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07/06/2002 | FRANCE | N°2001/04204

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 07 juin 2002, 2001/04204


DU 07/06/2002 ARRET N° 441 Répertoire N° 2001/04204 Chambre sociale Deuxième Section J.Y.C/L.S 04/09/2001 TASS MONTAUBAN (M. X...) Madame Y... Z.../ E.D.F. - CENTRE D'INGENIERIE GENERALE INDUSTRIES ELECTRIQUES ET GAZIERE - I.E.G. CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU TARN-ET-GARONNE Consorts Y... REFORMATION COUR D'APPEL DE TOULOUSE REPUBLIQUE A...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Arrêt de la Quatrième Chambre, Chambre sociale. Prononcé: Y... l'audience publique du SEPT JUIN DEUX MILLE DEUX, par J.Y. CHAUVIN, président, assisté de D. FOLTYN, greffier. Composition de la cour lors des

débats et du délibéré: Président :

J.Y. CHAUVIN Conseillers...

DU 07/06/2002 ARRET N° 441 Répertoire N° 2001/04204 Chambre sociale Deuxième Section J.Y.C/L.S 04/09/2001 TASS MONTAUBAN (M. X...) Madame Y... Z.../ E.D.F. - CENTRE D'INGENIERIE GENERALE INDUSTRIES ELECTRIQUES ET GAZIERE - I.E.G. CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU TARN-ET-GARONNE Consorts Y... REFORMATION COUR D'APPEL DE TOULOUSE REPUBLIQUE A...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Arrêt de la Quatrième Chambre, Chambre sociale. Prononcé: Y... l'audience publique du SEPT JUIN DEUX MILLE DEUX, par J.Y. CHAUVIN, président, assisté de D. FOLTYN, greffier. Composition de la cour lors des débats et du délibéré: Président :

J.Y. CHAUVIN Conseillers :

M.F. TRIBOT-LASPIERE

J.P. RIMOUR Greffier lors des débats: D. FOLTYN Débats:

Y... l'audience publique du 26 Avril 2002 . La date à laquelle l'arrêt serait rendu a été communiquée. Avant l'ouverture des débats, les parties ont été informées des noms des magistrats composant la cour. Nature de l'arrêt : CONTRADICTOIRE APPELANT (E/S) Madame Y... B... pour avocat Maître MICHEL LEDOUX etamp; ASSOCIES du barreau de PARIS INTIME (E/S) E.D.F. - CENTRE D'INGENIERIE GENERALE B... pour avocat Maître TOISON du barreau de PARIS INDUSTRIES ELECTRIQUES ET GAZIERE - I.E.G. B... pour avocat Maître TOISON du barreau de PARIS CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU TARN-ET-GARONNE Représenté(e) par BABY PASCAL dûment mandaté(e). Consorts Y... C... volontaires B... pour avocat Maître SCP LEDOUX etamp; ASSOSIES du barreau de PARIS

FAITS ET PROCÉDURE

M. Y..., né le 29 mai 1936, a travaillé pour le compte de Electricité de France du 16 novembre 1959 au 31 mai 1989, exerçant successivement des fonctions de monteur électricien, agent technique, contrôleur de travaux et enfin ingénieur électromécanique, affecté sur divers sites

qui seront cités plus loin,

Il est décédé le 11 mai 1997 d'un cancer broncho pulmonaire primitif foudroyant, découvert courant octobre 1996,

Une déclaration de maladie professionnelle, au titre du tableau 30 bis (carcinome épidermo de), a été faite par sa veuve le 31 mars 1998,

Le caractère professionnel de la maladie a été reconnu par décision de la CPAM du Tarn et Garonne du 21 octobre 1999, au titre du tableau 30 bis, après avis d'un collège de trois médecins,

Par décision de la CPAM de Tarn et Garonne du 19 mai 2000, le décès de M.A a été reconnu imputable à la maladie professionnelle et une rente a été allouée à Mme veuve Y...

Mme Y... et ses enfants, ainsi que Mme D... soeur de Mme Y..., ont saisi le tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Tarn et Garonne pour faire reconnaître la faute inexcusable de l'employeur en relation avec la maladie, et obtenir des indemnisations complémentaires,

Par jugement du 4 septembre 2001, les requérants ont été déboutés de leurs demandes,

Mme Y... est appelante de cette décision et les autres requérants interviennent à ses côtés, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Devant la cour les appelants concluent à la réformation du jugement et demandent à la cour de dire que la maladie dont est décédé M. Y... est due à une faute inexcusable de son employeur EDF,

En conséquence ils demandent :

- la fixation à son maximum de la rente allouée au conjoint survivant,

- la condamnation au paiement d'une somme de 140 000 ä au profit de l'ensemble des ayants droits au titre de l'action successorale, en réparation du préjudice subi par M.A entre la première constatation médicale de sa maladie et son décès,

- la condamnation au titre des préjudices moraux au paiement des sommes de 76 000 ä au profit de Mme veuve Y... et de 30 000 ä pour chacun des autres demandeurs,

- la condamnation au paiement de la somme de 1525 ä pour frais de procès,

Ils rappellent à cette fin les propriétés, mais aussi les dangers de l'amiante et son incidence dans le développement de pathologies chez ceux qui s'y trouvent exposés,

Ils font valoir que selon la propre documentation d'EDF, celle-ci a largement utilisé l'amiante et notamment dans les centrales thermiques, où les personnels étaient en contact avec ce produit lors du calorifugeage des machines et plus encore à l'occasion des réparations et des opérations d'entretien,

Ils ajoutent que malgré la connaissance du danger relatée dans un rapport interne du Docteur E... en 1977 et malgré des notes internes à destination des chefs d'établissement, aucune mesure sérieuse collective ou individuelle de prévention ou de protection n'ont été prises ensuite,

Ils soutiennent faire la preuve de ce que M. Y... a bien été exposé à l'amiante pendant son activité professionnelle, et ce même après 1977, notamment entre 1983 et 1988, lorsqu'il était affecté la centrale de Le Port dans l'île de La Réunion,

Ils font encore valoir que le lien de causalité entre l'exposition à l'amiante et la maladie dont M. Y... est décédé ne peut plus être contesté, puisque le caractère professionnel de l'affection a été reconnu par le régime spécial de sécurité sociale d'EDF et que d'autre part, hormis l'exposition l'amiante, aucun autre facteur de risque lié à l'asbestose n'est connu à l'heure actuelle,

Ils en déduisent que l'employeur a bien commis une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale, compte

tenu de l'évolution des connaissances et de la réglementation relative à l'utilisation de l'amiante, notamment depuis l'inscription aux tableaux des maladies professionnelles consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante, le tableau de 1950 visant diverses activités réalisées par M. Y... (calorifugeage au moyen de produits d'amiante, entretien de matériels, maintenance, manipulation de produits isolants...) ou en sa présence,

Ils font enfin valoir que l'action des héritiers est recevable quand bien même la victime directe n'a pas saisi les juridictions avant son décès,

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Electricité de France conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a dit qu'aucune faute inexcusable ne pouvait être retenue à son encontre et subsidiairement demande de réduire à de plus justes proportions les montants des dommages et intérêts réclamés,

Elle fait essentiellement valoir à cette fin qu'elle n'a commis aucune faute inexcusable au sens des dispositions de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale et que de plus il n'est pas rapporté la preuve par les appelants du lien de causalité entre l'exposition professionnelle à l'amiante dont M. Y... aurait été victime et sa pathologie,

EDF retrace la carrière professionnelle de ce salarié et expose que dans une première période de 1959 à 1976, il a été affecté comme monteur électricien au centre de changement de tension de Melun, puis

membre du personnel technique au centre de recherches de Chatou où il a exercé diverses fonctions mais sans être en contact avec l'amiante sous quelque forme que ce soit,

Pour la période de 1976 à 1989, EDF expose qu'il a exercé diverses fonctions où il a pu être de manière très marginale exposé à l'amiante, exerçant alors des responsabilités en matière d'organisation, de commandement, de formation du personnel et de relations, en tant que contrôleur de travaux, puis d'ingénieur dans les centrales d'Aramon, Tricastin, Targassone, Le Port et enfin Golfech,

EDF soutient en effet que n'étant pas producteur ou transformateur d'amiante, si l'utilisation de ce produit n'est pas exclue, elle reste très marginale dans certaines des centrales où le salarié a travaillé et absente de certaines d'entre elles,

EDF soutient ensuite qu'il appartient aux demandeurs d'établir un lien de causalité entre la faute éventuelle d'EDF et la pathologie,

Selon EDF, si la présomption d'imputabilité reconnue par décision de la CPAM n'a pas à être remise en cause, cette présomption prévue à l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale ne s'applique qu'aux dispositions du Titre VI du livre IV et non aux dispositions du titre V de ce même livre relatif à la faute inexcusable, de sorte que par application des principes généraux de la responsabilité civile, les requérants doivent démontrer l'existence d'un lien de causalité entre la faute et la pathologie,

EDF invoque encore les dispositions de la loi du 23 décembre 2000, créant le Fonds d'Indemnisation des victimes de l'amiante qui permet d'obtenir réparation intégrale du préjudice, dès lors que la maladie professionnelle est reconnue, ce dont elle déduit que dans le cadre de la faute inexcusable les règles du droit commun doivent prévaloir,

Elle soutient ensuite que la preuve indiscutable de ce lien de causalité n'est pas apportée, étant peu probable que la pathologie développée soit en relation avec une exposition à l'amiante et aucun élément médical ne permettant de faire un lien entre le cancer pulmonaire dont a été victime M. Y... et une exposition à l'amiante, celui-ci ayant simplement bénéficié d'une présomption d'imputabilité pour avoir fait une déclaration de maladie professionnelle, alors que les relevés effectués sur les sites où il a travaillé n'ont pas révélé de quantités considérées par l'Inserm comme entraînant des risques de cancer,

Elle ajoute que le temps de latence pour cette pathologie étant de 20 à 30 ans et la pathologie n'ayant été diagnostiquée qu'en 1996, la période d'exposition au risque se situe avant 1976, époque où les fonctions de M. Y... excluaient une telle exposition, celui-ci pouvant par ailleurs y être exposé dans sa vie domestique,

EDF soutient encore que la preuve de la faute de gravité exceptionnelle et la conscience du danger que devait en avoir son auteur ne sont pas rapportées, tant au vu des rapports de la communauté scientifique que le la réglementation applicable avant 1977, laquelle réglementation en concernait à l'époque que les entreprises spécialisées dans le travail de l'amiante, ce qui n'était pas le cas d'EDF qui n'utilise pas l'amiante comme matière première, cette analyse devant être retenue, au regard de la jurisprudence la plus récente de la cour de cassation qui exige toujours la conscience du danger auquel le salarié se trouvait exposé et l'absence de mesures nécessaires pour l'en préserver,

EDF entend démontrer ensuite qu'après connaissance du danger à partir de 1977, elle a pris toutes les mesures nécessaires qui s'imposaient, études, mesures de contrôle, protection individuelles et collectives, information des agents, surveillance médicale, traitement des

déchets, des emballages et stockage, recherche de matériaux de remplacement, compensation accordée au personnel exposé "l'insalubrité amiante" pour des risques de teneur en fibres d'amiante même nettement inférieure aux normes légales,

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La Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Tarn et Garonne demande à la cour de confirmer sa mise hors de cause, n'étant intervenue que pour la reconnaissance de la maladie professionnelle, tandis que le régime spécial d'EDF est chargé de la gestion des accidents du travail et maladies professionnelles, MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu que par application de l'article L 452-1 et suivants du code de la Sécurité Sociale, la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle a droit à une indemnisation complémentaire lorsque l'accident ou la maladie est du à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués,

que cette faute se définit comme le manquement à une obligation de sécurité de résultat de l'employeur envers le salarié, lorsque l'employeur avait ou aurait du avoir conscience du danger auquel le salarié était exposé et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver,

qu'en l'espèce, au regard de cette définition, sont discutés la conscience du danger et l'absence de mesures nécessaires pour en préserver le salarié,

qu'est également discutée la charge de la preuve qui incombe aux requérants, EDF soutenant qu'ils doivent prouver le lien de causalité entre l'exposition professionnelle à l'amiante et la pathologie de la victime, ainsi que le lien de causalité entre la faute inexcusable et cette même pathologie,

qu'il est constant que la maladie dont a été atteint M. Y... et dont il est décédé a été diagnostiquée en octobre 1996 et que son caractère professionnel a été reconnu par une décision de la Caisse primaire d'Assurance Maladie, opposable à l'employeur, ce qui n'est pas discuté,

Qu'il s'ensuit nécessairement que le lien de causalité entre l'exposition professionnelle au risque et la maladie se trouve déduit de cette reconnaissance, sans que le salarié ou ses ayants droit aient à nouveau à en faire la preuve, cette preuve résultant au surplus du rapport du collège de médecins qui sur pièces, après diverses recherches, a retenu ce lien de causalité et que par ailleurs l'exposition au risque est établie par diverses attestations et la reconnaissance faite par l'employeur,

Que de même si la faute inexcusable doit être prouvée par le salarié ou ses ayants droits, le lien de causalité entre cette faute, une fois celle-ci établie, et la maladie se trouve alors nécessairement résulter du seul fait de la reconnaissance du caractère professionnel de cette maladie,

que la seule preuve que les requérants aient à faire en l'espèce est de démontrer que pendant la période où M.A a travaillé chez EDF, cette entreprise a eu conscience du danger de l'exposition l'amiante, sans prendre les mesures pour l'en préserver,

Attendu que sans qu'il soit besoin, en l'espèce, de rappeler tout l'historique de la connaissance des dangers de l'amiante, ni même l'état des connaissances et de la réglementation antérieurs, il

suffit de relever qu'à compter de 1977, EDF avait parfaitement conscience du danger,

Que ceci découle de la modification en 1976 du tableau 30 des maladies professionnelles consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante, tableau crée en 1950, ajoutant les travaux d'application et d'élimination de ce produit, les travaux de calorifugeage au moyen de ce produit, toutes activités réalisées dans les centrales de production d'électricité qui utilisaient largement alors l'amiante,

Que ceci découle aussi du décret du 17 août 1977 relatif aux mesures particulières d'hygiène applicables dans les établissements où le personnel est exposé à l'action des poussières d'amiante,

que ceci découle encore du rapport de ses propres services et notamment du rapport du docteur E..., spécialement chargé d'une étude sur la question et qui a remis un rapport très circonstancié en mai 1977, relevant la présence importante et variée d'amiante dans les installations d'EDF et formulant un certain nombre de recommandations, tant pour les opérations d'exploitation que d'entretien, de réfection ou de démolition,

que déjà en juin 1976, une note de service de la centrale de Cordemais, faisant suite aux conseils du médecin du travail et aux demandes du CHSCT avait prescrit des mesures relatives au remplacement de l'amiante par d'autres matériaux,

qu'une note du service de prévention des risques d'avril 1978 a repris l'inventaire des risques et formulé des dispositions pratiques à adopter, étant admis que dans les installations, toute action mécanique sur ces matériaux à base d'amiante peut libérer de grandes quantités de fibres, notamment lors de la découpe, du grattage ou de la manutention de matériaux ouvrés, usés et à remplacer,

Qu'un rapport du service de la production thermique du 24 juillet 1979 révèle la diversité des usages des produits à base d'amiante

dans les installations,

qu'il s'en est suivi un certain nombre d'études plus précises et des recommandations aux différents responsables de la production, étant relevé qu'étaient concernés non seulement la salariés travaillant ces produits habituellement dans les centrales, mais aussi ceux qui sont à proximité, situation particulière de M. Y... en tant que contrôleur de travaux, puis ingénieur,

Qu'il a été aussi souligné dans ces études que pour un même lieu, la pollution peut varier de façon très importante en fonction de la nature des tâches qui s'effectuent alors, ce qui ressort encore d'une étude faite à Vitry, en fonction des travaux en cours,

Que si des chantiers conduits sur telle ou telle centrale en 1980 lors d'opérations d'entretien ont révélé une bonne conduite de l'opération au regard des prescriptions et des mesures de résultats, il apparaît aussi du compte rendu du Comité National Hygiène et Sécurité et Conditions de Travail à EDF du 21 avril 1997 que malgré l'identification des problèmes en 1977 et malgré les consignes données depuis lors (carnet de prescriptions au personnel par exemple en 1982, complété en 1988), il n'y a pas eu de retour de l'application de cette réglementation et que celle-ci n'a pas toujours été respectée,

que ce non respect des consignes par les exécutants sur les chantiers ressort encore du compte rendu d'enquête sur l'amiante demandée par les membres du C.H.S.C.T. de Agence régionale d'intervention de l'Ouest, cette enquête effectuée en 1999 révélant que très peu d'agents ont été sensibilisés entre 1980 et 1990 et qu'en réalité les mesures concrètes, malgré des débuts de prise en compte dans la période 1976/1980, et une série d'informations en 1982, n'ont commencé à être généralisées et sérieusement appliquées qu'à partir des années 1990, et plus particulièrement à partir de 1995/1996,

Attendu que contrairement à ce que soutient EDF, il ressort des documents produits aux débats que pour la période 1967/1976, M. Y... a effectué des séjours de durée variable dans différentes centrales EDF, pour interventions, essais et expertises où il a bien été exposé aux risques de l'amiante, ces centrales étant répertoriées par EDF dans lesquelles des flocages et calorifugeages en amiante a été vérifiée, ou considérée comme hautement probable,

Qu'il en est de même de la centrale de Le Port dans l'île de la Réunion où il a été affecté de 1981 à 1988, et pour laquelle les travaux de retrait d'amiante ont été effectués en octobre 1997, de sorte qu'il est établi que pendant le séjour du salarié dans cette centrale, ce matériau y était encore présent, contrairement à ce qu'EDF allègue dans ses conclusions (p.54),

Qu'il ressort encore de différentes attestations de collègues de M. Y..., notamment à la centrale de Le Port qu'aucune consigne particulière n'a été donnée pendant la période considérée sur le risque de l'amiante, ni même sur sa simple présence, étant précisé surabondamment par les témoins que les fonctions de M.A l'amenaient quotidiennement sur les lieux d'exposition au risque,

Attendu qu'il est encore produit une attestation d'exposition au risque dans la centrale de Golfech où le salarié a été affecté en dernier lieu,

Que pour sa part EDF ne fournit aucun élément propre à démontrer les mesures particulières réellement prises dans les sites où M. Y... a été affecté à partir de 1977 dans lesquelles l'amiante était présente et manipulée en sa présence, même si ses fonctions ne le conduisaient plus à manipuler lui-même les produits,

qu'il se déduit de cet ensemble que malgré la conscience du danger, il n'a pas été pris les mesures nécessaires pour préserver le salarié

de l'exposition au risque de l'amiante, cause de la maladie professionnelle dont le salarié est décédé de sorte que la faute inexcusable de l'employeur doit être retenue et le jugement réformé en ce sens, Sur l'indemnisation des préjudices

Attendu au vu de ce qui précède que par application des articles L 452-2 et suivants du code de la sécurité sociale, la veuve de M. Y... est en droit de prétendre et d'obtenir que la rente soit portée son maximum,

que les ayants droit exerçant l'action successorale (Mme Veuve Y... et ses trois enfants) sont bien fondés à se voir allouer l'indemnisation du dommage subi par M. Y... pour les souffrances physiques et morales endurées par lui entre la découverte de la maladie en octobre 1996 et son décès au mois de mai suivant, ainsi que les préjudices esthétiques et d'agrément, tous préjudices que la cour évalue, au vu des éléments de l'espèce (âge de la victime, durée des souffrances) à la somme de 10 000 ä ,

qu'au titre des préjudices moraux personnels des requérants, il sera alloué à Mme veuve Y... la somme de 25 000 ä et à chacun des trois enfants majeurs ayant quitté le foyer la somme de 11 000 ä ,

que se présente également Mme F..., belle-soeur de M. Y... dont EDF ne conteste pas en son principe l'action et qui selon ses dires vivait au foyer du défunt de longue date à qui il sera alloué une indemnité de 3 000 ä ,

Attendu que l'EDF qui succombe sera en outre condamnée à payer à l'ensemble des requérants pris comme une seule partie la somme de 1500 ä pour frais de procès sur le fondement l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Attendu enfin que la CPAM de Tarn et Garonne qui n'est intervenue que pour la procédure de reconnaissance de la maladie professionnelle, mais qui n'est pas tenue au paiement doit rester hors de cause, PAR

CES MOTIFS La cour,

Réformant le jugement déféré et statuant à nouveau :

Dit que la maladie dont est décédé M. Y... est due à une faute inexcusable de son employeur EDF,

Fixe au maximum la majoration de rente due au conjoint survivant,

Condamne EDF à payer :

- les consorts Y..., pris ensemble comme ayants droit de M. Y... la somme de 10 000 ä , à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par M.A avant son décès,

- Mme veuve Y... au titre de son préjudice moral la somme de 25 000 ,

- les consorts Y... chacun la somme de 11 000 ä au titre de leur préjudice moral,

- Mme Dominique G... la somme de 3 000 ä titre de préjudice moral, - Consorts Y... pris comme une seule partie la somme de 1500 ä pour frais de procès sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Met la CPAM de Tarn et Garonne hors de cause.

Le Président et le Greffier ont signé la minute. LE GREFFIER

LE PRESIDENT D. FOLTYN

J.Y CHAUVIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Numéro d'arrêt : 2001/04204
Date de la décision : 07/06/2002

Analyses

SECURITE SOCIALE - ACCIDENT DU TRAVAIL - Maladies professionnelles.

Dès lors que le caractère professionnel de la maladie a été reconnu par une décision de la caisse primaire d'assurance maladie, opposable à l'employeur, le lien de causalité entre l'exposition professionnelle au risque et la maladie se trouve déduit de cette reconnaissance, sans que le salarié ou ses ayants droit aient à nouveau à en faire la preuve dans le cadre d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur

SECURITE SOCIALE - ACCIDENT DU TRAVAIL - Faute inexcusable de l'employeur - Conditions - Conscience du danger - Risques liés au poste de travail - Défaut d'adoption des mesures de protection nécessaires - Applications diverses - /.

Par application des articles L. 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale, la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle a droit à une indemnisation complémentaire lorsque l'accident ou la maladie est du à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués. Cette faute se définit comme le manquement à une obligation de sécurité de résultat de l'employeur envers le salarié, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel le salarié était exposé et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. Commet une faute inexcusable l'employeur qui, ayant conscience du danger présenté par les fibres d'amiante, n'a pas pris les mesures nécessaires pour préserver de l'exposition à ce risque un salarié, ayant successivement exercé des fonctions de monteur électricien, agent technique, contrôleur de travaux et ingénieur électromécanique dans des centrales électriques dans lesquelles l'amiante était présente et manipulée en sa présence, même si ses fonctions ne le conduisaient plus à manipuler lui-même les produits


Références :

N1, N2 Code de la sécurité sociale, articles L452-1 et suivants

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2002-06-07;2001.04204 ?
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