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06/02/2001 | FRANCE | N°1999/05831

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 06 février 2001, 1999/05831


DU 06/02/2001 ARRET N° Répertoire N° 1999/05831 Première Chambre Deuxième Section ER/JCB 23/11/1999 TGI TOULOUSE RG : 199823163 (2CH) (Mme X...) Monsieur Y... Z... 100 % du 09/02/2000 S.C.P BOYER LESCAT MERLE A.../ Madame B... épouse Y... Z... 100 % du 06/09/2000 S.C.P NIDECKER PRIEU CONFIRMATION GROSSE DELIVREE LE Y... COUR D'APPEL DE TOULOUSE REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Arêt de la Première Chambre, Deuxième Section Prononcé: Y... l'audience publique du SIX FEVRIER DEUX MILLE UN, par J.J. BENSOUSSAN, président, assisté de S. REINETTE, greffier. Compositi

on de la cour lors des débats et du délibéré: Président :

J.J. ...

DU 06/02/2001 ARRET N° Répertoire N° 1999/05831 Première Chambre Deuxième Section ER/JCB 23/11/1999 TGI TOULOUSE RG : 199823163 (2CH) (Mme X...) Monsieur Y... Z... 100 % du 09/02/2000 S.C.P BOYER LESCAT MERLE A.../ Madame B... épouse Y... Z... 100 % du 06/09/2000 S.C.P NIDECKER PRIEU CONFIRMATION GROSSE DELIVREE LE Y... COUR D'APPEL DE TOULOUSE REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Arêt de la Première Chambre, Deuxième Section Prononcé: Y... l'audience publique du SIX FEVRIER DEUX MILLE UN, par J.J. BENSOUSSAN, président, assisté de S. REINETTE, greffier. Composition de la cour lors des débats et du délibéré: Président :

J.J. BENSOUSSAN Conseillers :

J. BIOY

J.C. BARDOUT Greffier lors des débats: S. REINETTE Débats: en chambre du conseil, le 10 Janvier 2001 . La date à laquelle l'arrêt serait rendu a été communiquée. Avant l'ouverture des débats, les parties ont été informées des noms des magistrats composant la cour. Nature de l'arrêt : CONTRADICTOIRE APPELANT (E/S) Monsieur Y... C... pour avoué la S.C.P BOYER LESCAT MERLE C... pour avocat la SCP DUPEYRON, RUIS, BARDIN, COURDESSES du barreau de TOULOUSE Aide Juridictionnelle 100 % du 09/02/2000 INTIME (E/S) Madame B... épouse Y... C... pour avoué la S.C.P NIDECKER PRIEU C... pour avocat Maître AUGAREILS du barreau de TOULOUSE Aide Juridictionnelle 100 % du 06/09/2000 EXPOSÉ DU LITIGE

Mr Y..., né le 1er janvier 1936 à El Ksiba (Maroc), et Mme B..., née le 1er janvier 1942 à El Ksiba (Maroc), se sont à mariés sans avoir fait précéder leur union d'un contrat de mariage le 2 janvier 1953 devant l'officier de l'état civil de la commune de Beni Mellal (Maroc).

Neuf enfants sont nés de cette union, actuellement majeurs.

Le 26 octobre 1998, le juge aux affaires familiales du Tribunal de

grande instance de Toulouse rendait une ordonnance de non conciliation, confirmée, sur appel de Mr Y..., par arrêt contradictoire de la présente cour le 24 janvier 2000.

Le 15 février 1999, Mme B... a assigné son mari en divorce pour abandon de famille, en application de la loi marocaine.

Le 23 novembre 1999, le juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Toulouse a : - prononcé, aux torts exclusifs, le divorce des époux D..., au visa de l'article 242 du code civil français ; - commis le président de la chambre départementale des notaires pour procéder à la liquidation des droits matrimoniaux des époux ; - fixé à 1 000 francs par mois et par enfant, soit au total 2 000 francs, la contribution de Mr Y... aux frais d'entretien et d'éducation des enfants Azziz, né le 2 mai 1975 et Mustapha, né le 19 janvier 1977 ; - débouté Mme B... de sa demande en paiement d'une prestation compensatoire ; - condamné Mr Y... aux dépens.

Mr Y... a régulièrement fait appel de ce jugement et, par conclusions en date du 9 janvier 2000, demande à la cour de : - infirmer le jugement dont appel ; - déclarer Mme B... irrecevable ou en tout cas mal fondée en ses demandes et l'en débouter ; - la condamner aux entiers dépens. Subsidiairement : il sollicite une enquête par application de l'article 203 du code de procédure civil et la désignation d'un expert avec mandat de fournir tous éléments quant aux revenus de son épouse et de ses fils Azziz et Mustapha.

Il rappelle avoir fait appel contre l'ordonnance de non conciliation parce que celle-ci avait été rendue en son absence.

Il prétend n'avoir pas abandonné sa femme mais avoir été chassé par elle.

Il s'oppose à la pension alimentaire mise à sa charge au titre de sa part contributive à l'entretien et l'éducation des deux enfants par

le premier juge, son montant étant disproportionné par rapport à ses maigres ressources ; il affirme percevoir des revenus inférieurs à ceux de son épouse et dit que ses facultés contributives ne peuvent excéder 500 francs; de plus, les ressources exactes de ses deux fils et de son épouse n'étant pas connues, il demande que soit ordonnée une mesure d'instruction.

Il affirme encore que la demande de prestation compensatoire d'un montant de 1 000 francs par mois formée devant la cour par son épouse est irrecevable au regard des dispositions de la loi du 30 juin 2000. *

Mme E..., intimée, dans ses dernières écritures en date du 5 octobre 2000, sollicite la confirmation du jugement dont appel en toutes ses dispositions, et, y ajoutant, demande : - la condamnation de Mr Y... à lui verser une somme de 1 000 francs par mois indexée à titre de prestation compensatoire, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle expose préalablement que, en application de la convention franco marocaine en date du 13 mai 1983, chapitre 2, article IX, la dissolution du mariage est prononcée selon la loi de celui des deux Etats dont les époux ont tous deux la nationalité à la date de la présentation de la demande, et sollicite, les époux étant tous deux de nationalité marocaine, l'application de la loi marocaine.

Elle affirme les articles 53, 56 et 57 de la loi marocaine relative au divorce sont applicables en l'espèce, l'épouse apportant aux débats les témoignages suffisants prouvant que les conditions du prononcé de la dissolution irrévocable du mariage sont en l'espèce réunies.

Concernant la pension alimentaire pour les enfants, elle prétend que les deux derniers enfants sont toujours à charge.

Concernant la prestation compensatoire demandée, elle fait remarquer

que Mr Y... ne justifie pas de ses revenus qu'il minore dans ses déclarations à la cour, sa mauvaise foi étant en outre démontrée par son refus de régler la moindre somme en infraction avec les mesures provisoires de l'ordonnance de non conciliation. * MOTIFS DE LA DÉCISION F... le divorce

Le dernier domicile commun des époux D..., de nationalité marocaine, est situé en France, d'où il suit que, en application de l'article 11 de la convention franco-marocaine relative au statut personnel et de la famille du 10 août 1981, entrée en vigueur le 13 mai 1983, les tribunaux français sont compétents pour connaître de la demande en dissolution du mariage.

Les époux D... étant de nationalité marocaine à la date de présentation de la demande en divorce, la loi marocaine seule est applicable au prononcé du divorce, selon l'article 9 de la convention franco-marocaine relative au statut personnel et de la famille du 10 août 1981.

La loi marocaine ne pourrait être écartée par les juridictions françaises que si elle était manifestement incompatible avec la conception française de l'ordre public international, en application de l'article 4 de la même convention.

Les articles 53, 56 et 57 de la loi marocaine dont il est demandé application prévoient la possibilité pour le juge de prononcer le divorce des époux à la demande de la femme et au regard de torts reprochés au mari selon des conditions qui ne sont pas incompatibles avec la conception française de l'ordre public international; ils doivent donc recevoir application au litige en cours et il convient de vérifier si les conditions d'application en sont réunies en l'espèce.

Les témoignages des enfants du couple Mr Y... et Mme B... seront écartés du débat, en vertu de la prohibition de l'audition des descendants des

époux posée par l'article 205 du nouveau code de procédure civile, les règles françaises de procédure française s'imposant en tout état de cause aux juridictions françaises.

Il résulte de nombreuses attestations concordantes que Mr Y... n'est plus revenu au domicile conjugal depuis 1996, Mme G..., Mr Y, Mr Z précisant qu'il a quitté ou est parti du domicile, ce qui infirme le fait qu'il en aurait été chassé comme il le prétend sans en rapporter la preuve.

Mme A... témoigne de ce que Mr Y... a quitté le domicile conjugal sans se préoccuper de la survie de son épouse ni de sa situation administrative, la laissant sans ressources, ni papiers, sans couverture sociale, abandonnant ses deux enfants encore à charge sans aucune aide financière.

Mr D atteste de ce que le mari a laissé femme et enfants sans la moindre ressource, hormis le RMI, et qu'elle a de plus été contrainte de payer les dettes laissées par lui, fait que confirme aussi Mr E.

D'où il suit, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, que Mr Y... refuse de s'acquitter de son devoir d'entretien à l'égard de sa femme, sans prouver être indigent, les conditions du divorce pour défaut d'entretien selon l'article 53 du code civil marocain étant réunies à son encontre, et que, étant resté absent pendant plus d'une année, sans motif valable, et n'étant pas revenu, les conditions du divorce pour absence du mari selon l'article 57 sont également réunies, d'où il suit que le divorce doit être prononcé de manière irrévocable entre les époux D... à la demande de Mme B... F... la demande de prestation compensatoire

La demande de prestation compensatoire présentée par la femme ne peut qu'être rejetée sur le fondement de la loi marocaine, celle-ci ne prévoyant pas, après la dissolution du mariage, l'allocation d'aucune pension alimentaire à l'épouse même au cas où le divorce aurait pour

conséquence de laisser l'épouse dans le besoin.

D'où il suit que, selon l'article 4 de la même convention, l'application de cette loi doit être écartée comme étant manifestement incompatible avec la conception française de l'ordre public international, en ce qu'elle prive la femme de tout secours pécuniaire et doit donc être écartée au profit de la loi française.

Il convient donc d'examiner la demande de prestation compensatoire formée par Mme B... au regard des conditions de l'article 272 et suivants du code civil français.

Le mariage a duré 46 ans

Il n'est pas contesté que Mme B... a consacré sa vie à l'éducation de 9 enfants, actuellement majeurs.

Elle n'a jamais travaillé.

Elle est âgée de 58 ans, parle mal la langue française et n'a plus guère de chances de trouver un emploi à temps plein ; elle n'a aucun droit à la retraite.

Ses ressources se limitent au Revenu minimum d'insertion et à l'allocation personnalisée au logement, pour des montants respectifs de 2 507 francs et 1 485,44 francs, ce qui fait un total mensuel de l'ordre de 4 000 francs.

Les allégations du mari quant aux ressources cachées de son épouse ne sont pas sérieuses ; il sera débouté de sa demande de voir ordonner une enquête civile à ce sujet.

Mr Y... est âgé de 64 ans.

Il ne conteste pas avoir travaillé.

Il déclare percevoir 10 428,40 francs au titre d'une rente annuelle d'accident de travail, soit 869 francs en moyenne par mois ; 502,91 francs mensuel au titre d'une pension de retraite de la sécurité sociale ; 1 383 francs au titre d'une retraite complémentaire trimestrielle, soit 461 francs en moyenne par mois, correspondant à

un montant brut de 6 293,91 francs et un montant net de l'ordre de 5 000 francs.

Le compte marocain dont il est titulaire à la Banque marocaine du commerce extérieur ne fait apparaître que des mouvements modestes ne permettant pas d'établir la réalité des revenus occultes.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, et en considération notamment du dénuement de Mme B..., après 46 années de mariage et l'éducation de 9 enfants, compte tenu de la modicité des ressources de Mr Y..., et, pour ce qui concerne la situation dans un avenir prévisible, du fait de l'absence de droits la retraite pour l'épouse, la rupture du mariage créé dans les conditions de vie respective des ex époux une disparité justifiant l'attribution d'une prestation compensatoire à la charge du mari au profit de l'épouse.

Y... titre exceptionnel, en application de l'article 276 du code civil, compte tenu de l'âge de l'épouse, et de l'impossibilité pour elle de retrouver un travail rémunéré à temps complet qui lui permettrait de subvenir à ses besoins, il convient de fixer la prestation compensatoire sous forme de rente viag re indexée de 600 francs par mois. F... la contribution à l'éducation et l'entretien des enfants

En vertu des articles 1, 7 et 8 de la convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable aux obligations alimentaires, la demande de fixation d'une pension alimentaire pour un enfant à la suite d'un divorce doit être jugée selon la loi du pays où vit le créancier d'aliments ; Mme B... vivant en France, sa demande sera examinée en vertu de la loi française.

Il convient donc de vérifier si les conditions de l'article 295 du code civil sont réunies.

Azziz était inscrit en DESS de gestion du personnel pour l'année scolaire 1999-2000. Aucun justificatif n'est produit pour attester du fait qu'il poursuivrait encore ses études à ce jour. De plus, aucun

élément dans le dossier n'établit qu'il soit à la charge de sa mère ni en cause d'appel ni au moment du prononcé du jugement de première instance.

Mustapha était inscrit en BTS pour l'année scolaire 1999-2000. Aucun justificatif n'est produit pour attester du fait qu'il poursuivrait encore ses études à ce jour. Les documents de la Caisse d'allocation familiale communiqués aux débats attestent de ce que Mustapha était à la charge de sa mère jusqu'au 31 août 2000, et ne l'était plus à compter de cette date. Aucun élément contraire n'est produit pour justifier de ce qu'il serait encore à la charge de la mère après le 1er septembre 2000.

D'où il suit que Mme B... sera déboutée de sa demande de contribution du père à l'entretien et l'éducation de l'enfant majeur Azziz ; sa demande concernant Mustapha sera accueillie, mais seulement jusqu'au 31 août 2000.

La demande d'enquête concernant les ressources des enfants majeurs est sans objet concernant Azziz et dépourvue d'intérêt concernant Mustapha. F... les autres demandes

Mr Y... succombant principalement en son appel, il en supportera les entiers dépens, qui seront recouvrés au profit de l'aide juridictionnelle, étant précisé encore que les parties en formulent aucune demande au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Statuant publiquement, après débats hors la présence du public, contradictoirement et en dernier ressort, selon la loi marocaine pour ce qui concerne le prononcé du divorce, selon la loi française pour ce qui concerne la prestation compensatoire et la contribution à l'entretien et l'éducation des enfants,

En la forme, reçoit l'appel jugé régulier,

Au fond, confirme, par substitution de motifs, le prononcé du divorce Y ajoutant :

Condamne Mr Y... à payer à Mme B... , à titre de prestation compensatoire, une rente viagère mensuelle indexée de 600 francs (91,47 euros);

Dit que ces sommes seront payées entre le premier et le cinq de chaque mois au domicile de Mme B... et qu'elles seront revalorisées par Mr Y... lui-même au 1er janvier de chaque année et pour la premi ière fois le 1er janvier 2002 en fonction de la variation de l'indice national des prix à la consommation (ensemble des ménages, série métropole et DOM, hors tabac) publiée par l'INSEE (indices et éléments de calcul sur Minitel : 3615 INSEE ; sur Internet : http://www.insee.fr), la comparaison devant tre effectuée entre l'indice en vigueur à la date du prononcé du présent arrêt et l'indice du mois d'octobre précédant la revalorisation.

Dit ne plus y avoir lieu à contribution du père à l'entretien et l'éducation de l'enfant majeur Azziz ;

Condamne Mr Y... à payer une somme non indexée de 1000 francs par mois (152,45 euros) à titre de contribution à l'entretien et l'éducation de son fils Mustapha jusqu'au 31 août 2000 ;

Dit qu'il n'y a plus lieu à contribution du père à l'entretien et l'éducation de l'enfant majeur Mustapha à compter du 1er septembre 2000;

Déboute Mr Y... de sa demande d'enquête civile ;

Condamne Mr Y... aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions applicables en matière d'aide juridictionnelle ;

Rejette comme non fondées toutes prétentions contraires ou plus amples des parties. Le présent arrêt est signé par le président et le

greffier. LE GREFFIER

LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Numéro d'arrêt : 1999/05831
Date de la décision : 06/02/2001

Analyses

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention franco-marocaine du 10 août 1981

En application de la Convention franco-marocaine relative au statut personnel et à la famille du 10 août 1981, l'époux demandeur à l'action en divorce peut, alors que le couple de nationalité marocaine est domicilié en France et qu'il s'est marié selon la loi marocaine, demander l'application de cette loi sauf si elle est manifestement incompatible avec la conception française de l'ordre public international. Tel est le cas en ce que la loi marocaine ne prévoit aucune compensation à la disparité de situations créée par le divorce. Dès lors, l'époux marocain peut solliciter une prestation compensatoire en se fondant sur la loi française


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2001-02-06;1999.05831 ?
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