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17/04/2001 | FRANCE | N°2000/01819

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 17 avril 2001, 2000/01819


DU 17 avril 2001 ARRET N°209 Répertoire N° 2000/01819 Première Chambre Première Section MZ/CD 22/03/2000 TGI TOULOUSE RG : 199802734 (CH4) (Mme X...) Cie ASSURANCES A. VENANT AUX DROITS DE L'U. M° DE L agissant es qualité de liquidateur du Y... DE TOULOUSE SCP SOREL DESSART SOREL Y.../ Mme R Z... ép. A... S.C.P NIDECKER PRIEU M. A... Gaétano S.C.P NIDECKER PRIEU Y... 31 S.C.P CANTALOUBE FERRIEU CERRI CLINIQUE R ACTUELLEMENT CLINIQUE A S.C.P RIVES PODESTA GROSSE DELIVREE LE A

COUR D'APPEL DE TOULOUSE REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Arrêt de la Première C

hambre, Première Section Prononcé: A l'audience publique du dix sept a...

DU 17 avril 2001 ARRET N°209 Répertoire N° 2000/01819 Première Chambre Première Section MZ/CD 22/03/2000 TGI TOULOUSE RG : 199802734 (CH4) (Mme X...) Cie ASSURANCES A. VENANT AUX DROITS DE L'U. M° DE L agissant es qualité de liquidateur du Y... DE TOULOUSE SCP SOREL DESSART SOREL Y.../ Mme R Z... ép. A... S.C.P NIDECKER PRIEU M. A... Gaétano S.C.P NIDECKER PRIEU Y... 31 S.C.P CANTALOUBE FERRIEU CERRI CLINIQUE R ACTUELLEMENT CLINIQUE A S.C.P RIVES PODESTA GROSSE DELIVREE LE A

COUR D'APPEL DE TOULOUSE REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Arrêt de la Première Chambre, Première Section Prononcé: A l'audience publique du dix sept avril deux mille un, par H. MAS, président, assisté de E. KAIM MARTIN, greffier. Composition de la cour lors des débats et du délibéré: Président :

H. MAS Conseillers :

R. METTAS

M. ZAVARO B... lors des débats: E. KAIM MARTIN Débats: A l'audience publique du 12 Mars 2001 . La date à laquelle l'arrêt serait rendu a été communiquée. Avant l'ouverture des débats, les parties ont été informées des noms des magistrats composant la cour. Nature de l'arrêt : contradictoire APPELANTS COMPAGNIE ASSURANCES A VENANT AUX DROITS DE L'U. Tour Axa 30e Bois 92083 PARIS LA DEFENSE Maître DE L 24, rue du Languedoc 31000 TOULOUSE agissant es qualité de liquidateur du Y... de TOULOUSE Ayant pour avoué la S.C.P SOREL DESSART SOREL Ayant pour avocat la SCP DE CESSEAU, GLADIEFF du barreau de Toulouse INTIMES Madame R Z... épouse A... Monsieur A... Gaétano Villa La C... 65370 IZAOURT Ayant pour avoué la S.C.P NIDECKER PRIEU Ayant pour avocat Maître STERRE COMBETTES du barreau de Toulouse Y... 31 3, Boulevard Léopold Escande 31093 TOULOUSE CEDEX 09 Ayant pour avoué la S.C.P CANTALOUBE FERRIEU CERRI CLINIQUE RE ACTUELLEMENT CLINIQUE A Route de Saint Simon 31000 TOULOUSE Ayant

pour avoué la S.C.P RIVES PODESTA Ayant pour avocat Maître CHARRIER du barreau de Toulouse

FAITS ET PROCEDURE

Fin 1981, début 1982, Mme D... été hospitalisée à la clinique R à Toulouse, rattachée depuis à la clinique A , en raison d'une importante anémie pour laquelle elle a reçu une transfusion sanguine. Le 25 novembre 1985 une nouvelle hospitalisation intervenait, suivie de nouvelles transfusions sanguines.

L'état de santé de la patiente ne s'améliorant pas, M. A..., son gastro-entérologue a fait effectuer des bilans biologiques, qui ont révélé, le 12 janvier 1994, que la patiente était atteinte du virus de l'hépatite Y...

La biopsie du foie pratiquée le 18 février 1994 a révélé une hépatite chronique virale Y... avec fibrose mutilante.

Par acte du 9 juillet 1998, Mme A... a fait assigner le Y... , la SA U ainsi que la clinique A en déclaration de responsabilité et réparation des préjudices subis.

La Y... de la Haute Garonne et celle des Hautes Pyrénées ont été mises en cause en leur qualité de tiers payeur.

Par jugement du 22 mars 2000, la compagnie Assurances A , venant aux droits de la SA U a été condamnée à la réparation des préjudices subis par les époux E... par la Y... de la Haute Garonne.

La compagnie Axa Assurances a fait appel de ce jugement. MOYENS ET PRETENTIONS :

Quant à la responsabilité du Y... et au remboursement des prestations versées par la Y..., la compagnie A avance que l'origine transfusionnelle de la contamination de Mme A... est improbable, l'article 1353 du code civil imposant que les présomptions soient fondées sur des éléments objectifs vérifiables.

La compagnie A avance que les conclusions de l'expert sont contradictoires et incertaines sur l'origine transfusionnelle de la contamination.

Elle considère donc qu'il n'existe aucun élément objectif suffisamment probant, grave et précis permettant d'engager la responsabilité du Y...

Dans le cas où le jugement ne serait pas réformé, la compagne soutient que l'indemnisation accordée à la demanderesse est manifestement excessive au regard de la tendance jurisprudentielle et demande une réduction de celle-ci.

En outre, elle estime que l'octroi d'une indemnité au titre de l'article 700 du NCPC au profit des époux A... revient à nier son juste droit de défense.

La clinique A soutient que la responsabilité de la clinique ne peut pas se substituer à celle du Y... de Toulouse qui est soumis à l'obligation de livrer des produits exempts de vice sans faculté d'exonération autre que la cause étrangère, ce qui n'est pas le cas du caractère indécelable du virus de l'hépatite Y...

Elle fait valoir que l'expert considère que l'infection est due à la transfusion sanguine et non au risque nosocomial invoqué par le Y... et le groupe A, qui ne peut être envisagé que comme un facteur de la contamination.

Elle fait observer que la non communication de son dossier à la victime par la clinique ne constitue pas un dommage particulier et qu'il n'existe aucun lien de causalité entre cette absence de communication et l'affection si ce n'est la détermination des circonstances de la contamination.

En tout état de cause, elle considère que l'indemnisation pour la perte du dossier ne peut excéder 12.000 Frs.

Elle demande que les succombants soient condamnés au paiement de la

somme de 10.000 Frs en vertu de l'article 700 du NCPC.

La Y... demande que le jugement soit confirmé quant à la condamnation de la société A au paiement à son profit de la somme de 97.566,32 Frs avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de cette décision et de 2.000 Frs au titre de l'article 700 du NCPC.

Les consorts A... soutiennent que la preuve de l'origine transfusionnelle de la contamination a été rapportée par l'expertise médicale.

Ils soutiennent que la preuve de la réalité des transfusions peut être rapportée par des présomptions graves, précises et concordantes selon l'article 1353 du code civil, ce qui est le cas en l'espèce au regard des dires de l'expert et du certificat médical du docteur A...

Les consorts A... avancent que la contamination trouve son origine dans les transfusions puisque l'expert a constaté que le temps d'incubation était compatible avec une contamination en 1982 et en 1985 et que le mode de vie personnel de la patiente ne permettait pas de retenir un facteur de risque autre que la voie de la contamination d'origine transfusionnelle.

Ils estiment que le caractère indécelable du virus de l'hépatite Y... n'est pas une cause étrangère à l'organisme fournisseur permettant de l'exonérer.

Mme A... demande la confirmation du jugement quant à l'évaluation du préjudice de contamination à 700.000 Frs, l'attribution d'une somme de 54.000 Frs au titre de préjudice économique du fait de son indisponibilité partielle.

M. A... demande l'indemnisation de son préjudice moral à hauteur de 100.000 Frs et la confirmation de l'octroi de 10.000 Frs au titre de l'article 700 du NCPC.

Les consorts A... estiment qu'en cas de débouté de ses demandes, la Clinique A doit être condamnée à les indemniser des sommes demandées

à l'encontre du Y... .

Ils demandent qu'A soit condamnée à payer la somme de 10.000 Frs au titre de l'article 700 du NCPC et aux entiers dépens. MOTIFS DE LA DECISION : Sur la responsabilité du Y... :

Les organismes de transfusion sanguine sont tenus de fournir des produits exempts de vice, mais il appartient à celui qui impute l'origine de sa contamination à des produits sanguins d'en rapporter la preuve, laquelle peut être établie par des présomptions graves, précises et concordantes.

L'expert indique dans son rapport qu'il n'est pas possible d'établir scientifiquement une contamination d'origine transfusionnelle mais il retient la possibilité d'imputer cette contamination à une transfusion, "compte tenu de la chronologie des faits et de l'absence de facteurs de risques potentiellement contaminants eu égard au mode de vie de Mme A... ".

Cependant il mentionne ne pas avoir été en mesure de vérifier la réalité même des transfusions compte tenu de l'absence d'archives médicales du fait de nombreux sinistres dont la clinique Ambroise Paré a été victime entre 1992 et 1994. Par ailleurs, faute des éléments d'identification des lots éventuellement transfusés, aucune enquête n'a pu être diligentée. L'origine et la nature des produits éventuellement transfusés sont donc ignorés.

Dans ce contexte il est impossible de retenir qu'il existe des présomptions graves, précises et concordantes permettant d'imputer à des transfusions probables mais non certaines, surtout en l'absence de toute enquête concernant ces produits, de nature à mettre en évidence une possibilité de contamination des produits éventuellement transfusés.

Il convient donc d'infirmer le jugement déféré et de débouter M. et Mme A... de leurs demandes présentées à l'encontre de la compagnie A.

Sur la responsabilité de la clinique :

La perte des archives conservées par la clinique R constitue un fait fautif imputable à la clinique.

Celle-ci ne conteste pas ce point, mais soutient qu'il n'est pas à l'origine de la contamination. Cela n'est pas discutable, cependant ce fait a privé Mme A... de la possibilité, de démontrer de façon certaine qu'elle avait bien bénéficié de transfusions sanguines au cours des opérations et, à travers une enquête transfusionnelle qui n'a pu être conduite, d'établir qu'un ou plusieurs donneurs étaient éventuellement eux-mêmes contaminés par le virus de l'hépatite Y...

Cette situation entraîne directement une perte de chance d'être indemnisé par le Y... et son assureur. Compte tenu du haut niveau de probabilité d'existence de transfusions ainsi que de l'importance du risque transfusionnel dans la contamination par le VHC, il convient de considérer que cette perte de chance correspond à 80 % des possibilités d'obtenir une indemnisation.

La clinique A doit donc être condamnée à indemniser le préjudice subi par M. et Mme A... dans cette proportion. Sur le préjudice :

* Préjudice subi par Mme A... :

- Préjudice soumis au recours de l'organisme social :

° Débours de la Y... :

La Y... de la Haute Garonne a engagés des frais médicaux et pharmaceutiques à hauteur de 70.173,19 Frs ainsi que des frais futurs mais certains à hauteur de 27.393,13 Frs. Il convient donc de retenir les débours de l'organisme social pour un montant global de 97.566,32 Frs.

° Incapacité temporaire partielle :

L'expert retient une ITP d'un taux de 25 %. Cette situation dure depuis 1994, soit 6 années indemnisable. Il convient de retenir de ce chef 25 % d'une somme mensuelle de 3.000 Frs pour les difficultés rencontrées dans tous les actes de la vie courante, pendant 72 mois, soit 54.000 Frs.

Le préjudice soumis au recours des organismes sociaux doit donc être évalué globalement à 151.566,32 Frs, dont 80 % à la charge de la clinique, soit 121.253,05 Frs.

Il convient donc d'allouer à la Y... de la Haute Garonne une somme de 97.566,32 Frs et à Mme A... une somme de 23.686,73 Frs.

- Préjudice purement personnel :

Le préjudice purement personnel de Mme A... comprend l'indemnisation des souffrances (4/7), un préjudice esthétique et des souffrances morales. Il a été globalement évalué par le jugement déféré à la somme de 700.000 Frs.

Mme A... demande la confirmation de cette évaluation. La clinique A conclut à une indemnisation globale d'un montant de 95.000 Frs.

Il apparaît cependant que Mme A... est atteinte d'une asthénie intense et permanente, avec des nausées très importantes, des douleurs abdominales et des troubles digestifs permanents. Elle a débuté un traitement par interferon sans résultat satisfaisant, stoppé pour mauvaise tolérance. Elle a été contrainte d'abandonner ses activités professionnelles et présente des troubles psychiques et physiques marqués. Elle est en outre angoissée par les risques d'évolution de son affection et a présenté un état anxio-dépressif important en 1994. L'expert relève en outre que la maladie a évolué défavorablement.

Au vu de l'ensemble de ces données, il convient de retenir un préjudice purement personnel à hauteur d'une somme globale de 700.000 Frs, dont 80 % seront à la charge de la clinique soit 560.000 Frs.

Compte tenu de ce qui précède, il convient de condamner la clinique A à payer à Mme A... une somme globale de 583.686,73 Frs.

* Préjudice de M. A... :

Le fait dommageable a causé à M. A... un préjudice moral personnel, direct et certain du fait de la l'état de santé présenté par son épouse, avec ses incidences psychologiques et comportementales qui ont nécessité et nécessiteront une aide et un soutien attentif.

Le jugement déféré a donc justement évalué ce chef de préjudice à 100.000 Frs. Il convient en conséquence de condamner la clinique A à payer à M. A... une somme de 80.000 Frs. Sur les frais irrépétibles :

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. et Mme A... ainsi que de la Y... de la Haute Garonne l'intégralité des frais non compris dans les dépens exposés en appel et il convient d'allouer à ce titre une somme de 10.000 Frs à M. et Mme A... et à la Y... de la Haute Garonne une somme de 2.000 Frs.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

infirme le jugement déféré,

déboute M. et Mme A... de leurs demandes à l'encontre de la compagnie Assurances A ,

dit que la clinique R, actuellement clinique A est responsable d'une perte de chance d'indemnisation du préjudice causé par sa contamination par le VHC à hauteur de 80 %,

la condamne à ce titre à payer :

- à la Y... de la Haute Garonne une somme de 97.566,32 Frs,

- à Mme A... une somme de 583.686,73 Frs,

- à M. A... une somme de 80.000 Frs,

la condamne en outre à payer à M. et Mme A... une somme de 10.000 Frs et à la Y... de la Haute Garonne une somme de 2.000 Frs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

la condamne enfin aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. LE PRESIDENT ET LE B... ONT SIGNE LA MINUTE. LE B...

LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Numéro d'arrêt : 2000/01819
Date de la décision : 17/04/2001

Analyses

SANTE PUBLIQUE - Transfusions sanguines - Virus de l'hépatite C - Contamination - Origine - Preuve

Les organismes de transfusion sanguine sont tenus de fournir des produits exempts de vice, mais il appartient à celui qui impute l'origine de sa contamination à des produits sanguins d'en rapporter la preuve, laquelle peut être établie par des présomptions graves, précises et concordantes


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2001-04-17;2000.01819 ?
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