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21/07/2000 | FRANCE | N°2000/00633

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 21 juillet 2000, 2000/00633


Arrêt Prononcé en Chambre du Conseil le Vingt Quatre Juillet DEUX MILLE, PARTIES EN CAUSE : Monsieur X... Y... pour avocats Me MARTIN, 28 rue de Metz à TOULOUSE (31000) - Me MORETTO, 30, rue du Languedoc à TOULOUSE (31000) PARTIE CIVILE : Madame Z... Y... pour avocat Me GOUSSAUD, 32 allées Jules Guesde à TOULOUSE (31000) COMPOSITION DE LA COUR : lors des débats, du délibéré et du prononcé de l'arrêt : - Monsieur BRIGNOL, Président, - MESSIEURS RIMOUR et COLENO, Conseillers, tous désignés conformément à l'article 191 du Code de Procédure Pénale; GREFFIER :

- Madame A..

. lors des débats, Mme SEBAN B... de greffier lors du prononcé de l'arrê...

Arrêt Prononcé en Chambre du Conseil le Vingt Quatre Juillet DEUX MILLE, PARTIES EN CAUSE : Monsieur X... Y... pour avocats Me MARTIN, 28 rue de Metz à TOULOUSE (31000) - Me MORETTO, 30, rue du Languedoc à TOULOUSE (31000) PARTIE CIVILE : Madame Z... Y... pour avocat Me GOUSSAUD, 32 allées Jules Guesde à TOULOUSE (31000) COMPOSITION DE LA COUR : lors des débats, du délibéré et du prononcé de l'arrêt : - Monsieur BRIGNOL, Président, - MESSIEURS RIMOUR et COLENO, Conseillers, tous désignés conformément à l'article 191 du Code de Procédure Pénale; GREFFIER :

- Madame A... lors des débats, Mme SEBAN B... de greffier lors du prononcé de l'arrêt MINISTERE PUBLIC : représenté aux débats par M C... AVOCAT D... et au prononcé de l'arrêt par M C... , AVOCAT D... ; DEBATS :

X... l'audience, en Chambre du Conseil le Mardi dix huit Juillet deux mille Ont été entendus :

Monsieur COLENO E... , en son rapport ;

Monsieur C... , AVOCAT D... , en ses réquisitions ;

Sur quoi, l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience du 24 juillet 2000 ;

Et ce jour,Vingt Qatre Juillet Deux Mille, la Chambre d'Accusation a rendu en Chambre du Conseil son arrêt comme suit après avoir délibéré conformément à la Loi, hors la présence du Ministère Public et du Greffier ; RAPPEL DE LA PROCEDURE :

Le 15 juin 2000 le Juge d'Instruction du Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE a ordonné que le dossier de la procédure et un état des

pièces à conviction soient transmis par le Procureur de la République au Procureur D... près la Cour d'Appel ;

Par lettres recommandées en date du 15 juin 2000 cette ordonnance a été portée à la connaissance de M. X... , de Mme Z... et de leurs avocats ; Par lettres recommandées en date du 5 juillet 2000 le Procureur D... a notifié à M. X... et Mme Z... ainsi quà leurs avocats la date à laquelle l'affaire sera appelée à l'audience.

Le dossier comprenant le réquisitoire écrit du Procureur D... en date du 13 juillet 2000 a été déposé au Greffe de la Chambre d'Accusation et tenuà la disposition des Avocats des parties.

Les formes et délai de l'article 197 du Code de Procédure Pénale ont été observés.

Maîtres MORETTO et MARTIN, Avocats, a déposé au nom de X... le 17 juillet 2000à 15 heures 10 au Greffe de la Chambre d'Accusation un mémoire visé par le greffier, communiqué au Ministère Public et classé au dossier.

LES FAITS

Le 4 juin 1997, dans le courant de l'après-midi, les gendarmes de la brigade territoriale de CUGNAUX (Haute-Garonne) ainsi que le SAMU étaient appelés pour intervention par M Z... qui venait de découvrir que

son épouse Mme Z... , venait en son absence d' être agressée et violée à leur domicile .

Parvenus les premiers sur les lieux, les militaires découvraient Mme Z... allongée sur le lit de sa chambre, couverte de sang, en partie dévêtue, mais consciente. F... leur déclarait avoir été agressée et violée par un homme de race noire qui se trouvait à son domicile depuis le matin.

Après les premiers soins prodigués sur place par le SAMU,Mme Z... était transportée au service des urgences de l'hôpital où le médecin légiste immédiatement requis par les enquêteurs constatait qu'elle présentait les lésions suivantes: - de multiples plaies de petite taille, peu profondes, au niveau du cuir chevelu avec bosse sanguine diffuse, - deux plaies, l'une dans la partie gauche du front, l'autre sur la face externe du tiers supérieur de la cuisse gauche, caractéristiques d'une production par instrument très tranchant, type rasoir, - une fracture ouverte de la partie supérieure du tibia droit, la plaie siégeant sur la face externe du tiers supérieur de la jambe, la radiographie confirmant une fracture en biseau, - une fracture des os propres du nez, - une fracture de l'omoplate droite, - une fracture de la sixième côte droite.

Le médecin concluait qu'il résultait de ces lésions une incapacité temporaire totale de travail d'un mois.

L'examen gynécologique ne faisait apparaître aucun élément d'ordre traumatique, et un prélèvement était réalisé. Une prise de sang révélait qu'elle présentait un taux d'alcoolémie de 2,84 grammes par litre,à mettre en relation avec l'état de somnolence et de confusion

avec obnubilation alors constaté par le médecin.

Sur les lieux, les gendarmes procédaient aux constatations suivantes:

- le panneau de la porte d'entrée de la chambre avaient été défoncée , - le lit était complètement défait, une partie du contenu de l'armoire à vêtements avait été jeté sur le sol, - la literie, draps et matelas découvert, ainsi que les montants du lit et le revêtement de sol étaient maculés de sang; - à la tête du lit, côté droit, une scie à onglet dont la lame mesurait 250 mm se trouvait posée sur la table de chevet; entre cette table et la tête de lit, elle-même maculée de sang, une flaque de sang sur le sol; une expertise technique déterminera au cours de l'information que la scie présentait, sur la face gauche de la lame, une trace du sang de Mme Z... ; - au pied du lit, prés de la porte d'entrée, posée sur une table à repasser, une clé à mollette longue de 375 mm, indemne de toute trace de sang.

M .B précisera aux enquêteurs que ces outils lui appartiennent et se trouvaient initialement rangés dans un placard situé à côté des chambres de l'appartement.

Interrogé le premier, M. Z... , sableur-peintre de profession, expliquait aux gendarmes qu'il formait avec son épouse un couple dit libre, c'est-à-dire qu'il la laissait sortir sans lui quand elle le voulait, ce qu'elle faisait souvent, ramenant même des hommes de rencontre à la maison, ce qu'il s'obligeait à tolérer; se disputant bruyamment à l'occasion, ils faisaient chambre à part par confort, mais avaient néanmoins des relations de couple normales, selon lui.

Il exposait que la veille 3 juin, vers 16 h 30, son épouse était

partie en ville en autobus en compagnie d'une amie, Mme C. F... n'était rentrée à la maison que le 4 juin à 8 heures 32 exactement, accompagnée d'un homme qui l'avait raccompagnée en autobus et se disait martiniquais et prénommé X... et prétendait fêter ce jour son quarante-neuvième anniversaire. Bien que paraissant l'un et l'autre fatigués par une nuit blanche, ils s'étaient rendus vers 10 heures 30 dans un café de Cugnaux où ils les avait rejoints vers 11 heures 20, pour consommer les uns et les autres divers alcools, les époux Z... de la bière, X... du ricard, de la bière et du rhum. Après être allé acheter trois bouteilles de vin mousseux à la demande de X... , et avec l'argent de celui-ci, M . Z... les avait quittés là vers 14 heures 30 pour se rendre à un rendez-vous chez son dentiste pour 15 heures; il note que X... devenait chiant . La réalité de ce rendez-vous et de la présence de M. Z... a pu être vérifiée.

Après avoir attendu jusqu'à 16 heures dans la salle d'attente, M. Z... était sorti de chez le dentiste passé 16 heures 20, pour retourner chez lui où il avait trouvé porte close ; n'ayant pas ses clés, il avait sonné sans obtenir de réponse; pensant que sa femme n'était pas là, il était retourné à la cave ranger son vélo, et y était resté à bricoler pendant environ une demi-heure. Alors qu'il était remonté à l'appartement avec l'idée de tenter de démonter la serrure, s'était pésenté dans l'escalier un inconnu qui prétendait passer voir sa femme, lorsque soudain, la porte s'était ouverte de l'intérieur pour laisser surgir le nommé X... qui s'était enfui très rapidement dans les escaliers, prononçant quelques paroles incompréhensibles.

Il avait alors entendu sa femme qui râlait, et l'avait découverte en sang, se plaignant que l'homme l'avait frappée. En compagnie de l'inconnu venu rendre visite, il avait vainement tenté de poursuivre

et rattraper X...

Il précisait aux gendarmes que lorsqu'il avait découvert sa femme, celle-ci avait le pantalon baissé, la jambe gauche sortie; il n'avait pas pris garde à la présence d'un slip; elle portait une chemise en soie qui était ouverte, et un soutien gorge blanc taché de sang. Cette description est à rapprocher de celle faite par les gendarmes qui la décrivent comme vêtue, à leur arrivée, d'un chemisier multicolore, d'un soutien gorge taché de sang ainsi que d'un pantalon dont la jambe droite était sortie.

Le 9 juin 1997, M. Z... se présentait spontanément à la gendarmerie d'une part pour les informer que l'auteur de l'agression avait voéle porte-feuille de sa femme contenant sa carte nationale d'identité, une carte de crédit Trois Suisses et une somme de 2.000 F en espèces qu'elle avait retiré à la banque le 3 juin, ainsi qu'une chaîne en or, d'autre part qu'il avait découvert qu'il avait abandonné sa chemise tachée de sang pour en prendre une lui appartenant.

Une voisine demeurant au premier étage de l'immeuble (les Z... habitant au troisième), Mme G... , déclarait le 5 juin avoir vu la veille Mme Z... arriver accompagnée d'un homme de race noire, entre 15 heures 30 et 15 heures 45; dès leur arrivée dans l'appartement, elle avait entendu des cris, et à la suite des bruits violents, comme si quelqu'un donnait des coups de pied dans une porte. Le témoin, habituée à ce voisinage fréquemment bruyant, n'y avait pas attaché d'importance particulière et avait quitté les lieux vers 16 heures 05 pour se rendre à son travail.

Interrogée le 5 juin dans la matinée, Mme Z... expliquait avoir passé la

soirée avec son amie C, dabord dans un café, puis pour dîner chez l'ami de celle-ci, enfin dans un bar. Apès la fermeture de celui-ci, elle s'était rendue avec Y, dans un autre café après avoir raccompagné C chez son ami. Dans ce café, ils avaient rencontré l'homme de race noire prénommé X... que connaissait Y, qui leur avait payé à boire. Après la fermeture de ce bar, vers 3 heures et demi, ils s'étaient rendus à la demande de Mme Z... au bar l'Etincelle, en compagnie de X... et d'un ami de celui-ci, où ces derniers avaient eu une violente altercation. Au matin, elle avait proposé à X... , qui disait que c'était son anniversaire, de venir manger chez elle, ce qu'il avait accepté. H... les témoignages recueillis, qui permettent de préciser exactement cet emploi du temps, et plus spécialement celui de Y,Mme Z... avait eu tout au long de la nuit une attitude très correcte.

Après un nouveau passage au caféle 4 juin à midi, ils étaient ensuite tous deux rentrés chez elle tandis que M.B était chez son dentiste. F... ne se rappelait pas précisément ce qui s'était passé à leur retour, si ce n'est qu'elle s'était rendue dans sa chambre, qu'Eddy en avait défoncé la porte à coups de pieds, qu'elle l'avait vu entrer avec une grosse clé à mollette dans une main, criant et demandant de l'argent, puis la frappant à la tête et à la jambe avec un objet tranchant et lui brisant la jambe, lui semblait-il avec la clé à mollette. Voulant coucher avec elle, il avait essayé de lui enlever son pantalon mais n'avait réussi à enlever qu'une jambe et avaitété empêché de parvenir à ses fins par l'arrivée de son mari sonnant à la porte. F... se disait certaine qu'il n'y avait pas eu de rapport sexuel.

Entendue par la suite, elle précisera qu'elle s'était enfermée dans

sa chambre pour se changer, comme elle fait toujours quand il y a quelqu'un chez elle; c'est, pense-t-elle, parce qu'il voulait coucher avec elle qu'il a voulu entrer, et parce qu'elle refusait d'ouvrir qu'il a défoncé la porte, puis parce qu'elle refusait de se déshabiller et de coucher avec lui qu'il l'a frappée, tentant même de lui enlever son pantalon. F... ajoutait qu'après l'avoir frappée, redevenu calme, il était resté dans la maison, s'était lavé, avait changé sa chemise et avait même apporté une bouteille de vin mousseux dans la chambre; il avait dérobé le porte-feuille qui se trouvait dans sa chambre.

Grâce à divers renseignements, dont un faisant apparaître que X... , dit X... l'Antillais, avait eu une altercation avec une femme qu'il fréquentait qui avait provoqué l'intervention des gendarmes de Caraman, les enquêteurs parvenaient à identifier celui-ci auprès de cette brigade comme pouvant être le nommé . Sous réserve d'un changement de pilosité, les époux Z... reconnaissaient en celui-ci le prénommé X... venu chez eux le 4 juin. Il était décrit comme vivant en marge, fréquentant assidûment les débits de boisson, dépensant très vite son argent en soirées.

Une empreinte relevée sur une bouteille de vin mousseux retrouvée dans la chambre était formellement identifée comme appartenant à M.A. Ce n'est que plus d'un an après, le 8 juillet 1998, que le nommé X... , entre-temps inscrit sur le fichier des personnes recherchées, était mis à la disposition des enquêteurs à la suite de son interpellation par les services de police de Toulouse pour ivresse publique et manifeste.

Interrogé, X... déclarait imméiatement se rappeler très bien le jour de sa rencontre avec Mme Z... , qu'il racontait dans les termes jusqu'alors connus, tout au moins jusqu'au retour à l'appartement après le départ de M. Z... H... lui, il s'était assis dans le salon tandis que Mme Z... partait dans sa chambre et prendre une douche; elle était revenue, lui avait servi un café, puis lui avait montré sa chambre, et s'était allongée sur le lit; ils avaient commencé à discuter, et il avait pensé qu'elle voulait coucher avec lui; il s'était levé pour aller aux toilettes, laissant son portefeuille sur une petite table; en revenant, il avait constaté que la porte de la chambre était verrouillée, avait frappé, essayé d'ouvrir, demandé ce qui se passait sans obtenir de réponse; il avait alors tapé dans la porte à coups de pieds jusqu'à la défoncer, et avait ouvert en passant sa main par le trou pratiqué; constatant la disparition de son portefeuille, il avait fouillé la chambre et fini par le retrouver sous le lit qu'il avait retourné, pour découvrir qu'il était vide des 3.500 Francs qui s'y trouvaient; il avait alors demandé à plusieurs reprises à la femme où était son argent, mais elle s'était bornée, pour toute réponse, à lui rire au nez; très énervé, il lui avait alors donné une raclée, frappant 'comme un malade', utilisant un cutter qui se trouvait dans la chambre pour la frapper à la tête, à la figure, puis à coups de poings et de pieds; partant ensuite, il s'était trouvé en présence du mari en ouvrant la porte de l'appartement.

Il niait avoir utilisé la clé à mollette pour frapper, avoir frappé aux jambes, de même que toute utilisation de la scie. Il reconnaissait avoir changé de chemise, mais sur l'offre de Mme Z... , et parce qu'il avait chaud. Il niait avoir volé l'argent de celle-ci, de même que ses papiers et la chaîne en or.

Il réitérait ces explications au juge d'instruction, précisant cependant qu'il ne se souvenait pas avoir pris la grosse clé à mollette mais que, dans l'état où il s'était trouvé, il ne savait plus où il en était, et que c'est en réalisant soudain que la femme était en sang qu'il avait pris peur et était parti. Il estimait à 4.000 Francs la somme d'argent qu'il avait dans son portefeuille.

Au cours d'une confrontation organisée le 15 décembre 1998 par le juge d'instruction, Mme Z... , reprenant la narration des faits survenus dans l'appartement tels qu'elle l'avait faite dans sa précédente audition, déclarait au juge d'instruction qu'après l'avoir frappée et lui avoir brisé la jambe, alors qu'elle ne pouvait plus bouger et que, le visage ensanglanté elle n'y voyait plus, il était parvenu à lui ôter son pantalon, et, malgré ses demandes d'arrêter et ses promesses de ne rien dire à son mari, il avait introduit son sexe dans son vagin; sä'étant ensuite calmé, il avait apporté une bouteille de vin mousseux dans la chambre, peut-être pour se faire pardonner. F... expliquait son silence antérieur sur ce viol par la honte qu'elle en concevait, et la volonté de le cacher à son mari.

M. X... , prenant alors la parole, se bornait .à reprendre exactement la version des faits qu'il avait précédemment exposée, sans évoquer si peu soit-il cette nouvelle accusation; interpellé par le juge sur ce point, il se contentait de déclarer qu'il n'y avait pas eu de viol, puis, après deux nouvelles questions sans plus de résultat, finissait par déclarer: 'on a eu une petite relation, c'est tout. Je ne l'ai pas tenue par les pieds, par les jambes, pour la violer. Je n'ai pas fait ce genre de truc', maintenant que les violences exercées ne s'expliquaient que pour l'argent, et s'abritant enfin derrère

l'existence d'une précédente condamnation prononcée à son encontre du chef de viol avec arme pour expliquer son silence sur la relation sexuelle.

Les expertises effectuées faisaient apparaître que les prélèvements effectués le jour des faits sur Mme Z... contenaient des spermatozoides, et que ceux-ci permettaient l'extraction d'A.D.N. dans la fraction femelle dont la combinaison des facteurs généiques est identique aux profils de Mme Z... et d'A.D.N dans la fraction mâle dont la combinaison des marqueurs génétiques, différente du profil de M.B, est identique au profil de M.A, la fréquence de ces différents profils étant estimée comme inférieure à 1/1.000.000.000.

Au terme de l'information,M. X... explique qu'après quä'ils se soient installés dans le salon, Mme Z... l'a invitée dans la chambre, où il a emporté deux verres et une bouteille de mousseux ainsi que des cigarettes; il ont discuté, puis elle l'a 'cherché un peu', et à force ils se sont laissé aller tous les deux jusqu'à avoir un rapport "assez rapidement"; il s'est ensuite rendu aux toilettes, et a alors entendu la porte se refermer violemmentà clé, ce qui a provoqué la scène de violence précédemment décrite en raison de la disparition de son argent; il nie avoir utilisé la clé à mollette et la scie, accuse le mari de les avoir posées là affirmant n'avoir utilisé qu'un cutter trouvé dans la chambre en la fouillant; il affirme que s'il avait utilisé ces outils 'ce ne serait pas comme ça', évoquant trois fractures du crâne que lui aurait faites son beau-père en le frappant un jour avec une clé à mollette, pour ajouter enfin: 'chez nous, à la Martinique, on ne tape pas avec des ceinturons et martinets, on frappe avec la poùle à frire, une assiette, et parfois le coupe-coupe'. Il nie également le vol qui lui est imputé.

La chronologie des faits après le retour à l'appartement telle qu'elle résulte des déclarations constantes de Mme Z... est exactement corroborée par le témoignage de la voisine Mme G... qui a immédiatement entendu cris puis des coups de pied dans la porte. La notion du viol, dont l'accusation n'est apparue de façon formelle qu'en cours d'instruction, existait cependant tès clairement dès l'origine de l'enquête, que ce soit à l'état consommé ou à l'état d'une simple tentative plus ou moins avancée. L'état vestimentaire de la victime lors de l'arrivée du mari puis des secours est précisément conforme aux déclarations constantes de la victime qui, dès l'origine et bien qu'elle ait voulu taire l'existence du viol consommé, a toujours affirmé qu'après l'avoir frappée, son agresseur avait tenté de lui imposer une relation sexuelle. X... l'inverse, M. X... s'est toujours abstenu d'évoquer la relation sexuelle et présente une chronologie de faits qui ne correspond pasà ces mêmes constatations.

Par ailleurs, s'il est formellement établi que X... avait effectué, le 1er juin 1997, deux retraits d'espèces totalisant 6.500 Francs et que rien n'interdit d'admettre qu'il lui soit resté la somme qu'il allègue malgré les dépenses qu'il avait pu faire entre-temps, rien n'est susceptible d'établir le vol qu'il allègue pour expliquer ses violences.

Il est par contre également établi que, le 3 juin, et donc immédiatement avant les faits, Mme Z... avait effectué un retrait en espèces d'une somme de 2.000 Francs; le vol n'est au demeurant plus contesté selon les termes du mémoire déposé le 17 juillet 2000 par M.A.

L'expertise effectuée sur la personnalité de Mme Z... fait ressortir d'une part la cohérence des traits de sa personnalité avec l'ensemble de ses conduites constatées en l'occurrence, et d'autre part la sévérité tant du stress post-traumatique que de l'état dépressif qui marquent le retentissement des actes subis, caractéristiques d'une agression traumatique intense, et qui sont tels qu'il n'est pas possible de les simuler.

Les constatations matérielles opérées, le nombre, les caractéristiques et la gravité des blessures constatéesétablissent l'emploi successif de plusieurs instruments différents pour les produire, et seraient révélateurs chez l'auteur tant d'une intention d'occasionner à la victime des blessures d'une gravité exceptionnelle que, en la plaçant dans une situation d'impuissance physique totale et en lui infligeant des douleurs aiguùs et prolongées, le tout dans un état de détresse et de souffrance morale intenses, d'une intention de nier en elle la personne humaine, qui caractérisent dans les faits pour lesquels M.A a été mis en examen, de véritables tortures ou actes de barbarie.

RENSEIGNEMENTS

Monsieur X... est né à FORT DE FRANCE. Il est issu d'une fratrie de 7 enfants, composée de trois filles et trois garçons issus de pères différents. Son père exerçait un emploi de marin-pêcheur, mais sa mère s'en séparera alors que X... est âgé de 14 ans, et elle vivra avec plusieurs hommes différents.

Il a suivi une scolarité normale à FORT DE FRANCE jusqu'en classe de seconde.

Il a effectué son service national dans une compagnie de combat à La Martinique puis en Guyane.

X... 21 ans, il suit une formation dans une école de pêche et obtient, deux ans après, un CAP de marin-pêcheur, et travaille sur le bâtiment de son père.

Il se marie en janvier 1987 avec Madame I... dont il avait eu une fille qu'il n'a pas reconnue. Ils se séparent au bout d'une semaine.

Il occupe de petits emplois dans la pêche, avec divers patrons.

Il s'adonne alors à la boisson et se montre violent et agressif à l'égard de son entourage, et, à la suite de disputes nombreuses avec sa mère à qui il reproche une vie dissolue et son silence sur son véritable père, il rompt pratiquement tout contact avec sa famille.

Il est ensuite embauché en tant que garçon d'entretien dans différents cirques. Il est embauché dans le dernier le 21 août 1987, et est incarcéré sept jours aprèsà la maison centrale de FORT DE FRANCE pour viols.

Il est condamné le 11 novembre 1988 à 12 ans de réclusion criminelle par la Cour d'Assises de La Martinique pour viols commis sous la menace d'un couteau, le 27 août 1987, sur la personne d'une jeune femme qu'il désirait et qu'il est allé surprendre nuitamment dans la maison où elle résidait, dans laquelle il s'était introduit par effraction, et vol de divers objets (bijoux en or et chaîne haute-fidélité), commis dans les lieux mêmes et à la suite des viols.

Il purge une partie de sa peine à la centrale de MURET en Haute-Garonne, dont il est libéré en fin de peine, le 6 septembre 1994. Il occupera alors plusieurs emplois temporaires et obtient un CAP de peintre en bâtiment dans le cadre de la formation permanente. Il exerce également des emplois de barman et serveur.

Il a eu une liaison dont serait issue une seconde enfant.

Il pratique le football et aurait voulu effectuer une carrière professionnelle, compte tenu de son bon niveau.

Il a fait l'objet, en novembre 1996, d'une mesure de placement à l'hôpital MARCHANT à la suite d'un épisode de violence.

Son souhait serait de revenir en Martinique.

L'examen psychologique ne révèle pas de trouble dans l'organisation de sa personnalité, et ses aptitudes intellectuelles sont normales. Sa personnalité révèle quelques traits histrioniques mineurs et de discrètes perturbations névrotiques. Les faits seraient en relation avec une alcoolisation massive; dans la mesure où il contrôlerait sa consommation d'alcool, il serait réadaptable et, d'une manière plus favorable dans son département d'origine.

L'examen psychiatrique révèle chez Monsieur X... des anomalies psychiques sous forme de conduites addictives d'alcoolisation avec émergence d'actes hétéro-agressifs majeurs survenant sur une personne fragilisée avec des antécédents de difficultés familiales. Les antécédents judiciaires personnels, une relative marginalisation

renforcent cette dimension pathogène. L'infraction reprochée n'est pas, psychiatriquement, en relation avec des anomalies psychiatriques. Il n'était pas atteint, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuro-psychique ayant aboli ou altéré le contôle de ses actes. Il ne présente pas d'état dangereux au sens psychiatrique du terme; la répétition d'actes hétéro-agressifs en cas de frustration lourdement ressentie et les conduites d'alcoolisation renforcent le risque de dangerosité sociale et bénéficierait, pour ces conduites, d'une surveillance médico-sociale. Il est accessible à une sanction pénale, et réadaptable sous réserve.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Juge qu'il ressort de l'information charges suffisantes contre Monsieur X... : 1() d'avoir le 4 juin 1997 dans le ressort territorial de la Cour d'Assises de la Haute-Garonne et depuis moins de dix ans, frauduleusement soustrait au préjudice de Madame Z... un porte-carte contenant une somme de deux mille Francs ainsi qu'une carte d'identité et une carte de crédit, avec ces circonstances d'une part que le vol a été précédé, accompagné ou suivi de tortures ou d'actes de barbarie, d'autre part qu'il a été commis en état de récidive légale au sens de l'article 132-9 du code pénal, Monsieur X... ayant été condamné définitivement le 22 novembre 1988 par la Cour d'Assises de La Martinique pour viols commis sous la menace d'une arme et vol par effraction connexe, à la peine de 12 ans de réclusion criminelle, expirée le 6 septembre 1994;

2() d'avoir le 4 juin 1997 dans le ressort territorial de la Cour d'Assises de la Haute-Garonne et depuis moins de dix ans, commis par violence, contrainte, menace ou surprise, un acte de pénétration sexuelle sur la personne de Madame Z... , avec ces circonstances d'une part que ledit viol a été précédé,

accompagné ou suivi de tortures ou d'actes de barbarie, d'autre part qu'il a été commis en état de récidive légale au sens de l'article 132-8 du code pénal, Monsieur X... ayant été condamné définitivement le 22 novembre 1988 par la Cour d'Assises de La Martinique pour viols commis sous la menace dä'une arme et vol par effraction connexe, à la peine de 12 ans de réclusion criminelle, expirée le 6 septembre 1994; crimes prévus et réprimés par les articles 222-23, 222-26, 222-44, 222-45, 222-47, 222-48, 222-48-1, 311-1, 311-10, 311-14, 311-15, 132-8, 132-9, 132-23 du code pénal;

Vu les articles 181, 183, 184, 194, 197, 198, 199, 200, 210, 211, 214, 215, 216, 217 et 218 du code de procédure pénale;

Prononce la mise en accusation de Monsieur X... , et le renvoie devant la Cour d'Assises de la Haute-Garonne; ORDONNANCE DE PRISE DE CORPS Ordonne que, par tout agent de la force publique, le nommé:

Monsieur X... , né à FORT DE FRANCE, fils de Monsieur et Madame X... , de nationalité française, actuellement détenu à la maison d'arrêt de Toulouse, mandat de dépôt du 9 juillet 1998, sans domicile fixe, sera pris de corps, conduit à la maison d'arrêt près la Cour d'Assises de la Haute-Garonne, et écroué; Ordonne que le présent arrêt sera exécuté à la diligence de Monsieur le Procureur D...

LE GREFFIER

LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Numéro d'arrêt : 2000/00633
Date de la décision : 21/07/2000

Analyses

VIOL - Circonstances aggravantes - Torture ou acte de barbarie

Les outils retrouvés et les constatations matérielles effectuées, le nombre, les caractéristiques et la gravité des blessures infligées avant le viol, établissent l'emploi successif de plusieurs instruments différents pour les produire et seraient révélateurs chez l'auteur de la double intention d'occasionner à la victime des blessures d'une gravité exceptionnelle et, en la plaçant dans une situation d'impuissance physique totale et en lui infligeant des douleurs aiguùs et prolongées, dans un état de détresse et de souffrance morale intenses, de nier en elle la personne humaine, l'ensemble étant de nature à caractériser l'exercice de véritables tortures ou actes de barbarie au sens de l'article 222-26 du Code pénal


Références :

Code pénal 222-26

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;2000-07-21;2000.00633 ?
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