La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/07/2001 | FRANCE | N°2001/00797

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 26 juillet 2001, 2001/00797


COUR D'APPEL DE TOULOUSE
CHAMBRE DE L'INSTRUCTION
ARRET
N° 797 -
Prononcé en Chambre du Conseil le VINGT SIX JUILLET DEUX MILLE UN,
PARTIES EN CAUSE : Monsieur D Détenu MONTAUBAN Mandat de dépôt du 3 Août 1999 Ayant pour avocat Me ETELIN, 20, rue Sainte-Ursule à TOULOUSE (31000)
PARTIE CIVILE : Madame A Domicile élu chez Me LALANNE, 131 cours Victor Hugo à BORDEAUX (33000) Ayant pour avocat Maître LALANNE conseil au barreau de BORDEAUX, Monsieur B Ayant pour avocat Me CATALA, HOTEL DU VIEUX RAISIN 36, rue du Languedoc à TOULOUSE (31000) Madame C CPAM Ayant po

ur avocat Me LARROQUE, 43 rue Aristide Briand B.P 153 à MONTAUBAN (82000)
C...

COUR D'APPEL DE TOULOUSE
CHAMBRE DE L'INSTRUCTION
ARRET
N° 797 -
Prononcé en Chambre du Conseil le VINGT SIX JUILLET DEUX MILLE UN,
PARTIES EN CAUSE : Monsieur D Détenu MONTAUBAN Mandat de dépôt du 3 Août 1999 Ayant pour avocat Me ETELIN, 20, rue Sainte-Ursule à TOULOUSE (31000)
PARTIE CIVILE : Madame A Domicile élu chez Me LALANNE, 131 cours Victor Hugo à BORDEAUX (33000) Ayant pour avocat Maître LALANNE conseil au barreau de BORDEAUX, Monsieur B Ayant pour avocat Me CATALA, HOTEL DU VIEUX RAISIN 36, rue du Languedoc à TOULOUSE (31000) Madame C CPAM Ayant pour avocat Me LARROQUE, 43 rue Aristide Briand B.P 153 à MONTAUBAN (82000)
COMPOSITION DE LA COUR : lors des débats, du délibéré et du prononcé de l'arrêt : - Monsieur BELLEMER, Président, - Monsieur COLENO et Madame GIROT , Conseillers, tous désignés conformément à l'article 191 du Code de Procédure Pénale; assistés de Monsieur PLANTARD Philippe, Monsieur JARDIN François, Melle ZAVAN Laetitia, auditeurs de justice, Monsieur COLENO Conseiller, qui a signé et lu l'arrêt lors du prononcé ; GREFFIER : - Josiane DURAND lors des débats, Gis le SEBAN F.F. de greffier lors du prononcé de l'arrêt ; MINISTERE PUBLIC : représenté aux débats et au prononcé de l'arrêt par Monsieur IGNACIO, Substitut Général DEBATS :
A l'audience, en Chambre du Conseil le Jeudi vingt et un Juin deux mil un
Ont été entendus :
Monsieur COLENO, conseiller, en son rapport ;
Maître ETELIN, conseil de M.D ,
Monsieur IGNACIO, Substitut Général, en ses réquisitions ;
Maître LALANNE , Avocat de Mme A en ses observations sommaires;
Maître ETELIN , Avocat de M.D, en ses observations sommaires et qui a eu la parole le dernier.
Sur quoi, l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience du 26 Juillet 2OO1,
Et ce jour, VINGT SIX JUILLET DEUX MILLE UN , la Chambre de l'Instruction a rendu en Chambre du Conseil son arrêt comme suit après avoir délibéré conformément à la Loi, hors la présence du Ministère Public et du Greffier ;
RAPPEL DE LA PROCEDURE :
Le 2O Mars 2001 le Juge d'Instruction du Tribunal de Grande Instance de MONTAUBAN a ordonné que le dossier de la procédure et un état des pièces à conviction soient transmis par le Procureur de la République au Procureur Général près la Cour d'Appel ;
Par lettres recommandées en date du 20 Mars 2001 cette ordonnance a été portée la connaissance de M.D, de Mme A, M.B, Mme C et de leurs avocats ;
Par lettres recommandées en date du 24 Avril 2001 le Procureur Général a notifié à M.D, Mme A, M.B et Mme C ainsi qu'à leurs avocats la date à laquelle l'affaire sera appelée à l'audience.
Le dossier comprenant le réquisitoire écrit du Procureur Général en date du 4 Mai 2001 a été déposé au Greffe de la Chambre d'Accusation et tenu à la disposition des Avocats des parties.
Les formes et délai de l'article 197 du Code de Procédure Pénale ont été observés.
Maître LALANNE, Avocat, a envoyé par télécopie au nom de Mme A un mémoire visé par le greffier, communiqué au Ministère Public et classé au dossier,
Maître ETELIN, Avocat, a déposé au nom de M.D le 2O juin Deux mille un à 16 heures 3O, au Greffe de la Chambre de l'Instruction un mémoire visé par le greffier, communiqué au Ministère Public et classé au dossier.
Monsieur D a envoyé par courrier au greffe de la chambre de l'Instruction un mémoire visé le 2O Juin 2OO1 à 14 heures, communiqué au Ministère Public et classé au dossier,
Maître CATALA, Avocat, a déposé au nom de Monsieur B, partie civile le 2O Juin 2OO1 à 15 heures 1O au greffe de la Chambre de l'Instruction un mémoire visé par le greffier, communiqué au Ministère Public et classé au dossier,
* *
Vu l'appel régulièrement interjeté le 26 mars 2001 au greffe de la maison d'arrêt par M.D de l'ordonnance de mise en accusation devant la Cour d'Assises du Tarn-et-Garonne comportant ordonnance de prise de corps rendue le 20 mars 2001 par Madame Munier Pacheu, juge d'instruction au Tribunal de Grande Instance de Montauban ;
Vu le mémoire déposé le 20 juin 2001 par M.D tendant à la requalification en meurtre et tentative;
Vu le mémoire déposé le 20 juin 2001 par le conseil de M.D tendant à la réformation et au renvoi des chefs d'homicide volontaire et tentative d'homicide volontaire;
Vu les réquisitions de Monsieur le Procureur Général tendant à la confirmation de l'ordonnance attaquée;
Vu le mémoire déposé le 15 juin 2001 par le conseil de Mme A, partie civile, tendant à la confirmation de l'ordonnance entreprise;
Vu le mémoire déposé le 20 juin 2001 par le conseil de M.B, partie civile, tendant à la confirmation de la décision déférée;
Les avocats des parties entendus en leurs observations sommaires et le Procureur Général en ses réquisitions;
LES FAITS
Attendu qu'il résulte de l'information les faits suivants :
Le 31 juillet 1999 vers 22 heures 15, les gendarmes de Verdun-Sur-Garonne étaient informés du fait que deux hommes avaient été blessés par arme à feu et à l'aide d'une hache à Verdun-Sur-Garonne, domicile de B.
Ils découvraient sur place le corps d'une personne sans vie, recroquevillée entre la huitième et la onzième marche de l'escalier situé face à l'entrée de la maison.
La victime portait, dans la région frontale, à quatre centimètres de l'axe médian et deux centimètres de l'arcade sourcilière, un petit orifice présentant les caractéristiques d'un orifice d'entrée d'un projectile de petit calibre.
Cette personne était identifiée comme étant M.A, demeurant à Paris, 13 me arrondissement, architecte de profession.
Une seconde personne était trouvée allongée dans sa chambre, torse nu et saignant au niveau du thorax, côté gauche. Il s'agissait de M.B, 49 ans.
Ce dernier était évacué vers l'hôpital de Rangueil à Toulouse en chirurgie cardio-vasculaire. En effet, il présentait une grave blessure de l'hémithorax gauche par pénétration d'une balle: le projectile, dans une trajectoire d'avant en arrière et de gauche à droite, avait engendré des lésions osseuses costales avant de traverser la plèvre, le parenchyme pulmonaire, suivant un trajet très voisin du coeur et des gros vaisseaux, et de s'enchâsser sur la face antérieure de l'omoplate gauche.
En outre, B présentait des plaies et ecchymoses pouvant avoir été occasionnées par des coups portés à l'aide d'un objet contondant.
Mme X, présente dans la maison au moment du drame, apprenait aux enquêteurs que l'auteur des faits était le nommé M.D.
Elle expliquait qu'après avoir entretenu des relations sentimentales avec B, elle avait eu une liaison avec M.D, photographe professionnel, qui lui avait été présenté deux ans auparavant par M.B.
Finalement, elle avait décidé de mettre un terme à sa relation avec M.D au mois de mai 1999 et avait renoué avec M.B.
M.D n'avait pas accepté cette rupture et avait multiplié les appels téléphoniques menaçants à son égard et à l'encontre de B.
Mme X précisait que, lors de ses appels nocturnes, M.D paraissait en état d'ébriété et répétait : "le prix à payer sera terrible".
Elle ajoutait que la dernière fois qu'elle l'avait eu au téléphone, le vendredi 30 juillet au matin, elle lui avait demandé de ne plus l'insulter et de trouver l'apaisement, ce à quoi il avait répondu que c'était trop tard et qu'elle allait recevoir une lettre.
X relatait que, ce 31 juillet 1999, B avait invité à dîner un architecte, A, qui était arrivé vers 20 heures 30. Au milieu du repas, B avait répondu à un appel téléphonique et il avait alors fait allusion aux menaces qu'il recevait régulièrement.
Vers 22 heures, alors que X et B raccompagnaient leur invité et s'apprêtaient à descendre l'escalier, ils avaient vu surgir M.D.
Ce dernier était monté jusqu'à elle, alors qu'elle se trouvait sur le palier, mais B avait saisi l'intrus à bras le corps, lui avait fait descendre l'escalier et était parvenu à le mettre à la porte. Elle déclarait que, pétrifiée, elle était restée à l'étage et n'avait pas assisté à la suite des événements. Elle avait seulement entendu de violents coups sur la porte d'entrée, des hurlements, et elle avait appelé les secours.
Sur les lieux, les enquêteurs procédaient à de nombreuses constatations.
Ils découvraient sur le trottoir, un merlin portant des traces de sang, se composant d'un manche en bois d'une longueur de 95 centimètre et d'une partie en fer dont un côté, tranchant, correspondait à une hache, l'autre côté faisant office de masse.
Ils relevaient la présence d'un étui vide percuté de calibre 22 Long Rifle sur la chaussée devant le domicile de B, puis cinq autres étuis vides percutés du même calibre sur les deuxième, cinquième, huitième et onzième marches de l'escalier en partant du bas, précision faite que l'une de ces douilles était retrouvée sous le cadavre de A.
A hauteur des dix-septième et vingtième marches, était constatée dans le mur la présence de deux impacts où se trouvaient encore logées des balles.
Les gendarmes notaient encore à l'extérieur de la porte d'entrée la présence d'un impact de balle duquel ils extrayaient un projectile, et de diverses traces de coups pouvant avoir été portés avec la masse retrouvée. Par ailleurs, la gâche de la porte d'entrée avait été arrachée sous l'action de coups extérieurs.
Ils trouvaient, sur le palier du premier étage, un anti-vol en fer entouré de plastique d'une longueur de 80,5 centimètres présentant des traces de sang.
Enfin, ils constataient la présence de flaques de sang dans le hall d'entrée, au pied de l'escalier ainsi que sur les deuxième, quatrième et septième marche de l'escalier, puis d'autres, espacées, se dirigeant vers la chambre, paraissant indiquer la progression par étapes d'une personne blessée.
Une vérification rapidement opérée à Lagraulet-Saint-Nicolas, au domicile du nommé D distant de quatorze kilomètres des lieux du crime, permettait de constater que la lumière était allumée, mais que son véhicule ne se trouvait pas à proximité.
Dès six heures du matin, les gendarmes procédaient, en présence de deux témoins, à une perquisition des lieux. Cette opération amenait la découverte, dans une chambre, appuyée contre un petit meuble, d'une carabine 22 Long Rifle présentant des traces de sang.
Dans une sacoche en cuir, les enquêteurs trouvaient un chargeur de carabine 22 Long Rifle et deux étuis de cartouches percutés.
Le 1er août 1999, par son téléphone portable, les gendarmes parvenaient à entrer en contact avec D qui prenait l'engagement de se présenter à la gendarmerie.
Placé en garde à vue, il expliquait que le matin de ce samedi 31 juillet, après des travaux de bricolage, il avait mis la masse dans sa voiture, entre les sièges arrières.
Dans l'après-midi, il avait réalisé des photographies pour un mariage célébré à Bouloc, avait participé à l'apéritif au cours duquel il avait bu trois verres de punch, puis était rentré chez lui vers 20 heures 30.
Il déclarait qu'après le repas du soir, il s'était mis à penser à X, qui lui avait laissé un message sur son répondeur téléphonique dans lequel elle déclarait vouloir le voir pour lui parler et lui demandait de la rappeler.
Vers 21 heures, il avait donc décidé de téléphoner chez B où il savait pouvoir joindre X. Il affirmait que B lui avait répondu textuellement : "vas te faire enculer", avant de raccrocher.
Enervé, voulant avoir une discussion, il s'était rendu à Verdun-Sur-Garonne au domicile de B où il était entré sans frapper, la porte n'étant pas verrouillée. En montant l'escalier, il avait croisé un homme qu'il ne connaissait pas et, alors qu'il se dirigeait vers X, aperçue sur le palier à l'étage, B l'avait attrapé par les épaules, insulté et jeté dehors.
Ulcéré de cette éviction, il s'était emparé de la masse dans sa voiture et en avait frappé la porte d'entrée jusqu'à ce qu'elle cède, tandis qu'il entendait B crier: "appelle la police !".
Il était vivement retourné à son véhicule pour s'emparer de la carabine 22 Long Rifle dont il avait remarqué la présence en prenant la hache. Il l'avait placée là dès le jeudi précédent afin de la dissimuler à sa mère.
L'arme étant chargée, il avait ôté la sécurité, actionné la culasse, et fait feu une premère fois sur la porte.
Après avoir présenté diverses relations confuses de la suite du déroulement des événements, il les résumait de la façon suivante :
"je rentre dans le couloir, je monte, je ne vois rien, je tire, je vois un mec, je tire à nouveau, je monte sur la palier, je tire, je redescends, je bute sur un mec, B me frappe et je tire".
Il pensait, disait-il, avoir touché B, mais ce dernier l'avait poursuivi, coincé dans le hall d'entrée et frappé avec un anti-vol. Il s'était alors retourné et avait tiré puis avait pris la fuite, son chargeur étant vide.
Il répétait sa réelle volonté de "flinguer" B, de "le détruire".
Par contre, il contestait s'être rendu à Verdun-Sur-Garonne dans l'intention de tuer ce dernier et avoir emporté délibérément, dans ce dessein, la masse et l'arme.
D, examiné par un médecin pendant le temps de la garde à vue, présentait de multiples lésions traumatiques superficielles et notamment des ecchymoses au niveau des membres supérieurs témoignant d'un échange de coups, trois petites plaies linéaires au niveau de la chevelure et une lésion sur l'épaule droite pouvant être secondaires à des coups portés avec un objet contondant. L'expert relevait également trois lésions sur le bras droit pouvant avoir été occasionnées par la pression de doigts, ainsi que des lésions de râpage sur le coude gauche qui avaient pu survenir lors d'une chute. Lors de son interrogatoire de première comparution, D maintenait dans l'ensemble ses explications. Il précisait toutefois qu'il savait, au moment de quitter son domicile pour se rendre chez B, qu'il avait la carabine dans son véhicule, pour l'y avoir placée le vendredi matin afin de la soustraire la vue d'un maçon qui venait effectuer des travaux chez lui.
Par la suite, il modifiait sensiblement sa version initiale. Il déclarait qu'après avoir défoncé la porte d'entrée, il avait vu B et compris que ce dernier l'attendait armé. C'est à ce moment-là qu'il était revenu à la voiture pour s'emparer de la carabine. Dans le hall, il avait tiré en direction d'un individu qui, pour lui, était B, et c'est à cet instant que quelqu'un l'avait saisi et frappé avec une barre, sur la tête et sur le corps. Il s'était dégagé et, voyant que l'agresseur était B, il avait à nouveau tiré dans sa direction avant de partir.
Contrairement à ses déclarations initiales, la scène s'était donc déroulée intégralement dans le hall du rez-de-chaussée. Il confirmait toutefois sa volonté de tuer B, ajoutant : "de toute façon, je savais que j'allais à l'abattoir, c'était Abel contre Caïn...B est plus violent et morbide que moi".
Ce dernier ne pouvait être interrogé qu'à partir du 9 août 1999 à l'hôpital Rangueil à Toulouse, brièvement dans un premier temps en raison de la gravité des conséquences de ses blessures.
Il déclarait connaître D depuis 1978 et le considérait comme un bon ami, quoiqu'il ait remarqué un petit côté pervers chez lui, D ayant la réputation de séduire les femmes de ses amis.
Il relatait que, depuis la rupture de la relation qu'il avait eue avec X, D les harcelait et les abreuvait de menaces qu'il avait d'ailleurs enregistrées sur son répondeur téléphonique, lors de ses appels qui étaient quasi-journaliers.
Le soir du 31 juillet 1999, il avait pris connaissance d'un message sur son répondeur qui comportait la phrase: "je vais te crever" ; ce message l'avait inquiété davantage que les autres par les termes et le ton employés. Il en avait d'ailleurs parlé à A en présence de X.
Alors qu'ils se trouvaient à table, le téléphone avait sonné; il avait répondu à D en des termes qu'il qualifiait de virulents, et lui avait notamment lancé: "vas te faire enculer !".
B affirmait qu'il se trouvait dans un bureau attenant au hall d'entrée lorsqu'il avait entendu du bruit provenant de l'escalier. Voyant B monter les marches, il l'avait pris par l'épaule, soulevé et amené jusqu'à la porte qu'il avait ensuite verrouillée. Il précisait que A, qui se tenait alors au milieu de l'escalier, était resté interdit par la scène.
Lorsque D avait ensuite défoncé la porte, il se trouvait pour sa part dans le hall d'entrée et s'était emparé d'une chaîne de cadenas qui se trouvait entreposée derrière la porte d'entrée.
Il n'avait pas pris au sérieux la carabine en possession de laquelle D était alors apparu, pensant qu'il s'agissait d'une arme d'enfant. Les premiers coups de feu étaient néanmoins partis avant qu'il n'en ait détourné le canon de la main gauche tandis que, de la main droite, il assénait à D des coups de chaîne. Il se trouvait, à ce moment-là , sur la deuxième marche de l'escalier, calé contre la rampe, où il était resté tout au long de la scène. Il affirmait ainsi que D n'avait aucun moment gravi l'escalier, et que les balles qui avaient touché A n'étaient pas destinées à celui-ci mais résultaient de tirs déviés.
Les explications données par les deux protagonistes de la scène mortelle n'expliquant pas la présence des étuis percutés sur les huitième et onzième marches de l'escalier, la reconstitution des faits était organisée en présence d'un expert en balistique.
Tandis que B maintenait sa relation des faits D modifiait à nouveau la sienne, adoptant une position plus proche de sa version initiale. Il indiquait qu'arrivé dans le hall d'entrée avec l'arme à la main, il s'était dirigé vers B qui tenait une chaîne à la main. Malgré les coups reçus, il s'était efforcé de se diriger vers les escaliers où il était parvenu à progresser, tout en tirant, jusqu'à la deuxième partie des escaliers où , alors qu'il parvenait à se dégager de l'emprise de B, une rafale était partie.
Après avoir tiré sur ce dernier, il l'avait vu s'affaisser et, regardant vers le bas des escaliers, il avait aperçu une autre personne étendue au niveau du balancement des escaliers. Il était alors descendu en passant devant ce corps et était parti. Il affirmait être certain de n'avoir jamais vu A en entrant, et pensait qu'il avait dû tirer sur lui lorsqu'il était dans la deuxième partie de l'escalier, seul moment où il l'avait vu.
L'expert en balistique s'attachait à déterminer les trajectoires de tir possibles et extrayait un projectile au niveau de l'impact situé à l'aplomb de la dix-septième marche. A partir de ses analyses, il parvenait à la conclusion que la version de D, selon laquelle il aurait tiré pendant sa progression dans l'escalier, était plausible au regard des cinq étuis percutés retrouvés entre la deuxième et la onzième marche, et des deux impacts de balle relevés dans le mur. Il ajoutait que, eu égard à la proximité des deux impacts dans le mur et à la direction des tirs correspondants, D devait se tenir, lorsqu'il a fait feu à ce moment-là , sur les marches de l'arrondi de l'escalier, arme tenue à deux mains avec le canon dirigé vers le haut, crosse au niveau de la hanche.
Il était par contre impossible à l'expert de déterminer les positions des antagonistes en particulier lors du coup de feu qui avait mortellement touché A. Il n'est pas discuté que celui-ci, totalement étranger au contentieux entre les deux hommes, n'a rien fait ni n'est intervenu dans la scène qui se déroulait sous ses yeux. Décrit unanimement comme un homme gentil, cordial, calme, pacifique et cultivé, il était de forte corpulence, mesurant 1 mètre 88 centimètres pour un poids de 110 kilogrammes. L'autopsie pratiquée a mis en évidence une trajectoire de tir d'avant en arrière et de gauche à droite, selon un angle d'environ 20 degrés, et une distance de tir probablement assez faible. Il ne pouvait être exclu que la victime, décédée d'une hémorragie cérébro-méningée associée à une destruction des zones nobles du cerveau, ait pu faire quelques pas avant de tomber.
L'expert en balistique émettait en outre l'avis que la version de D, en ce qu'elle évoque des tirs en rafale, ne pouvait tre retenue. En effet, l'examen de l'arme et de son fonctionnement excluait tout départ intempestif, c'est-à-dire sans une action physique sur la queue de détente pour chacune des balles tirées.
Enfin, il ne pouvait déterminer la localisation de B lorsqu'il avait été touché, mais considérait que la version de celui-ci, aux termes de laquelle il aurait empêché D de monter les escaliers, ne pouvait être retenue techniquement.
L'enquête a par ailleurs permis de préciser les menaces dont B et Xavaient fait l'objet de la part de D.
X remettait aux enquêteurs un courrier daté du 28 juillet 1999 qu'elle avait trouvé son retour à son domicile, le 2 août, confirmant les termes de l'appel de D du 30 juillet précédent lui annonçant que c'était trop tard et qu'elle allait recevoir une lettre.
Sur l'une des photographies accompagnant ce courrier figurait une pancarte apposée sur un piquet portant la mention "un si joli cimetière", tandis qu'une autre, sur laquelle X était présente, montrait les même sculptures représentant des pierres tombales. Il s'agissait de photographies prises au mois de mai précédent à l'occasion d'une exposition.
Le 10 décembre 1999, un transport au domicile de B était effectué afin de procéder à la saisie de son répondeur téléphonique. La transcription intégrale des enregistrements présents sur les deux faces de la micro-cassette de cet appareil était réalisée. Sept messages contenaient des menaces non voilées dans les termes suivants, répétés à plusieurs reprises: "je te crève et je la crèverai aussi...j'irai jusqu'au bout...".
L'étude des réquisitions téléphoniques faisait ressortir que D avait appelé seize fois X les 25 et 26 juillet 1999, et 4 fois B les 30 et 31 juillet 1999, le dernier appel étant intervenu le 31 juillet à 21 heures 34.
Sur la présence de l'arme chargée dans la voiture le soir des faits, les explications de D ont varié. Dans un premier temps, le mis en examen a prétendu avoir voulu dissimuler cette carabine à sa mère. Or celle-ci, lors de son audition, a déclaré qu'elle avait parfaite connaissance de l'existence de cette arme et qu'elle ne lui avait jamais posé de question à son sujet.
Par ailleurs, tandis qu'un témoin indiquait que cette carabine n'était jamais chargée et le chargeur jamais enclenché, D avançait qu'il l'avait enclenché lorsqu'il l'avait rangée sous un escalier, pour éviter qu'il ne prenne la poussière.
Enfin, l'enquête a fait apparaître qu'en deux occasions au moins, par le passé, D s'était laissé aller à des déchaînements de violence à l'égard de ses compagnes, dans des temps de séparation, au cours desquels elles s'étaient senties en danger, et qu'une fois même il avait menacé l'une d'elles avec une arme à feu prétendument chargée. Au juge d'instruction qui l'interrogeait sur ces épisodes, il a notamment déclaré que toutes ses relations sentimentales avaient pris fin par des ruptures marquées par la violence, et expliqué: "en définitive, l'égard des personnes, s'il n'y a pas de violences immédiates, je ne suis pas violent".
Attendu qu'il résulte des circonstances de fait telles qu'elles ont été établies par l'information ainsi que des déclarations de D qu'en entrant dans la maison de B avec une carabine chargée et armée, il était résolu et que chacun des coups de feu qu'il a tirés volontairement était destiné à tuer celui-ci;
que, l'erreur de cible étant indifférente, la balle qui a atteint A en pleine tête au lieu de B, tirée volontairement dans l'intention de tuer, est en conséquence de nature à caractériser la charge de son auteur le crime d'homicide volontaire ;
Attendu que les très graves blessures par arme à feu occasionnées volontairement à B dans l'intention de le tuer, n'ont pas entraîné la mort par une circonstance indépendante de la volonté de leur auteur, en l'espèce l'efficacité des secours;
Attendu enfin que la réitération des menaces de mort, peu avant les faits, certaines même sur support matériel, l'intrusion de D, à la nuit tombée, dans la demeure de B moins d'une heure après une communication téléphonique au cours de laquelle il avait été vertement éconduit, enfin la présence de deux armes meurtrières dans sa voiture, dont principalement une arme à feu chargée et armée, sont de nature à caractériser à l'encontre de D charges suffisantes d'avoir, avant de venir chez lui, conçu le dessein de donner la mort à B ;
Attendu que la circonstance queD ait dans un premier temps pénétré dans la maison sans arme ne démentirait nécessairement l'existence de ce projet criminel préalable ;
que la "discussion" que, dans le mémoire de son conseil, il prétend avoir voulu provoquer en se présentant dans les conditions décrites, ne pouvait plus avoir lieu ou être autre qu'un échange de violences physiques, ayant lui-même dit et écrit qu'il était trop tard, et reçu de A quelques minutes plus tôt une fin de non-recevoir ;
que ce comportement pourrait traduire seulement la recherche, dont il était en fait assuré de l'aboutissement ainsi qu'il résulte de ses propres explications, d'une situation d'affrontement physique qui lui donnerait l'occasion d'exécuter, dans un déchaînement de violence qui lui est familier, le dessein auquel il s'était préparé tant mentalement que matériellement, et qu'il n'aurait plus eu ensuite qu'à exécuter, ce que, ayant pris le soin de garer sa voiture pratiquement devant la porte, il a pu faire immédiatement ;
RENSEIGNEMENTS
M.D est né à Saint-Aulaye (Dordogne). Il est le dernier né des trois enfants du couple.
Ses parents se sont séparés trois ans après sa naissance et ont divorcé en 1953.
Faute de logement, leur mère a placé D et son fère dans un orphelinat à Albi, et leur soeur à Albi. Elle les a repris en charge lorsqu'elle est parvenue à rétablir les conditions d'une vie plus stable.
D a été hospitalisé dans un centre hélio-marin à Palavas (Héraut) du 1er mars au 14 mai 1959, puis du 1er mai au 31 août 1961 en raison d'une maladie des os.
Il a été scolarisé à Béziers où , au terme d'une scolarité normale, il a obtenu un baccalauréat technologique F1. Il a débuté en 1969 des études à Toulouse en IUT de génie mécanique qu'il a abandonnées en 1971 pour s'inscrire en faculté de lettres modernes où il n'a passé aucun diplôme.
Il a exécuté les obligations du service national au 9 août 1972 au 31 juillet 1973.
A son retour, il déclare avoir occupé plusieurs emplois.
Il a notamment été professeur, au début des années 80,à l'école technique privée de photographie et d'audiovisuel de Toulouse. Il est décrit par son directeur comme quelqu'un de capable et paisible.
S'intéressant à la photographie professionnelle, il a, de 1981 à 1986, exploité àToulouse, avec un associé, un magasin d'appareils photographiques d'occasion.
Par la suite, il s'est installé comme photographe indépendant, puis, après avoir suivi des stages, comme concepteur infographiste le 1er juillet 1999.
Il s'est marié une premère fois le 4 septembre 1971 avec Mme Y dont il s'est séparé en 1978 avant que de divorcer le 25 janvier 1982. Sa première épouse dit avoir gardé de lui un bon souvenir, celui d'un homme gai, joyeux, impulsif mais gentil. Elle précise l'avoir quitté parce qu'il avait eu une aventure extra-conjugale.
Il s'est remarié le 24 septembre 1988 avec Mme Z. A l'issue d'une séparation de fait en octobre 1992, une décision de séparation de corps a été rendue le 20 janvier 1994. Sa deuxième épouse le décrit comme alcoolique et violent. Elle évoque une scène d'une extrême violence où il s'en était pris à elle et sa fille, projetant un chaton contre le mur et promettant la même chose à sa fille. Il détenait à l'époque un fusil de chasse qu'elle avait caché parce qu'une fois, en état d'ivresse, il l'avait braqué sur elle.
Une de ses relations amoureuses a témoigné d'un accès de violence dont elle avait été le témoin et la victime, treize ans auparavant, qui l'avait contrainte à se réfugier dans une clinique proche de son domicile.
Nombre des relations de D ont été entendues qui font de lui un portrait louangeur, excepté quand il a bu.
D déclare avoir consulté un psycho-thérapeute à la suite de sa séparation avec sa première épouse, puis un psychiatre après sa deuxi me séparation.
L'examen médico-psychologique décrit un homme intelligent et habile manuellement, dont la personnalité névrotique, caractérisée par une immaturité et une instabilité affective qui sont mettre en rapport avec les séparation précoces de l'enfance, se complique d'éléments passionnels. Il est en bonne santé mais a connu des épisodes d'alcoolisation, dans le contexte des relations professionnelles
élargies de son métier. La passion amoureuse facilite généralement chez lui un comportement hypomaniaque et le dépit -qui reste encore considérable au jour de l'examen- semble pouvoir être mis en rapport avec le passageà l'acte, qui s'est effectué dans un moment d'obscurcissement partiel et temporaireidérable au jour de l'examen- semble pouvoir être mis en rapport avec le passageà l'acte, qui s'est effectué dans un moment d'obscurcissement partiel et temporaire de la conscience, avec absence de fixation des souvenirs. Une prise en charge spécialisée, psychiatrique et/ou psychothérapique, sera utile pour favoriser un meilleur équilibre de l'humeur.
L'examen psychiatrique ne révèle pas chez lui l'existence d'anomalies mentales ou psychiques; il ne présente pas un état dangereux au sens psychiatrique du terme; il n'était pas atteint, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuro-psychique ayant aboli ou altéré son discernement ou le contrôle de ses actes; il est accessible à une sanction pénale, et réadaptable.
Selon l'expert, le passage à l'acte serait à comprendre dans un contexte de jalousie passionnelle à deux niveaux, mettant en jeu d'une part la femme, mais aussi, et suivant une problématique inconsciente, l'ami. Il aurait été favorisé par une alcoolisation qui a pu libérer chez lui une forte capacité agressive, et qui devra à l'avenir être évitée.
Le bulletin numéro un de son casier judiciaire porte mention d'une condamnation, prononcée le 24 juin 1994 par le Tribunal Correctionnel de Toulouse à la peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis simple, 4.000 Francs d'amende et 6 mois de suspension du permis de conduire du chef de conduite sous l'empire d'un état alcoolique,
faits commis le 31 mars 1994.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirmant l'ordonnance déférée,
Juge qu'il ressort de l'information charges suffisantes contre D d'avoir, à Verdun-Sur-Garonne et dans le département de Tarn-et-Garonne, le 31 juillet 1999, soit depuis temps non couvert par la prescription: 1°) volontairement donné la mort à M.A, avec cette circonstance que le meurtre a été commis avec préméditation, 2°) tenté de donner volontairement la mort à M.B, ladite tentative, manifestée par un commencement d'exécution, en l'espèce les blessures par arme à feu infligées à la victime, n'ayant manqué son effet qu'en raison d'une circonstance indépendante de la volonté de l'auteur, en l'espèce l'efficacité des secours, avec cette circonstance que la tentative de meurtre a été commise avec préméditation, et ainsi commis les crimes d'assassinat et tentative d'assassinat, prévus et réprimés par les articles 121-4, 121-5, 221-1, 221-3, 221-8 et 221-9 du code pénal;
Vu les articles 181, 183, 184, 186, 194, 197, 198, 199, 200, 210, 211, 214, 215, 215-2, 216, 217 et 218 du code de procédure pénale;
Ordonne la mise en accusation de D devant la Cour d'Assises de Tarn-et-Garonne ;
ORDONNANCE DE PRISE DE CORPS
Ordonne que, par tout agent de la force publique, le nommé : Monsieur D actuellement détenu à la maison d'arrêt de Montauban sous mandat de dépôt du 3 août 1999, sera pris de corps, conduit à la maison d'arrêt près la Cour d'Assises de Tarn-et-Garonne et écroué ;
Ordonne que le présent arrêt sera exécuté à la diligence de Monsieur le Procureur Général.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Numéro d'arrêt : 2001/00797
Date de la décision : 26/07/2001

Analyses

HOMICIDE VOLONTAIRECirconstances aggravantes - Préméditation - Définition

La réitération de menaces de mort, peu avant les faits, certaines même sur support matériel, l'intrusion de l'auteur, à la nuit tombée, dans la demeure de la victime moins d'une heure après une communication téléphonique au cours de laquelle il avait été fermement éconduit, la présence enfin de deux armes meurtrières dans son véhicule, dont principalement une arme à feu chargée et armée, ont été retenues comme de nature à caractériser des charges suffisantes d'avoir, avant de venir, conçu le dessein de donner la mort à la victime, nonobstant la circonstance que l'auteur ait dans un premier temps pénétré dans la maison sans arme


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : - Rapporteur : - Avocat général :

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2001-07-26;2001.00797 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award