DU 9 MAI 2001 ARRET N°234 Répertoire N° 2000/01140 Première Chambre Première Section RM/EKM 07/12/1999 TGI FOIX RG : 199901138 (M. X...) A.C.C.A. A S.C.P BOYER LESCAT MERLE C/ M. Y... S.C.P. Y... Z...- O.PASSERA REFORMATION GROSSE DELIVREE LE A COUR D'APPEL DE TOULOUSE REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Arrêt de la Première Chambre, Première Section Prononcé: A l'audience publique du neuf mai deux mille un, par H. MAS, président, assisté de E. KAIM-MARTIN, greffier. Composition de la cour lors des débats et du délibéré: Président :
H. MAS Conseillers :
R. METTAS
M. ZAVARO A... lors des débats: E. KAIM-MARTIN Débats: A l'audience publique du 12 Mars 2001. La date à laquelle l'arrêt serait rendu a été communiquée. Avant l'ouverture des débats, les parties ont été informées des noms des magistrats composant la cour. Nature de l'arrêt : contradictoire APPELANTE A.C.C.A A Représentée par M. Vincent B..., en qualité de président en exercice C... pour avoué la S.C.P BOYER LESCAT MERLE C... pour avocat Maître LAGIER du barreau de Lyon INTIME Monsieur Y... C... pour avoué la S.C.P. Y... Z...- O.PASSERA C... pour avocat Maître DEDIEU du barreau de Foix
FAITS, PROCEDURE,
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Monsieur Y... et Mme Y..., son épouse, ont acquis, par acte du 8 octobre 1996 reçu par M° MAURENS, notaire, de la société d'aménagement foncier et d'établissement rural de Gascogne Haut Languedoc une propriété agricole de 52 ha (Ariège).
Le 26 septembre 1996, M. Y... avait formé opposition au droit de chasse sur cette propriété.
Le 12 avril 1999, le directeur départemental de l'agriculture et de la for t écrivait ne pouvoir donner suite à sa demande formée alors qu'à la date limite de préavis pour un retrait de terrains au 27 septembre 1998 il n'était pas effectivement propriétaire et lui rappelait la date limite à laquelle il pourrait reformuler une telle demande.
M. Y..., qui avait donné à bail avec droit de chasse, moyennant 3.OOO francs par an, sa propriété le 28 septembre 1998, a été autorisé à assigner à jour fixe l'ACCA A le 2O octobre 1999 pour faire défense aux membres de l'ACCA A de chasser sur sa propriété en faisant valoir que l'ACCA A avait bien constaté le retrait de ses terres dès le 7 septembre 1998 et en arguant d'un arrêt de la Cour Européenne des Droits de l'Homme en date du 29 avril 1999.
Par jugement du 7 décembre 1999, le tribunal de grande instance de Foix a fait défense à l'ACCA et à ses membres de chasser sur la propriété de M. Y... moyennant une astreinte, avec exécution provisoire, l'ACCA devant 3.OOO francs au titre de l'article 7OO du nouveau code de procédure civile à M. Y...
L'ACCA A qui a relevé appel, demande dans ses conclusions du 5 décembre 2OOO, de déclarer l'action de M. Y... irrecevable comme présentée devant une juridiction incompétente et de débouter M. Y... de ses demandes et de le condamner aux dépens et au paiement de 5.OOO francs au titre de l'article 7OO du nouveau code de procédure civile. Elle observe que son territoire est fixé par arrêté préfectoral ; que l'unique décision dans cette procédure tient dans la lettre du Préfet du 12 avril 1999 qui est un acte administratif et que M. Y... ne pouvait se prévaloir de sa qualité de propriétaire au 27 septembre 1996.
Elle ajoute que M.B n'a fondé sa requête au tribunal sur aucun des
textes de la Convention Européenne des Droits de l'Homme et de ses protocoles avec précision et que l'invocation de l'arrêt du 29 avril 1999 était insuffisante.
Au fond, elle fait valoir que cet arrêt ne peut s'appliquer à M. Y... qui ne se prévaut pas de convictions contraires à l'exercice de la chasse et qui ne peut donc invoquer les violations de l'article 1° du protocole n° 1 seul ou combiné avec l'article 14 de la Convention ni de l'article 11 seul ou combiné avec ce même article 14, ni de l'article 9 de la Convention.
Elle dit que la C.E.D.H. a bien reconnu l'intérêt général de la législation française et que le législateur a modifié, en adoptant la loi du 26 juillet 2OOO, la loi de 1964 pour la mettre en conformité avec la jurisprudence de la C.E.D.H.
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Monsieur Y..., intimé, conclut à la confirmation au visa de l'arrêt susdit, des articles 11- 14 et 1° du Protocole n° 1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, de l'article 33 de la loi du 9 juillet 1991 sur l'astreinte, en réclamant 8.OOO francs supplémentaires au titre de l'article 7OO du nouveau code de procédure civile.
Il dit que son action, qui ne constitue pas une action en annulation de la décision de la D.D.A.F. en date du 12 avril 1999 mais qui vise à faire cesser des atteintes illégitimes à sa propriété, est recevable.
Il prétend que l'ACCA a, le 7 septembre 1998, pris une délibération constatant le retrait de ses terres de son territoire.
Il soutient que l'arrêt de la C.E.D.H. s'applique bien à sa situation puisqu'il sanctionne l'atteinte illégitime causée par la loi "Verdeille" à la liberté de conscience, aux droits de propriété.
Il dit que l'exercice de ses prérogatives de propriétaire acceptées par l'ACCA prive de toute portée la position de la D.D.A.F.
Il observe que la loi "Verdeille" porte atteinte au droit de propriété ; qu'elle ne préserve pas ses intérêts qui sont de limiter l'action de chasse de l'ACCA à certaines parcelles de sa propriété sans avoir à réaliser des travaux de clôture dispendieux et qui sont d'obtenir une contrepartie financière à la location de ses terres. Il dit qu'il y a système discriminatoire.
MOTIFS DE LA DECISION :
Attendu que M. Y... qui fonde sa demande sur une délibération de l'ACCA est fondé à agir devant les juridictions de l'ordre judiciaire, les ACCA étant des associations de statut de droit privé ;
Attendu que M. Y... qui a assigné l'ACCA pour qu'il soit fait défense à ses membres, de chasser sur sa propriété en se référant à la convention et à l'arrêt du 29 avril de la Cour Européenne des Droits de l'Homme a suffisamment satisfait à l'obligation de préciser sa demande ;
Attendu que l'article L 222-17 du code rural applicable à l'époque des faits impose au propriétaire ou détenteur du droit de chasse d'un terrain d'une superficie le lui permettant qui désire se retirer de l'ACCA de le faire à l'expiration de chaque période de six ans avec un préavis de deux ans ;
Attendu qu'il est constant que le droit exercé par M. Y... le 26 septembre 1996 est le droit de retrait et que le préavis s'achevait au 28 septembre 1996 ;
Attendu que M. Y... qui ne produit pas la promesse d'achat du 27 mars 1996 dont fait état la SAFER dans un courrier et qui justifie seulement de ce qu'il y a eu acte authentique de vente signé le 8 octobre 1996 était sans droit, au 26 septembre 1996, pour exercer le
droit de retrait ;
Attendu que par ailleurs M. Y... n'établit pas, par les attestations qu'il produit, qui font état de ce qu'il a été déclaré au cours de l'assemblée générale de l'ACCA du 7 septembre 1998 que la propriété était retirée, que cela procédait d'une délibération de l'ACCA ou que l'information donnée avait été effectivement acceptée par l'association ;
Attendu que l'arrêt de la CEDH a été rend, sur saisine de la Commission, dans trois affaires où dix requérants ressortissants de l'Etat français, ayant en commun leur opposition à la chasse pour des raisons éthiques, avaient saisi la Commission à la suite de décisions émanant de juridictions des ordres judiciaire ou administratif, ayant écarté leurs contestations sur leur obligation de faire apport de leurs terres à l'ACCA dès lors qu'ils détenaient moins de 2O ha d'un seul tenant ;
Attendu que la décision rendue par la CEDH, qui a statué sur "le point de savoir si les faits de la cause révèlent un manquement de l'Etat défendeur aux exigences des articles 9, 11 et 14 de la Convention et 1 du protocole n° 1" (pont 1 de son arrêt), ne peut, par conséquent, être transposée aux contestations de M. Y... qui a loué son droit de chasse n'étant pas opposant à la chasse au nom de convictions personnelles ;
Attendu que la loi "Verdeille" du 1O juillet 1964 a permis le regroupement de territoires de chasse à l'échelle communale en ACCA ou AICA, soit de manière impérative, soit sur décision d'une majorité au sein du département ; qu'elle a pour objet de "favoriser sur leur territoire le développement du gibier et la destruction des animaux nuisibles, la répression du braconnage, l'éducation cynégétique de leurs membres dans le respect des propriétés et des récoltes et, en général, d'assurer une meilleure organisation technique de la chasse
pour permettre aux chasseurs un meilleur exercice de ce sport" ;
Attendu que cette loi est donc conforme aux droits reconnus aux Etats à l'article 1° du protocole additionnel n° 1 de réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général et qu'elle poursuit un but légitime ;
Attendu que la loi en vigueur ne constitue aucune atteinte au droit de propriété de M. Y... puisque disposant de terrains d'une surface continue supérieure à 2O ha il est en droit de s'opposer, dans les conditions prévues par la loi et sans avoir à créer une clôture imposante, à l'exercice du droit de chasse sur son terrain (art. L 422-1O et L 422-13 du code de l'environnement) ;
Attendu que les modalités posées par la loi pour l'exercice du droit d'opposition dont bénéficie M.B se justifient par les nécessités d'une gestion rationnelle de la chasse et de protection de la faune et ne constituent aucune atteinte au droit de propriété disproportionnée par rapport au but recherché ;
Attendu que ses terrains étant régulièrement soumis à l'action de chasse de l'ACCA faute pour la SAFER alors propriétaire d'avoir exercé en temps opportun son droit d'opposition M. Y... ne peut s'opposer à l'action de chasse des membre de l'ACCA sur son terrain tant qu'il n'a pas régulièrement exercé le droit d'opposition qui lui est reconnu par la loi ;
Attendu que la décision déférée doit donc être réformée ;
Attendu que M. Y... qui succombe doit les dépens et 5.OOO francs au titre de l'article 7OO du nouveau code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
LA COUR :
Déclare l'appel de l'ACCA recevable en la forme ;
Réformant le jugement et statuant à nouveau :
Dit que l'action exercée contre l'ACCA est recevable devant les
juridictions de l'ordre judiciaire ;
Déclare que M. Y... n'était pas recevable à former opposition au droit de chasse au 26 septembre 1996 ;
Rejette les demandes de M. Y... ;
Condamne M. Y... aux dépens dont distraction au profit de la SCP BOYER-LESCAT-MERLE et au paiement de 5.OOO francs (cinq mille francs) à l'ACCA.
Le présent arrêt a été signé par le président et le greffier. LE A... :
LE PRESIDENT :