DE LA COUR L'affaire a été débattue le 1° Février 2005 en audience publique, devant la Cour composée de : H. MAS, président C. FOURNIEL, conseiller O. COLENO, conseiller qui en ont délibéré. Greffier, lors des débats : E. KAIM-MARTIN

ARRET : - contradictoire - prononcé par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par H. MAS, président, et par E. KAIM-MARTIN, greffier de chambre. * ** ** **

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte authentique du 14 février 1997, reçu par maître FRANCOIS, madame Odette V veuve A, âgée de 83 ans, a vendu à madame Ida M veuve L, âgée de 52 ans, un immeuble à usage d'habitation moyennant le prix de 300.000 francs.

Cette somme a été convertie en totalité en l'obligation prise par le nouveau propriétaire à l'égard de l'ancien propriétaire de le visiter régulièrement en son domicile actuel ou à tout autre qu'il aurait dans la commune de ..., s'assurer de son état de santé, lui fournir la nourriture, l'entretenir, vêtir, blanchir et soigner tant en santé qu'en maladie, en un mot lui fournir tout ce qui est nécessaire à l'existence, à l'exception du logement proprement dit.

Il était prévu qu'en cas d'hospitalisation supérieure à huit jours ou d'accueil de madame V en maison de retraite, les parties auraient la faculté de substituer à l'obligation ci-dessus stipulée une rente viagère.

Monsieur Gérard A, nommé administrateur légal des biens de sa mère, placée en maison de retraite en juin 1999, a sollicité la fixation de la rente viagère due par madame M et à titre subsidiaire une expertise.

Une ordonnance de référé du 21 août 2000 a désigné monsieur NICODEME, qui a déposé un rapport le 19 juillet 2001.

Par ordonnance du 21 novembre 2001, le juge des référés a condamné madame M à payer à monsieur A pour le compte de madame V une provision de 15.000 euros ou 98.393,55 francs à valoir sur la rente viagère résultant de l'acte du 14 février 1997 pour la période du 1er juillet 1999 au 30 septembre 2001, ainsi que 1.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Le commandement de payer adressé à la débitrice le 13 février 2002 n'a pas été suivi d'effet.

Par acte du 4 juin 2002, publié à la Conservation des Hypothèques, monsieur A es qualités a fait assigner madame M en résolution de la vente.

Madame Odette V est décédée le 10 décembre 2003, après la clôture des débats devant le tribunal de grande instance de TOULOUSE.

Suivant jugement en date du 23 janvier 2004, le tribunal de grande instance de TOULOUSE a : -dit que l'acte authentique du 14 février 1997, au rapport de maître FRANCOIS notaire à BOULOC, constituait une donation déguisée valable au profit de madame Ida M ; -débouté monsieur Gérard A es qualités de sa demande de résolution de vente ; -condamné ce dernier es qualités à verser à madame M la somme de 1.000 euros en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; -laissé les dépens à la charge de monsieur A es qualités.

Par déclaration en date du 14 avril 2004 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas discutées, monsieur Gérard A et monsieur Christian A, agissant en qualité d'héritiers de madame Odette V, ont relevé appel de ce jugement.

Par conclusions du 30 novembre 2004, ils demandent à la cour de :

-débouter madame M de sa demande de requalification en donation déguisée de l'acte de vente régulièrement intervenu entre les parties le 14 février 1997 ; -prononcer la résolution de cette vente portant sur une maison d'habitation avec terrain située sur la commune de ... et figurant au cadastre de ladite commune sous les relations suivantes : ... ; -prononcer par conséquent l'expulsion de madame Ida M et celle de tout occupant de son chef, et ce au besoin avec le concours de la force publique ; -condamner madame M à leur payer la somme de 64.747,10 euros à titre d'indemnité d'occupation pour la jouissance depuis le mois de juillet 1999 jusqu'au mois de décembre 2003 de la maison d'habitation; -fixer à la somme de 1.244,87 euros par mois le montant de l'indemnité d'occupation due par madame M depuis le mois de janvier 2004 jusqu'à la complète libération des locaux ; -condamner madame M au paiement de la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens en ceux compris le coût du commandement délivré le 13 février 2002.

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour confirmerait le jugement, les consorts A demandent à la juridiction de : -constater que l'immeuble donné à madame M est de très loin supérieur en valeur à la quotité disponible dont pouvait disposer madame A, -dire que les parties devront comparaître devant le notaire chargé de la liquidation de la succession, et que madame M, après réévaluation du bien au jour du partage, sera condamnée à leur reverser leur réserve héréditaire telle que définie dans les présentes conclusions.

Ils entendent enfin voir dire et juger que l'arrêt à intervenir sera publié avec toutes ses conséquences de droit auprès de la Conservation des Hypothèques.

Les appelants font valoir : -que le contrat de travail qui liait madame A à madame M a été rompu au jour de l'acte de vente du 14 février 1997, et que le travail réalisé ensuite par madame M s'inscrivait dans le cadre de l'obligation de soins ; -que la somme de 2.700 francs par mois que madame M a continué de percevoir de madame A après la vente constituait une donation déguisée sous forme d'emploi fictif afin de permettre à madame M de percevoir une retraite supérieure ; -que lors du placement de madame A en maison de retraite, madame M a simplement cessé de remplir son obligation de soins, dont l'exécution l'obligeait à une présence au domicile de madame A beaucoup plus importante que les 70 h de travail que représentait la somme mensuelle que lui versait celle-ci ; -que madame M ne pourrait se prévaloir de l'appréciation de l'expert pour soutenir que l'acte de vente du 14 février 1997 devrait s'analyser en une donation déguisée ; -que l'administration fiscale n'a retenu aucun élément permettant de démontrer l'existence d'une simulation , et que l'évaluation de la maison dans une vente avec obligations de soins est généralement sous estimée, afin d'éviter des droits de mutation importants et la durée des prestations remplaçant le prix

étant incertaine ; -que pour prouver contre un acte authentique ou sous seing privé l'article 1341 du code civil exige la production d'un écrit ou d'un commencement de preuve par écrit extrinsèque à cet acte ; -que madame M ne produit aucune contre lettre émanant de madame A démontrant que cette dernière voulait lui donner sa maison rue de l'Eglise, que l'acte authentique lui-même ne contient pas d'élément montrant une intention libérale, et que leur mère avec laquelle ils avaient des relations d'affection ne les avaient jamais informés d'une telle intention ; -que leur mère était atteinte de la maladie d'ALZEIHMER et qu'en juin 1995 le Crédit Agricole avait signalé à monsieur Gérard A qu'elle se trouvait en difficulté financière, alors qu'elle disposait de la demi retraite de lieutenant colonel de son mari décédé, et des loyers de ses biens immobiliers.

Les consorts A ajoutent que lorsque leur mère a été placée en maison de retraite madame M n'a jamais contesté être redevable de la rente viagère visée dans l'acte de vente, et que le montant des prestations qu'elle aurait dû fournir au titre de son obligation de soins ne saurait être inférieur au montant de la rente telle que déterminée par l'expert.

Selon écritures du 19 octobre 2004, madame M veuve L conclut à la confirmation du jugement, et à la condamnation des consorts A au paiement de la somme complémentaire de 2.000 euros en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, ceux d'appel étant distraits au profit de maître DE LAMY, avoué.

L'intimée soutient : -que la volonté de madame A, qui entretenait avec elle des rapports très étroits dépassant très largement les relations employeur/salariée , était de lui faire donation de cet immeuble, tout en s'assurant qu'elle recevrait des soins constants en restant dans sa résidence principale ; -que l'acte de vente litigieux

est incontestablement une donation avec charge qu'elle a exécutée de manière assidue jusqu'au placement brutal en maison de retraite de madame A sans le consentement de cette dernière, à l'initiative de monsieur Gérard A ; -que l'intention libérale de l'acte est démontrée par le fait qu'après la vente, aucune somme n'a été versée par elle qui était dans l'incapacité d'y procéder, que l'obligation de soins a été exécutée mais que madame A lui a toujours réglé un salaire, et qu'une partie de l'immeuble était louée à un tiers, madame A percevant les loyers ; -que l'acte authentique constitue l'écrit imposé par l'article 1341, et à tout le moins un commencement de preuve par écrit susceptible d'être complété par témoignages ou présomptions de fait ; -qu'il ressort tant des témoignages que des faits que la venderesse n'a pas souhaité percevoir le prix de vente de l'immeuble, et qu'elle la considérait comme la seule personne capable de la soigner à domicile puisque ses relations avec ses enfants étaient pour le moins dégradées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 26 janvier 2005. * * * MOTIFS DE LA DECISION Sur la qualification de l'acte du 14 février 1997

Les libéralités faites sous couvert d'actes à titre onéreux sont valables lorsqu'elles réunissent les conditions de forme requises pour la constitution des actes dont elles empruntent l'apparence, les règles auxquelles elles sont assujetties quant au fond étant celles propres aux actes à titre gratuit.

L'acte de vente du 14 février 1997 argué de simulation est un acte authentique, conforme aux prescriptions de l'article 931 du code civil.

Il appartient à madame M, qui invoque l'existence d'une donation déguisée avec charge, de rapporter la preuve de la simulation et de

l'intention libérale de madame V veuve A.

S'agissant d'actes juridiques, la preuve est régie par les articles 1341 et suivants du code civil.

En matière de donation déguisée l'acte apparent lui-même peut constituer le commencement de preuve par écrit rendant admissible la preuve par témoins et par présomptions.

En l'espèce ce commencement de preuve s'évince du prix convenu, 300.000 francs ou 45.735 euros, intégralement converti en une simple obligation de soins, alors que le rapport d'expertise déposé par monsieur NICODEME établit qu'au jour de l'acte la valeur vénale de l'immeuble était de 465.000 francs, ou 70.889 euros , soit une valeur de 50% supérieure au prix de vente déclaré.

Il ressort des renseignements recueillis par l'expert que l'obligation de soins stipulée dans l'acte s'est exercée avant le départ de madame V en maison de retraite, sous la forme de 2 h 30 de ménage par jour et d'un rôle de dame de compagnie, prestations correspondant à celles fournies par madame M antérieurement à l'acte du 14 février 1997 à titre salarié.

Aucune précision n'est donnée sur les ressources, les charges et les conditions de vie de madame V, ni sur les modalités selon lesquelles madame M aurait rempli les autres prestations incluses dans l'obligation de soins qui lui incombait.

Il apparaît que postérieurement à l'acte de vente, madame V a continué de percevoir les loyers dûs par monsieur P, occupant la partie de l'immeuble correspondant à un ancien local artisanal, pour un montant trimestriel de 2.560,75 francs, ainsi qu'en attestent les quittances annexées au rapport d'expertise, et qu'elle a maintenu corrélativement le versement d'un salaire mensuel de l'ordre de 2.700 francs à madame M, ce qui permettait à celle-ci de continuer à cotiser pour sa retraite.

Or le maintien de ce salaire allait à l'encontre de l'économie de la vente et privait de sa substance l'obligation de soins.

Le tribunal a justement relevé que madame M était employée par madame V depuis 1972, et que les attestations des témoins ..., également produites devant la cour, établissaient la réalité des liens d'affection et de soutien qui unissaient les deux femmes, les témoins rappelant l'un que madame V considérait madame M comme sa fille, l'autre qu'elle se tournait plus facilement vers elle que vers ses enfants, et un troisième que c'était madame M qui accompagnait madame V à l'hôpital ou chez le médecin.

Les pièces produites par les consorts A ne sont pas de nature à démentir ces éléments de fait.

Les documents relatifs à l'état de santé de madame V ayant motivé sa mise sous tutelle en 1999 ne démontrent pas qu'elle n'était pas en mesure de manifester sa

Les documents relatifs à l'état de santé de madame V ayant motivé sa mise sous tutelle en 1999 ne démontrent pas qu'elle n'était pas en mesure de manifester sa volonté lors de l'établissement de l'acte litigieux, ce que les appelants ne soutiennent d'ailleurs pas.

De plus il y a lieu d'observer que si madame M ne s'est pas opposée devant le juge des référés à l'organisation d'une mesure d'expertise pour fixer le montant de la rente viagère, elle a toujours soutenu que madame V avait voulu la récompenser de ses bons services en lui cédant l'immeuble.

Il résulte de l'ensemble des éléments ci-dessus examinés que la dépossession du bien objet de l'acte du 14 février 1997 n'avait pas de contrepartie conférant à cet acte un caractère onéreux, et que les relations qui existaient entre les parties établissaient la volonté de madame V d'avantager madame M.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a requalifié cet acte en

donation déguisée, et a débouté monsieur A es qualité de sa demande d'annulation de vente.

Les consorts A seront par suite également déboutés de leurs autres demandes formées à titre principal contre madame M.

La donation n'étant valable que dans la limite de la quotité disponible, elle devra être prise en compte dans les opérations de liquidation de la succession de madame V, selon les dispositions des articles 920 et suivants du code civil, et réduite à due concurrence de cette quotité disponible.

Il convient en outre d'ordonner la transmission d'une copie du présent arrêt à l'administration fiscale. Sur l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile

Compte tenu des circonstances de l'espèce, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais non compris dans les dépens exposés en première instance et en cause d'appel. Sur les dépens

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Les consorts A, qui succombent à titre principal en leurs prétentions, seront condamnés aux dépens de la présente procédure. * * *

PAR CES MOTIFS

La cour

En la forme, déclare l'appel régulier .

Au fond, confirme le jugement, sauf en ce qu'il a condamné monsieur Gérard A es qualités à verser à madame M la somme de 1.000 euros en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Déboute madame M de la demande qu'elle avait formée à ce titre,

Ajoutant au jugement :

Dit que la donation déguisée consentie par madame Odette V à madame Ida M par acte authentique du 14 février devra être prise en compte

dans le cadre des opérations de liquidation de la succession de madame V dont est chargé maître GINESTY, notaire à TOULOUSE , et réduite à due concurrence de la quotité disponible.

Ordonne la transmission en copie du présent arrêt à l'administration fiscale.

Dit n'y avoir lieu à indemnité pour frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel.

Condamne les consorts A aux dépens de la présente procédure. Le présent arrêt a été signé par M. MAS, président, et par Mme KAIM MARTIN, greffier. LE GREFFIER

LE PRESIDENT E. KAIM MARTIN

H. MAS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Numéro d'arrêt : 04/01495
Date de la décision : 07/03/2005
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2005-03-07;04.01495 ?
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