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17/04/2001 | FRANCE | N°2000/01626

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 17 avril 2001, 2000/01626


DU 17 AVRIL 2001 ARRET N°204 Répertoire N° 2000/01626 Première Chambre Première Section MZ/CD 22/03/2000 TGI TOULOUSE RG : 199801722 (CH4) (Mme X...) ASSURANCES Y... VENANT AUX DROITS DE L'U S.C.P SOREL DESSART SOREL Me DE LOTH, mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire du CRTS de Toulouse S.C.P SOREL DESSART SOREL C/ Z... Valérie A... B... S.C.P MALET C.P.A.M. DE LA HAUTE GARONNE S.C.P CANTALOUBE FERRIEU CERRI AGENCE DES MUTUELLES INTERPROFESSIONNELLES Assignée PYRENEES ATLANTIQUE MUTUALITE Assignée CONFIRMATION PARTIELLE GROSSE DELIVREE LE Y...

COUR D'APPEL DE TOULOU

SE REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Arrêt de ...

DU 17 AVRIL 2001 ARRET N°204 Répertoire N° 2000/01626 Première Chambre Première Section MZ/CD 22/03/2000 TGI TOULOUSE RG : 199801722 (CH4) (Mme X...) ASSURANCES Y... VENANT AUX DROITS DE L'U S.C.P SOREL DESSART SOREL Me DE LOTH, mandataire liquidateur de la liquidation judiciaire du CRTS de Toulouse S.C.P SOREL DESSART SOREL C/ Z... Valérie A... B... S.C.P MALET C.P.A.M. DE LA HAUTE GARONNE S.C.P CANTALOUBE FERRIEU CERRI AGENCE DES MUTUELLES INTERPROFESSIONNELLES Assignée PYRENEES ATLANTIQUE MUTUALITE Assignée CONFIRMATION PARTIELLE GROSSE DELIVREE LE Y...

COUR D'APPEL DE TOULOUSE REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Arrêt de la Première Chambre, Première Section Prononcé: Y... l'audience publique du Dix sept avril deux mille un, par H. MAS, président, assisté de E. KAIM MARTIN, greffier. Composition de la cour lors des débats et du délibéré: Président :

H. MAS Conseillers :

R. METTAS

Z... ZAVARO C... lors des débats: E. KAIM MARTIN Débats: Y... l'audience publique du 12 Mars 2001. La date à laquelle l'arrêt serait rendu a été communiquée. Avant l'ouverture des débats, les parties ont été informées des noms des magistrats composant la cour. Nature de l'arrêt : réputé contradictoire APPELANTS ASSURANCES Y... VENANT AUX DROITS DE L'U D... pour avoué la S.C.P SOREL DESSART SOREL D... pour avocat la SCP DE CESSEAU, GLADIEFF du barreau de Toulouse MAITRE DE LOTH 24 Rue du Languedoc 31000 TOULOUSE CEDEX mandataire liquidateur du centre régional de Transfusion Sanguine de Toulouse D... pour avoué la S.C.P SOREL DESSART SOREL D... pour avocat la SCP DE CESSEAU, GLADIEFF du barreau de Toulouse INTIMES Mademoiselle Z... Valérie D... pour avoué la S.C.P MALET D... pour avocat Maître LEVY Jacques du barreau de Toulouse Madame A... B...

D... pour avoué la S.C.P MALET D... pour avocat Maître LEVY Jacques du barreau de Toulouse C.P.A.M. DE LA HAUTE GARONNE D... pour avoué la S.C.P CANTALOUBE FERRIEU CERRI AGENCE DES MUTUELLES INTERPROFESSIONNELLES Assignée PYRENEES ATLANTIQUE MUTUALITE Assignée *********

FAITS ET PROCEDURE :

Y... la suite d'un grave accident de la circulation intervenu le 24 janvier 1988, Mlle Z... a reçu plusieurs transfusions avec des produits sanguins délivrés par le Centre Régional de Transfusion Sanguine de Toulouse.

L'enquête transfusionnelle réalisée par le CRTS à la demande de Mlle Z... a établi qu'un donneur de lots dont elle avait été transfusée portait le virus VHC. Sa séropositivité s'est révélée le 7 octobre 1995.

Par actes d'huissier en date des 20 et 21 avril 1998, Mlle Z... et sa mère Mme A... ont fait assigner Me De Loth en sa qualité de mandataire liquidateur du CRTS et son assureur la compagnie Y... en déclaration de responsabilité et réparation de leurs préjudices au regard du rapport d'expertise de Z... E....

La CPAM a été appelée en cause par acte du 20 avril 1998 de même que l'Agence des Mutuelles Interprofessionnelles et Pyrénées Atlantiques Mutualité, les 21 et 22 avril 1998, mais ces dernières n'ont pas constitué avocats.

Par jugement du 22 mars 2000 le tribunal de grande instance de Toulouse, a reconnu que la contamination était due aux transfusions sanguines et a condamné Assurances Y... à indemniser Mlle Z... MOYENS ET PRETENTIONS DES F... :

La compagnie Y... considère que la victime par ricochet, à savoir Mme A..., ne peut obtenir d'indemnisation de son préjudice personnel que sur la base quasi-délictuelle puisque la Directive Européenne n'était pas

transposée en droit français au jour des transfusions litigieuses.

G... avance que l'article 7 de ladite directive, supprimé par la loi du 19 mai 1998, permettait d'exclure la responsabilité du fournisseur lorsqu'il était établi qu'au moment des faits, les données de la science ne lui permettaient pas de déceler la présence d'un vice dans le sang fourni. Cependant, elle fait valoir que l'article 2 du code civil interdit tout effet rétroactif aux dispositions législatives en matière conventionnelle.

G... soutient que les présomptions de l'article 1353 du code civil ne peuvent pas être fondées sur de simples hypothèses non vérifiées ni vérifiables et que par conséquent la preuve du lien causal entre transfusions et contaminations n'est pas rapportée.

G... invoque la jurisprudence de la cour d'appel de Toulouse qui, dans des arrêts de septembre 1997, octobre 1998 et décembre 1999, a insisté sur le fait que le non contrôle des autres donneurs ou la découverte d'un seul donneur séropositif postérieurement au don, ne permet pas de conclure à une probabilité suffisante que ce donneur ait été contaminant au jour du don.

G... estime que le juge ne doit pas délaisser à l'expert le pouvoir de rendre justice.

G... fait valoir dans le cas où la décision serait confirmée qu'il n'est pas possible de considérer que seule l'hépatite C a entraîné l'arrêt total de toute activité et que dès lors les indemnités allouées devront faire l'objet de réduction.

G... demande que Mlle Z... soit condamnée au remboursement de la somme versée à savoir 1.114.174 Frs, au paiement de 10.000 Frs au titre de l'article 700 du NCPC et aux entiers dépens.

Mlle Z... avance que le CRTS ne peut pas tirer argument du fait que sa séropositivité a été décelée tardivement.

G... fait observer que l'expert a conclu en disant qu'il existe une

présomption grave, précise et concordante que la survenue de l'hépatite C soit d'origine transfusionnelle.

G... considère que la compagnie Y... ne peut tirer argument de sa profession de sage-femme compte tenu des risques faibles encourus par les personnels de santé et de son entrée récente dans la profession. G... invoque une jurisprudence de la cour en date du 11 août 1998 qui a indemnisé la victime se trouvant dans un cas similaire au sien contrairement aux cas jurisprudentiels évoqués par la compagnie Y... .

G... soutient que les données statistiques, contemporaines de la période de la transfusion concernée par le présent litige, associées aux indices relevés par l'expert conduisent à retenir la responsabilité du CRTS.

Mme A... fait valoir que l'arrêt de principe de la cour de cassation antérieur à la loi du 19 mai 1998 qui ne fait pas de distinction entre les victimes quant à leur indemnisation par le fournisseur d'un défaut de son produit.

G... estime que son préjudice moral s'évalue à 500.000 Frs.

Mlle Z... considère qu'elle doit être indemnisée à hauteur de 1.175.887 Frs pour les indemnités soumises au recours des tiers payeurs et à hauteur de 1.022.000 Frs pour celles qui n'y sont pas soumises.

Les intimées demandent le paiement pour chacune de 20.000 Frs en application de l'article 700 du NCPC et des entiers dépens par la compagnie Y... . MOTIFS DE LA DECISION : Sur l'action de la victime par ricochet :

L'appelant relève que les transfusions en cause datent du 24 janvier 1988 et qu'à cette date la directive européenne du 25 juillet 1985 n'était pas transposée en droit positif puisqu'elle ne l'a été que par l'effet d'une loi du 19 mai 1998 qui a au surplus supprimé son article 7e lequel dégageait la responsabilité du fournisseur des

produits sanguins lorsqu'il était acquis qu'au moment des faits les données de la science ne lui permettaient pas de déceler la présence d'un vice dans le sang fourni.

Cependant tout fournisseur de produits sanguins est responsable des dommages causés par un défaut de son produit tant à l'égard des victimes immédiates que des victimes par ricochet sans qu'il y ait lieu de distinguer selon qu'elles ont la qualité de partie contractante ou de tiers. Sur l'imputabilité :

La compagnie Y... relève que Valérie Z... a, selon l'enquête transfusionnelle, reçu 17 produits sanguins. L'enquête transfusionnelle menée partiellement sur 6 donneurs seulement, a révélé qu'un seul donneur avait été découvert séropositif 5 ans après le don.

La contamination peut être imputée aux transfusions dès lors qu'il existe des présomptions graves précises et concordantes en ce sens.

En l'espèce, le fait que l'un des donneurs se soit révélé séropositif constitue un premier indice grave et précis, mais il ne saurait être considéré comme suffisant pour caractériser l'imputabilité compte tenu du fait que la contamination du donneur pourrait avoir été acquise postérieurement à son don et de ce qu'il existe de nombreuses causes de contamination par le virus de l'hépatite C.

Cependant il convient de retenir également le fait qu'un bilan biologique réalisé le 15 février 1988 révèle chez Valérie Z... une élévation sensible du taux de transaminase. Ce fait, confirmé par les bilans biologiques des 15 février 1989 et 17 avril 1989, a révélé une perturbation hépatique qui, si elle était éventuellement imputable en 1988 aux lésions traumatiques, permettait de conclure en 1989 à une hépatite médicamenteuse ou indéterminée.

Ce dernier fait constitue également une présomption grave et précise, insuffisante si elle avait été isolée. Cependant les deux faits qui

viennent d'être rappelés constituent des présomptions graves et précises, prises isolément et concordantes quand on les considère ensemble.

Dès lors, même si la victime a été exposée à d'autres risques de contamination, le fait qu'il existe des présomptions graves précises et concordantes d'imputation de la contamination aux transfusions, permet de confirmer le jugement déféré en ce qu'il retient la responsabilité du CRTS de Toulouse. Sur le préjudice :

* préjudice soumis au recours de l'organisme social :

Ce préjudice se compose des frais médicaux et pharmaceutiques exposés par la CPAM de la Haute Garonne, de l'ITT et de l'IPP. Ces trois postes ne sont pas remis en cause par l'appelant ni par Valérie Z...

Le tribunal retient également un préjudice professionnel évalué à 750.000 Frs. La compagnie Y... conteste ce poste de préjudice en indiquant qu'en 1982, Valérie Z... était traitée pour anorexie mentale dont il est nécessairement résulté des difficultés psychologiques qui se sont dégradées avec l'hépatite C qui ne saurait expliquer à elle seule les séquelles physiologiques ayant entraîné l'arrêt total de toute activité. G... conclut donc à l'exclusion de toute indemnisation du préjudice professionnel, ou à tout le moins à ce que soit accordée une indemnisation proportionnée aux effets de la contamination.

Valérie Z... sollicite au contraire 716.053 Frs au titre de la perte de revenus annuels capitalisés, plus 145.149 Frs au titre de la capitalisation de la perte de revenus résultant de l'augmentation naturelle des salaires qu'elle aurait acquise si elle avait conservé ses fonctions, outre 100.000 Frs pour tenir compte de la perte des revenus à la retraite.

Valérie Z... exerçait, lors de sa contamination, la profession de sage femme. G... a été contrainte d'abandonner son travail et d'accepter

un emploi à temps partiel. Même si elle a présenté en 1982 un état d'anorexie mentale, son asthénie importante qui a conduit à des arrêts de travail successifs depuis 1992 est à mettre en relation avec sa contamination par le virus de l'hépatite C. Son changement d'orientation professionnelle découle également de ce fait.

Valérie Z... a occupé un emploi de secrétaire administrative, à plein temps à compter de janvier 1998, puis à temps partiel à compter de juin 1998. Il ressort d'une attestation du docteur H... en date du 1° juillet 1999 que la réduction du temps de travail hebdomadaire de 39 à 30 heures est la conséquence de son état de santé.

Ses revenus s'élèvent, pour les trois premiers mois de 1999 à la moyenne mensuelle de 3.917 Frs, alors qu'ils étaient de 8.355 Frs en 1995. Il existe donc bien un préjudice professionnel caractérisé par une perte de revenus mensuels de 4.438 Frs, soit 53.256 Frs par an, en lien avec l'infection hépatique.

La somme de 750.000 Frs allouée par le tribunal correspond à la capitalisation de cette somme augmentée des incidences de la diminution des revenus de Valérie Z... sur sa retraite future.

Celle-ci demande en outre une somme destinée à compenser la perte de revenus résultant de l'augmentation naturelle de son salaire. Toutefois le mécanisme de la capitalisation de ses pertes de revenus implique la réparation entière de son préjudice, y compris en ce que ses revenus auraient naturellement connu une augmentation en fonction des progrès de son ancienneté.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu'il alloue une somme globale de 964.174 Frs à Valérie Z..., déduction faite des débours de la CPAM.

* Préjudice purement personnel :

Le jugement déféré alloue à Valérie Z... une somme de 150.000 Frs du chef d'un préjudice spécifique de contamination.

Au titre de son préjudice purement personnel, Valérie Z... a subi des souffrances que l'expert qualifie de modérées (3/7). G... a par ailleurs subi un préjudice moral causé par les répercussions psychiques de son affection ainsi que par le climat d'incertitude quant à l'évolution de cette maladie. L'expert relève cependant que les risques d'apparition d'une cirrhose sont de l'ordre de 20 % après 30-40 ans d'évolution et ceux de survenance d'un carcinome hépato-cellulaire sont de l'ordre de 1 %.

Eu égard à cette situation il convient d'allouer à Valérie Z... une somme globale de 150.000 Frs au titre tant des souffrances endurées que de son préjudice moral.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu'il alloue à Valérie Z... une somme globale de 1.114.174 Frs.

* Préjudice de Mme A... :

Mme A... est la mère de Valérie Z... G... subit un préjudice personnel de nature morale. G... sollicite à ce titre une somme de 500.000 Frs. Le jugement déféré lui a alloué une somme de 10.000 Frs, après avoir indiqué dans ses motifs qu'il convenait d'évaluer ce chef de préjudice à 20.000 Frs.

L'état de santé présenté par sa fille, avec ses incidences psychiques, a nécessité une aide et un soutien important et attentif. Il est à l'origine d'un préjudice moral personnel subi par Mme A..., qu'il convient d'indemniser par l'allocation d'une somme de 50.000 Frs. Sur les frais irrépétibles :

Il serait inéquitable de laisser à la charge des intimées l'intégralité des frais non compris dans les dépens exposés en appel et il convient de leur allouer à ce titre une somme complémentaire de 5.000 Frs.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il condamne la compagnie Assurances A.à payer à Mme A... une somme de 10.000 Frs en réparation de son préjudice moral,

l'infirme sur ce point,

condamne la compagnie Assurances Y... à payer à Mme A... une somme de 50.000 Frs, la condamne à payer à Valérie Z... et à Mme A... une somme complémentaire globale de 5.000 Frs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

la condamne aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. LE PRESIDENT ET LE C... ONT SIGNE LA MINUTE. LE C...

LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Numéro d'arrêt : 2000/01626
Date de la décision : 17/04/2001

Analyses

RESPONSABILITE DU FAIT DES PRODUITS DEFECTUEUX - Produit - Défectuosité

Tout fournisseur de produits sanguins est responsable des dommages causés par un défaut de son produit tant à l'égard des victimes immédiates que des victimes par ricochet sans qu'il y ait lieu de distinguer selon qu'elles ont la qualité de partie contractante ou de tiers.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2001-04-17;2000.01626 ?
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