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05/06/2001 | FRANCE | N°2001/00598

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 05 juin 2001, 2001/00598


ARRET DU 5 JUIN 2OO1

N co

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION

A L'AUDIENCE DU CINQ JUIN DEUX MILLE UN LA COUR D'APPEL DE TOULOUSE, CHAMBRE DE L'INSTRUCTION, siégeant en CHAMBRE du CONSEIL, a rendu l'arrêt suivant : COMPOSITION DE LA COUR lors des débats, du délibéré et du prononcé de l'arrêt : PRESIDENT : Monsieur BELLEMER X... : Monsieur COLENO et Madame GIROT, conseillers tous trois désignés conformément à l'article 191 du Code de Procédure Pénale GREFFIER : Madame Y... assistée de Madame Elisabeth BERTRAND, greffier stagiaire, MIN

ISTERE PUBLIC : représenté aux débats et au prononcé de l'arrêt par Monsieur Z... subs...

ARRET DU 5 JUIN 2OO1

N co

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION

A L'AUDIENCE DU CINQ JUIN DEUX MILLE UN LA COUR D'APPEL DE TOULOUSE, CHAMBRE DE L'INSTRUCTION, siégeant en CHAMBRE du CONSEIL, a rendu l'arrêt suivant : COMPOSITION DE LA COUR lors des débats, du délibéré et du prononcé de l'arrêt : PRESIDENT : Monsieur BELLEMER X... : Monsieur COLENO et Madame GIROT, conseillers tous trois désignés conformément à l'article 191 du Code de Procédure Pénale GREFFIER : Madame Y... assistée de Madame Elisabeth BERTRAND, greffier stagiaire, MINISTERE PUBLIC : représenté aux débats et au prononcé de l'arrêt par Monsieur Z... substitut général

Vu l'information suivie contre, Monsieur A A... pour avocats Me DUBLANCHE, 23 rue Lafayette à TOULOUSE (31000) - Me CATALA, HOTEL DU VIEUX RAISIN 36, rue du Languedoc à TOULOUSE (31000) Monsieur B B... à la Maison d'arrêt de TOULOUSE A... pour avocats Me LAFONT DE SENTENAC, 18 rue Lafayette à TOULOUSE (31000) - Me DE CAUNES, 20, rue du Languedoc TOULOUSE (31000) Monsieur C A... pour avocat Me DESARNAUTS, 7, place de la Trinité à TOULOUSE (31000) Monsieur D A... pour avocat Me VINCENTI, 42, rue des Filatiers à TOULOUSE (31000) Monsieur E A... pour avocats Me SIMON, 76 allées de Barcelone à TOULOUSE (31000) - Me RUFF, 42, rue des Filatiers à TOULOUSE (31000) des chefs de trafic d'influence, abus de biens sociaux et recel,

VU l'appel interjeté le 26 Février 2001, dans les formes et délais légaux, par le procureur de la République, de l'ordonnance de refus de restitution du 22 Février 2001 ;

VU la notification de la date de l'audience faite conformément aux dispositions de l'article 197 du Code de Procédure Pénale le 6 Mars 2OO1,

VU le réquisitoire écrit et signé de Monsieur le Procureur Général en date du 16 Mars 2OO1,

Pendant le délai prévu par la loi, le dossier de la procédure a été déposé au greffe de la chambre de L'Instruction et tenu à la disposition des avocats des parties ;

La cause a été appelée à l'audience du 27 Mars 2001 à laquelle les débats ont lieu en Chambre du Conseil;

Monsieur COLENO, Conseiller, a fait le rapport,

et Monsieur Z..., substitut général ont été entendus en leurs observations sommaires ;

Maître FORTABAT-LABATUT du barreau de PARIS pour Monsieur C..., partie civile,

Maître FORGET loco Maître DE CAUNES pour M.B,

Maître LAFONT de SENTENAC pour M.B,

Maître DESARNAUTS pour M.C ,

Les avocats des mis en examen ont eu la parole en dernier,

Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience du 26 Avril 2OO1 prorogé au 5 Juin 2OO1,

Et, ce jour, CINQ JUIN Deux Mille Un, la Chambre de l'Instruction, a rendu en Chambre du Conseil, son arrêt comme suit après avoir délibéré conformément à la Loi, hors la présence du Minist re Public et du Greffier.

Vu les articles 99. 186. 194. 197. 198. 199. 200. 216 et 217 du Code de Procédure Pénale.

Attendu que dans le cadre d'une information ouverte le 20 octobre 2000 contre M.A des chefs de trafic d'influence, abus de biens sociaux, abus de confiance, délit de malversation, recel, escroquerie, falsification de chèques et usage, le juge d'instruction saisi de la procédure a, le 26 janvier 2001, dressé procès-verbal de réception de pièces (D.167), en l'occurrence d'une lettre anonyme en double exemplaire intitulée " Monsieur le Juge", parvenue au secrétariat commun de l'instruction et reçue à son cabinet le 17 janvier 2001, prétendant dénoncer un pacte de corruption qui aurait été conclu en novembre 1992 entre diverses personnes dont M.A, et suivi d'un paiement de trois millions de Francs en Suisse au profit de celui-ci, en vue de la reprise d'une affaire Y en procédure collective pour le prix de 10 millions de Francs alors qu'elle avait 200 millions de Francs d'actifs;

qu'il était précisé dans ce procès-verbal qu'un exemplaire de la lettre anonyme était adressé au Procureur de la République à toutes fins utiles, et l'autre versé au dossier de l'information;

Attendu que cette lettre contient notamment diverses imputations diffamatoires l'égard d'un magistrat du Parquet de Toulouse nommément désigné;

Attendu que, par réquisitions du 13 février 2001, libellées aux fins de restitution de pièces (D.235), le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de Toulouse a requis du juge d'instruction transmission pour attribution du document annexé à la procédure, considéré comme échappant à la saisine puisque concernant des faits de 1992 alors que l'information ne concernait que des infractions commises depuis 1995;

Attendu que par une ordonnance du 22 février 2001 intitulée "refus de restitution" (D.236), le juge d'instruction a refusé de faire droit à ces réquisitions aux motifs d'une part qu'il s'agissait d'un document adressé au juge d'instruction et non au Parquet, d'autre part qu'il n'évoquait pas des faits nouveaux au sens de l'article 80 du code de procédure pénale, enfin que le juge d'instruction a la possibilité d'évoquer des faits antérieurs à la période de sa saisine pour éclairer des infractions qui ont pris naissance dans des affaires se déroulant sur plusieurs années;

Attendu que le Procureur Général requiert réformation de la décision déférée, qui doit s'analyser juridiquement en un refus de faire droit à des réquisitions et non un refus de restitution, et retrait de la pièce en litige, laquelle ne peut se rattacher à la procédure, même supplétivement, et aurait dû être transmise intégralement au Procureur de la République;

Attendu que, hors le conseil de M.X qui conclut à la confirmation de

la décision entreprise, les parties représentées déclarent s'en rapporter à l'appréciation de la Cour; MOTIFS DE LA DECISION

Attendu qu'aux termes de l'article 80 du code de procédure pénale, le juge d'instruction ne peut informer qu'en vertu d'un réquisitoire du Procureur de la République (alinéa 1), et lorsque des faits, non visés au réquisitoire, sont portés à la connaissance du juge d'instruction, celui-ci doit immédiatement communiquer au Procureur de la République les plaintes ou les procès-verbaux qui les constatent; le Procureur de la République peut alors soit requérir du juge d'instruction, par réquisitoire supplétif, qu'il informe sur ces nouveaux faits, soit requérir l'ouverture d'une information distincte, soit saisir la juridiction de jugement, soit ordonner une enquête, soit décider d'un classement sans suite ... (alinéa 3);

Attendu que le procès-verbal de réception de pièces contient en réalité deux opérations distinctes:

- le constat de la réception de lettres anonymes;

- le versement d'un exemplaire de celles-ci au dossier de l'information;

Attendu que le constat de la réception et le procès-verbal qui le rapporte entrent certainement dans les attributions du juge d'instruction qui en est le destinataire, assisté de son greffier;

Attendu que le versement d'une pièce dans un dossier d'instruction au motif que celle-ci est utile à la manifestation de la vérité entre également dans les pouvoirs que le juge d'instruction tire des

dispositions de l'article 81 du code de procédure pénale;

Attendu qu'en l'espèce, le juge d'instruction a motivé le versement de la pièce litigieuse au dossier par son utilité pour la manifestation de la vérité "dans la mesure où elle fait état de faits dont (il est) saisi", ce qui est précisément critiqué par le Ministère Public;

que dans l'ordonnance déférée, le juge d'instruction a du reste rappelé qu'en cas de survenance de faits nouveaux, il aurait été fait application des dispositions de l'article 80 alinéa 3 du code de procédure pénale;

Attendu que c'est donc sur l'étendue de la saisine in rem, déterminante du sort qui devait être réservé aux lettres anonymes litigieuses, que le juge d'instruction et le Procureur de la République sont en désaccord ;

Attendu que la saisine in rem est déterminée par le réquisitoire introductif et les réquisitoires supplétifs établis par le Procureur de la République, éclairés par le contenu des pièces qui leur sont jointes;

Attendu que l'examen de la procédure d'instruction suivie contre M.A fait ressortir que le juge d'instruction a été saisi successivement :

1°) par réquisitoire introductif (D.5) contre C... des chefs "de trafic d'influence, abus de biens sociaux courant 1999 et 2000", au vu de divers documents concernant l'affaire Z ainsi qu'une lettre anonyme

concernant la société G;

2°) par réquisitoire supplétif (D.8) contre M.A du chef "d'abus de confiance au préjudice de Z et autres victimes à identifier depuis temps non prescrit", en référence à des documents concernant l'affaire Z mais également l'aveu fait par M.A devant le juge commissaire du Tribunal de Grande Instance d'Auch de comportements identiques dans de nombreux dossiers en cours ou passés dans lesquels il est intervenu en qualité d'administrateur, c'est-à-dire de perception indue, au préjudice des sociétés en redressement judiciaire et des créanciers, de sommes créditées sur son compte personnel à titre de provision sur honoraires;

3°) par réquisitoire supplétif (D.56) contre M.A, des chefs, "depuis 1995 et temps non prescrit, de:

* malversations au préjudice de Z, G et autres à identifier,

* acquisition pour son compte des biens des débiteurs, au préjudice de H-I et autres à identifier;

* recel d'abus de biens sociaux commis par des cessionnaires, faits visant des commissions occultes versées à l'occasion des cessions dans les affaires G et autres;

* escroqueries par utilisation de l'identité A pour l'ouverture de comptes bancaires,

* falsification et usage de chèques falsifiés A";

que cette saisine s'appuie sur les pièces de la commission rogatoire alors exécutée, parmi lesquelles les auditions de M.A et des membres de son personnel;

4°) par réquisitoire supplétif (D.77/1) contre B et autres du chef de blanchiment aggravé;

5°) par réquisitoire supplétif (D.138/1) contre E et C du chef de complicité d'abus de biens sociaux par acquisition du capital de H-I avec M.A;

6°) par réquisitoire supplétif (D.206/1) contre D des chefs de faux en écriture de banque, courant 1999 et 2000, blanchiment de 577.000 Francs détournés par M.A courant 1999 et 2000;

Attendu que, par comparaison, l'examen de la lettre litigieuse fait apparaître au moins trois infractions, celle de malversation par un administrateur judiciaire, et celles de trafic d'influence et corruption;

Attendu qu'il résulte de cet examen en premier lieu que le juge d'instruction n'est pas saisi de faits de corruption, et que les faits de trafic d'influence visés contre C... au réquisitoire introductif sont limités aux années 1999 et 2000;

que, pour être connexes au délit de malversation dont le juge d'instruction est saisi, les délits de trafic d'influence et corruption tels qu'ils sont dénoncés, infractions matériellement différentes non visées aux réquisitoires et dont les pièces jointes ne font pas la moindre mention, ne sont pas des circonstances du fait

principal et n'entrent donc pas dans la saisine limitée au fait principal;

Attendu que la saisine du chef de malversations résulte du réquisitoire supplétif du 14 novembre 2000 (D.56) délivré pour des faits commis "depuis 1995 et temps non prescrit", au préjudice de Z, G et "autres à identifier";

qu'en d'autres termes, ce réquisitoire supplétif tendrait à la saisine du juge d'instruction pour rechercher tous les faits de malversation qui auraient pu être commis par M.A et en identifier les victimes au-delà des quatre sociétés nommément désignées, et certes depuis 1995 mais également, et de la sorte plus largement, depuis temps non couvert par la prescription;

Attendu que, le juge d'instruction ne pouvant par principe être saisi par le Procureur de la République que de faits précisément déterminés et non d'infractions éventuelles, il ne peut être valablement saisi de la recherche de l'existence de faits distincts qui, bien que de la même nature et revêtant la même qualification que ceux précisément identifiés, auraient éventuellement été commis en d'autres temps et au préjudice de victimes différentes non encore connues, et procèderaient ainsi non pas de la continuité d'une même activité délictueuse mais constitueraient des infractions répétées distinctes, et dont l'existence ne résulte pas des pièces sur lesquelles le réquisitoire est fondé;

que, contrairement aux faits de prélèvements indus de provisions sur honoraires objet du réquisitoire introductif pour lesquels il résultait de l'aveu même de M.A devant le juge commissaire qu'il

s'agissait chez lui d'une pratique habituelle dans de nombreux dossiers, les pièces déterminant la saisine du chef de malversations ne tendent pas à faire soupçonner précisément l'existence de tels faits distincts, M.A ayant détaillé, dans son audition du 14 novembre 2000 à 9 heures (D.49) qui est la seule pièce précise sur ce point, les dossiers dans lesquels il avait perçu des rémunérations occultes de cessionnaires, lesquels sont repris en détail dans le réquisitoire supplétif;

qu'il s'ensuit que le réquisitoire supplétif du chef de malversations, en ce qu'il vise des malversations au préjudice d'"autres victimes à identifier", n'a pas valablement saisi le juge d'instruction au-delà des quatre sociétés précisément nommées;

Attendu que spécialement, les faits de malversation qui auraient été commis dans le cadre de la procédure collective Z ne sont pas visés dans le réquisitoire supplétif ni ne ressortent des pièces qui lui sont jointes;

Attendu que, s'agissant ainsi de faits dont il n'était pas valablement saisi ou pas saisi, le juge d'instruction avait l'obligation, en application des dispositions de l'article 80 alinéa 3 du code de procédure pénale, de communiquer les lettres au Procureur de la République avec son procès-verbal emportant constat de réception, au besoin après avoir sollicité sommairement les explications de M.A comme il l'a fait, et avec le procès-verbal contenant ces explications;

que cette obligation excluait qu'il procédât au versement de ces pièces au dossier de l'information dont il était saisi;

que c'est en conséquence à bon droit que le retrait de la pièce et sa transmission au Procureur de la République étaient demandées;

que l'ordonnance déférée, à bon droit critiquée, doit être infirmée; PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Déclare l'appel recevable en la forme;

Au fond, infirme l'ordonnance déférée;

Ordonne le renvoi de la procédure à Monsieur Laurent Nion, Juge d'Instruction, afin de poursuivre l'information;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour d'Appel de TOULOUSE, Chambre de l'Instruction, en son audience en Chambre du Conseil, tenue au Palais de Justice de ladite ville les jour, mois et an sus-dits.

Le présent arrêt est signé par le Président et le Greffier

LE GREFFIER:

LE PRESIDENT: Le Greffier certifie que le présent arrêt a été porté à la connaissance des parties et de leurs avocats conformément aux dispositions de l'article 217 du Code de Procédure Pénale (récépissés joints au dossier).

LE GREFFIER:


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Numéro d'arrêt : 2001/00598
Date de la décision : 05/06/2001

Analyses

INSTRUCTION - Saisine - Etendue - Réquisitoire introductif

C'est le réquisitoire introductif qui détermine la saisine du juge d'instruction, à la lueur des pièces qui lui sont jointes. Le juge d'instruction ne pouvant par principe être saisi par le procureur de la République que de faits précisément déterminés et non d'infractions éventuelles, il ne peut être valablement saisi de la recherche de l'existence de faits distincts qui, bien que de la même nature et revêtant la même qualification que ceux déjà précisément identifiés, auraient éventuellement été commis en d'autres temps et au préjudice de victimes différentes non encore connues, et procèderaient ainsi non pas de la continuité de la même activité délictueuse mais constitueraient des infractions répétées distinctes dont l'existence ne résulte pas des pièces sur lesquelles le réquisitoire est fondé. Il s'ensuit qu'un tel réquisitoire supplétif n'a pas valablement saisi le juge d'instruction


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2001-06-05;2001.00598 ?
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