15/11/2004 ARRÊT N°490 N°RG: 04/00467 MZ/CD Décision déférée du 21 Octobre 2003 - Tribunal de Grande Instance d'ALBI - 2002/349 Mme PAGE X...
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ère Chambre Section 1
***
ARRÊT DU QUINZE NOVEMBRE DEUX MILLE QUATRE
*** APPELANTE COMPAGNIE A représentée par la SCP SOREL DESSART SOREL, avoués à la Cour assistée de la SCP MONFERRAN-CARRIERE ESPAGNO, avocats au barreau de TOULOUSE INTIMES Madame Y... représentée par la SCP Y... CHATEAU - O. PASSERA, avoués à la Cour assistée de la SCP ALBAREDE ET ASSOCIES, avocats au barreau d'ALBI ETABLISSEMENTS C représentée par la SCP RIVES PODESTA, avoués à la Cour assistée de Me Regine SERRES PERRIN, avocat au barreau d'ALBI C.P.A.M. représentée par la SCP CANTALOUBE FERRIEU CERRI, avoués à la Cour assistée de la SCP INTER BARREAUX RASTOUL-FONTANIER-COMBAREL-DEGIOANNI, avocats au barreau de TOULOUSE COMPOSITION DE LA COUR L'affaire a été débattue le 11 octobre 2004 en audience publique, devant la Cour composée de : H. MAS, président M. ZAVARO, conseiller O.COLENO, conseiller qui en ont délibéré. Greffier, lors des débats : ARRET : - contradictoire - prononcé publiquement par H. MAS - signé par , président, et par E. KAIM-MARTIN, greffier présent lors du prononcé. ********
EXPOSE DES FAITS, MOYENS ET PRÉTENTIONS
A la suite d'un accident, Mme Y... a reçu une transfusion de produits sanguins délivrés par le CRTS, les 22 et 23 juin 1985. Une hépatite non A, non Y... a été diagnostiquée en septembre 1987 et la présence
dans son organisme du virus de l'hépatite C a été révélée le 16 mars 1994. Après qu'une expertise eut été ordonnée en référé, le tribunal de grande instance d'Albi, par jugement du 21 octobre 2003 a : - dit que la contamination de Mme Y... était imputable à l'Etablissement C venant aux droits du CRTS, - condamné in solidum l'Etablissement C et son assureur la Compagnie A, à réparer le préjudice de Mme Y..., - a alloué à cette dernière une somme de 10.000 ä à titre provisionnel et a ordonné un complément d'expertise, - a condamné in solidum l'Etablissement C et la Compagnie A à payer à la CPAM une somme de 304.793,90 ä à titre provisionnel représentant sa créance arrêtée au 27 novembre 2002.
La Compagnie A relève appel de cette décision. A titre principal elle soutient ne pas être l'assureur de l'Etablissement C mais de l'Union mutualiste tarnaise qui elle-même est gestionnaire du centre départemental de transfusion sanguine d'Albi. Elle relève en outre que les flacons ont pu être livrés par le centre d'Albi mais qu'ils ont été fournis par le centre de Montpellier, lequel n'a jamais été assuré par elle. A titre subsidiaire elle soutient que la réclamation de Mme Y... a été présentée à l'expiration de la période de garantie, le contrat "responsabilité civile" ayant été résilié le 31 décembre 1989 et ayant valablement limité dans le temps la durée de la garantie. A titre infiniment subsidiaire elle conclut à la nullité du contrat pour vice du consentement de l'assureur. Elle sollicite 1.500 ä à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi et 3.000 ä au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
L'Etablissement C souligne que, venant aux droits et obligations du CRTS, les contrats conclus par celui-ci lui ont été transférés. Elle soutient que le fournisseur de produits sanguins est responsable de ceux-ci au même titre que le producteur. Elle rappelle que la
transfusion a été effectuée pendant la période de validité du contrat; elle soutient que la clause limitant la garantie dans le temps est nulle. Elle conclut enfin au rejet des prétentions de la CPAM, sauf à rectifier en toute hypothèse une erreur de calcul affectant ladite créance. Elle sollicite 2.000 ä du chef de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Mme Y... conclut à la confirmation de la décision déférée en ce qu'elle retient la responsabilité de l'Etablissement C et en ce qu'il dit que la Compagnie A assurait ce dernier ainsi qu'en ce qu'il a écarté la clause limitant dans le temps la garantie. Elle souligne que la CPAM a commis une erreur reprise dans le jugement concernant la rente invalidité qui lui est servie, dont elle demande rectification. Elle sollicite enfin 1.500 ä par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La CPAM conclut à la confirmation de la décision déférée sauf à juger que sa créance définitive s'élève à 87.405,68 ä et sollicite 1.000 ä au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION Sur la responsabilité de l'Etablissement C au titre du CRTS :
La Compagnie A conteste que la responsabilité de l'Etablissement C puisse être engagée au titre du CRTS dans la mesure où celui-ci aurait seulement livré des produits fournis par le CRTS de ... Cependant il n'est pas contesté que ces produits ont bien été livrés par le CRTS, quel que soit leur producteur que l'expertise n'a pas permis d'identifier de façon certaine. Or celui qui livre des produits sanguin doit en garantir l'innocuité, qu'il en soit lui-même producteur, ou non. Il convient en conséquence de retenir la responsabilité de l'Etablissement C au titre du CRTS, les éléments recueillis par l'expert permettant de présumer que la contamination est imputable à ces produits, alors que leur fournisseur ne rapporte
pas la preuve de leur innocuité. Sur la contestation de la Compagnie A relative à l'identité de son assuré :
La Compagnie A a conclu un contrat d'assurance responsabilité civile avec l'Union mutualiste tarnaise en sa qualité de gestionnaire du CRTS, cette dernière déclarant son activité comme "centre départemental de transfusion sanguine". Par ailleurs la convention du 5 novembre 1999 prévoit que l'Etablissement C est substitué de plein droit à l'UMT dans les droits et obligations des contrats d'assurance conclus en application des dispositions de l'article L 668-10 du code de la santé publique, ce que la Compagnie A ne conteste pas.
Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en ce qu'elle retient que la Compagnie A était effectivement l'assureur de l'Etablissement C au titre du CRTS. Sur la contestation de la Compagnie A relative à la limitation de la garantie :
Le contrat a été résilié le 31 décembre 1989. Il prévoyait que la garantie après livraison s'appliquait exclusivement aux réclamations se rattachant aux produit livrés pendant la durée du contrat et portées à la connaissance de l'assuré dans un délai maximum de 5 ans après la date d'expiration du contrat.
La demande de Mme Y... a été formalisée plus de 5 ans après l'expiration du contrat. Cependant le versement des primes pour la période qui se situe entre la prise d'effet du contrat et son expiration a pour contrepartie nécessaire la garantie des dommages qui trouvent leur origine dans un fait qui s'est produit pendant cette période.
Dès lors la clause invoquée devrait être considérée comme nulle. Toutefois elle a été rédigée en application des dispositions d'une clause type figurant à l'arrêté du 27 juin 1980. Mais ce texte a été annulé par un arrêt du Conseil d'Etat en date du 29 décembre 2000 pour son illégalité qui ne résulte pas de la décision sus-visée, mais de sa contradiction avec le principe édicté par l'article 1131 du
code civil, que la décision en cause ne fait que constater et qui pré-existait à sa constatation. Dès lors la compagnie d'assurance ne peut invoquer la clause limitant sa garantie dans le temps, la créance de la victime étant constituée à la date de la réalisation du dommage et non à celle de la réclamation par la victime, ni la non rétro-activité de l'annulation. Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en ce qu'elle écarte la clause litigieuse. Sur la demande d'annulation du contrat :
La Compagnie A invoque la nullité du contrat pour erreur de droit dans la mesure où la clause qu'il invoque principalement ne serait pas retenue. Cependant cette clause a été écartée car elle aurait pour effet de conférer à l'assureur un avantage en limitant la durée de garantie d'un dommage trouvant son origine dans un fait survenu alors que la police était en vigueur nonobstant paiement des primes durant cette période et de retirer à l'assuré une garantie à laquelle il avait droit, cause de son engagement. Le caractère illicite de l'avantage ainsi revendiqué conduit à rejeter l'erreur de droit.
Par ailleurs la Compagnie A soutient qu'elle n'aurait pas souscrit le contrat bsi elle avait eu conscience de s'engager sans limitation de durée. Cependant elle a bien contracté un engagement d'une durée limitée puisque seuls les dommages nés d'un événement survenu pendant la période d'exécution du contrat seront couverts.
Il convient donc de confirmer le jugement déféré également sur ce point. Sur la créance de la CPAM :
Il n'est pas discuté que la somme allouée à titre provisionnel à la CPAM est erronée. Celle-ci fournit un décompte de créance définitive d'un montant de 87.405,68 ä. Les documents produits confirment que ces débours sont causés par l'affection considérée. Il convient donc de réformer le jugement en fixant la somme due à la CPAM à ce montant. Sur les frais irrépétibles :
Il serait inéquitable de laisser à la charge des intimés l'intégralité des frais non compris dans les dépens exposés en appel. Il convient en conséquence de condamner la Compagnie A à payer de ce chef à Mme Y... une somme de 750 ä, à l'Etablissement C et à la CPAM une somme de 500 ä chacun.
PAR CES MOTIFS
La cour,
confirme la décision déférée sauf en ce qu'elle condamne in solidum l'Etablissement C et la Compagnie A à payer à la CPAM une somme de 304.793,90 ä à titre provisionnel,
la réforme sur ce point,
condamne in solidum l'Etablissement C et la Compagnie A à payer à titre provisionnel à la CPAM, en deniers ou quittance une somme de 87.405,68 ä,
condamne la Compagnie A à payer à Mme Y... une somme de 750 ä et à l'Etablissement C ainsi qu'à la CPAM une somme de 500 ä chacun au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
la condamne aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. Le présent arrêt a été signé par M. MAS, président, et par Mme KAIM MARTIN, greffier présent lors du prononcé. LE GREFFIER
LE PRESIDENT E. KAIM MARTIN
H. MAS