15/12/2003 ARRÊT No NoRG: 03/00537 HM/CD Décision déférée du 28 Novembre 2002 - Tribunal de Grande Instance TOULOUSE - 200001428 Mme BERRUT EURL X... représentée par Me DE LAMY C/ SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES RUE DE BOURRASSOL représentée par la SCP RIVES PODESTA SA FONCIA CAPITOLE défaillante SOCIETE MOSAILUX représentée par la SCP CANTALOUBE FERRIEU CERRI S.M.A.B.T.P. représentée par la SCP CANTALOUBE FERRIEU CERRI SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES 67 BIS RUE DE BOURRASSOL représentée par la SCP RIVES PODESTA SA G.A.N. défaillante
CONFIRMATION Grosse délivrée le à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
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COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ère Chambre Section 1
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ARRÊT DU QUINZE DECEMBRE DEUX MILLE TROIS
*** APPELANTE EURL X..., représentée par M. Jean-Marc Y... 2 & 4, rue des Frênes 31400 TOULOUSE représentée par Me DE LAMY, avoué à la Cour assistée de la SCP DARNET, GENDRE, avocats au barreau de TOULOUSE INTIMES SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES RUE DE BOURRASSOL, représenté par la SA FONCIA CAPITOLE, syndic représentée par la SCP RIVES PODESTA, avoués à la Cour assistée de la SCP SAINT GENIEST du barreau de Toulouse SOCIETE MOSAILUX Z.I. de Thibault 8, rue Henri Meyer 31100 TOULOUSE représentée par la SCP CANTALOUBE FERRIEU CERRI, avoués à la Cour assistée de la SCP SALESSE-DESTREM, avocats au barreau de TOULOUSE S.M.A.B.T.P. Allée du Lac Innopole B.P. 689 31319
LABEGE CEDEX représentée par la SCP CANTALOUBE FERRIEU CERRI, avoués à la Cour assistée de la SCP SALESSE-DESTREM, avocats au barreau de TOULOUSE SA G.A.N. 2, rue Pillet Will 75448 PARIS CEDEX 09 défaillante COMPOSITION DE LA COUR L'affaire a été débattue le 24 Novembre 2003 en audience publique, devant la Cour composée de : H. MAS, président R. METTAS, conseiller M. ZAVARO, conseiller qui en ont délibéré. Greffier, lors des débats : E. KAIM-MARTIN ARRET : - réputé contradictoire - prononcé publiquement par H. MAS - signé par H. MAS, président, et par E. KAIM-MARTIN, greffier présent lors du prononcé [**][**][**][**]
FAITS ET PROCEDURE
La SCI Méditerranée a fait procéder à l'édification d'un immeuble situé 67, 67 bis, 69 et 71 rue Bourrassol à Toulouse qui a été placé sous le régime de la copropriété.
La conception et le suivi des travaux ont été confiés à la SCPA Y..., le gros oeuvre à la SA Seso, assurée auprès de la SMABTP, le carrelage à la société Mosailux également assurée auprès de la SMABTP.
La société GAN était l'assureur dommage ouvrage de l'opération.
La réception des travaux est intervenue au 19 mai 1988.
Invoquant divers désordres et notamment des fissurations du carrelage dans certains appartements, le syndicat des copropriétaires a, le 15 février 1995, assigné en référé la SCI Méditerranée promoteur et le GAN assureur dommage ouvrage. Un expert a été désigné le 1o mars 1995.
Le GAN a appelé en cause les constructeurs et leurs assureurs.
Le 2 janvier 1996 le syndicat des copropriétaires a assigné le promoteur et l'assureur dommage ouvrage pour obtenir l'extension de la mission de l'expert pour l'examen de désordres mentionnés dans l'assignation.
Une ordonnance du 24 janvier 1996 déclarée opposable aux constructeurs et à leurs assureurs a ordonné l'extension sollicitée. L'expert a déposé son rapport le 12 décembre 1998.
Au vu du rapport déposé le syndicat des copropriétaires a obtenu en référé diverses provisions et notamment le 26 mars 1999 la condamnation de la compagnie GAN à lui verser une somme de 210.000 Frs à valoir sur les travaux de reprise du carrelage.
Le 18 avril 2000 l'assureur dommage ouvrage le GAN a assigné au fond les constructeurs et leurs assureurs pour obtenir leur garantie sur les sommes versées au syndicat des copropriétaires.
Celui-ci a assigné le 9 novembre 2000 l'assureur dommage ouvrage, l'architecte Y... (X...), la société Mosailux et sa compagnie d'assurances SMABTP, le bureau de contrôle Qualiconsult, la société Seso et le bureau d'études Sol et Eaux et demandé, au terme de ses conclusions du 27 juin 2001, la condamnation de l'architecte Y..., du GAN, de la SA Mosailux et de la compagnie le GAN à lui payer une somme de 1.277.499,50 Frs TTC au titre du coût des travaux de reprise du carrelage.
Par jugement du 28 novembre 2002 le tribunal de grande instance de Toulouse, retenant le caractère décennal des désordres affectant le carrelage posé dans l'ensemble des appartements visés à la procédure a déclaré le syndicat des copropriétaires recevable à agir, en écartant l'exception tirée du défaut d'habilitation du syndic, et de l'écoulement du délai de garantie décennale pour les désordres constatés dans certains appartements et avant dire droit sur l'indemnisation au titre des désordres affectant le carrelage a ordonné une nouvelle expertise.
Le tribunal a considéré que les désordres constatés affectaient une partie commune, qu'ils rendaient les appartements impropres à leur
destination, et que les dommages apparus à des dates différentes dans les appartements visés à la procédure n'étaient que la manifestation d'un même désordre s'aggravant au fil du temps apparu, dénoncé dans le délai de garantie décennale et ayant fait l'objet de l'ordonnance du 24 janvier 1996.
L'EURL X... venant aux droits de Jean Marc Y... d'une part, la SMABTP et la société Mosailux d'autre part ont relevé appel de cette décision à l'égard du syndicat des copropriétaires et de la compagnie d'assurances GAN pour la SMABTP et la SA Mosailux.
Les deux instances ont été jointes.
La compagnie GAN, assignée, n'a pas constitué avoué.
Au terme de ses dernières écritures l'EURL X... Jean Marc Y... demande à la cour de déclarer le syndicat des copropriétaires irrecevable en son action visant les désordres affectant le carrelage des appartements des copropriétaires pour défaut d'habilitation à agir, défaut de qualité à agir et défaut d'intérêt à agir.
Elle soutient à cet égard que l'action engagée en référé le 15 février 1995 ne visait qu'une fissuration du carrelage dans l'appartement Laran ; que la demande d'extension de mission à ce titre du 24 janvier 1996 ne visait que 4 nouveaux appartements, et que faute d'habilitation par l'assemblée générale le syndicat ne peut agir pour des désordres qui affecteraient trente nouveaux appartements.
Elle ajoute que les désordres affectent le carrelage qui serait une partie privative ce qui rend le syndicat irrecevable pour défaut de qualité à agir en référé et que le délai de garantie décennale étant expiré depuis le 19 mai 1998 le syndicat est encore irrecevable à agir tant pour les cinq appartements visés dans les procédures de référé que pour les autres, les assignations en référé délivrées par un syndicat sans qualité pour agir n'ayant pu interrompre le délai de
garantie décennale.
La SMABTP et la société Mosailux concluent dans le même sens et soutiennent subsidiairement que les désordres affectant le carrelage qui ne sont pas généralisés dans la plus part des appartements ne présentent pas un caractère décennal mais un caractère purement esthétique.
Elles concluent au rejet des prétentions du syndicat à ce titre et à l'octroi d'une somme de 1.500 ç par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Le syndicat des copropriétaires conclut à la confirmation du jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation du préjudice lié à la réfection des revêtements de sols.
Il demande à la cour d'allouer à chaque copropriétaire intervenant une somme de 305 ç en réparation de son préjudice personnel et 2.000 ç au syndicat des copropriétaires par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Il soutient que les désordres affectant le carrelage sont la conséquence de malfaçons touchant le gros oeuvre partie commune, qu'il avait donc qualité pour agir tant en référé qu'au fond, que les premières ordonnances de référé ont interrompu le délai de garantie décennale pour l'ensemble des appartements sur lesquels l'expert a mené ses opérations avec l'accord des parties, les désordres constatés sur chaque appartement même après la fin du délai initial de garantie décennale n'étant qu'une nouvelle manifestation en aggravation du désordre évolutif régulièrement dénoncé à l'origine dans le délai de garantie décennale.
Il ajoute que les désordres sont manifestement de nature décennale ce qui a d'ailleurs été admis par l'assureur dommage ouvrage et soutient subsidiairement que la responsabilité contractuelle des constructeurs pourrait être retenue dès lors que les désordres ont été provoqués
par un sous dosage fautif du mortier de réalisation de la chape.
Il prétend enfin pouvoir obtenir une indemnisation au nom des copropriétaires pour leur préjudice personnel.
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu que l'appel est limité à la recevabilité et au bien fondé de l'action engagée par le syndicat des copropriétaires au titre des désordres affectant le carrelage des 35 appartements visés dans la décision déférée ;
Attendu que le syndic peut agir en référé sans habilitation préalable de l'assemblée générale pour obtenir la désignation d'un expert à l'effet de décrire des désordres et proposer des solutions de reprise lorsque les désordres concernés affectent les parties communes ;
Attendu qu'il résulte des investigations de l'expert VIAL que les fissurations constatées sur le carrelage de cinq appartements dès 1995 proviennent de la mauvaise qualité de la chape sur les canalisations communes sur laquelle a été posée la chape de finition puis le carrelage ;
Attendu que les malfaçons qui se sont manifestées par des fissures du carrelage par suite de la faiblesse des chapes non armées d'épaisseur insuffisante et mal dosées atteignent donc une partie commune, que le syndicat des copropriétaires pouvait donc valablement agir en référé sans habilitation préalable de l'assemblée générale ;
Attendu que l'assignation en référé même aux fins d'expertise interrompt le délai pour agir de l'article 2270 du code civil pour les désordres dénoncés dans l'assignation ;
Attendu que cette interruption s'étend aux nouvelles conséquences des désordres de nature décennale initialement dénoncés, même lorsque ces conséquences se manifestent après l'expiration du délai initial de la garantie décennale ;
Attendu qu'il résulte alors des investigations de l'expert que les
désordres objet de l'assignation en référé du 24 janvier 1996 limités à cinq appartements se sont, par la suite, étendus en raison de l'existence des mêmes causes tenant à l'insuffisance de la chape à trente nouveaux appartements et que, selon le syndicat des copropriétaires, de nouveaux appartements présentent à ce jour les mêmes désordres ;
Attendu que les fissurations d'un carrelage si elles ne se limitent pas à des fissures filiformes sans désafleurement, rendent l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination du fait de la gêne permanente dans la circulation à l'intérieur des pièces affectées et des risques de chute inhérents aux désafleurements, cassures et décollements décrits en l'espèce par l'expert page 47 ;
Attendu que la description des dommages similaires dans tous les appartements concernés faite par l'expert montre que les manifestations multiples du désordre initial évolutif rendent chacun des appartements concernés impropres à sa destination ;
Attendu que c'est donc à bon droit que le premier juge a retenu que l'assignation en référé des constructeurs par le syndicat des copropriétaires, qui avait qualité pour agir, a valablement interrompu le délai de garantie décennale pour les désordres de même nature ayant la même cause affectant chaque appartement visé par la procédure et le rendant impropre à sa destination ;
Attendu que c'est par ailleurs à bon droit que le premier juge a déclaré irrecevable la demande du syndicat des copropriétaires tendant à l'indemnisation d'un préjudice personnellement subi par les copropriétaires intervenants étant d'ailleurs observé que devant la cour aucun copropriétaire n'intervient et qu'un syndicat des copropriétaires n'a pas qualité pour agir au nom de copropriétaires pour l'indemnisation d'un préjudice de jouissance personnellement subi ;
Attendu que la décision déférée sera donc confirmée sur les points soumis à la cour ;
Attendu qu'il apparaît équitable d'allouer au syndicat des copropriétaires à la charge in solidum des appelants la somme complémentaire de 1.500 ç par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
déclare l'appel recevable,
statuant dans les limites de l'appel,
confirme la décision déférée,
y ajoutant condamne in solidum les appelants à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 1.500 ç par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
les condamne aux dépens distraits au profit de la SCP Rives Podesta. Le présent arrêt a été signé par M. MAS, président, et par Mme KAIM MARTIN, greffier présent lors du prononcé. LE GREFFIER
LE PRESIDENT E. KAIM MARTIN
H. MAS