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02/11/1999 | FRANCE | N°1997-03103

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 02 novembre 1999, 1997-03103


DU 2 NOVEMBRE 1999 ARRET N° Répertoire N° 97/03103 Première Chambre Première Section HM/CD 13/03/1997 TGI TOULOUSE RG : 9304405 (1 404) (M. X... ) S.M.A.B.T.P. S.C.P CANTALOUBE FERRIEU C/ CENTRE DE RECHERCHES ET DE TRAITEMENTS CANCEROLOGIQUES S.C.P NIDECKER PRIEU SCP A MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS Me DE LAMY BUREAU D'ETUDES B., Cie ABEILLE S.C.P MALET G.A.N. S.C.P BOYER LESCAT MERLE Société C AXA ASSURANCES, REY Christian, liquidateur de la société D S.C.P SOREL DESSART SOREL Société E AXA ASSURANCES VENANT AUX DROITS DE L'UNION DES ASSURANCES DE PARIS BUREAU DE CONTROLE TECHNI

QUE F S.C.P RIVES PODESTA CAVIGLIOLI Christian, administra...

DU 2 NOVEMBRE 1999 ARRET N° Répertoire N° 97/03103 Première Chambre Première Section HM/CD 13/03/1997 TGI TOULOUSE RG : 9304405 (1 404) (M. X... ) S.M.A.B.T.P. S.C.P CANTALOUBE FERRIEU C/ CENTRE DE RECHERCHES ET DE TRAITEMENTS CANCEROLOGIQUES S.C.P NIDECKER PRIEU SCP A MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS Me DE LAMY BUREAU D'ETUDES B., Cie ABEILLE S.C.P MALET G.A.N. S.C.P BOYER LESCAT MERLE Société C AXA ASSURANCES, REY Christian, liquidateur de la société D S.C.P SOREL DESSART SOREL Société E AXA ASSURANCES VENANT AUX DROITS DE L'UNION DES ASSURANCES DE PARIS BUREAU DE CONTROLE TECHNIQUE F S.C.P RIVES PODESTA CAVIGLIOLI Christian, administrateur judiciaire de la société D sans avoué constitué CONFIRMATION PARTIELLE COUR D'APPEL DE TOULOUSE REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Arrêt de la Première Chambre, Première Section Prononcé: A l'audience publique du Deux novembre mil neuf cent quatre vingt dix neuf, par H. MAS, président, assisté de E. KAIM MARTIN, greffier. Composition de la cour lors des débats et du délibéré: Président :

H. MAS Conseillers :

R. METTAS

M. ZAVARO Y... lors des débats: E. KAIM MARTIN Débats: A l'audience publique du 4 Octobre 1999 . La date à laquelle l'arrêt serait rendu a été communiquée. Avant l'ouverture des débats, les parties ont été informées des noms des magistrats composant la cour. Nature de l'arrêt : réputé contradictoire APPELANTE S.M.A.B.T.P. Ayant pour avoué la S.C.P CANTALOUBE FERRIEU Ayant pour avocat la SCP SALESSE, DESTREM du barreau de Toulouse INTIMES CENTRE DE RECHERCHES ET DE TRAITEMENTS CANCEROLOGIQUES Ayant pour avoué la S.C.P NIDECKER PRIEU Ayant pour avocat la SCP RAVINA et ASSOCIES, du barreau de Toulouse SCP A COMPAGNIE MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS Ayant pour

avoué Maître DE LAMY Ayant pour avocat la SCP DARNET, BOUDET, GENDRE du barreau de Toulouse BUREAU D'ETUDES B Ayant pour avoué la S.C.P MALET Ayant pour avocat la SCP CLAMENS, LERIDON du barreau de Toulouse COMPAGNIE G.A.N. Ayant pour avoué la S.C.P BOYER LESCAT MERLE Ayant pour avocat la SCP LARRAT, du barreau de Toulouse SOCIETE C Ayant pour avoué la S.C.P SOREL DESSART SOREL Ayant pour avocat la SCP FURBURY, VACARIE du barreau de Toulouse SOCIETE AXA ASSURANCES Ayant pour avoué la S.C.P SOREL DESSART SOREL Ayant pour avocat la SCP FURBURY,VACARIE du barreau de Toulouse SOCIETE E Ayant pour avoué la SCP RIVES PODESTA et pour avocat Maître THEVENOT du barreau de Toulouse COMPAGNIE AXA ASSURANCES VENANT AUX DROITS DE L'UNION DES ASSURANCES DE PARIS Ayant pour avoué la S.C.P RIVES PODESTA Ayant pour avocat Maître THEVENOT du barreau de Toulouse BUREAU DE CONTROLE TECHNIQUE F Ayant pour avoué la S.C.P RIVES PODESTA Ayant pour avocat la SCP VIENNOT,BRYDEN du barreau de Paris COMPAGNIE ABEILLE Ayant pour avoué la S.C.P MALET Ayant pour avocat la SCP CLAMENS, LERIDON du barreau de Toulouse MAITRE CAVIGLIOLI Christian Administrateur Judiciaire de la Sté D Sans avoué constitué MAITRE REY Christian Liquidateur de la Sté D Ayant pour avoué la S.C.P SOREL DESSART SOREL Ayant pour avocat Maître DUBLANCHE du barreau de Toulouse

FAITS ET PROCEDURE

Le Centre a fait réaliser une salle conçue pour la protection des rayonnements, appelée "salle SATURNE" sous la maîtrise d'oeuvre de la SCP A, assurée auprès de la MAF, et du bureau d'étude Bassuré auprès de la compagnie ABEILLE.

La mission de contrôle a été confiée à F.

Le gros oeuvre a été confié à la société D (assurée auprès de la SMABTP), le béton lourd ayant été fourni par la société E, selon les consignes de la société C (assurée auprès d'AXA ASSURANCES).

La réception des travaux intervenait le 4 août 1986. Dès le mois de

juillet 1987 divers désordres apparaissaient.

Le Centre , après le dépôt du rapport de l'expert M. Z... , missionné par une ordonnance de référé en date du 23 mai 1990, assignait les constructeurs en réparation des dommages.

Le 6 février 1995, le rapport de l'expert dont la mission avait été complétée était déposé.

Le tribunal de grande instance de Toulouse, par jugement du 13 mars 1997 : - condamnait la société A, la MAF, le Bureau d'étude B, la compagnie ABEILLE PAIX, la SMABTP, la société C, AXA ASSURANCES et le bureau de contrôle F,à payer in solidum au centre la somme de 1.283.708,50 Frs à réactualiser au jour du jugement, - fixait à ce même montant la créance du centre contre la société D, en liquidation judiciaire, - condamnait le GAN, B et la MAF à payer in solidum la somme de 12.000 Frs au titre de l'astreinte prononcée en référé le 18 mars 1992, le GAN et la MAF supportant seuls la charge définitive de celle-ci par moitié, - condamnait la SMABTP à relever et garantir intégralement la SCP A, la MAF, B, la compagnie ABEILLE et le bureau de contrôle F de la condamnation de 1.283.708,50 Frs ( à réactualiser), - donnait acte à la SMABTP de ce que la franchise stipulée dans sa police était opposable aux parties bénéficiaires de la condamnation, - condamnait la société E et l'UAP, in solidum, à relever et garantir la SMABTP de la condamnation précédente, jusqu' à concurrence de la somme de 548.515,35 Frs (somme réactualisée), - donnait acte à l'UAP qu'elle pouvait opposer la franchise résultant de l'article 4-1-1 de sa police RC à la SMABTP, - déboutait le GAN, B, la société A et la MAF de leurs demandes en restitution formulées à l'encontre du centre, - mettait hors de cause Me CAVIGLIOLI, - ordonnait l'exécution provisoire dans la limite de 50 % du montant du dommage, - condamnait la SCP A, la MAF,B, la compagnie ABEILLE, la SMABTP, la société C, AXA ASSURANCES, le bureau de contrôle F, à

payer in solidum : les dépens, - disait que ces dernières condamnations seraient supportées, à titre définitif, par la SMABTP à raison de 62,5 % et par la société C et AXA ASSURANCES à raison de 37,5 %.

La SMABTP a régulièrement relevé appel du jugement.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

La SMABTP, par conclusions en date du 3 septembre 1999, conclut à la réformation.

Elle demande à la cour de : - dire que la responsabilité du sinistre n'incombe pas à la société D et qu'elle doit être mise hors de cause, - condamner tous les succombants à payer 10.000 Frs au titre de l'article 700 du NCPC et à payer les dépens.

Subsidiairement, pour le cas où une condamnation serait prononcée à l'encontre de D et à son encontre, elle sollicite la condamnation de C (et AXA), la société E(et l'UAP), B (et le GAN), la SCP A (et la MAF) et l'APAVE à la relever et à la garantir.

La SMABTP tente de démontrer que la société D n'est pas entièrement responsable du dommage.

Elle souligne, à cet effet, que le changement de nature des agrégats, qui se sont révélés ultérieurement défaillants, est imputable à la société C, spécialiste de l'élaboration des bétons denses, qui en a pris l'initiative (elle invoque deux courriers en date des 12 décembre 1985 et 19 février 1986).

Elle ajoute que : - la société D avait bien commandé le béton "baryte", conformément au CCTP (elle invoque sur ce point des documents contractuels), - et que, de toute manière, la société C n'avait pas la technicité voulue pour apprécier l'incidence d'un changement de granulat sur la tenue de l'ouvrage.

Elle considère, en outre, que B a commis une faute en ne vérifiant pas la conformité du nouveau béton employé aux normes du CCTP ; elle

invoque, sur ces points, le compte rendu de chantier du 13 mars 1996 et un courrier du 7 mars 1986.

Elle soutient, enfin, n'avoir commis aucune faute dans la mise en oeuvre des travaux.

LE CENTRE, par conclusions en date du 25 août 1999, conclut à la confirmation du jugement et fait valoir des moyens identiques à ceux développés en première instance.

Il sollicite en outre : - le rejet des demandes formulées par la société A et formulées par le GAN, - la condamnation in solidum des appelants, tant à titre principal qu'à titre incident, au paiement de la somme de 30.000 Frs, au titre de l'article 700 du NCPC et au paiement des entiers dépens.

LA SOCIETE A et LA MAF, par conclusions du 28 janvier 1998, concluent : - la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la SMABTP, la société C et AXA ASSURANCES à les relever et à les garantir des condamnations prononcées à leur encontre, - l'infirmation du jugement en ce qu'il a liquidé l'astreinte issue de l'ordonnance présidentielle du 18 mars 1992.

Elles demandent, en outre, la condamnation de la SMABTP et de tout succombant à leur payer 15.000 Frs de dommages et intérêts et la condamnation de la SMABTP à leur payer 15.000 Frs au titre de l'article 700 du NCPC ainsi que sa condamnation aux dépens.

Subsidiairement, dans l'hypothèse où une condamnation serait mise à leur charge, elles sollicitent la condamnation de B et du GAN à l'en garantir, en l'état des missions confiées à chacun.

Plus subsidiairement, elles sollicitent la condamnation de B à les relever et garantir des condamnations prononcées à leur encontre au titre de l'astreinte et la condamnation du maître de l'ouvrage ou des co-condamnés à leur rembourser la somme de 88.950 Frs augmentée des intérêts légaux à compter du 8 avril 1992, date du règlement.

Elles reconnaissent que l'article 1792 du code civil fait peser sur les architectes une présomption de responsabilité. Mais elles estiment que la spécificité de l'opération et sa technicité, qui a d'ailleurs justifié l'intervention de spécialistes, serait de nature à les exonérer. Elles affirment, à cet égard, que la société A a bien réalisé des opérations de contrôle (carrotage) mais que celles-ci ne lui ont pas permis de déceler la non conformité du béton au CCTP.

Elles font observer, en effet, que l'expert a retenu comme cause essentielle des désordres du sinistre l'existence d'un béton "hématite" et non d'un béton de "baryte" et que ce dernier en a conclu que la responsabilité en incombait à ceux qui avaient proposés un tel changement. Elles soulignent, aussi, que selon le rapport, le maître d'oeuvre chargé de la surveillance de ces travaux, B, et le contrôleur technique F n'en étaient pas avertis.

Elles ajoutent que les premiers juges ont dit que "le désordre trouvait son origine première dans la faute de D à qui incombait le non respect du CCTP et les défauts de mise en oeuvre".

B et la Compagnie ABEILLE, par conclusions du 7 juillet 1999, concluent à la réformation de la décision en ce qu'elle a retenu la responsabilité de B, en application de l'article 1792 du code civil. Ils demandent à la cour de : - dire que la faute de la société D constitue une cause exonératrice de la responsabilité décennale de B, - condamner la SMABTP à leur payer 10.000 Frs au titre de l'article 700 du NCPC ainsi qu'à payer les entiers dépens.

Subsidiairement, ils sollicitent : - la confirmation de la décision en ce qu'elle a condamné la société D et la SMABTP à relever et garantir B et la compagnie ABEILLE des condamnations prononcées à son encontre et en ce qu'elle n'a pas appliqué d'astreinte à B, - le rejet du recours en garantie exercé par la société A et autres à

l'encontre de B,

Ils rappellent que B n'était pas au courant du changement d'agrégat. Ils notent aussi que B assurait la direction des travaux à hauteur de 80 %, le reste étant assuré par la société A.

Le GAN ASSURANCES, par conclusions en date du 13 août 1999, conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a mis le GAN hors de cause.

Il sollicite la réformation du jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de restitution de la somme indûment réglée en exécution de l'ordonnance de référé du 18 mars 1992 et en ce qu'il a dit qu'il y avait lieu de liquider l'astreinte à l'égard du GAN.

Il demande à la cour de : - condamner le Centre à lui restituer la somme de 80.055 Frs, avec intérêts à compter du 8 avril 1992, - de lui donner acte de ce qu'il se réserve la mise en oeuvre de toute action à l'encontre des parties au procès dont la responsabilité serait retenue afin d'obtenir le règlement des sommes évoquées précédemment, - condamner la SMABTP et la compagnie ABEILLE au paiement de 10.000 Frs, au titre de l'article 700 du NCPC et au paiement des dépens.

Il rappelle que B a souscrit une police d'assurance décennale auprès d'elle, postérieurement l'exécution des travaux litigieux (prise d'effet à compter de 1989) et que celle-ci ne contenait aucune clause de reprise du passé.

La Société C et AXA ASSURANCES, par conclusions du 4 mars 1999, concluent à leur mise hors de cause pure et simple. Ils sollicitent, en outre, la condamnation des succombants à leur payer 10.000 Frs au titre de l'article 700 du NCPC.

Elles contestent l'étendue des désordres. Elles notent que la salle litigieuse est utilisée de manière quotidienne et que les dommages apparents et esthétiques ont été réparés suite à l'ordonnance de

référé du 18 mars 1992.

Elles invoquent les rapports du LABORATOIRE X en date des 25 juillet 1996 et 28 janvier 1999 qui constatent que "les évolutions superficiellement constatées ne compromettaient pas la solidité de l'ouvrage".

Elles notent que l'action exercée par les parties à l'encontre de la société C est de nature délictuelle (sauf pour la société E).

Elles soutiennent, par ailleurs, que l'appréciation d'une faute délictuelle ne peut s'opérer au regard d'obligations contractuelles qui ne sont pas opposables, en tant que tiers, à la société et que, par suite, la nature de l'agrégat n'a pas été imposé.

Enfin, elles contestent l'origine des désordres et estiment que l'agrégat n'a pas été impropre sa destination.

La société E et la compagnie AXA (venant aux droits de l'UAP), par conclusions du 3 décembre 1998, concluent à la confirmation du jugement et sollicitent la condamnation de la SMABTP payer 10.000 Frs au titre de l'article 700 du NCPC ainsi qu'aux entiers dépens.

Elles expliquent que la société D a commandé à E un béton lourd de densité 3,5 sans préciser la nature de l'agrégat, par lettre du 7 mars 1986. Elles soulignent aussi le fait que la société C par lettre du 27 mars 1986 a indiqué que sa composition serait en agrégat d'hématite. Elles en déduisent que le Centre ne peut invoquer une faute délictuelle, ou contractuelle à l'égard de E.

En revanche, elles reconnaissent que E devrait relever la société D de 75 % de la part du dommage soit 548.515,35 Frs et soutiennent que C devrait relever la société E en totalité.

Le BUREAU DE CONTROLE TECHNIQUE F conclut à la réformation du jugement.

Il demande à la cour de : - déclarer irrecevable l'appel de la SMABTP en ce qu'il est dirigé à son encontre, - constater que le rapport de

l'expert ne retient aucune faute imputable à F et que donc il ne peut fonder sa responsabilité, - dire que F ne peut être assimilé à un constructeur ou locateur d'ouvrage et qu'en aucun cas il ne devait assumer la conception des ouvrages, la surveillance des travaux ou la direction du chantier, - dire qu'il n'a commis aucune faute dans l'exercice de sa mission de contrôleur technique agréé, - rejeter toute demande formulée à son encontre, - condamner tout succombant à lui payer 10.000 Frs au titre de l'article 700 du NCPC et à payer les entiers dépens.

Subsidiairement, il sollicite le rejet de toute condamnation solidaire ou in solidum qui serait prononcée à son encontre.

Très subsidiairement, il sollicite la confirmation de la décision en ce qu'elle a condamné la SMABTP à le relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre.

Il estime que sa mission était de contribuer à la prévention de sinistres et qu'il n'était pas tenu d'une obligation de résultat.

Il affirme que le Centre ne peut lui reprocher aucune faute contractuelle. Il invoque l'application de l'article 24 de la convention de contrôle technique du 22 novembre 1985 qui exclut sa responsabilité pour "une mauvaise conception ou exécution d'ouvrages utilisés en fonction de destinations qui ne lui ont pas été signalés ou dont les documents ne lui ont pas été transmis".

Me REY, mandataire judiciaire de la société D, demande à la cour de constater l'état de liquidation de la société D et de fixer éventuellement la créance du Centre au redressement judiciaire.

MOTIFS DE LA DECISION

ATTENDU que le litige essentiel devant la cour concerne la nature décennale ou non des désordres dont l'existence n'est pas contestée et dont les causes sont appréciées diversement particulièrement par la société C qui conteste que l'agrégat à base d'hématite qu'elle a

livré soit l'origine des désordres ; sur la nature des désordres

ATTENDU qu'on ne saurait mieux que les premiers juges rappeler les constatations de l'expert quant à l'apparition et à l'évolution des désordres ; qu'il suffit de constater que cette présentation est confirmée par le rapport d'observation réalisé en 1999 qui reprend les désordres anciens et montre l'évolution continue des fissures et des crat res affectant la surface du béton, même s'il apparait que l'évolution des cratères semble à ce jour stoppée ce qui n'est pas le cas des fissures ;

ATTENDU que si une atteinte en profondeur du béton lourd qui devait constituer le dernier support de la salle Saturne n'est pas quant à présent établie la société chargée du contrôle régulier indique qu'il sera nécessaire de procéder à des sondages pour apprécier l'importance des atteintes ;

ATTENDU qu'il convient d'apprécier si les désordres actuels portent atteinte à la solidité de l'ouvrage ou le rendent impropre à sa destination ;

ATTENDU que la SMABTP et les autres contestants sur ce point soutiennent que les conditions susvisées d'application de la garantie décennale ne seraient pas remplies dès lors que la salle Saturne est à ce jour utilisée sans difficulté par le Centre ;

ATTENDU que l'utilisation de la salle n'est pas contestée mais la condition d'impropriété à la destination doit s'apprécier non pas au regard de l'utilisation de l'immeuble mais au regard de ce qui devait être la destination de l'ouvrage spécifique mis en cause, en l'espèce le mur en béton lourd ;

ATTENDU que ce mur devait permettre de recevoir une simple couche de peinture pour assurer une finition correcte de la salle, assurer la protection des autres parties de l'immeuble contre les rayonnements émis par l'appareillage spécifique qui devait tre installé ;

ATTENDU qu'il résulte alors des constatations expertales que le béton lourd se fissure, se bombe et présente des cratères empêchant toute mise en place d'une peinture de finition ce qui a rendu obligatoire la pose de panneaux en mur et plafond, que la pérennité de la protection contre les rayonnements ne peut être affirmée et que l'activité déployée dans la salle Saturne a contribué l'évolution des désordres au moins jusqu'à ce que soient prises les premières mesures conservatoires et que soient mis en place les panneaux protecteurs dans la mesure où la transformation hématite goethite/limonite a été favorisée par le bombardement de surface dû à l'appareillage utilisé ;

ATTENDU que les désordres actuellement constatés montrent que, sans les mesures de protection et de contrôle préconisées par l'expert et mises en oeuvre, l'ouvrage est impropre à sa destination en ce qui concerne la résistance au rayonnement ;

ATTENDU par ailleurs que comme l'ont retenu à juste titre les premiers juges la maladie évolutive dont "souffre" le béton constitue une atteinte actuelle à la solidité de l'ouvrage justifiant les mesures préconisées par l'expert et adoptées par les premiers juges, qui évitent la destruction et la reconstruction de l'ouvrage et permettent son maintien opérationnel pendant une durée sans doute suffisante ; sur les responsabilités

sur la responsabilité des constructeurs

ATTENDU que la nature décennale des désordres étant retenue c'est à bon droit que les premiers juges ont admis à l'égard du Centre la responsabilité in solidum de l'architecte qui avait reçu une mission complète du bureau d'études B et de la société D présumés responsables de ces désordres en application de l'article 1792 du code civil, les présumés responsables ne pouvant, à l'égard du maître d'ouvrage, invoquer la faute exclusive de l'un d'eux pour prétendre

s'exonérer ;

sur la responsabilité de F

ATTENDU que si le contrôleur technique est également présumé responsable cette présomption de responsabilité édictée par les articles 1792, 1792-1 et 1792-2 du code civil ne peut jouer à son égard que dans les limites de la mission à lui confiée par le maître de l'ouvrage en application de l'article L 111-24 du code de la construction et de l'habitation ;

ATTENDU qu'en l'espèce le contrôleur technique F avait reçu par contrat du 22 novembre 1985, outre une mission relative aux existants, une mission de type L consistant à contribuer à prévenir les aléas techniques découlant d'un défaut de solidité des ouvrages ; ATTENDU qu'en phase d'exécution cette mission prévoit essentiellement le contrôle des plans et documents techniques d'exécution des procès verbaux d'essais établis par les constructeurs ou des tiers et l'examen des travaux en cours de réalisation ;

ATTENDU que cette mission ne prévoit pas la réalisation par le contrôleur technique de sondages destructifs et la présence permanente du contrôleur mais seulement des interventions ponctuelles par sondage ;

ATTENDU que la conception de l'ouvrage n'est pas en cause mais qu'il résulte des documents produits qu'en cours d'exécution des prélèvements et des contrôles de chaque béton mis en oeuvre devaient être réalisés et communiqués pour avis à F ;

ATTENDU qu'il est en outre établi que le béton d'hématite est facilement distingué du béton de baryt ne par sa seule couleur brune, au lieu de noire pour le béton baryte ;

ATTENDU qu'il est constant que F n'a fait aucune remarque en cours d'exécution ou au moment de la réception sur la nature du béton lourd

mis en oeuvre ;

ATTENDU qu'il ne justifie pas avoir réclamé communication des contrôles qui auraient dû être opérés alors que le contrôle s'imposait compte tenu de la spécificité et de la destination des bétons lourds ;

ATTENDU que les désordres constatés trouvent leur origine dans l'exécution de travaux sur lesquels F devait exercer un contrôle rigoureux ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu sa responsabilité dans le cadre de la présomption légale de responsabilité qui pèse sur le contrôleur technique ;

sur la responsabilité des fournisseurs

ATTENDU que le béton litigieux a été fourni par la société E qui s'est adressée à la société C pour déterminer la composition et fournir les agrégats ;

ATTENDU que les premiers juges ont justement retenu que la responsabilité de la société E ne pouvait être recherchée que sur le plan quasidélictuel par le Centre et sur un plan contractuel par la société D ;

ATTENDU que le Centre ne remet pas en cause le rejet de la demande qu'il avait formée contre la société E ;

ATTENDU que cette société ne conteste pas plus la décision déférée qui a retenu sa responsabilité partielle à l'égard de la société D et sollicite la confirmation de sa garantie par la société C ;

ATTENDU que la société C a reçu commande de la société E pour un béton lourd présentant une densité de 3,5 ;

ATTENDU qu'elle a fait plusieurs propositions à la société E en précisant que la densité requise serait plus facilement atteinte par l'emploi de béton avec agrégat d'hématite plutôt que de barytène ;

ATTENDU que l'expert a précisé que la transformation hématite goethite limonite à l'origine partielle des désordres de même que le

phénomène d'Alcali réaction trouvaient leur origine dans la nature même de l'hématite utilisée mê me si ces phénomènes avaient été aggravés par l'excès d'eau lors de la mise en oeuvre assurée par la société D ;

ATTENDU que si la société C et son assureur contestent les déductions de l'expert et même les références bibliographiques qu'il cite à l'appui de ses conclusions en ce qui concerne la transformation hématite goethite limonite qui n'aurait jusqu'à présent jamais été observée, la transformation de l'hématite n'apparait pas contestable au vu des constatations de l'expert et des observations ultérieures et le phénomène d'Alcali, réaction dont l'expert affirme qu'il a été favorisé par l'emploi de l'hématite fournie, n'est pas contesté dans sa réalité par C ;

ATTENDU que, comme l'ont retenu les premiers juges, la société C spécialiste du béton, était tenue de livrer des composants susceptibles de rendre le service prévu ;

ATTENDU que la livraison d'agrégats insuffisamment testés par rapport à l'utilisation très spécifique qui devait en être faite constitue une faute contractuelle à l'égard de la société E et une faute délictuelle à l'égard du maître d'ouvrage ;

sur la répartition des responsabilités

ATTENDU que les désordres trouvent leur origine dans la transformation de l'hématite et dans l'alcali réaction ;

ATTENDU que les premiers juges ont à juste titre laissé à la charge définitive de la seule société D le coût de réparation des dommages liés exclusivement aux fautes de mise en oeuvre chiffrées à 730.254,70 Frs et partagé à concurrence de 75 % pour la société C et 25 % pour la société D la chargeages liés exclusivement aux fautes de mise en oeuvre chiffrées à 730.254,70 Frs et partagé à concurrence de 75 % pour la société C et 25 % pour la société D la charge définitive

du coût de reprise des autres désordres dès lors que les réactions chimiques du béton à l'origine de la dégradation progressive proviennent de la nature de l'agrégat livré et que l'adjonction d'eau en quantité trop importante n'aurait eu que des conséquences très limitées dans le temps si le béton lourd avait été autrement composé ;

sur l'obligation des assureurs

ATTENDU que la SMABTP assure la société D en garantie décennale et ne conteste pas sa couverture pour les préjudices distincts de la reprise matérielle des ouvrages ; que la responsabilité de son assurée étant retenue sur le fondement de la garantie décennale elle doit régler les sommes mises la charge de son assurée sans pouvoir opposer au maître de l'ouvrage la franchise contractuelle pour les réparations à l'ouvrage ; qu'elle est par contre en droit d'opposer cette franchise aux autres responsables et à tous dans le cadre des préjudices distincts des travaux de reprise seuls couverts par l'assurance obligatoire ;

ATTENDU que les premiers juges ont à juste titre considéré que le GAN, qui n'assurait pas le bureau d'étude B au moment des travaux, ne devait pas sa garantie effectivement due par la compagnie L'ABEILLE ; ATTENDU toutefois que la restitution des sommes versées par le GAN au titre des provisions ordonnées en référé le 18 mars 1992, (80.055 Frs), est due par le Centre qui les a perçues ; que la décision déférée sera donc réformée sur ce point, le Centre devant obtenir paiement total des responsables et de leurs assureurs ;

ATTENDU que les intérêts sur cette somme ne courent que du jour de la signification du présent arrêt qui fonde le droit à restitution ;

ATTENDU que la franchise contractuelle de la compagnie AXA venant au droit de l'UAP en qualité d'assureur de la société C a été à bon

droit déclarée opposable aux tiers ;

sur l'astreinte

ATTENDU que l'ordonnance de référé du 18 mars 1992 avait condamné in solidum sous peine d'astreinte B et le GAN et les architectes et leur assureur la MAF à verser une provision ;

ATTENDU qu'après signification la MAF a versé seulement la moitié de la somme le 8 avril 1992, le GAN versant sous déduction de la franchise sa contribution le 28 avril 1992 ;

ATTENDU que constatant le retard, les premiers juges ont liquidé l'astreinte à 12.000 Frs, condamné in solidum le GAN et la MAF et réparti entre eux par moitié la charge définitive de cette condamnation ;

ATTENDU que la MAF conteste l'existence d'un retard et soutient que la charge de l'astreinte éventuelle devrait être supportée par B qui a tardé à adresser au maître d'ouvrage la franchise restant sa charge ;

Mais ATTENDU que la condamnation étant in solidum la MAF ne peut se prévaloir d'un paiement partiel à l'encontre du maître de l'ouvrage ; qu'elle ne peut pas plus reporter la faute du retard sur B dès lors que s'agissant d'une assurance obligatoire la franchise contractuelle est inopposable au tiers lésé et qu'il appartenait donc aux assureurs d'assurer le paiement de la condamnation entre les mains du maître de l'ouvrage et d'obtenir ensuite le règlement par l'assuré de la franchise ;

ATTENDU que la décision déférée sera donc confirmée sur ce point ;

ATTENDU qu'il apparait équitable de mettre à la charge de la SMABTP appelant principal initial la somme de 8.000 Frs au bénéfice du Centre par application de l'article 700 du NCPC ; que l'équité ne commande pas de faire application de cet article au bénéfice des autres parties ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR;

déclare l'appel recevable,

confirme la décision déférée sauf en ce qu'elle a rejeté la demande de restitution formée par le GAN à l'encontre du Centre ,

statuant à nouveau sur ce point, condamne le Centre de Recherche et de Traitements Cancérologiques à rembourser à la compagnie d'assurances GAN la somme de 80.055 Frs avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision,

dit que cette somme intégrée dans le préjudice global arrêté par les premiers juges sera supportée par les responsables tenus définitivement à la dette,

précise que les provisions versées seront déduites à la date de leur versement des condamnations prononcées,

précise que la SMABTP est en droit d'opposer au maître d'ouvrage la franchise contractuelle au titre des préjudices distincts du coût des réparations à l'ouvrage,

condamne la SMABTP à verser au Centre la somme complémentaire de 8.000 Frs par application de l'article 700 du NCPC,

condamne aux dépens d'appel la SMABTP à concurrence de 60 %, la société C avec son assureur AXA à concurrence de 30 % et le bureau de contrôle technique F à concurrence de 10 % avec distraction au profit de la SCP NIDECKER PRIEU, de Me DE LAMY, de la SCP MALET et de la SCP BOYER LESCAT MERLE. LE PRESIDENT ET LE Y... ONT SIGNE LA MINUTE. LE Y...

LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Numéro d'arrêt : 1997-03103
Date de la décision : 02/11/1999

Analyses

ARCHITECTE ENTREPRENEUR - Responsabilité - Responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage - Garantie décennale - Domaine d'application

La condition d'impropriété à la destination doit s'apprécier non pas au regard de l'utilisation de l'immeuble mais au regard de ce qui devait être la destination de l'ouvrage spécifique mis en cause. La maladie évolutive dont souffre le béton constitue une atteinte actuelle à la solidité de l'ouvrage justifiant des mesures ayant pour but d'éviter la destruction et la reconstruction de l'ouvrage et permettant son maintien opérationnel pendant une durée sans doute suffisante.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;1999-11-02;1997.03103 ?
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