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15/12/2003 | FRANCE | N°2002/04408

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 15 décembre 2003, 2002/04408


15/12/2003 ARRÊT N°508 N°RG: 02/04408 RM/CD Décision déférée du 28 Mars 2002 - Tribunal de Grande Instance MONTAUBAN - B. BRUNET

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ère Chambre Section 1

***

ARRÊT DU QUINZE DECEMBRE DEUX MILLE TROIS

*** APPELANTS Epoux X... représentée par la SCP CANTALOUBE FERRIEU CERRI, avoués à la Cour assistée de Me Arnaud DELVOLVE, avocat au barreau de Tarn et Garonne INTIMES SNC B représentée par la SCP BOYER LESCAT MERLE, avoués à la Cour assistée

de la SCP LAGARDE ALARY CHEVALIER KERAVAL, avocats au barreau de Cahors Monsieur Y... représenté par la SCP BOYER ...

15/12/2003 ARRÊT N°508 N°RG: 02/04408 RM/CD Décision déférée du 28 Mars 2002 - Tribunal de Grande Instance MONTAUBAN - B. BRUNET

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

1ère Chambre Section 1

***

ARRÊT DU QUINZE DECEMBRE DEUX MILLE TROIS

*** APPELANTS Epoux X... représentée par la SCP CANTALOUBE FERRIEU CERRI, avoués à la Cour assistée de Me Arnaud DELVOLVE, avocat au barreau de Tarn et Garonne INTIMES SNC B représentée par la SCP BOYER LESCAT MERLE, avoués à la Cour assistée de la SCP LAGARDE ALARY CHEVALIER KERAVAL, avocats au barreau de Cahors Monsieur Y... représenté par la SCP BOYER LESCAT MERLE, avoués à la Cour assisté de la SCP CAMBRIEL, GOURINCHAS, DE MALAFOSSE, STREMOOUHOFF, avocats au barreau de Tarn et Garonne Monsieur Z... représenté par la SCP BOYER LESCAT MERLE, avoués à la Cour assisté de la SCP CAMBRIEL, GOURINCHAS, DE MALAFOSSE, STREMOOUHOFF, avocats au barreau de Tarn et Garonne COMPOSITION DE LA COUR L'affaire a été débattue le 17 Novembre 2003 en audience publique, devant la Cour composée de : H. MAS, président R. METTAS, conseiller M. ZAVARO, conseiller qui en ont délibéré. Greffier, lors des débats : E. KAIM-MARTIN ARRET : - contradictoire - prononcé publiquement par H. MAS - signé par H. MAS, président, et par E. KAIM-MARTIN, greffier présent lors du prononcé. ********

FAITS - PROCEDURE - MOYENS ET PRETENTIONS

Par acte sous seing privé en date du 11 avril 1999, les époux X... ont acheté à messieurs Y... et Z... une maison sise commune de L, pour un prix de 970.000 francs dont acompte de 10.000 francs. La vente, conclue sous les conditions suspensive ordinaires, outre celle relative à

l'obtention d'un prêt d'un montant de 350.000 francs, devait être réitérée par acte authentique en l'étude de Me E au plus tard le 30 juin 1999.

Suite à la non-réitération par acte authentique du sous seing privé de la vente, les époux X... ont fait assigner la SNC B devant le Tribunal de Grande Instance de MONTAUBAN, par actes en date du 30 mai 2000 et du 6 juin 2000, aux fins de réparation de leur préjudice.

Le Tribunal de Grande Instance de MONTAUBAN, par jugement en date du 28 mars 2003, a débouté, les parties de leurs demandes, a dit que chaque partie conserverait ses frais, et a dit n'y avoir pas lieu à statuer sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Les époux X... ont relevé appel de ce jugement. Ils concluent à sa réformation et demandent à la Cour dans leurs dernières écritures :

la condamnation de messieurs Y... et Z... à leur verser la somme de 1.524,49 ä de dommages et intérêts outre intérêts légaux à compter de la date d'assignation,

la condamnation de la SNC B à leur payer la somme de 12.195,92 ä outre intérêts légaux à compter du 17 mars 2000,

la condamnation de messieurs Y... et Z... à leur verser la somme de 12.195,92 ä outre intérêts légaux soit à titre principal, dans l'hypothèse où la demande serait rejetée à l'encontre de la SNC B, soit solidairement avec celle-ci,

le débouté de la SNC B quant à sa demande reconventionnelle, et subsidiairement sur ce point, la condamnation de messieurs Y... et Z... à relever et garantir les époux X... de toutes condamnations qui pourraient être prononcées dans le cadre de la demande reconventionnelle.

Enfin, les époux X... demandent la condamnation de messieurs Y... et Z... et de la SNC B à leur payer la somme de 2.500 ä au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

À l'appui de leurs prétentions, ils soutiennent que messieurs Y... et Z... ont rompu le contrat de vente et que les dommages-intérêts exigés trouvent leur fondement dans une clause de l'acte sous seing privé. Ils affirment que les locaux ont toujours été visités au vu et au su de messieurs Y... et Z...

Les époux X... prétendent par ailleurs que leur préjudice est supérieur à 1.524,49 ä pour ne pas pouvoir récupérer un acompte de 12.195,92 ä versé à la SNC B au titre des travaux de menuiserie à conduire dans l'immeuble à rénover ; les époux X... soutiennent que cette somme n'a pas la nature d'arrhes mais celle d'un premier versement correspondant à une commande ferme et définitive. Ils soutiennent que le contrat d'entreprise ainsi conclu avec la SNC B n'a désormais plus d'objet et qu'il doit donc être anéanti. Ils prétendent que la demande d'attestation faite à la SNC ne caractérise pas une attitude fautive de leur part.

Les époux X... soutiennent également que la SNC B n'a engagé aucun frais ni commencé aucuns travaux suite à leur commande ; que la non-restitution de la somme réclamée est donc infondée. Enfin, ils affirment que la demande reconventionnelle formée par la SNC B est fantaisiste, infondée et irrecevable.

Messieurs Y... et Z..., au visa de l'article 1184 du Code civil, concluent à la confirmation du jugement entrepris. Ils demandent à la Cour de condamner les époux X... à leur verser la somme de 2.000 ä au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Messieurs Y... et Z... affirment que les époux X... ont contracté puis fait visiter les lieux aux entrepreneurs avant la conclusion de l'acte sous seing privé ; que les époux X... ont accepté le devis de travaux de menuiserie et versé un acompte dès le 12 mai 1999 ayant contacté l'entreprise, avant l'accord de prêt de leur banquier. Messieurs Y... et Z... soutiennent que les époux X... se sont dès lors comportés en

véritables propriétaires ; qu'en outre leur négligence a été la cause de dégradations dans l'immeuble.

Enfin, messieurs Y... et Z... contestent le bien fondé de la demande en paiement de la somme de 12.195,92 ä formée par les époux X... à leur encontre.

La SNC B conclut à la confirmation du jugement entrepris. Subsidiairement, la SNC demande à la Cour de condamner les consorts X... à lui payer la somme de 42.999,62 ä sauf à parfaire, à titre de dommage et intérêts, d'ordonner la compensation à concurrence de 12.195,92 ä et de condamner les consorts X... à payer à la SNC le différentiel soit 30.794,70 ä.

En toute hypothèse, la SNC B demande à la Cour la condamnation des consorts X... à lui verser la somme de 2.500 ä au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La SNC B expose que la somme de 30.000 Frs versée par les époux X... le 12 mai 1999 a la nature d'arrhes et que le contrat d'entreprise conclu entre eux n'a jamais été conditionné par la vente de l'immeuble.

Par ailleurs, la SNC affirme que l'attitude de Mme X... est fautive pour avoir fait preuve de légèreté en convoquant des artisans alors que son prêt n'était pas encore accordé, ni la vente conclue. La SNC estime de plus que Mme X... a commis une faute en demandant le 25 juin 1999 une attestation de la part de la SNC B sans informer cette dernière de l'annulation de la vente; qu'elle a ainsi engagé sa responsabilité en sollicitant toutes les ressources de l'entreprise pour ce chantier auquel elle a mis brutalement un terme ; qu'il en résulte un préjudice certain.

Elle invoque les articles 1147, 1149, 1150 et 1151 du code civil et conteste que le contrat puisse être annulé pour perte de son objet alors que c'est par les fautes de Mme X... qu'il n'a pas été suivi

d'effet.

MOTIFS

Attendu qu'il est acquis aux débats que les conditions suspensives arrêtées dans l'acte sous seing privé signé par les acquéreurs les 11 avril 1999 et 11 mai 1999 et par les vendeurs le 11 mai 1999, étaient accomplies pour la dernière d'entre elles, le 14 juin 1999 ;

Attendu que monsieur Y... puis monsieur Z... ont, les 5 et 14 juin 1999, déclaré "user de la faculté de dédit" et "ne pas donner suite à la vente" en raison du comportement des acquéreurs, en restituant l'acompte versé de 10.000 Frs ;

Attendu que l'acte susdit, qui n'instituait pas de faculté de dédit, prévoyait des dommages intérêts d'un montant égal à la somme versée, au cas où il ne serait pas donné suite par la conversion des présentes en acte authentique ;

Attendu que les vendeurs démontrent que les acquéreurs allaient et venaient dans l'immeuble avec des tiers alors que le transfert de jouissance n'était prévu qu'au jour de l'acte authentique, et qu'ils se sont même opposés à des mesures de sauvegarde (pose d'une grille) ;

Attendu cependant que ce comportement ne constitue pas un motif légitime de refus de vente alors que les conditions suspensives ont été accomplies et la vente parfaite ; qu'il importe peu pour l'octroi des dommages intérêts convenus que les époux X... n'aient pas demandé la réitération de la vente, ni reçu sans réserve la restitution de l'acompte, ni sollicité la résolution de la vente, intervenue unilatéralement du fait des vendeurs ;

Qu'il s'ensuit que M. et Mme X... sont bien fondés à obtenir le paiement, à titre de dommages intérêts, de la somme de 10.000 Frs, soit 1.524,99 ä, avec les intérêts au taux légal à compter de l'assignation, s'agissant de l'application d'une clause contractuelle

;

Attendu que M. et Mme X... ont, le 12 mai 1999, accepté un devis de la SNC B proposé le 22 avril 1999 et versé d'abord 30.000 Frs, ensuite 50.000 Frs, le devis prévoyant le paiement de 30 % des travaux à la commande ;

Attendu que l'engagement des époux X... avait pour cause implicite la réitération de l'achat de l'immeuble pour lequel les prestations étaient prévues ;

Attendu que l'absence de réitération de la vente a rendu sans objet la commande des menuiseries faites à la SNC B ;

Attendu cependant que la commande des travaux a été faite de manière inconsidérée par les époux X... dans la mesure où la vente n'était pas réitéré et où ils n'avaient pas encore la jouissance de l'immeuble ; Qu'il convient de retenir qu'ils sont pour partie responsables des conséquences de la rupture du marché ;

Attendu que le code de la consommation intitule arrhes les sommes versées d'avance, sauf stipulation contraire du contrat, lorsque le contrat a pour objet une vente ou une fourniture de prestations de services dans un article figurant au chapitre "information sur les délais de livraison" et traitant effectivement des délais de livraison ou de fourniture des prestations ;

Mais attendu que le même code, qui traite des intérêts dus sur les sommes versées (a. L 131-1) d'avance exclut les commandes spéciales sur devis (L 131-2) des dispositions de ce chapitre intitulé "arrhes et acomptes" dans un titre qui a trait aux conditions générales des contrats ;

Attendu aussi que l'institution des arrhes n'existe dans le code civil qu'à l'article 1590 à propos de la promesse de vente ;

Attendu que la somme de 80.000 Frs a été versée par M. et Mme X... après

acceptation du devis ; qu'elle représente 30 % du montant total des travaux ; qu'elle constitue non des arrhes mais un acompte à valoir sur la commande ferme de fournitures et de la réalisation de certains travaux, s'agissant d'une somme versée dans le cadre d'une "commande spéciale sur devis" après acceptation dudit devis ;

Attendu que la SNC B, par les pièces qu'elle produit, n'établit pas que les menuiseries commandées le 12 mai 1999 avaient été acquises ou mises en fabrication ;

Que pas davantage elle ne démontre qu'elle avait, pour satisfaire à cette commande, bouleversé l'organisation de l'entreprise ;

Qu'elle ne saurait faire supporter aux époux X... les conséquences du défaut de paiement de factures par une société I avec laquelle elle avait commencé à travailler dès le mois de mai 1999 (1ère facture du 25 mai) ;

Qu'enfin la SNC B qui prétend être une petite structure mise en péril du fait de la non-réalisation du marché X... ne fournit aucun document comptable qui permettrait de donner du crédit à cette assertion ;

Attendu que la date à laquelle la SNC B a été informée de la non exécution du marché n'est indiquée par aucune des parties, les époux X... sollicitant une attestation le 25 juin sur les sommes qu'ils avaient versées ;

Attendu que la perte d'une chance de réaliser ce marché et un gain qui peut être fixé à 10 % du montant du marché fixé à 226.000 Frs HT, les frais engendrés par les études réalisées en pure perte, ont généré pour la SNC B un préjudice qu'il échet de fixer à la somme de 4.500 ä avec les intérêts au taux légal de ce jour ;

Attendu que M. et Mme X... qui se sont engagés inconsidérément doivent supporter seuls les conséquences de leur faute et ne peuvent recourir contre messieurs Y... et Z... ;

Attendu que M. et Mme X... sont bien fondés à obtenir le remboursement

de l'acompte de 80.000 Frs (12.195,92 ä) avec les intérêts au taux légal à compter de la réception de la mise en demeure de payer, soit du 20 mars 2000 ;

Attendu que chaque partie succombe partiellement mais que M. et Mme X... sont redevables de dommages intérêts à l'encontre de la SNC B ;

Attendu que messieurs Y... et Z... supporteront 1/5° des dépens de première instance et d'appel, M. et Mme X... 3/5° et la SNC B 1/5° ;

Attendu qu'aucune considération n'impose l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

déclare les appels recevables en la forme,

réformant le jugement,

déclare M. Y... et M. Z... responsables de la rupture des relations contractuelles,

condamne M. Y... et M. Z... solidairement à payer 1.524,49 ä à M. et Mme X..., déclare le contrat conclu entre M. et Mme X... et la SNC B sans objet,

condamne la SNC B à restituer à M. et Mme X... la somme de 12.195,92 ä avec les intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2000,

Condamne M. et Mme X... à payer à la SNC B la somme de 4.500 ä à titre de dommages intérêts,

déboute M. et Mme X... de leur demande de garantie contre messieurs Y... et Z...,

déboute les parties de leurs demandes d'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

déboute les parties de leurs demandes d'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

fait masse des dépens de première instance et d'appel et condamne messieurs Y... et Z... à en payer 1/5°, la SNC B 1/5° et M. et Mme X... 3/5°,

avec distraction au profit de la SCP BOYER LESCAT MERLE et de la SCP CANTALOUBE FERRIEU CERRI. Le présent arrêt a été signé par M. MAS, président, et par Mme KAIM MARTIN, greffier présent lors du prononcé. LE GREFFIER

LE PRESIDENT E. KAIM MARTIN

H. MAS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Numéro d'arrêt : 2002/04408
Date de la décision : 15/12/2003

Analyses

VENTE - Immeuble

Le code de la consommation intitule arrhes les sommes versées d'avance, sauf stipulation contraire du contrat, lorsque le contrat a pour objet une vente ou une fourniture de prestations de services dans un article figurant au chapitre "information sur les délais de livraison" et traitant effectivement des délais de livraison ou de fourniture des prestations. Mais le même code, qui traite des intérêts dus sur les sommes versées (a. L 131-1) d'avance exclut les commandes spéciales sur devis (L 131-2) des dispositions de ce chapitre intitulé "arrhes et acomptes" dans un titre qui a trait aux conditions générales des contrats


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2003-12-15;2002.04408 ?
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