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11/10/1999 | FRANCE | N°1998-01845

France | France, Cour d'appel de Toulouse, 11 octobre 1999, 1998-01845


DU 11 octobre 1999 ARRET N° Répertoire N° 98/01845 Première Chambre Première Section HM/EKM 14/01/1998 T. Commerce de TOULOUSE (Mme ROBARDEY) AXA ASSURANCES VENANT AUX DROITS DE LA COMPAGNIE U.A.P. S.C.P RIVES PODESTA SNC A S.C.P RIVES PODESTA C/ SA B S.C.P BOYER LESCAT MERLE G.A.N. S.C.P CANTALOUBE FERRIEU INFIRMATION GROSSE DELIVREE LE A COUR D'APPEL DE TOULOUSE REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Arrêt de la Première Chambre, Première Section Prononcé: A l'audience publique du onze octobre mil neuf cent quatre vingt dix neuf, par H. MAS, président, assisté de E

. KAIM-MARTIN greffier. Composition de la cour lors des débats e...

DU 11 octobre 1999 ARRET N° Répertoire N° 98/01845 Première Chambre Première Section HM/EKM 14/01/1998 T. Commerce de TOULOUSE (Mme ROBARDEY) AXA ASSURANCES VENANT AUX DROITS DE LA COMPAGNIE U.A.P. S.C.P RIVES PODESTA SNC A S.C.P RIVES PODESTA C/ SA B S.C.P BOYER LESCAT MERLE G.A.N. S.C.P CANTALOUBE FERRIEU INFIRMATION GROSSE DELIVREE LE A COUR D'APPEL DE TOULOUSE REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Arrêt de la Première Chambre, Première Section Prononcé: A l'audience publique du onze octobre mil neuf cent quatre vingt dix neuf, par H. MAS, président, assisté de E. KAIM-MARTIN greffier. Composition de la cour lors des débats et du délibéré: Président :

H. MAS Conseillers :

R. METTAS

M. ZAVARO Greffier lors des débats: C. DUBARRY Débats: A l'audience publique du 13 Septembre 1999 . La date à laquelle l'arrêt serait rendu a été communiquée. Avant l'ouverture des débats, les parties ont été informées des noms des magistrats composant la cour. Nature de l'arrêt : contradictoire APPELANTES COMPAGNIE AXA ASSURANCES VENANT AUX DROITS DE LA COMPAGNIE U.A.P. FRANCE Ayant pour avoué la S.C.P RIVES PODESTA Ayant pour avocat la SCP CLAMENS, LERIDON du barreau de Toulouse SNC A Ayant pour avoué la S.C.P RIVES PODESTA Ayant pour avocat Maître THEVENOT du barreau de Toulouse INTIMEES SA B Ayant pour avoué la S.C.P BOYER LESCAT MERLE Ayant pour avocat la SCP SALESSE, DESTREM du barreau de Toulouse COMPAGNIE G.A.N. Ayant pour avoué la S.C.P CANTALOUBE FERRIEU Ayant pour avocat la SCP MERCIE, FRANCES, JUSTICE ESPENAN du barreau de Toulouse

*********

FAITS ET PROCEDURE :

En juillet 1987 M.X a concédé à la SNC A les droits de fortage sur un terrain sis en bordure de la rivière "Le Salat" sur la commune Y dans l'Ariège.

Un arrêté préfectoral d'exploitation prévoyait la réalisation de travaux et particulièrement l'exécution d'une plateforme de 2O mètres de large entre la bordure du Salat et le bord de la fouille.

La SNC A a commandé l'exécution des travaux à la société B.

Les 4 et 5 octobre 1992,à la suite d'une crue du Salat, le terrain concédé a été dévasté et le lit de la rivière modifié ce qui a entraîné la suppression de l'autorisation d'exploitation.

M.X a alors assigné la SNC A devant le tribunal de commerce de Toulouse en paiement des redevances couvrant toute la période de concession et de diverses sommes.

La SNC A a appelé en cause son assureur responsabilité civile l'U.A.P. et la société B qui a elle-même appelé en cause son assureur responsabilité civile exploitation le G.A.N.

Au vu d'un rapport d'expertise déposé par M. MARSAULT qu'il avait précédemment désigné, le tribunal de commerce de Toulouse a :

-condamné la SNC A à payer à M.X 27O.OOO francs avec intérêts à compter de l'assignation au titre des redevances prévues au contrat, -débouté M.X de ses demandes complémentaires, - débouté la SNC A de ses demandes à l'égard de l'entreprise B, - débouté l'entreprise B de ses demandes à l'égard du G.A.N. et de l'U.A.P., - donné acte à l'U.A.P. de ce qu'elle garantit la SNC A sous réserve de la franchise contractuelle et fait application de l'article 7OO du nouveau code de procédure civile.

La SNC A et la Compagnie U.A.P. (depuis AXA ASSURANCES) ont régulièrement formé un appel limité à l'encontre de la SA B et du G.A.N.

La SNC A soutient que l'expert a estimé que le sinistre ayant

entraîné l'impossibilité d'exploiter est dû à l'exécution par la société B d'une digue de 5 mètres de haut à la place de la plateforme de 2O mètres de large à hauteur du terrain naturel, cette digue ayant provoqué une accumulation d'eau et un affouillement puis une destruction des berges ayant elle-même eu pour effet de modifier le lit de la rivière.

Elle expose avoir confié à la société B les travaux préconisés par l'arrêté d'exploitation, que les prescriptions n'ayant pas été respectées, la société B et son assureur le G.A.N. doivent supporter les conséquences financières directes du désordre.

Elle demande la condamnation de l'U.A.P. et du G.A.N.à lui rembourser les sommes réglées à M.X et à lui payer 1.375.OOO francs au titre des pertes d'exploitation, 287.545,75 francs au titre du remboursement des frais de construction de la digue, 25.OOO francs par application de l'article 7OO du nouveau code de procédure civile.

Elle précise qu'elle n'est pas spécialiste des travaux de terrassement et génie civil et qu'elle a transmis à la société B les éléments nécessaires et notamment l'arrêté préfectoral prévoyant la réalisation de la plateforme.

La compagnie AXA conclut également à la responsabilité entière de la société B qui avait été informée par la DRIRE des travaux à réaliser et qui n'a pas exécuté l'ouvrage nécessaire pour contenir les eaux.

Elle soutient par ailleurs que le G.A.N. assureur dela responsabilité civile de l'entreprise B doit garantir son assurée dès lors que la garantie est demandée pour les dommages causés aux tiers et non les désordres à l'ouvrage qui pourraient seuls être couverts par la garantie décennale obligatoire, et que l'article 14 des conventions spéciales du contrat G.A.N. prévoit la couverture des conséquences pécuniaires de la responsabilité que l'assurée peut encourir, causés aux tiers par ses ouvrages ou travaux après achèvement de ceux-ci.

Dans ses dernières écritures la SA B conclut au principal à sa mise hors de cause en soutenant qu'il n'est pas démontré qu'elle avait eu connaissance de l'arrêté préfectoral, que l'administration avait avant le sinistre approuvé les travaux réalisés et que si l'ouvrage a été détruit c'est en raison d'un évènement (la cure du Salat) ayant fait l'objet d'un classement en catastrophe naturelle et revêtant les caractères de la force majeure.

Elle soutient par ailleurs que la SNC A ne produit aucun élément de nature à démontrer son préjudice et qu'elle ne peut solliciter le remboursement du coût de réalisation de la digue.

Elle conclut subsidiairement à sa garantie par le G.A.N. en faisant valoir que l'ouvrage siège des désordres ayant entraîné un dommage aux tiers n'est pas un ouvrage de bâtiment susceptible d'entrer dans le cadre de l'assurance obligatoire garantie décennale ; que le contrat G.A.N. prévoit la couverture de la responsabilité encourue après achèvement des travaux du fait des dommages causés aux tiers par les ouvrages réalisés (titre II articles 14 et 18).

La compagnie d'assurances G.A.N. conclut au rejet des demandes formulées à son encontre en soutenant, d'une part, que la responsabilité de son assurée, la société B ne peut être retenue dans la mesure où elle a réalisé ce qui lui était demandé par la société B et où il n'est pas démontré qu'elle a eu connaissance des dispositions de l'arrêté préfectoral ; d'autre part, qu'elle ne doit pas en toute hypothèse sa garantie dès lors que l'article 15 des conventions spéciales exclut les responsabilités et garanties prévues par les articles 1792 et suivants et l'article 227O du code civil et que les travaux réalisés ayant consisté en la création d'une digue importante concernent la réalisation d'un ouvrage et entrent dans le cadre des garanties précitées qui s'appliquent aux ouvrages de génie civil.

Elle ajoute que la société B n'est pas intervenue en qualité de sous-traitante de la SNC A qui avait bien la qualité de maître d'ouvrage et qu'enfin les désordres consécutifs à des débordements de cours d'eau sont exclus de sa garantie et qu'elle ne pourrait couvrir ni le coût de la digue ni les préjudices immatériels conséquences d'un préjudice matériel non garanti.

MOTIFS DE LA DECISION : - Sur l'intervention de la société B:

Attendu que même s'il n'est produit aucun marché écrit entre la SNC A et la société entreprise B, cette dernière ne conteste pas être intervenu sur le site à la demande de la SNC A ;

Attendu que celle-ci seule cessionnaire des droits d'exploitation du site n'était liée avec le propriétaire du terrain par aucun contrat de louage d'ouvrage relatif à la réalisation des travaux de protection de la zone d'extraction ;

Attendu que l'entreprise B est donc bien intervenu à la demande directe de la SNC A maître d'ouvrage et non en qualité de sous-traitant ; - Sur la nature de la responsabilité de la société B :

Attendu qu'il est établi que la société B a réalisé une digue de 5 mètres de haut en bordure du Salat pour assurer la protection de la zone d'extraction située dans une boucle de cette rivière ;

Attendu que la réalisation d'une digue fût-elle en terre et matériaux naturel constitue un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil dès lors qu'il s'agit d'un aménagement modifiant le terrain naturel par l'édification d'une protection artificielle contre la venue des eaux ;

Attendu dès lors qu'indépendamment du point litigieux relatif à la conformité de l'ouvrage aux prescriptions de l'administration que la société B prétend ne pas avoir connues, ce qui apparaît contraire à la vérité compte tenu des liens unissant la SNC A et la sociétéB et

des contacts que la SNC A a eu avec les services administratifs en cours de réalisation comme le montrent le rapport d'expertise et les pièces annexes et notamment un arrêté du 22 mars 1992 rappelant la réalisation de la plateforme, la société B est présumée responsable pendant dix ans des désordres survenus après achèvement et portant atteinte à la solidité de l'ouvrage et à sa destination ;

Attendu que nul ne conteste l'achèvement de l'ouvrage avant la réalisation du sinistre et son acceptation par la SNC A qui exploitait les lieux ;

Attendu que les désordres consistant en la dégradation quasi totale de l'ouvrage ; la société B est responsable de plein droit des conséquences dommageables de ces désordres survenus moins de 1O ans après réception ;

Attendu que l'ouvrage avait pour but premier de protéger les lieux d'extraction et plus généralement le site contre la montée des eaux du Salat ; que la crue de cette rivière ayant emporté l'ouvrage ne peut donc être considérée comme un cas de force majeure d'autant que l'expert MARSAULT a démontré que la crue d'octobre 1992 n'était pas exceptionnelle par son intensité puisqu'une crue de même hauteur avait été constatée en 1966 et 1952 ; que des crues de hauteurs proches avaient été constatées en 74, 69, 68 et 63 et qu'une crue exceptionnelle de 4,15 m contre 2,9O m en 1992 avait été constatée en mai 1977 sans qu'alors le lit du Salat ne soit modifié ;

Attendu que la responsabilité de la société entreprise B doit donc être retenue ; - Sur le préjudice de la SNC A :

Attendu que la SNC A a perdu la possibilité d'exploiter le site pendant la fin de la durée de la période concédée du fait du changement de lit de la rivière et a dû cependant payer les redevances au propriétaire ; que de ce chef son préjudice est incontestable ; que la SA B sera donc condamnée à garantir la SNC A

des sommes mises à sa charge au bénéfice de M. X ;

Attendu que la société A réclame par ailleurs une perte d'exploitation et le coût de mise en place de la digue défectueuse ; Attendu que si elle ne peut effectivement exploiter le site qu'elle avait choisi, il faut observer qu'elle est indemnisée des redevances versées en pure perte et que compte tenu de la nature de son activité elle pouvait redéployer celle-ci sur d'autres sites sans difficultés majeures de sorte que son préjudice dont elle ne donne d'ailleurs qu'une appréciation purement théorique se limite à la nécessité de rechercher un autre site d'exploitation et à transférer le matériel nécessaire ;

Attendu que la société A a réglé le coût d'une digue qui devait lui permettre d'exploiter au moins pendant la durée initialement prévue, que cet investissement spécifique à l'exploitation devenue impossible n'a pu être amorti dans les conditions prévues ; que la totalité du coût ne peut être cependant remboursée dès lors que l'exploitation a tout de même était effective pendant plusieurs années de 1987 à 1992 ;

Attendu que la perte consécutive à l'impossibilité d'amortissement de l'investissement et à la nécessité de redéploiement sera complètement réparé par l'octroi de la somme de 3OO.OOO francs titre de dommages-intérêts ; - Sur l'obligation du G.A.N. :

Attendu que le G.A.N. couvre la responsabilité civile de la SA B ;

Attendu qu'en vertu de l'article 14 des conventions spéciales, cette compagnie garantit les conséquences pécuniaires de la responsabilité que l'assuré peut encourir du fait des dommages matériels et immatériels causés aux tiers par ses ouvrages après achèvement desdits ouvrages et travaux ;

Attendu toutefois qu'en vertu des mêmes conventions spéciales sont

formellement exclues les responsabilités et garanties prévues par les articles 1792 et suivants et 227O du code civil ;

Attendu que les garanties dues par le constructeur du fait de sa responsabilité présumée en vertu des articles 1792 et suivants du code civil s'étendent à tous les dommages matériels et immatériels provoqués par les désordres affectant l'ouvrage ;

Attendu que si l'assurance obligatoire prévue par la loi du 4 janvier 1978 ne s'étend qu'aux ouvrages de bâtiment ou faisant appel aux techniques de travaux de bâtiment et aux travaux de remise en état de l'ouvrage, l'exclusion figurant en l'espèce aux conventions spéciales ne vise pas les seuls dommages assurés dans le cadre de la couverture obligatoire mais bien l'ensemble des garanties et responsabilités prévues par les articles 1792 et 227O du code civil, que la responsabilité de la société B étant retenue sur ce fondement la police souscrite auprès du G.A.N. ne peut s'appliquer en l'espèce ; que cette compagnie sera mise hors de cause ; - Sur les demandes accessoires :

Attendu qu'il apparaît équitable d'allouer à la SNC A et à l'U.A.P. à la charge de la société B la somme de 1O.OOO francs par application de l'article 7OO du nouveau code de procédure civile ; qu'il apparaît également équitable d'allouer la même somme à la société G.A.N.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR :

Vu les appels limités de la SNC A et de l'U.A.P. ;

Réforme dans les limites de l'appel la décision déférée ;

Déclare la société anonyme entreprise B responsable sur le fondement des articles 1792 et 227O du code civil des désordres consécutifs au sinistre des 4 et 5 octobre 1992 ;

Condamne la société anonyme B à payer à la compagnie AXA la somme de 27O.OOO francs (deux cent soixante dix mille francs) outre intérêts

qu'elle a réglée à M. X ;

La condamne à payer à la SNC A la somme de 3OO.OOO francs (trois cent mille francs) à titre de dommages-intérêts complémentaires en réparation de son préjudice financier ;

Rejette les demandes formées à l'encontre du G.A.N. ;

Condamne la SA B à payer à la SNC A,à la compagnie AXA et la compagnie G.A.N. (à chacun) la somme de 1O.OOO francs (dix mille francs) par application de l'article 7OO du nouveau code de procédure civile ;

La condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit des SCP RIVES-PODESTA et CANTALOUBE-FERRIEU. Le présent arrêt a été signé par le président et le greffier. LE GREFFIER :

LE PRESIDENT :


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Toulouse
Numéro d'arrêt : 1998-01845
Date de la décision : 11/10/1999

Analyses

ARCHITECTE ENTREPRENEUR - Responsabilité - Responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage - Garantie décennale - Construction d'un ouvrage - Définition

La réalisation d'une digue en terre et matériaux naturels constitue un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil dès lors qu'il s'agit d'un aménagement modifiant le terrain naturel par l'édification d'une protection artificielle contre la venue des eaux.


Références :

Code civil article 1792

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.toulouse;arret;1999-10-11;1998.01845 ?
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