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15/06/2004 | FRANCE | N°JURITEXT000006944502

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 15 juin 2004, JURITEXT000006944502


15/06/2004 ARRÊT N° N°RG: 03/01576 FH/AD Décision déférée du 04 Mars 2003 - Tribunal de Grande Instance TOULOUSE - 200200547 Madame ROUGER REPUBLIQUE X...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

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COUR D'APPEL DE TOULOUSE

3ème Chambre Section 1

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ARRÊT DU QUINZE JUIN DEUX MILLE QUATRE

*** APPELANT(E/S) Monsieur Y... représenté par la SCP RIVES PODESTA, avoués à la Cour assisté de Me Henri COSTES, avocat au barreau de TOULOUSE MUTUELLE A représentée par la SCP RIVES PODESTA, avoués à la Cour assistée de Me Henri COSTES, avocat au

barreau de TOULOUSE INTIME(E/S) Epoux Z... représentés par la SCP B. CHATEAU - O. PASSERA, avoués à la Cour ...

15/06/2004 ARRÊT N° N°RG: 03/01576 FH/AD Décision déférée du 04 Mars 2003 - Tribunal de Grande Instance TOULOUSE - 200200547 Madame ROUGER REPUBLIQUE X...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

3ème Chambre Section 1

***

ARRÊT DU QUINZE JUIN DEUX MILLE QUATRE

*** APPELANT(E/S) Monsieur Y... représenté par la SCP RIVES PODESTA, avoués à la Cour assisté de Me Henri COSTES, avocat au barreau de TOULOUSE MUTUELLE A représentée par la SCP RIVES PODESTA, avoués à la Cour assistée de Me Henri COSTES, avocat au barreau de TOULOUSE INTIME(E/S) Epoux Z... représentés par la SCP B. CHATEAU - O. PASSERA, avoués à la Cour assistée de la SCP BUGIS, PÉRES, BALLIN, RENIER, ALRAN, avocats au barreau de CASTRES COMPOSITION DE A... COUR L'affaire a été débattue le 02 Mars 2004 en audience publique, devant la Cour composée de : C. DREUILHE, président F. HELIP, conseiller F. GIROT, conseiller qui en ont délibéré. Greffier, lors des débats : C. COQUEBLIN ARRET : - CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par C. DREUILHE - signé par C. DREUILHE, président, et par C. COQUEBLIN, greffier présent lors du prononcé.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES B... octobre 1998, après avoir consommé de la viande de cheval achetée auprès de monsieur Y..., monsieur et madame Z... ont présenté des troubles physiologiques qui ont conduit au diagnostic de trichinose, intoxication alimentaire provoquée par un parasite présent dans cette viande. L'enquête vétérinaire et épidémiologique menée par la Cellule Interrégionale d' Epidémiologie d'Intervention (CIREI) Sud Ouest sur les circuits

d'approvisionnement et de distribution a permis d'imputer la source de contamination à une carcasse de cheval, n°2 d'un lot de 22 chevaux importés de la République Fédérale de Yougoslavie par la SARL H, abattus à NARBONNE sous le contrôle du laboratoire vétérinaire du département de l'AUDE qui a donné l'estampillage, lot qui a été distribué auprès des différentes boucheries de la région. C... ordonnance de référé du 13.10.1999, une provision de 762.25 ä a été allouée à chacun des époux Z... à valoir sur leur préjudice corporel et une mesure d'expertise a été confiée au Professeur D... qui a déposé son rapport le 08.05.2001. C... exploits du 30.01.2002, les époux Z... ont fait assigner Monsieur Y... et son assureur, la Mutuelle A pour qu'ils soient déclarés tenus à la réparation intégrale de leur préjudice. Ils ont mis en cause la CPAM de la Haute-Garonne, la Mutuelle Nationale Territoriale Section Haute-Garonne et la ville de Toulouse, employeur de M. Z... C... jugement du 04.03.2003, le Tribunal de Grande Instance de Toulouse a: - dit que Monsieur Y... et son assureur la Mutuelle A étaient tenus de réparer la totalité des dommages subis par les époux Z..., - fixé l'indemnité représentative du préjudice corporel de monsieur Robert Z... à la somme de 8664.84 ä, et celle représentative du préjudice corporel de Mme Z... à la somme de 8726.42 ä, - B... conséquence condamné in solidum Monsieur Y... et la Mutuelle A à payer:à Mme Z..., la somme de 6014.70 ä en réparation de son préjudice corporel, déduction faite des prestations servies par les tiers payeurs et la provision déjà allouée,à la Mutuelle Nationale Territoriale, la somme de 538.15 ä en remboursement des

frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation assumés pour le compte des époux Z...,à la CPAM de la Haute-Garonne, à la Mutuelle Nationale Territoriale et à la ville de Toulouse, une indemnité de 155 ä chacune sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. M. Y... et la Mutuelle A ont relevé appel de cette décision en déclarant expressément limiter leur recours aux dispositions du jugement concernant le préjudice de contamination alloué à M. et Mme Z... B... dépit de cela, dans leurs conclusions déposées le 15.07.2003, ils remettent en cause ce qui a été jugé sur la responsabilité de M. Y... en faisant valoir que celui-ci était dans l'impossibilité de prévoir qu'une viande qui présentait toutes les garanties officielles de sécurité alimentaire et qui portait l'estampille des autorités sanitaires était infestée par les larves de trichines. Ils demandent à la Cour de dire et de juger que cet événement constitue la cause exclusive des dommages et constitue un cas de force majeure ou un cas fortuit ayant pour effet d'exonérer tous les vendeurs de leur responsabilité civile du fait de la vente de cette viande infestée par les larves de trichine. A titre subsidiaire, ils demandent à la Cour de rejeter toute demande qui ne serait pas en relation causale certaine et directe avec la contamination, de constater que les demandeurs n'ont versé aux débats aucune pièce justificative probante établissant le lien de causalité entre le préjudice spécifique de contamination ou préjudice moral allégué et la contamination conformément à l'article 1386-9 du code civil et de débouter en conséquence les requérants de leurs demandes relatives au préjudice moral distinct non médicalement ni scientifiquement justifié et non retenu par les experts judiciaires. Les époux Z... en réplique font

valoir en premier lieu que du fait de l'appel limité interjeté par M. Y... et la Mutuelle A, le principe de la responsabilité ne peut être remis en cause. Pour le surplus, ils concluent à la confirmation du jugement entrepris en estimant que le tribunal a retenu à juste titre l'existence d'un préjudice spécifique résultant de la phase chronique de la contamination. Ils sollicitent 1500 ä sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Après clôture des débats, M. Y... et la Mutuelle A ont déposé le 29.03.2004 une note en délibéré relative à la description du parasite "Trichinella spiralis", dont les adversaires ont sollicité le rejet en vertu des dispositions de l'article 445 du nouveau code de procédure civile.

MOTIFS DE L'ARRET -Sur la procédure Aux termes de l'article 445 du nouveau code de procédure civile, après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations, si ce n'est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444. A... note du 29.03.2004 ne répondant pas à une demande du président de la juridiction, mais ayant été déposée à la seule initiative de son auteur, ne sera pas prise en considération. Aux termes de l'article 562 du nouveau code de procédure civile, l'appel ne défère à la Cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent. A... dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel n'est pas limité à certains chefs, lorsqu'il tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. Il s'ensuit que lorsque la déclaration d'appel limite le recours à certains chefs, sont irrecevables les conclusions ultérieures de l'appelant contestant l'ensemble du jugement. B... l'espèce, l'acte d'appel du 19.03.2003 déclare expressément limiter le recours aux dispositions du jugement concernant le préjudice de contamination

alloué à M. et Mme Z... A... saisine de la Cour est donc limitée à la question de l'existence et de l'indemnisation de ce préjudice spécifique de contamination allégué par les époux Z... et retenu par le tribunal qui a alloué de ce chef à chacune des victimes la somme de 3000 ä. Sur le préjudice de contamination A... notion de préjudice spécifique de contamination a été dégagée à la suite des affaires gravissimes que tout un chacun garde en mémoire, de transmission par voie de transfusion sanguine de maladies comme le SIDA ou l'hépatite C. A... deuxième chambre civile de la Cour de Cassation, dans un arrêt du 02.04.1996, l'a défini ainsi: "Le préjudice de contamination, qui n'inclut pas l'atteinte à l'intégrité physique, comprend l'ensemble des préjudices à caractère personnel, tant physique que psychique, subis par la victime et résultant notamment de la réduction de l'espérance de vie, des perturbations de la vie sociale, familiale et sexuelle, ainsi que des souffrances et de leur crainte, du préjudice esthétique et d'agrément, ainsi que toutes les affections opportunistes consécutives à la déclaration de la maladie". Pour retenir l'existence d'un tel préjudice en faveur de personnes victimes de trichinellose, le jugement déféré relève que "s'il est certain que les thérapeutiques existantes sont efficaces et permettent la guérison clinique et parasitologique, l'infestation par les trichines étant en outre génératrice d'immunité rendant pratiquement impossible la réinfestation, ce qui conduit à considérer qu'il n'y a pas d'évolution défavorable de l'infection à envisager, le processus d'enkystement étant aujourd'hui achevé, il n'en demeure pas moins que le fait de continuer à vivre avec des larves, qu'elles soient mortes ou vives, enkystées dans la peau durant toute la vie, ce que la personne contaminée sait pertinemment, génère en soi un préjudice corporel et psychologique qui ne peut être négligé et ouvre droit à réparation..." Cependant, un tel raisonnement ne peut être

admis. Il ressort en effet des rapports d'expertises judiciaires du Docteur D... que tant M. et Mme Z... ne présentent aucune séquelle fonctionnelle en relation avec la trichinose, aucune IPP, aucun préjudice esthétique, aucune incidence professionnelle. Les documents techniques versés aux débats révèlent en outre que la première infestation par les trichines est génératrice d'une immunité qui rend par la suite pratiquement impossible la réinfestation. De plus, il est établit que les larves enkystées ne peuvent être réactivées que par la suite de la dissolution de la coque qui les entoure sous l'action du suc gastrique, ce qui implique donc nécessairement l'intervention d'un tiers consommant les muscles infestés. Sinon, les larves enkystées, qui peuvent demeurées en vie, mais inactives pendant plusieurs années (parfois plus de 10 ans), finissent par mourir. Il s'ensuit qu'après traitement anthelminthique, les personnes contaminées n'ont aucune évolution défavorable à redouter, aucune nécessité de se soumettre à une surveillance médicale stricte et continue. B... l'espèce, les victimes n'établissent aucune perturbation de leur vie sociale ou familiale, aucune souffrance persistant postérieurement à la guérison acquise, aucune suite de quelque nature qu'elle soit, hormis la gène purement subjective et irraisonnée due à la conscience de la présence dans leurs muscles de larves de trichines enkystées, qui ne peut être considérée comme un préjudice indemnisable. Le jugement entrepris sera donc réformé en ce qu'il a accordé à chacun des époux Z... une indemnité de 3000 ä au titre d'un préjudice de contamination. Eu égard à ce qui est jugé au principal, il convient de décider que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens d'appel sans qu'il n'y ait lieu, en équité, à l'application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, M. Y... et la Mutuelle A conservant par ailleurs la charge des entiers dépens de première instance.

C... CES MOTIFS A... cour Dit irrecevable la note en délibéré du 29 mars 2004, Constate que l'appel est expressément limité aux dispositions du jugement concernant le préjudice de contamination alloué aux époux Z... et que le principe de responsabilité de M. Y... et de la Mutuelle A ne peut être remis en cause, Réforme le jugement entrepris en ce qu'il a alloué aux époux Z... une indemnité de 3000 ä au titre d'un préjudice de contamination, Statuant à nouveau sur ce point, Déboute les époux Z... de leur demande tendant à la réparation d'un préjudice de contamination, Réduit en conséquence les montants des condamnations prononcées à l'encontre de M. Y... et de la Mutuelle A au profit des époux Z... à la somme de 2941.24 ä en ce qui concerne M. Z... et à celle de 3014.70 ä en ce qui concerne Mmep Z..., Constate que pour le surplus les dispositions du jugement du 04.03.2003 ne sont pas critiquées et sont devenues définitives, Dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens d'appel sans qu'il'y ait lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, Dit que les dépens de première instance demeureront à la charge de M. Y... et de son assureur la Mutuelle A. Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006944502
Date de la décision : 15/06/2004

Analyses

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Faute - Commerçant - Produit défectueux - Responsabilité - /JDF

Monsieur et Madame G ont été intoxiqués, en octobre 1998 après avoir consommé de la viande de cheval achetée à Monsieur P. Les époux G ont présenté des troubles physiologiques qui ont conduit au diagnostic de trichinose. Cette viande, qui provenait de Yougoslavie, a été abattue à Narbonne sous le contrôle du laboratoire vétérinaire du département de l'Aude qui a donné l'estampillage.Le préjudice de contamination comprend l'ensemble des préjudices à caractère personnel, tant physique que psychique résultant notamment de la réduction de l'espérance de vie, des perturbations de la vie sociale, familiale et sexuelle, ainsi que des souffrances et de leur craintes, du préjudice esthétique et d'agrément, ainsi que toutes les affections opportunistes consécutives à la déclaration de la maladie. En l'espèce, les rapports d'expertises judiciaires indiquent que Monsieur et Madame G ne présentent aucune séquelle fonctionnelle en relation avec la trichinose, aucune IPP, aucun préjudice esthétique, aucune incidence professionnelle.Les victimes n'établissent aucune perturbation de leur vie sociale ou familiale, aucune souffrance persistant postérieurement à la guérison acquise, aucune suite de quelque nature qu'elle soit, hormis la gène purement subjective et irraisonnée due à la conscience de la présence dans leurs muscles de larves de trichines enkystées, qui ne peut être considérée comme un préjudice indemnisable. Le préjudice de contamination n'est donc pas constitué.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2004-06-15;juritext000006944502 ?
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