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27/11/2003 | FRANCE | N°2002/03293

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 27 novembre 2003, 2002/03293


27/11/2003 ARRÊT N°494 N°RG: 02/03293 MG Décision déférée du 22 Mai 2002 - Tribunal de Grande Instance TOULOUSE - DARDE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

2ème Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE TROIS

*** APPELANT(E/S) SARL A représentée par la SCP BOYER LESCAT MERLE, avoués à la Cour assistée de Me BORDET-LESUEUR, avocat au barreau de CHARTRES INTIME(E/S) Union Syndicale B représentée par la SCP MALET, avoués à la Cour assistée de Me DARRIBERE,

avocat au barreau de TOULOUSE COMPOSITION DE LA COUR L'affaire a été débattue le 15 Octobre 2003 en audience publ...

27/11/2003 ARRÊT N°494 N°RG: 02/03293 MG Décision déférée du 22 Mai 2002 - Tribunal de Grande Instance TOULOUSE - DARDE

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

2ème Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE TROIS

*** APPELANT(E/S) SARL A représentée par la SCP BOYER LESCAT MERLE, avoués à la Cour assistée de Me BORDET-LESUEUR, avocat au barreau de CHARTRES INTIME(E/S) Union Syndicale B représentée par la SCP MALET, avoués à la Cour assistée de Me DARRIBERE, avocat au barreau de TOULOUSE COMPOSITION DE LA COUR L'affaire a été débattue le 15 Octobre 2003 en audience publique, devant la Cour composée de : V. VERGNE, conseiller le plus ancien, faisant fonction de président en application de l'article R 213-7 du Code de l'organisation judiciaire et de l'ordonnance du premier président du 16 décembre 2002 C. BABY, conseiller S. LECLERC D'ORLEAC, conseiller qui en ont délibéré. Greffier, lors des débats : A. THOMAS ARRET : - contradictoire - prononcé publiquement par V. VERGNE - signé par V. VERGNE, président, et par A. THOMAS, greffier présent lors du prononcé.

Attendu que par acte en date du 7 mars 2002, l'Union Syndicale B, exposant que la S.A.R.L. A, qui ouvrait tous les dimanches à sa clientèle les portes de son magasin situé route d'Espagne à Toulouse alors qu'elle ne remplissait pas les conditions exigées par l'article L 221-9 du Code du Travail pour déroger à la règle du repos dominical des salariés de l'article L 221-5 du même Code, a assigné cette société en référé devant le Président du Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE pour qu'il lui soit fait désormais interdiction d'ouvrir

son magasin le dimanche ;

Attendu que par Ordonnance en date du 22 mai 2002, le Président du Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE, statuant en application des dispositions de l'article 809 du Nouveau Code de procédure civile a

. constaté que la S.A.R.L. A ne justifiait pas remplir les conditions dérogatoires à l'obligation du repos dominical

. dit qu'en cet état l'ouverture de son magasin à la clientèle le dimanche caractérisait un trouble manifestement illicite

. enjoint à la S.A.R.L. A de ne pas ouvrir le dimanche son magasin situé route d'Espagne à l'enseigne C

. dit que cette obligation de ne pas faire serait exécutoire dès la signification de l'ordonnance, ce sous astreinte de 3.000 euros par infraction constatée, précisant toutefois que cette astreinte ne courrait que dans le cas où la signification de l'Ordonnance serait diligentée au moins 48 heures avant l'heure d'ouverture du dimanche

. condamné la S.A.R.L. A à payer à l'Union Syndicale B un euro provisionnel à valoir sur la réparation de son préjudice ;

Attendu que la S.A.R.L. A, appelante de cette ordonnance, en sollicite la réformation et demande à la Cour de constater que l'ouverture de son magasin le dimanche ne constitue pas un trouble manifestement illicite et de débouter en conséquence l'Union Syndicale B de ses demandes

Qu'elle demande en outre la désignation d'un expert afin de déterminer le préjudice qu'elle a subi du fait de le fermeture de son magasin le dimanche à laquelle elle a été contrainte et de condamner

d'ores et déjà l'Union Syndicale B à lui verser une indemnité provisionnelle à valoir sur la réparation de son préjudice d'un montant de 600.000 euros ;

Qu'elle demande à la cour, à titre subsidiaire, de constater que l'Union Syndicale B ne subit en fait aucun préjudice aucun salarié de la SARL n'ayant manifesté une hostilité quelconque à l'ouverture dominicale du magasin

Qu'elle sollicite par ailleurs l'allocation d'une indemnité de 2.000 euros an application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que l'Union Syndicale B, en réplique, conclut à la confirmation de l'ordonnance déférée et à la condamnation de la société appelante à lui verser une somme de 5.000 euros de dommages-intérêts ainsi qu'une indemnité de 2.000 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile ;

SUR QUOI

Vu les conclusions signifiées et déposées par l'appelante et par l'intimée, respectivement le 13 octobre 2003 et le 9 octobre 2003,

Attendu que les dispositions de l'article 809 du Nouveau Code de procédure civile permettent au juge des référés de prescrire toute mesure conservatoire ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;

Attendu que les dispositions de l'article L 221-9 du Code du Travail prévoient, par dérogation au principe posé par l'article L 221-5 du même code qui, en effet, édicte que le repos hebdomadaire des salariés doit être donné le dimanche, que "sont admis de droit à donner le repos hebdomadaire des salariés par roulement, les

établissements appartenant aux catégories suivantes:

...

4°/ Magasins de fleurs naturelles..." Attendu que les dispositions de l'article R 221-4 du Code du travail précisent que sont admis, en application de l'article L 221-9 du même Code, à donner le repos hebdomadaire par roulement à leur personnel..." les établissements de commerce en gros de fleurs naturelles" ;

Que par ailleurs, le ministre du travail a été amené à établir, le 7 octobre 1992, une circulaire d'application concernant les dispositions relatives au repos dominical et comprenant un article 4.1.1.2 qui, s'agissant des dispositions, ci-dessus reproduites, de l'article 221-9 4° du Code du travail, précise :

"Il faut entendre par "magasins de fleurs naturelles" tout établissement dont l'activité principale est la vente de fleurs ou plantes, et qui ne pratique qu'à titre secondaire la vente de produits nécessaires aux plantes ou de matériels de jardinage

Attendu que le trouble manifestement illicite exigé par les dispositions de l'article 809 du Nouveau Code de procédure civile pour que le juge des référé puisse prendre l'une des mesures prévues par ce même article peut consister en une atteinte portée au principe posé par l'article L 221-5 du Code du travail lorsque l'auteur de cette atteinte ne peut justifier être dans l'une des situations dérogatoires prévues par l'article L 221-9 du même code ;

Attendu qu'en l'espèce, il apparaît que les activités de la S.A.R.L. A, telles que figurant au registre du Commerce, sont multiples et que la première, dans l'ordre d'énumération, de ces activités ainsi

mentionnées consiste dans la "vente de plantes, fleurs et produits végétaux" ;

Attendu qu'il apparaît, à la lecture de documents comptables produits par la société appelante qui sont, certes, des documents émanant d'elle-même mais qui sont néanmoins visés et signés par son expert comptable, et qui ne sont d'ailleurs pas en eux-mêmes véritablement contestés par l'Union Syndicale B, que la part des végétaux, même en excluant les légumes, arbres fruitiers et arbres d'alignement (lesquels ne représentent d'ailleurs qu'un pourcentage très faible), a représenté près de 50% du chiffre d'affaires de cette société durant la période allant de mai 2001 à avril 2002, soit donc à la période ayant immédiatement précédé la présente instance, et a même dépassé ce pourcentage dans la période ultérieure, les pourcentages de chiffre d'affaires réalisés au titre des autres produits (animalerie, produits et matériels de jardinage...) étant très nettement inférieurs ;

Qu'il y a lieu ici de souligner

. que les dispositions ci-dessus rappelées, contrairement à ce que soutient l'intimée, ne limitent pas le champ d'application de la dérogation au repos dominical qu'elles prévoient au commerce des seules fleurs naturelles coupées mais entendent clairement viser beaucoup plus largement la vente de l'ensemble des "fleurs ou plantes" par différence avec la vente des "produits nécessaires aux plantes ou de matériels de jardinage"

. qu'en outre, ces dispositions, en prévoyant que bénéficient de la dérogation de l'article L 221-9 du Code du travail les établissements exerçant à titre principal l'activité de vente de fleurs ou plantes, n'exigent pas pour autant que ces activités constituent pour ces

établissements une activité majoritaire

Attendu, par ailleurs, que les documents produits par la S.A.R.L. A (documents consistant d'une part en des procès verbaux de constat d'huissier dressés le 1er octobre 2002 et le 13 février 2003, soit à deux périodes de l'année très différentes, et d'autre part en des photographies et des plan détaillés du magasin), que la plus grande part, et de très loin, de la surface du magasin dont il s'agit est consacrée au commerce des fleurs et plantes ;

Que, de même, les différents documents produits par l'appelante (et notamment des états de répartition des effectifs), visés et signés par son expert comptable, montrent de façon extrêmement claire que, même si la répartition des salariés du magasin entre les différents secteurs d'activité peut varier selon les périodes de l'année et en particulier selon les saisons, il n'en demeure pas moins qu'hormis les salariés affectés aux caisses ou aux activités administratives, le personnel affecté au commerce des plantes et fleurs est, de façon très sensible, le plus nombreux ;

Attendu, au total, qu'il apparaît que la S.A.R.L. A justifie remplir les conditions pour pouvoir bénéficier de plein droit de la dérogation au principe du repos dominical prévue par les dispositions de l'article L 221-9 du Code du travail ;

Attendu, par voie de conséquence, et sans qu'il soit utile d'examiner plus avant les autres moyens et arguments présentés par les parties, que l'Ordonnance déférée doit être infirmée et que l'union Syndicale B doit être déboutée de ses demandes ;

Attendu qu'à l'appui de sa demande reconventionnelle tendant à l'allocation d'une indemnité provisionnelle et à l'organisation d'une mesure d'expertise en vue de déterminer l'étendue de soin préjudice consécutif à la fermeture de son magasin le dimanche pendant de nombreux mois, la S.A.R.L. A se borne, dans ses écritures susvisées,

à affirmer que le fermeture qui a été ordonnée l'a été abusivement et à apporter quelques explications quant à l'importance du chiffre d'affaires perdu en conséquence de cette fermeture ;

Attendu que ces demandes doivent s'analyser en une action tendant à faire dire et juger par le juge des référés que l'union Syndicale a, de façon non sérieusement contestable, engagé sa responsabilité délictuelle et a donc l'obligation de réparer le préjudice subi par la S.A.R.L. A ;

Or, attendu que le seul fait pour une organisation syndicale de salariés, dont ni la représentativité ni la qualité et l'intérêt à agir n'ont d'ailleurs été en l'espèce, discutés, d'engager une action en référé à l'encontre d'une entreprise en vue de faire ordonner l'interdiction de l'ouverture le dimanche d'un établissement de cette entreprise, ne saurait suffire en soi, même si cette action a en définitive échoué en cause d'appel, à constituer un élément de nature à engager la responsabilité de cette organisation syndicale et engendrer l'obligation pour elle de réparer le préjudice qui a résulté pour cette entreprise de la mise en oeuvre de la décision de première instance ;

Qu'il ne suffit pas en outre d'affirmer que cette action et la mesure de fermeture obtenue en première instance ont été abusives et que, faute de démontrer de façon précise et circonstanciée, ce en quoi, de façon évidente et non sérieusement contestable, le comportement de l'union Syndicale, tant à l'occasion de l'exercice de son action en référé que de la mise à exécution de l'Ordonnance de première instance, a dégénéré en abus de droit, la S.A.R.L. A ne justifie pas du bien fondé de ses demandes reconventionnelles qui doivent donc en l'état être écartées ;

Attendu, enfin, qu'il apparaît équitable d'allouer à la société appelante une indemnité de 1.500 euros en application de l'article

700 du Nouveau Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme l'ordonnance déférée et déboute l'Union Syndicale B de toutes ses demandes,

Déboute la S.A.R.L. A de ses demandes reconventionnelles,

Condamne l'Union Syndicale B à verser à la S.A.R.L. A une indemnité de 1.500 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile,

Condamne l'Union Syndicale B aux entiers dépens tant de première instance que d'appel et accorde à la SCP BOYER LESCAT MERLE, qui le demande, le bénéfice de l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par M. VERGNE, président et par Mme THOMAS, greffier présent lors du prononcé.

Le Greffier

Le Président

A. THOMAS

V. VERGNE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Numéro d'arrêt : 2002/03293
Date de la décision : 27/11/2003

Analyses

SYNDICAT PROFESSIONNEL - Action en justice

Le seul fait pour une organisation syndicale de salariés, dont ni la représentativité ni la qualité et l'intérêt à agir n'ont été en l'espèce discutés, d'engager une action en référé à l'encontre d'une entreprise en vue de faire ordonner l'interdiction de l'ouverture le dimanche d'un établissement de cette entreprise, ne saurait suffire en soi, même si cette action a en définitive échoué en cause d'appel, à constituer un élément de nature à engager la responsabilité de cette organisation syndicale et engendrer l'obligation pour elle de réparer le préjudice qui a résulté pour cette entreprise de la mise en oeuvre de la décision de première instance.Il ne suffit pas en outre d'affirmer que cette action et la mesure de fermeture obtenue en première instance ont été abusives et que, faute de démontrer de façon précise et circonstanciée, ce en quoi, de façon évidente et non sérieusement contestable, le comportement de l'union Syndicale, tant à l'occasion de l'exercice de son action en référé que de la mise à exécution de l'Ordonnance de première instance, a dégénéré en abus de droit, la S.A.R.L. A ne justifie pas du bien fondé de ses demandes reconventionnelles qui doivent donc en l'état être écartées.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2003-11-27;2002.03293 ?
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