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05/09/2000 | FRANCE | N°1999/01689

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 05 septembre 2000, 1999/01689


DU 05.09.2000 ARRET N° Répertoire N° 1999/01689 Troisième Chambre Première Section cd 24/03/1999 TGI TOULOUSE RG : 199801729 (CH4) (Mme X...) Monsieur Y... S.C.P SOREL DESSART SOREL Z.../ SA B S.C.P RIVES PODESTA CONFIRMATION COUR D'APPEL DE TOULOUSE REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Arrêt de la Troisième Chambre, Première Section Prononcé: Y... l'audience publique du CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE, par Z... DREUILHE, président de chambre, assisté de Z... COQUEBLIN, greffier. Composition de la cour lors des débats et du délibéré: Président :

Z... DREUILH

E Conseillers :

F. HELIP

R. IGNACIO Greffier lors des débats: Z... COQUE...

DU 05.09.2000 ARRET N° Répertoire N° 1999/01689 Troisième Chambre Première Section cd 24/03/1999 TGI TOULOUSE RG : 199801729 (CH4) (Mme X...) Monsieur Y... S.C.P SOREL DESSART SOREL Z.../ SA B S.C.P RIVES PODESTA CONFIRMATION COUR D'APPEL DE TOULOUSE REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Arrêt de la Troisième Chambre, Première Section Prononcé: Y... l'audience publique du CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE, par Z... DREUILHE, président de chambre, assisté de Z... COQUEBLIN, greffier. Composition de la cour lors des débats et du délibéré: Président :

Z... DREUILHE Conseillers :

F. HELIP

R. IGNACIO Greffier lors des débats: Z... COQUEBLIN Débats: Y... l'audience publique du 13 Juin 2000 . La date à laquelle l'arrêt serait rendu a été communiquée. Avant l'ouverture des débats, les parties ont été informées des noms des magistrats composant la cour. Nature de l'arrêt : CONTRADICTOIRE APPELANT (E/S) Monsieur Y... A... pour avoué la S.C.P SOREL DESSART SOREL A... pour avocat la SCP DE CAUNES, FORGET du barreau de TOULOUSE INTIME (E/S) SA B A... pour avoué laS.C.P RIVES PODESTA A... pour avocat la SCP MARTY-BOUIX, du barreau de TOULOUSE

LES FAITS

Le 10 janvier 1992, Monsieur Z... a déposé une plainte contre X... pour vol avec violence à la suite d'une agression perpétrée dans son magasin le 4 janvier 1992, plainte qu'il a renouvelée le 16 decembre 1992, mais de façon plus détaillée, en désignant son prétendu agresseur en la personne de Monsieur Y...

Le 17 décembre 1992, une information était ouverte contre X... du

chef de vol avec arme, coups et blessures volontaires avec arme, extorsion de fonds et de signature.

Placé en détention provisoire, Monsieur Y... a été remis en liberté, puis relaxé le 20 décembre 1995 par le Tribunal Correctionnel de Toulouse, jugement confirmé par la Cour d'Appel le 23 août 1996.

Par décision du 20 mars 1998, la Commission Nationale d'Indemnisation en mati re de détention provisoire lui a alloué une indemnité de 100.000 F.

Le 24 décembre 1992, la SA B, en page 17 de son édition "Grand Toulouse", a publié un article sous le titre "Extorsion de fonds Monsieur Y... inculpé et écroué", et, sous le titre "le SRPJ de Toulouse a sifflé un coup franc judiciaire contre la seconde ligne de rugby..." illustré de deux photographies le représentant, l'une prise lors de son arrestation, l'autre sur un terrain de rugby avec la légende suivante :

"Monsieur Y... a souvent quitté le terrain avant les copains sous le doigt accusateur de l'arbitre. Et pourtant, il était un bon joueur". PROCEDURE ANTERIEURE

Par exploit du 2 mai 1998, Monsieur Y... a fait assigner la SA B en déclaration de responsabilité et dommages intérêts en réparation des préjudices subis.

La SA B a soulevé l'irrecevabilité de la demande pour ne pas avoir été introduite dans le délai de trois mois de l'article 6 de la loi du 29 juillet 1881 et a soutenu que l'article 1382 du Code Civil ne pouvait recevoir application, la faute invoquée n'étant pas détachable du délit de diffamation qui se définit comme l'imputation d'un ou de plusieurs faits portant atteinte à l'honneur ou à la considération d'une personne.

Elle a estimé, subsidiairement, n'avoir commis aucune faute, Monsieur Y... passant sous silence les articles diffusés postérieurement, et a

nié tout préjudice économique en relation de causalité avec l'article litigieux.

Monsieur Y... a répliqué que l'action était distincte d'une action en diffamation, qu'elle n'était pas fondée sur l'information donnée par la SA B, mais sur la faute commise par la révélation de caractéristiques biographiques et psychologiques.

Par jugement du 24 mars 1999, le Tribunal de Grande Instance de Toulouse, après avoir analysé les termes de l'article susvisé, a dit :

- que les imputations d'infractions ou de manquements à la probité ou aux règles de conduite sont de nature à porter atteinte l'honneur et à la considération de Monsieur Y... ;

- qu'elles ne constituent pas une faute distincte de la diffamation ; - qu'il s'ensuit que l'action en réparation intentée par Monsieur Y... près de cinq ans et demi après la parution de l'article est prescrite et doit être déclarée irrecevable.

Le Tribunal de Grande Instance a débouté la SA B de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive. MOYENS DES PARTIES

Monsieur Y... a interjeté appel de cette décision.

Il sollicite la réformation de la décision et la condamnation de la SA B à lui payer la somme de 3.087.500 F en réparation de ses préjudices économiques et moraux résultant pour lui de la publication de l'article du 24 décembre 1992.

Subsidiairement, il conclut à une mesure d'expertise.

Il demande enfin la somme de 30.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur Y... déclare fonder son action sur les dispositions de l'article 1382 du Code Civil et met en exergue la faute commise par l'entreprise de presse à l'occasion de cet article, faute qui relève, selon lui, du droit commun de la responsabilité.

Il soutient, contrairement à ce qui a été relevé par le Tribunal,

- que la SA B fait état de faits qui relèvent de la description générale, sur le mode de la caricature, d'une personnalité laquelle on a décidé de nuire.

- que ces descriptions ne contiennent l'expression ni directe, ni par insinuation de faits précis au sens de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, c'est-à-dire de faits pouvant faire l'objet d'un débat sur la vérité par application de l'article 35 de la même loi et également de l'article 56 de la même loi.

Monsieur Y... prétend, en effet, que la diffamation n'existe que si existe la possibilité d'un débat contradictoire.

Et enfin, il conteste l'analyse du tribunal qui a dit que les insinuations sur sa personnalité n'étaient pas séparables des faits ayant conduit à son inculpation.

Il estime donc que la SA B a commis des fautes étrangères aux délits de diffamation publique et d'injures publiques; qu'elle a commis des fautes dans son devoir d'informer, rien ne pouvant justifier cette caricature, et la référence à ses activités commerciales étant tout à fait inutile ; que tout démontre qu'elle l'a fait sciemment, dans le

but de lui nuire, alors qu'à l'époque aucune action spécifique n'était prévue par le Code Civil pour atteinte à la présomption d'innocence.

Monsieur Y... déclare que ses affaires se sont détériorées après la parution de l'article et fixe ainsi qu'il suit ses différents préjudices :

- SARL X, liquidée le 12 mai 1995,

Préjudice évalué à 1.390.000 F

- SARL Y

Préjudice évalué par M. Y... à 770.000F

- SA Z, redressement judiciaire du 29 octobre 1997,

Préjudice évalué à 427.000, si elle doit faire l'objet d'un plan de cession ou de liquidation

- SCI D

Préjudice réservé.

Monsieur Y... estime enfin son préjudice moral à 500.000 F.

La SA B demande à la Cour :

- de constater, par application de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881, la prescription de l'action, Monsieur Y... n'invoquant, au titre de l'article 1382, aucun fait détachable de la diffamation.

Et, subsidiairement, au fond :

- de constater que la seule faute susceptible d' tre reprochée est constituée par un abus dans le droit d'informer ;

- de constater que cette faute n'est pas établie à son encontre, Monsieur Y... omettant volontairement de signaler l'ensemble des articles publiés par la suite ;

- de constater qu'aucun lien de causalité n'est caractérisé entre la faute prétendue et le préjudice invoqué.

Elle conclut donc au débouté, à la condamnation de Monsieur Y... à lui payer la somme de 200.000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 30.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. MOTIFS DE LA DECISION

Le jugement appelé, pour déclarer irrecevable l'action de Monsieur Y..., a constaté que toutes les imputations d'infractions ou de manquements à la probité ou aux règles de conduite contenus dans l'article sont de nature à porter atteinte à l'honneur et à la considération de Monsieur Y... ; qu'elles ne constituent pas, en conséquence, une faute distincte de la diffamation ; qu'en conséquence, l'action introduite près de cinq ans et demi après la parution de l'article était prescrite par application de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881.

Cet article 65 précise :

"L'action publique et l'action civile résultant des crimes, délits et contraventions prévus par la présente loi se prescriront après trois mois révolus à compter du jour où ils auront été commis ou du jour du dernier acte de poursuite, s'il en a été fait".

Et il est constant :

- que la courte prescription de l'article 65 est applicable aux actions civiles exercées devant les juridictions civiles, que l'application de cet article concerne toutes les actions exercées devant la juridiction civile et ayant pour origine un délit de presse, quel que soit le fondement choisi par le demandeur à l'action ;

- que pour les actions exercées devant la juridiction civile sur la base de l'article 1382, l'article 65 s'applique sauf si la faute invoquée est détachable du délit de diffamation ;

- que la diffamation se définit comme l'imputation d'un ou de plusieurs faits portant atteinte à l'honneur et à la considération d'une personne ;

L'article litigieux est bien un article diffamatoire.

Comme l'a dit le tribunal dans les pages 7, 8, et 9, de son jugement, aux termes d'une analyse précise, fouillée, pertinente que la Cour reprend intégralement, il contient les cinq éléments constitutifs de la diffamation punissable : - allégation d'un fait déterminé - fait de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération - allégation ou imputation visant une personne déterminée - faite de

mauvaise foi - publique

Ce texte ne relève pas, en effet, de la simple nécessité d'informer dès lors que la relation des faits est donnée sous une forme polémique et tendancieuse, l'amplifiant à l'excès, et par la même exclusive de la bonne foi.

Des faits sont rapportés (page 8 OE 1 et 2 ) ; des insinuations sont émises sur sa personne.

Il est décrit comme violent (OE 3 du jugement et citation de l'article).

Son intégrité est suspectée ( OE 4 et citation de l'article)

.

Son mode de vie est dénigré (OE 5 et citation de l'article), mais comme l'a justement dit le Tribunal, contrairement à ce que soutient Monsieur Y... en cause d'appel, ces insinuations visent des faits et des situations déterminées.

Une photo au cours d'un match illustre exactement le premier propos. L'allusion à une malversation contenue dans le second est circonstancié tant dans la date que le lieu.

Ces insinuations ne sont ni vagues, ni générales, mais au contraire se présentent comme une articulation de faits de nature être sans difficulté l'objet d'un débat contradictoire.

Surtout, elles ne sont pas séparables des faits relatés comme ayant

conduit à l'inculpation de Monsieur Y... ; elles tendent, au contraire, à rendre crédibles les trois chefs d'inculpation énumérés :

- coups et blessures volontaires

- vol

- extorsion de fonds

Toutes ces imputations d'infractions ou de manquements à la probité ou aux règles de conduite sont de nature à porter atteinte à l'honneur et à la considération de Monsieur Y..., ce qu'admet d'ailleurs la SA B dans ses conclusions d'appel pour s'opposer à la réformation sollicitée et ce qu'elle paraît avoir reconnu en cours de procédure, la preuve de tractations amiables en dommages et intérêts étant rapportée aux débats.

En tout état de cause, ces imputations ne constituent pas une faute distincte de la diffamation.

Dès lors, l'action intentée par Monsieur Y... par exploit du 2 mai 1998, soit près de cinq ans et demi après la parution de l'article, est prescrite et a justement été déclarée irrecevable par le tribunal.

Monsieur Y... a commis une erreur de procédure, son action bien fondée s'étant révélée beaucoup trop tardive (cinq ans et demi au lieu de trois mois).

Sa situation judiciaire difficile lui laissait peu le loisir de privilégier des actions civiles périphériques et il a sans doute pensé, un peu naivement, qu'un arrangement amiable pouvait intervenir avec la SA B, alors que ce puissant organe de presse ne pouvait ignorer la fragilité procédurale de la position de Monsieur Y...

Quoi qu'il en soit, cette procédure n'est pas abusive et elle ne peut

générer les dommages-intérêts sollicités par l'intimée.

La demande reconventionnelle en dommages-intérêts, particulièrement mal fondée, est rejetée.

L'équité s'oppose, au vu des circonstances très particulières de la cause, à ce qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit de l'intimée.

Chaque partie succombe, Monsieur Y... sur son appel principal, la SA B sur sa demande reconventionnelle.

Au vu de ces succombances respectives, chaque partie conservera à sa charge les dépens exposés devant cette Cour. PAR CES MOTIFS LA COUR Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions ; Déboute la SA B de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Dit que les dépens d'appel resteront à la charge de la partie qui les a exposés avec distraction au profit des avoués de la cause, conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile;

Le Président et le Greffier ont signé la minute.

Le Greffier

Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Numéro d'arrêt : 1999/01689
Date de la décision : 05/09/2000

Analyses

PRESSE - Procédure - Prescription - Domaine d'application - /

Toutes les actions exercées devant les juridictions civiles ayant pour origine un délit de presse sont soumises à la courte prescription de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881, quel que soit le fondement choisi par le demandeur à l'action. Les actions exercées devant les juridictions civiles sur le fondement de l'article 1382 du Code civil sont soumises à la prescription de l'article précité si la faute invoquée n'est pas détachable ou distincte du délit de diffamation


Références :

Code civil, article 1382
Loi du 29 juillet 1881, article 65

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2000-09-05;1999.01689 ?
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