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22/06/2004 | FRANCE | N°02/04980

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 22 juin 2004, 02/04980


22/06/2004 ARRÊT N°376 N°RG: 02/04980 FG/MLA Décision déférée du 03 Septembre 2002 - Tribunal d'Instance TOULOUSE - 200200173 Madame X...


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

3ème Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT DEUX JUIN DEUX MILLE QUATRE

*** APPELANT(E/S) Epoux Y... représentée par la SCP NIDECKER PRIEU, avoués à la Cour assistée de la SCP PUJO, avocats au barreau de TARN ET GARONNE INTIME(E/S) SA A représentée par la SCP BOYER LESCAT MERLE, avoués à la Cou

r assistée de Me Brigitte BEAUMONT, avocat au barreau de PARIS SOCIETE F représentée par la SCP BOYER LESCAT MERLE, ...

22/06/2004 ARRÊT N°376 N°RG: 02/04980 FG/MLA Décision déférée du 03 Septembre 2002 - Tribunal d'Instance TOULOUSE - 200200173 Madame X...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

3ème Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT DEUX JUIN DEUX MILLE QUATRE

*** APPELANT(E/S) Epoux Y... représentée par la SCP NIDECKER PRIEU, avoués à la Cour assistée de la SCP PUJO, avocats au barreau de TARN ET GARONNE INTIME(E/S) SA A représentée par la SCP BOYER LESCAT MERLE, avoués à la Cour assistée de Me Brigitte BEAUMONT, avocat au barreau de PARIS SOCIETE F représentée par la SCP BOYER LESCAT MERLE, avoués à la Cour assistée de Me Brigitte BEAUMONT, avocat au barreau de PARIS CAISSE B représentée par la SCP CANTALOUBE FERRIEU CERRI, avoués à la Cour assistée de Me Jean Paul SERRES, avocat au barreau de TOULOUSE COMPOSITION DE LA COUR L'affaire a été débattue le 09 Décembre 2003 en audience publique, devant la Cour composée de : C. DREUILHE, président Y. PALERMO-CHEVILLARD, conseiller F. GIROT, conseiller qui en ont délibéré. Greffier, lors des débats : C. COQUEBLIN ARRET : - CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par C. DREUILHE - signé par C. DREUILHE, président, et par C. COQUEBLIN, greffier présent lors du prononcé.

Le 2 septembre 1999 Monsieur Y... a acquis auprès de l'agence H une croisière sur le Nil pour trois personnes organisée par la société F du 18 au 25 septembre.

Le 20 septembre 1999 le bateau "TAROT" sur lequel se trouvaient les consorts Y... a accosté sur les berges de la ville d'Edfou, les

passagers devant pour débarquer emprunter les passerelles de plusieurs bateaux.

Au cours des opérations de débarquement la passerelle du bateau "HAPI" s'est effondrée et Jean-Pierre Y... et son épouse ont été blessés.

Le juge des référés du tribunal de grande instance de Toulouse, après avoir ordonné deux expertises médicales des époux Y... le 7 mars 2001 a, par une ordonnance du 9 mai 2001, condamné la société F et la SA A in solidum à payer aux époux Y... une provision de 10 000 francs à valoir indivisément sur la réparation du préjudice corporel subi dans l'exécution du contrat de service intervenu entre eux.

Z... époux Y... ont saisi le juge du fond le 11 janvier 2002 et par un jugement en date du 3 septembre 2002 le tribunal d'instance de Toulouse a dit que l'accident dont ils avaient été victimes le 20 septembre 1999 était imputable à un fait imprévisible et irrésistible et les a déboutés de leurs demandes et condamnés aux dépens.

Jean-Pierre et Anne-Marie Y... ont relevé appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai non critiquées.

Par conclusions notifiées les 17 décembre 2002, 27 janvier 2003 et 12 novembre 2003 les époux Y... demandent à la cour, au visa de l'article 1147 du code civil et des articles L-221 et suivants du code de la consommation, de réformer le jugement et de condamner la société F et la compagnie A à les indemniser des préjudices qu'ils ont subis, à leur payer la somme de 1200 ä sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux dépens.

Ils soutiennent essentiellement que la force majeure susceptible d'exonérer la société F de la présomption de responsabilité pesant sur elle en application de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1992 n'est pas caractérisée en l'espèce, qu'il lui appartenait d'effectuer les vérifications préalables qui s'imposaient avant de faire

débarquer ses passagers et ce, malgré les consignes données par l'Amirauté du port d'Edfou,

Par conclusions notifiées les 6 octobre et 21 octobre 2003 la société F et la compagnie A anciennement dénommée ... et ci-après compagnie A, demandent à la cour de dire que la société F a exécuté les obligations contractuelles lui incombant, de constater que la passerelle litigieuse n'est pas la propriété de la société F ni celle de l'un de ses prestataires locaux, de dire que c'est la rupture de la passerelle du bateau HAPI, propriété de la société T, qui est à l'origine du dommage et que cette rupture est un fait du tiers imprévisible et insurmontable, en conséquence, de débouter les époux Y... de toutes leurs demandes et de les condamner à rembourser la provision qu'ils ont perçue et à leur payer la somme de 2500 ä sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

A titre subsidiaire les sociétés intimées demandent à la cour de réduire les demandes des époux Y... dans de très sérieuses proportions, de dire que la provision versée viendra en déduction des sommes allouées et de dire que la créance de la Caisse B s'imputera sur les postes d'indemnisation soumis à recours.

Z... sociétés F et A font valoir que les modalités de débarquement à Edfou sont imposées, en fonction de l'ordre d'arrivée des bateaux, par les autorités portuaires, que sa responsabilité ne peut être engagée de ce chef, que l'obligation de sécurité du voyagiste ne peut s'appliquer que pour le matériel qu'il met à la disposition des participants et non pour le matériel appartenant à un tiers au contrat et que le dommage survenu ne résulte pas d'une inexécution contractuelle de sa part mais d'un fait insurmontable et imprévisible exonératoire de responsabilité pour elle.

La Caisse B demande à la cour de dire que, si la responsabilité de la société F est engagée en tout ou en partie, elle est en droit de

prélever par priorité sur la partie non personnelle revenant à la victime la somme de 841,66 ä représentant les frais médicaux et pharmaceutiques exposés, de condamner la société F et la compagnie A à lui payer cette somme ainsi que 380 ä sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et 280,55 ä en application des dispositions de l'article L.376-1 alinéa 5 du code de la sécurité sociale.

MOTIFS DE LA DÉCISION:

Sur la responsabilité :

Aux termes de l'article 23 de la loi numéro 92-645 du 13 juillet 1992 toute personne physique ou morale qui se livre aux opérations mentionnées à l'article 1er, qui vise notamment l'organisation de voyages ou de séjours individuels ou collectifs, est responsable de plein droit à l'égard de l'acheteur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat, que ces obligations soient à exécuter par elle-même ou par d'autres prestataires de services, sans préjudice de son droit à recours contre eux. Elle peut toutefois s'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité en apportant la preuve que l'inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est imputable soit à l'acheteur, soit au fait, imprévisible et irrésistible, d'un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat, soit à un cas de force majeure.

Parmi les obligations résultant du contrat figure une obligation de sécurité à l'égard des personnes.

En l'espèce il n'est pas discuté que les époux Y... ont été blessés au cours des opérations de débarquement du bateau sur lequel se déroulait la croisière alors qu'ils se trouvaient sur la passerelle d'un autre bateau que les passagers avaient dû emprunter.

Il est constant que le processus de débarquement des passagers de la croisière consistant à les faire arriver sur le quai, non

directement, mais en transitant par plusieurs bateaux reliés entre eux par des passerelles, était générateur de risques que l'organisateur du voyage ne pouvait ignorer et il appartenait à la société F de s'assurer que les conditions de débarquement, qui selon ses dires au demeurant non justifiés lui étaient imposées, étaient en mesure de garantir la sécurité des personnes.

En l'état la société F ne rapporte pas la preuve d'une quelconque intervention auprès des autorités portuaires pour négocier d'autres conditions de débarquement et du refus de celles-ci et la rupture de la passerelle d'un bateau emprunté par ses clients n'est pas un événement présentant les caractères d'imprévisibilité et d'irrésistibilité requis par le texte.

Il s'ensuit que ni le fait d'un tiers imprévisible et irrésistible ni un cas de force majeure ne sont en l'espèce caractérisés et que la société F doit être déclarée responsable des conséquence dommageables de l'accident dont les époux Y... ont été victimes.

Sur l'indemnisation des préjudices : Le préjudice corporel de Jean-Pierre Y... :

Il résulte des conclusions du rapport d'expertise établi par le Docteur A..., qui ne sont pas critiquées et reposent sur un examen complet de la victime, qu'à l'occasion de l'accident dont s'agit Jean-Pierre Y... a présenté une contusion de l'épaule gauche traitée dans un premier temps par une immobilisation par écharpe puis par des antalgiques et des séances de kinésithérapie arrêtées au mois de février 2000, que la date de consolidation peut être fixée un an après l'accident, qu'il existe une période d'incapacité temporaire partielle à 50% pendant dix jours, durée d'immobilisation de l'épaule, que Monsieur Y... présentait un état antérieur décompensé par l'accident et qu'il subsiste des séquelles caractérisées par une atteinte avec limitation modérée de la mobilité articulaire traitée

avec des antalgiques simples justifiant un taux d'incapacité permanente partielle de 3%, qu'enfin le pretium doloris correspond à une évaluation de deux sur sept.

Jean-Pierre Y... avait 60 ans à la date de consolidation des blessures et était retraité.

Eu égard à ces éléments le préjudice corporel soumis à recours sera fixé ainsi qu'il suit :

- frais médicaux, pharmaceutiques et de rééducation justifiés par le décompte produit aux débats par la Caisse B: 841,66 ä,

- incapacité temporaire partielle ( 50%) pendant dix jours :

Si Monsieur Y... ne justifie d'aucune perte de revenus il doit être indemnisé de la gène subie dans les actes de la vie courante par l'allocation d'une indemnité de 181,75 ä.

- incapacité permanente partielle :

Compte tenu de l'âge de Monsieur Y... et de la nature des séquelles dont il reste atteint ce poste de préjudice sera réparé par l'allocation d'une indemnité de 2400 ä.

Le préjudice soumis à recours de l'organisme de sécurité sociale s'établit donc à la somme de 3423,41 ä.

Après déduction de la créance de la Caisse B, il revient à Jean-Pierre Y... la somme de 2581,75 ä.

Le pretium doloris évalué à 2/7 par l'expert et qui résulte du choc initial et de la durée de la rééducation sera entièrement réparé par l'allocation de la somme de 1300 ä.

Eu égard au faible taux d'incapacité retenu par l'expert et en l'absence de pièce justificative particulière sur les activités pratiquées de façon habituelle par Monsieur Y... dont il aurait été privé par l'accident sa demande en réparation d'un préjudice d'agrément doit être rejetée.

Le préjudice corporel subi par Monsieur Y... est donc fixé à la somme de

3881,75 ä que la société F et la compagnie A seront condamnées à lui payer. Le préjudice corporel subi par Anne-Marie Y... :

Il résulte du rapport d'expertise déposé par le Docteur A..., dont les conclusions ne sont pas critiquées et reposent sur un examen complet de la victime, qu'à l'occasion de l'accident dont s'agit Madame Y... a subi une contusion avec hématome bilatéral des genoux traitée initialement par l'application locale de glace puis par la prise d'antalgiques de façon inconstante, qu'il subsiste une atteinte douloureuse de la face interne du genou avec très légère limitation de la flexion, que la date de consolidation peut être fixée au 20 décembre 1999, qu'il n'y a pas eu de période d'incapacité temporaire totale ou partielle, que les séquelles justifient un taux d'incapacité permanente partielle de 1% sans incidence professionnelle, que le quantum doloris peut être évalué à 1/7 et qu'il n'y a aucun préjudice esthétique.

Madame Y..., qui exerce la profession d'employée de bureau, était âgée de 50 ans à la date de consolidation des blessures.

Compte tenu de ces éléments il convient de fixer son préjudice corporel ainsi qu'il suit, observation étant faite que la Caisse B. n'a fait état d'aucune créance la concernant :

- incapacité permanente partielle au taux de 1%: 800 ä

- pretium doloris de 1/7: 500 ä.

Pour des motifs identiques à ceux évoqués plus haut pour Monsieur Y... et tenant au caractère minime des séquelles affectant Madame Y... et à l'absence de justificatifs il n'y a pas lieu d'accueillir la demande formée au titre d'un préjudice d'agrément.

Le préjudice corporel de Madame Y... s'établit en définitive à la somme de 1300 ä que la société F et la compagnie A seront condamnées à lui verser. Le préjudice résultant des perturbations de la croisière du fait de l'accident :

Il ne peut être discuté que le voyage des époux Y... a été perturbé par l'accident et qu'ils n'ont pas profité pleinement de la croisière achetée à la société F.

Ce poste de préjudice sera réparé par l'allocation d'une somme de 200 ä à chacun d'entre eux. Le recours de la Caisse B :

La demande de la Caisse B est justifiée à hauteur de la somme de 841,66 ä représentant les débours exposés pour le compte de Monsieur Y...
Z... autres demandes des parties :

Il serait inéquitable de laisser à la charge des époux Y... et de la Caisse B la totalité des frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés pour se défendre en appel en compensation desquels la société F et la compagnie A devront verser aux époux Y... la somme de 1000 ä et à la Caisse B la somme de 380 ä.

Aux termes de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale, issu de l'ordonnance numéro 96-51 du 24 janvier 1996, en contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement des prestations servies à la victime d'un dommage corporel la caisse d'assurance maladie à laquelle elle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu dans les limites d'un montant maximum de 760 ä et d'un montant minimum de 76 ä.

L'ordonnance qui a institué cette taxation forfaitaire de la personne condamnée à verser des dommages et intérêts ne permet pas à la juridiction judiciaire d'apprécier le bien fondé de la demande formée de ce chef et à la personne condamnée d'en contester le bien ou le mal fondé devant la juridiction compétente.

Il en résulte que cette somme ne doit pas résulter d'une condamnation judiciaire mais au contraire d'une décision de l'organisme social qui

a obtenu l'acceptation de son action récursoire devant une juridiction.

La demande formée par la Caisse B de ce chef sera par conséquent rejetée.

La demande formée par la Caisse B de ce chef sera par conséquent rejetée.

Z... dépens doivent être supportés par la société F et la compagnie A. PAR CES MOTIFS :

La cour,

Déclare recevable l'appel formé par Jean-Pierre et Anne-Marie Y... contre le jugement rendu par le tribunal d'instance de Toulouse le 3 septembre 2002.

Réforme ce jugement et, statuant à nouveau :

Déclare la société F responsable des conséquences dommageables de l'accident dont les époux Y... ont été victimes le 20 septembre 1999.

Condamne in solidum la société F et la compagnie A à payer : - à Monsieur Jean-Pierre Y... la somme de 3881,75 ä en réparation de son préjudice corporel et celle de 200 ä en réparation du préjudice résultant de la perturbation de la croisière, - à Madame Anne-Marie Y... la somme de 1300 ä en réparation de son préjudice corporel et celle de 200 ä à raison de la perturbation de la croisière, - aux époux Y... la somme de 1000 ä sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. - à la Caisse B la somme de 841,66 ä en remboursement des prestations versées et celle de 380 ä sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Dit que la provision versée à hauteur de 1526,72 ä devra être déduite des sommes allouées aux époux Y...

Déboute les parties de leurs autres demandes.

Condamne la société F et la compagnie A aux dépens avec faculté pour les S.C.P. d'avoués NIDECKER-PRIEU-PHILIPPOT et CANTALOUBE-FERRIEU-CERRI de faire application des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Numéro d'arrêt : 02/04980
Date de la décision : 22/06/2004
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2004-06-22;02.04980 ?
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