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19/03/2002 | FRANCE | N°2002/00234

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 19 mars 2002, 2002/00234


ARRET DU 19 MARS 2002

N°234 GS

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

CHAMBRE De L'INSTRUCTION

X... L'AUDIENCE DU DIX NEUF MARS DEUX MILLE DEUX, LA COUR D'APPEL DE TOULOUSE, CHAMBRE De l'INSTRUCTION, siégeant en CHAMBRE du CONSEIL, a rendu l'arrêt suivant : COMPOSITION DE LA COUR lors des débats, du délibéré et du prononcé de l'arrêt :

PRESIDENT : Monsieur BELLEMER Y... :

Monsieur Z... et Madame GIROT, Conseillers tous trois désignés conformément à l'article 191 du Code de Procédure Pénale GREFFIER : Madame ROCCHINI MINISTERE A... : représenté a

ux débats et au prononcé de par Monsieur B..., Avocat Général ;

Vu l'information suivie à PAU cont...

ARRET DU 19 MARS 2002

N°234 GS

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

CHAMBRE De L'INSTRUCTION

X... L'AUDIENCE DU DIX NEUF MARS DEUX MILLE DEUX, LA COUR D'APPEL DE TOULOUSE, CHAMBRE De l'INSTRUCTION, siégeant en CHAMBRE du CONSEIL, a rendu l'arrêt suivant : COMPOSITION DE LA COUR lors des débats, du délibéré et du prononcé de l'arrêt :

PRESIDENT : Monsieur BELLEMER Y... :

Monsieur Z... et Madame GIROT, Conseillers tous trois désignés conformément à l'article 191 du Code de Procédure Pénale GREFFIER : Madame ROCCHINI MINISTERE A... : représenté aux débats et au prononcé de par Monsieur B..., Avocat Général ;

Vu l'information suivie à PAU contre X...;

sur plainte avec constitution de Monsieur X...

du chef de blessures volontaires avec incapacité de plus de trois mois - non assistance à personne en danger ;

VU l'appel interjeté par la partie civile le 5 Avril 2000 à l'encontre d'une ordonnance de non-lieu rendue le 30 Mars 2000 par le juge d'instruction de PAU (cabinet de M.M)

VU la notification de la date de l'audience faite conformément aux dispositions de l'article 197 du Code de Procédure Pénale le 22 octobre 2001 ;

VU les réquisitions de confirmation de Monsieur le Procureur Général en date du 22 octobre 2001 ;

VU le mémoire déposé au greffe de la chambre de l'instruction par Maître DUTIN avocat de Monsieur X... le 23 octobre 2001 ;

Pendant le délai prévu par la loi, le dossier de la procédure a été déposé au greffe de la chambre de l'Instruction et tenu à la disposition des avocats des parties ;

La cause a été appelée à l'audience du 10 Janvier 2002 à laquelle les débats ont lieu en Chambre du Conseil;

Monsieur Z... C..., a fait le rapport,

Maître LABRY loco Maître DUTIN avocat de Monsieur X..., a été entendu en ses observations sommaires ;

et Monsieur B... a été entendu en ses réquisitions

Maître LATRY loco Maître Frédéric DUTIN a eu la parole en dernier ;

Puis l'affaire a été mise en délibéré ;

Et, ce jour, Dix Neuf Mars Deux Mille Deux, la Chambre de l'Instruction, a rendu en Chambre du Conseil, son arrêt comme suit après avoir délibéré conformément à la Loi, hors la présence du Ministère A... et du Greffier.

Vu les articles 177. 183. 186. 194. 197. 198. 199. 200. 216 et 217 du Code de Procédure Pénale.

Attendu que par lettre du 19 juin 1996, Monsieur X... a déposé plainte avec constitution de partie civile entre les mains du doyen des juges d'instruction de MONT-DE-MARSAN contre le chirurgien de service à l'hôpital LAINE du chef de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité de plus de trois mois à raison des séquelles d'une opération effectuée en urgence le 13 novembre 1994 pour une péritonite, alors qu'il était détenu à la maison d'arrêt de Mont-de-Marsan ; que, par réquisitions supplétives du 14 février 2000, la saisine du juge d'instruction a été étendue au délit d'abstention de porter secours susceptible d' être imputée à un ou des membres de l'administration pénitentiaire en raison de la tardiveté de l'hospitalisation ; Attendu que par une Ordonnance du 30 mars 2000 conforme aux réquisitions du Ministère A..., le Juge d'Instruction de MONT-DE-MARSAN a dit n'y avoir lieu à suivre motif pris de la prescription, les blessures involontaires revêtant un caractère contraventionnel, et le délit d'abstention de porter secours n'ayant été révélé et dénoncé que plus de trois ans après ; Attendu que par déclaration faite au greffe du Tribunal de Grande Instance de Mont-de-Marsan le 5 avril 2000, l'avocat de Monsieur X... a interjeté appel de cette décision ; que par un arrêt du 5 septembre 2001, la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation a cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il avait constaté la prescription de l'action publique concernant le délit de non-assistance à personne en péril, l'arrêt confirmatif rendu sur cet appel le 16 juin 2000 par la chambre d'accusation de la Cour d'Appel de Pau, et renvoyé la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la Cour d'Appel de Toulouse pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée ; Attendu qu'aux termes de son mémoire régulièrement déposé et oralement, l'avocat de

Monsieur X... conclut à la réformation de l'ordonnance déférée ; Attendu que le Ministère A... requiert confirmation de la décision déférée ; MOTIFS DE LA DÉCISION Attendu en droit que l'article 223-6 du code pénal incrimine le fait par quiconque de s'abstenir volontairement de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant les secours ; que, pour que le délit soit constitué, il faut d'une part que la personne en état de porter secours ait connu l'existence d'un péril immédiat sur la gravité duquel elle n'ait pu se méprendre, et dans des conditions telles qu'elle n'ait pu mettre en doute la nécessité d'intervenir immédiatement en vue de le conjurer, et d'autre part qu'elle se soit volontairement refusée à intervenir immédiatement par les modes qu'il lui était possible d'employer ; que le péril immédiat s'entend d'un état dangereux ou d'une situation critique faisant craindre de graves conséquences pour la personne qui y est exposée et qui risque, soit de perdre la vie, soit des atteintes corporelles graves ; Attendu en fait que, dans ses conclusions, le second expert désigné par le juge d'instruction estimait qu'il était regrettable que Monsieur X... n'ait pu bénéficier d'une consultation en urgence, dès le 12 novembre 1994 au soir, qui aurait permis d'éviter la complication infectieuse gravissime que représente la péritonite, cette complication étant le principal facteur de la mauvaise qualité de la cicatrisation ultérieure ; l'organisation défaillante du service de soins de la maison d'arrêt, Monsieur X... étant initialement pris en charge par un gardien et n'ayant accès à la consultation médicale qu'après douze heures, paraît être le facteur déterminant dans la survenue de la complication infectieuse ; que l'expert précisait par ailleurs que la péritonite sur perforation ulcéreuse constitue une urgence chirurgicale majeure, et que tout délai dans sa réalisation engage le

pronostic vital ; Attendu qu'il résulte de ces premiers éléments que les faits que Monsieur X... dénonçait dans sa plainte avec constitution de partie civile, à savoir la mauvaise qualité de la cicatrisation et les complications subies, ne résultaient pas de la causalité qu'il avait supposée en l'absence de faute médicale, mais étaient susceptibles de se rattacher à une autre circonstance connexe susceptible de la qualification pénale d'abstention de porter secours ; que le cours de la prescription avait en conséquence été interrompu par la plainte avec constitution de partie civile pour ce délit connexe ; Attendu que, pour parvenir à la conclusion ci-dessus rapportée, l'expert se fondait d'une part sur la nature du tableau clinique constaté lors de l'admission à l'hôpital, mais également sur les explications données par Monsieur X..., à savoir l'apparition en début de soirée d'une violente douleur épigastrique suivie de l'administration d'un sachet médicamenteux non identifié, renouvelée dans la nuit face à une persistance des douleurs et à l'apparition de crachats sanglants ; Attendu qu'il résulte des explications des deux surveillants qui assuraient le service cette nuit-là que si Monsieur X... s'était plaint de douleurs au ventre, ils auraient alerté les gradés qui, eux, auraient prévenu les services de soins, mais qu'ils ne lui auraient donné aucun médicament, n'ayant à leur disposition que du DAFALGAN à délivrer en cas de mal de dents ; que M. D... ajoutait n'avoir pas eu connaissance de la circonstance que Monsieur X... aurait craché du sang, ce qui n'aurait pas manqué de provoquer sa réaction d'autant plus que l'intéressé suivait un traitement médicamenteux assez important, ce qui l'aurait rapidement sensibilisé ; Attendu que les co-détenus de Monsieur X... identifiés et interrogés ont expliqué - (D.57 et D.82) M. E... qu'il se souvenait que Monsieur X... s'était plaint, vers 19 à 20 heures, alors que tous les détenus se trouvaient déjà enfermés dans le chauffoir, de violentes douleurs au ventre,

d'aigreurs d'estomac, du haut du ventre, et ce, durant deux à trois heures, mais que, comme il plaisantait souvent, ils avaient cru à une blague de sa part, puis plus tard vers minuit, constatant que son état empirait, qu'ils avaient appelé un surveillant qui avait cependant estimé que Monsieur X... pouvait attendre l'ouverture des portes le lendemain matin à 7 heures ; il ajoutait qu'à un moment donné, dans la nuit, il avait vu Monsieur X... cracher du sang, ce qui l'avait écoeuré; sur ce point, il corrigeait cette assertion lors de sa deuxième audition, précisant qu'il ne l'avait pas vu cracher du sang, mais que M. F... le lui avait rapporté ; ce n'est que lors du passage des infirmières, vers 7 heures-7 heures 30, que Monsieur X... avait été pris en charge, et qu'il était alors bien mal en point ; - (D.59) M. G..., qu'il ne se souvenait pas de douleurs dont se serait plaint Monsieur X..., que de plus il s'agissait d'un "emmerdeur de première" qui provoquait tout le monde, et dans le style duquel il aurait tout à fait été de simuler un éventuel problème pour ennuyer l'administration ; - (D.60) M. H... qu'il se souvenait seulement qu'un soir de novembre 1994, Monsieur X..., qui prenait des cachets blancs pour la digestion, s'était plaint de l'estomac, que quelqu'un avait appelé un surveillant, mais qu'il ne se rappelait pas la suite ; - (D.74) M. I... que Monsieur X... s'était plaint entre minuit et deux heures du matin, que les gardiens étaient passés à deux reprises, un surveillant seul une première fois, et la fois suivante deux gardiens, qui s'étaient montrés ennuyés et hésitants, mais qui avaient fini par laisser Monsieur X... attendre l'ouverture des portes le matin, sans lui donner aucun médicament, et bien qu'il leur ait présenté le seau souillé de sang ; sur ce point, il s'était montré plus hésitant au cours de son audition, précisant : "je crois que les crachats de sang ont été signalés aux gardiens, sans toutefois être affirmatif" ; Attendu que Monsieur X..., interrogé par le juge

d'instruction, confirmait qu'il avait commencé à avoir mal au ventre vers 20 heures 30 et qu'il avait fait appeler un surveillant, lequel, un barbu auquel il aurait dit qu'il avait trop mal pour pouvoir attendre et qu'il vomissait le sang, était passé vers 23 heures une première fois et lui avait donné de la gelée en sachet, puis une deuxième fois vers une heure et lui avait donné un autre produit ; Attendu que de l'ensemble des déclarations ci-dessus analysées, il ressort qu'il peut être admis que les surveillants -considérés ici de façon indifférenciée- auraient eu connaissance des plaintes de Monsieur X... alléguant de violentes douleurs ; que toutefois, il ne peut être considéré qu'en l'état de leurs connaissances à la fois théoriques et pratiques, et bien que M. D... ait évoqué le fait qu'il savait que l'intéressé suivait un traitement médicamenteux assez important, ils aient pu avoir conscience du contexte médical décrit par l'expert en pages 8 et 9 de son rapport et du diagnostic qui pouvait en résulter à l'apparition d'une douleur violente et persistante, à savoir la survenue d'une perforation d'un ulcère duodénal déclenchée par la prescription répétée pendant un mois d'anti-inflammatoires ; Attendu qu'il ressort également et surtout de ces déclarations qu'il n'est pas nettement caractérisé que les surveillants auraient effectivement eu, avant le matin, connaissance du fait que Monsieur X... crachait du sang, circonstance qui selon l'expert complète le tableau précédemment décrit pour faire évoquer le diagnostic de perforation d'ulcère et dont il peut être admis qu'au sens commun elle aurait du signer pour les surveillants l'apparition d'un péril imminent ; que cette circonstance paraît même, selon le certificat aux fins d'hospitalisation, n'être apparue que tardivement dans la nuit ; qu'en effet, le dossier médical analysé par les deux experts fait ressortir que l'hospitalisation de Monsieur X... a été prescrite dans les termes suivants par un médecin

qui a visité l'intéressé à la maison d'arrêt : "je vous adresse Monsieur X... pour une douleur apparue brutalement hier soir compliquée ce matin de vomissements avec, à l'examen, un abdomen en défense et un T.R. douloureux"; Attendu que dans l'insuffisante netteté de la situation ainsi décrite et des symptômes effectivement manifestés, il apparaît que les surveillants, qui du reste selon M. F... se seraient montrés hésitants, ont pu, sans faute de leur part, se méprendre sur la gravité et l'immédiateté du péril auquel se trouvait exposé Monsieur X..., et ainsi, non sans raison, mettre en doute la nécessité pour eux d'intervenir immédiatement ; que dès lors, le caractère délictueux de leur abstention à provoquer l'intervention d'un médecin par l'intermédiaire du gradé de service, moyen qui était à leur disposition, n'est pas démontré ; Attendu que, par ces motifs qui se substituent à ceux du premier juge, l'ordonnance de non-lieu déférée doit être confirmée ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

En la forme, déclare l'appel recevable;

Au fond, confirme l'ordonnance dont appel.

Ainsi jugé et prononcé par la Cour d'Appel de TOULOUSE, Chambre de l'Instruction, en son audience en Chambre du Conseil, tenue au Palais de Justice de ladite ville les jour, mois et an sus-dits.

Le présent arrêt est signé par le Président et le Greffier

LE GREFFIER:

LE PRESIDENT: Le Greffier certifie que le présent arrêt a été porté à la connaissance des parties et de leurs avocats conformément aux dispositions de l'article 217 du Code de Procédure Pénale (récépissés joints au dossier).

LE GREFFIER:


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Numéro d'arrêt : 2002/00234
Date de la décision : 19/03/2002

Analyses

OMISSION DE PORTER SECOURS - Eléments constitutifs - Elément intentionnel - Péril - Connaissance de sa gravité - Abstention volontaire - /

L'article 223-6 du Code pénal incrimine le fait par quiconque de s'abstenir volontairement de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant les secours. Le délit est constitué si, d'une part, la personne en état de porter secours connaissait l'existence d'un péril immédiat sur la gravité duquel elle n'a pu se méprendre, et dans des conditions telles qu'elle n'a pu mettre en doute la nécessité d'intervenir immédiatement en vue de le conjurer, et d'autre part, si elle s'est volontairement refusée à intervenir immédiatement par les modes qu'il lui était possible d'employer ; le péril immédiat s'entendant d'un état dangereux ou d'une situation critique faisant craindre de graves conséquences pour la personne qui y est exposée et qui risque, soit de perdre la vie, soit des atteintes corporelles graves


Références :

Code pénal, article 223-6

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2002-03-19;2002.00234 ?
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