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08/03/2024 | FRANCE | N°18/00176

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, Chambre civile ti, 08 mars 2024, 18/00176


Arrêt N°2024/74

PC



R.G : N° RG 18/00176 - N° Portalis DBWB-V-B7C-E7F5

















[U]





C/



[W]























COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS







ARRÊT DU 08 MARS 2024



Chambre civile TI





Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE SAINT PIERRE en date du 12 FEVRIER 2018 suivant déclaration d'appel en date du 19 FEVRIER

2018 rg n° 15/000665





APPELANTE :



Madame [F] [P] [U]

[Adresse 4]

[Localité 7]



Représentant : Me Georges-andré HOARAU de la SELARL GEORGES-ANDRE HOARAU ET ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION





INTIMÉE :



Madame [G] [F] [C] [W] épouse [E]

[Adre...

Arrêt N°2024/74

PC

R.G : N° RG 18/00176 - N° Portalis DBWB-V-B7C-E7F5

[U]

C/

[W]

COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS

ARRÊT DU 08 MARS 2024

Chambre civile TI

Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE SAINT PIERRE en date du 12 FEVRIER 2018 suivant déclaration d'appel en date du 19 FEVRIER 2018 rg n° 15/000665

APPELANTE :

Madame [F] [P] [U]

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentant : Me Georges-andré HOARAU de la SELARL GEORGES-ANDRE HOARAU ET ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

INTIMÉE :

Madame [G] [F] [C] [W] épouse [E]

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentant : Me Aude CAZAL de la SELARL CAZAL - SAINT-BERTIN, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

CLÔTURE LE : 2 juin 2023

DÉBATS : en application des dispositions de l'article 779 alinéa 3 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état à la demande des parties, a autorisé les avocats à déposer leur dossier au greffe de la chambre civile avant le 3 novembre 2023.

Le président a avisé que l'affaire était mise en délibéré devant la chambre civile de la cour composée de :

Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre

Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère

Conseiller : Monsieur Eric FOURNIE, Conseiller

qui en ont délibéré

et que l'arrêt serait rendu le 07 février 2024 par mise à disposition au greffe, prorogé au 8 mars 2024.

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 08 Mars 2024.

Greffier : Mme Sarah HAFEJEE, Greffière.

LA COUR

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte notarié en date du 3 juin 1992, Madame [G] [F] [C] [W], épouse [E], est propriétaire d'une parcelle sise à [Localité 7] cadastrée AS [Cadastre 5].

Par acte d'huissier du 9 juillet 2015, Madame [G] [W], épouse [E] a fait assigner en bornage devant le tribunal d'instance de Saint-Pierre, Madame [F] [P] [U], propriétaire des parcelles contiguës cadastrées AS [Cadastre 6] et AS [Cadastre 2].

Par jugement avant dire droit du 22 février 2016 (RG n°15/000665), le tribunal d'instance de Saint-Pierre a ordonné le bornage et ordonné une expertise qu'il a confiée à Monsieur [V] [S], géomètre expert, lequel a déposé son rapport le 9 février 2017.

Par jugement en date du 12 février 2018, le tribunal d'instance de Saint-Pierre a statué en ces termes :

homologue le rapport de l'expert géomètre,

dit que la limite séparative des fonds sis à [Localité 7] et cadastrées AS [Cadastre 5], AS [Cadastre 6] et AS [Cadastre 2] sera définie par la ligne AB ainsi qu'elle est tracée sur le plan expertal constituant l'annexe 8 du rapport déposé au greffe le 9 février 2017 et annexé à la décision,

ordonne en conséquence l'implantation des bornes par les soins de l'expert sur la ligne séparative et ce à frais communs, chacune des parties devant supporter la moitié des frais,

dit que l'expert dressera procès-verbal de cette opération qui sera déposé au greffe du tribunal,

condamne Madame [F] [P] [U] à payer à Madame [G] [F] [C] [W] épouse [E] la somme de 600 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamne Madame [F] [P] [U] aux dépens.

Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Saint-Denis du 19 février 2018, Madame [F] [P] [U] a interjeté appel de cette décision.

L'affaire a été renvoyée à la mise en état suivant ordonnance en date du 20 février 2018.

Madame [F] [P] [U] a notifié par RPVA ses premières conclusions le 26 avril 2018.

Madame [G] [W], épouse [E], a notifié par RPVA ses premières conclusions d'intimée le 2 juillet 2018.

Par arrêt avant dire droit en date du 18 octobre 2019, la cour d'appel de Saint-Denis a ordonné une nouvelle expertise, confiée à Monsieur [B] [L], avec mission notamment de :

Fournir à la cour tous les éléments d'appréciation utiles aux fins de permettre la fixation de la limite séparative entre les propriétés des parties, en tenant compte des titres, des éléments d'occupation et de tous autres indices,

Evaluer la contenance des parcelles en cause en application de la ligne AB de l'expertise [S] et de la ligne G'L' du plan [K],

Proposer le cas échéant toute ligne divisoire de nature à compenser les excédents ou déficits constatés par rapport aux titres des parties,

Etablir un plan des lieux, (')

Renvoyé l'affaire à la mise en état.

L'expert a déposé son premier rapport le 19 avril 2021.

Par arrêt avant dire droit en date du 1er avril 2022, la cour d'appel de Saint-Denis a :

Demandé à l'expert judiciaire Monsieur [L] de compléter les conclusions de son rapport en répondant aux chefs de mission suivants, déjà définis dans l'arrêt du 18 octobre 2019 :

1/ - évaluer la contenance des parcelles en cause en application de la ligne AB de l'expertise [S] et de la ligne G'L' du plan [K],

2/ - proposer le cas échéant toute ligne divisoire de nature à compenser les excédents ou déficits constatés par rapport aux titres des parties,

Y ajoutant,

3/ Indiquer la contenance des deux parcelles selon les prétentions de Madame [E] (chandelle, parc à animaux, manguier, etc.).

L'expert a déposé son rapport définitif le 20 octobre 2022.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 juin 2023.

PRETENTIONS ET MOYENS

Aux termes de ses dernières conclusions sur rapport d'expertise notifiées par RPVA le 3 juillet 2021, Madame [F] [P] [U] demande à la cour de :

INFIRMER la décision entreprise en ce qu'elle a :

homologué le rapport de l'expert géomètre [S] ;

dit que la limite séparative des fonds sis à [Localité 7] et cadastrées AS [Cadastre 5], AS [Cadastre 6] et AS [Cadastre 2] sera définie par la ligne AB ainsi qu'elle est tracée sur le plan expertal constituant l'annexe 8 du rapport ;

ordonné en conséquence l'implantation des bornes par les soins de l'expert sur la ligne séparative ;

dit que l'expert dressera procès- verbal de cette opération qui sera déposé au secrétariat greffe de ce tribunal ;

condamne Mme [U] [F] [P] à payer à Mme [W] [G] la somme de 600 euros en application des dispositions de l'article 700 du CPC ;

la condamne aux dépens.

Dire n'y avoir lieu à homologation du rapport de M. [B] [L] ;

Voir fixer la limite par le pied de chandelle existant sur la parcelle AS [Cadastre 5] ;

SUBSIDIAIREMENT,

Ordonner un complément d'expertise par M. [L], lequel devra compléter son rapport et proposer une limite suivant les titres de propriétés des parties en cause et faisant application de la contenance comme mentionné dans l'arrêt du 18/10/2019 et en tenant compte également de la chandelle et de la ravine sur les lieux ;

Dire que ce complément d'expertise ne sera pas taxé.

En tous les cas,

Débouter Mme [W] de ses prétentions.

Dire n'y avoir lieu à homologation du rapport d'expertise de M. [V] [S] du 8 février 2017, et ni même celui de M. [L] ;

Condamner Mme [W], épouse [E], au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 au titre de l'appel ;

Voir dire que les dépens seront employés en frais communs.

L'appelante expose que Madame [W] a acquis, selon son titre et celui de son auteur, une parcelle d'une surface de 725 m2 et non de 1.090 m2. Pour autant, M. [S] dans le cadre de son expertise en première instance fait une application de la contenance cadastrale qui n'a qu'une valeur indicative, et non de la contenance réelle acquise. En outre les limites fixées par M. [S] est une stricte application du plan de [K], géomètre mandaté par l'intimée, et dont le plan n'est pas contradictoire. M. [K] affirme par ailleurs que la limite a été fixée par lui sur la base uniquement du cadastre.

Madame [U] affirme que le rapport d'expertise de Monsieur [L], réalisé en appel, est aussi contestable.

Elle conteste le calage de sa propriété, représenté sur les photographies aériennes de 1966 et 1973, soit postérieurement à son acquisition.

Madame [U] soutient que, sur la figure 4 (photo aérienne du 17/07/1966), le calage est représenté en partie sur la parcelle AS [Cadastre 3] -AS [Cadastre 1] puisqu'il passe sur le parc à animaux de cette dernière dans le prolongement du manguier (cf. pièce 18) ; Elle invoque des témoignages qui confirment que la limite avec les parcelles AS [Cadastre 3]-[Cadastre 1] a toujours été celle existante actuellement. Sur la photographie aérienne du 31/10/1973, figure 5- le calage est décalé par rapport au manguier et le parc à animaux, alors que le manguier est le même et n'avait pas bougé.

Madame [U] conteste les conclusions de l'expert en ce qu'il déclare que ces photographies n'ont pas été utilisées pour fixer les limites mais pour justifier de la modification de la rue du stade. Si tel est le cas, cet élargissement ne concerne pas uniquement la propriété de Mme [U] mais également celle de Mme [W]. Par conséquent la contenance de cette dernière doit être également diminuée par rapport à cet élargissement.

Madame [U] ajoute que, contrairement à ce qui est exposé, la largeur de cette rue n'a jamais été modifiée, mais que le chemin a été uniquement déplacé postérieurement à 1973. Dès lors M. [L] ne peut constater une modification antérieurement à son déplacement. Il est par ailleurs invraisemblable qu'à partir d'une photo aérienne, l'expert puisse voir un élargissement du chemin alors qu'il a seulement été déplacé, mais jamais élargi.

Madame [U] considère ensuite que l'expert a bien confirmé que le terrain de Mme [W] accuse un excédent. Pour en justifier, il déclare que ce surplus s'explique par le fait que d'après le bornage de M. [N] de 1992, que l'occupation des époux [I] (auteur de l'intimée) s'étendait bien jusqu'à la route et qu'il est possible que M. [W] ou les époux [I] aient occupé un délaissé qui longeait la route. Ainsi, l'expert admet que la propriété de Mme [W] n'atteignait pas la route, fait confirmé par M. [A] [Z] propriétaire de la parcelle de Mme [W] jusqu'en 1975.

Ainsi, outre le fait que Mme [W] ne peut prescrire la portion supplémentaire du fait de son auteur, elle ne saurait ignorer que son acte mentionne clairement que « l 'acquéreur déclare être parfaitement informé de la différence de superficie entre le précédent titre et la superficie cadastrale.

Ainsi donc tant Mme [W] que son auteur ne peuvent prétendre à la prescription du surplus du terrain qu'elle occupe soit 365 m2, dans la mesure où ces derniers ne se sont jamais comportés comme propriétaire exclusifs de cet excédent de terrain, la possession étant équivoque.

L'appelante plaide que l'expert judiciaire n'a pas rempli sa mission correctement à propos du « chemin communal au nord ». Elle considère qu'aucune investigation sérieuse n'a été faite pour la fixation des limites, tant M. [L] que M. [S] se sont contentés de faire application des plans de bornage antérieure non contradictoire et ce au détriment de Mme [U].

En outre, selon Madame [U], Monsieur [L] avait pour mission de proposer une ligne divisoire de nature à compenser les excédents ou déficits constatés par rapport aux titres des parties. Cependant rien de tel n'a été fait, l'expert reconnaissant l'excédent pour l'expédition de cette affaire se contente tout simplement de supposer une prescription acquisitive de Mme [W] du surplus qu'elle occupe sans titre, alors qu'elle ne peut faire valoir la prescription acquisitive.

Madame [U] reproche aussi au rapport d'expertise de s'être trompé sur le point C, qui n'a jamais été une borne comme cela est affirmé, mais le reste d'un poteau d'une citerne construite par la partie adverse.

Dans le dire adressé postérieurement à l'expert, il lui avait été indiqué la présence sur les lieux :

- d'un pied de chandelle figurant sur la parcelle AS [Cadastre 5], (pièce 21),

- d'une ancienne ravine visible sur les photos aériennes en limite avec la parcelle de Mme [U].

La propriété de Mme [U] et celle de Mme [W] étaient délimitées par la chandelle et cette ravine (cf. pièces 20 et 21). Mais, au lieu de venir sur les lieux vérifier ces éléments conformément à sa mission, M. [L] déclare qu'à aucun moment la concluante lui avait informé de la présence de la chandelle et de la ravine alors qu'il incombait à l'Expert de faire ces relevés dans le cadre de sa mission et non à l'appelante de le faire à sa place.

Aux termes de ses dernières conclusions après expertise notifiées par RPVA le 17 février 2023, Madame [G] [W], épouse [E], demande à la cour de :

DEBOUTER Madame [F] [P] [U] de ses demandes.

CONFIRMER la décision attaquée en ce qu'elle a homologué les conclusions du rapport d'expertise de Monsieur [S] prévoyant comme limite de bornage entre la parcelle cadastrée AS [Cadastre 5] de Madame [W] épouse [E] [G], et les parcelles AS [Cadastre 6] et AS [Cadastre 2] de Madame [U] [F] [P], la ligne AB, qui passe par la borne B existante et un point A à implanter tels que ces éléments sont représentés sur le plan à l'échelle 1/250 de l'annexe n° 8 du rapport d'expertise.

En tout état de cause,

HOMOLOGUER les conclusions du rapport d'expertise et du complément d'expertise de Monsieur [L] prévoyant comme limite de bornage entre la parcelle cadastrée AS [Cadastre 5] de Madame [W] épouse [E] [G], et les parcelles AS [Cadastre 6] et AS [Cadastre 2] de Madame [U] [F] [P], la ligne notée L'G sur le plan annexe 2.

CONDAMNER Madame [U] [F] [P] à payer à Madame [W] épouse [E] la somme de 2.500 € au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens.

CONDAMNER Madame [F] [P] [U] aux entiers dépens.

L'intimée affirme que la limite proposée par l'expert [L] correspond très exactement à la palissade en bois érigée par Mme [W], palissade qu'elle avait par prudence montée non pas sur le muret construit par Mme [U] mais sur son terrain à elle, en retrait de 50 cm du muret indiqué par Mme [U], de sorte que la limite proposée est déjà matérialisée par une palissade en bois qu'il n'y a pas lieu de modifier.

L'intimée fait valoir au regard du complément d'expertise réalisé par Monsieur [L] en octobre 2022 que :

sur le 1er point de sa mission, à savoir « l'évaluation de la contenance des parcelles en cause en application de la ligne AB de l'expertise [S] et de la ligne G'L' du plan [K] » : les préconisations des deux précédents géomètres arrivent peu ou prou aux mêmes constatations et conclusions que lui quant aux limites à appliquer.

Sur le 2ème point de sa mission, à savoir « Proposer le cas échéant toute ligne divisoire de nature à compenser les excédents ou déficits constatés par rapport aux titres des parties » : l'expert indique que la méthode d'application des superficies des titres n'est pas valide pour déterminer la limite litigieuse.

Sur le 3ème point de sa mission, à savoir « Indiquer la contenance des deux parcelles selon les prétentions de Madame [U] (chandelle, parc à animaux, manguier, etc.) » : l'expert fait état de toutes les différentes versions de Mme [U] sur la limite séparative d'avec la parcelle des concluants, explications dénuées de sérieux qui n'ont pas retenues l'attention de celui-ci.

***

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées, figurant au dossier de la procédure, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n'examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentés au soutien de ces prétentions.

Sur les chefs de mission de M. [L]

Suite au dépôt du rapport de l'expert [L] le 15 avril 2021, la cour d'appel de Saint-Denis, par arrêt avant dire droit en date du 1er avril 2022, a demandé à l'expert judiciaire de compléter les conclusions de son rapport en répondant aux chefs de mission suivants, déjà définis dans l'arrêt du 18 octobre 2019 :

1/ - évaluer la contenance des parcelles en cause en application de la ligne AB de l'expertise [S] et de la ligne G'L' du plan [K],

2/ - proposer le cas échéant toute ligne divisoire de nature à compenser les excédents ou déficits constatés par rapport aux titres des parties,

Y ajoutant,

3/ Indiquer la contenance des deux parcelles selon les prétentions de Madame [E] (chandelle, parc à animaux, manguier, etc.).

Sur l'évaluation de la contenance des parcelles en cause en application de la ligne AB de l'expertise [S] et de la ligne G'L' du plan [K]

L'appelante expose que Madame [W] a acquis, selon son titre et celui de son auteur, une parcelle d'une surface de 725 m2 et non de 1.090 m2. Pour autant, M. [S] dans le cadre de son expertise en première instance fait une application de la contenance cadastrale qui n'a qu'une valeur indicative, et non de la contenance réelle acquise.

En outre les limites fixées par M. [S] est une stricte application du plan de [K], géomètre mandaté par l'intimée, et dont le plan n'est pas contradictoire. M. [K] affirme par ailleurs que la limite a été fixée par lui sur la base uniquement du cadastre.

L'intimée affirme que les préconisations des deux précédents géomètres arrivent peu ou prou aux mêmes constatations et conclusions que l'expert [L] quant aux limites à appliquer.

Ceci étant exposé,

Il ressort du rapport d'expertise n° 2 de Monsieur [L] du 20 octobre 2022, que l'expert a mesuré les superficies des parcelles en cause suivant les précédentes propositions de bornage pour la limite litigieuse, et les bornages existants ou à défaut les limites d'occupation pour le reste.

A ce titre, l'expert rappelle que selon la limite proposée par :

L'expert [S] (ligne AG du plan annexe 2) : L'écart de superficie pour Madame [U] est de -21% contre +45% pour Madame [W]

L'expert [K] (ligne G'L' du plan annexe 2) : L'écart de superficie pour Madame [U] est de -20% contre +44% pour Madame [W]

Par ailleurs, l'expert énonce que « les propriétés des parties avaient été définies dans des titres datant de 1964 et 1975 uniquement par des superficies, sans plan ni cotes. Après ces cessions, la rue longeant ces propriétés a fait l'objet d'aménagements importants dans son emprise et son tracé, entraînant des modifications drastiques sur les limites de propriétés riveraines'sans que ces changements aient été documentés. Par ailleurs, la propriété [W] s'est agrandie entre 1975 et 1992 par occupation d'un délaissé au sud-est jusqu'à la rue. Sa superficie actuelle est donc supérieure à celle du titre de 1975 sans que cela ait un lien avec la limite avec la propriété [U]. »

Il en résulte que l'expert [L] a correctement exécuté sa première mission consistant à évaluer la contenance des parcelles en cause par application de la ligne AB de l'expertise [S] et de la ligne G'L' du plan [K].

Sur la ligne divisoire de nature à compenser les excédents ou déficits constatés par rapport aux titres des parties

L'appelante fait valoir que Monsieur [L] avait pour mission de proposer une ligne divisoire de nature à compenser les excédents ou déficits constatés par rapport aux titres des parties. Cependant rien de tel n'a été fait, l'expert reconnaissant l'excédent pour l'expédition de cette affaire se contente tout simplement de supposer une prescription acquisitive de Mme [W] du surplus qu'elle occupe sans titre, alors qu'elle ne peut faire valoir la prescription acquisitive.

L'intimée fait valoir que cette méthode n'est pas applicable, en s'appuyant sur le complément d'expertise réalisé par l'expert Monsieur [L].

Ceci étant exposé,

Il ressort du rapport d'expertise n° 2 de Monsieur [L] que « la méthode demandée ici consiste à déterminer une limite de propriété en appliquant sur le terrain les superficies des titres, en compensant proportionnellement les écarts éventuels ».

A ce titre, l'expert précise que « Cette méthode ne peut s'appliquer pour fixer une limite de propriété que si les deux conditions suivantes sont remplies :

les superficies indiquées dans les titres sont fiables et résultent de mesures effectuées sur le terrain

les limites autres que celles à déterminer sont certaines et au même emplacement que lorsque les superficies des titres ont été établies.

Or aucune de ces conditions n'est ici remplie ['] La méthode d'application des superficies des titres n'est donc pas valide pour déterminer la limite litigieuse ».

Il en résulte que l'expert [L] a correctement exécuté sa deuxième mission en tentant d'appliquer la méthode sollicitée par la cour d'appel de Saint-Denis qui consiste à examiner la superficie des titres en cause, en vain.

Sur la contenance des deux parcelles selon les prétentions de Madame [U] (chandelle, parc à animaux, manguier, etc.)

L'appelante fait valoir que la propriété de Mme [U] et celle de Mme [W] étaient délimitées par la chandelle et une ancienne ravine.

Elle conteste également le calage de sa propriété :

sur la figure 4 (photographie aérienne du 17/07/1966), le calage est représenté en partie sur la parcelle AS [Cadastre 3] -AS [Cadastre 1] puisqu'il passe sur le parc à animaux de cette dernière dans le prolongement du manguier ; Elle invoque des témoignages qui confirment que la limite avec les parcelles AS [Cadastre 3]-[Cadastre 1] a toujours été celle existante actuellement.

Sur la figure 5 (photographie aérienne du 31/10/1973), le calage est décalé par rapport au manguier et le parc à animaux, alors que le manguier est le même et n'avait pas bougé.

L'intimée conteste indiquant que les explications de Madame [U] sont dénuées de sérieux.

Ceci étant exposé,

Dans son rapport n° 2, l'expert reprend chaque observation de Madame [U] et explique que :

Pour le pied de chandelle : « Ce chandelle dont l'existence vient d'être révélée n'est donc pas connu comme un ancien repère de limite. »

Pour la ravine : « Il n'existe aucune trace visible de cette ravine et aucun document n'atteste du fait qu'une ravine traversait la propriété [U]. »

Pour le parc à animaux et manguier : « ['] ces photographies n'ont pas été utilisée pour fixer les limites de propriété (cf p. 10). Le tracé de la parcelle [U] y est approximatif. Ces images ont uniquement servi à montrer les modifications de la rue du Stade entre 1966 et 1973. »

Pour l'alignement de la limite au nord de la rue : « la position de ce point confirme ainsi l'analyse effectuée et démontre l'invalidité de la méthode par application des superficies. »

Pour le titre [A] : « Si l'on prend en compte les diverses revendications de Madame [U], les écarts (avec la largeur déduite du titre) sont ici beaucoup plus conséquents. »

Il en résulte que l'expert [L] a correctement exécuté sa troisième mission en prenant en considération les prétentions de Madame [U] pour examiner la contenance des deux parcelles.

Par conséquent, l'expert [L] a répondu à la demande d'expertise complémentaire qui lui était confiée dans l'arrêt avant dire droit en date du 1er avril 2022, en répondant aux trois chefs de mission sus énoncés. 

Sur l'homologation du rapport [L]

Par jugement en date du 12 février 2018, la juridiction de première instance a considéré que « les conclusions de l'expert (M. [S]) fondés sur des éléments matériels, un examen des titres et la configuration des lieux, sont argumentés et doivent être retenues ». De ce fait, « la limite de bornage entre la parcelle AS [Cadastre 5] et les parcelles AS [Cadastre 6] et AS [Cadastre 2] suivra la ligne AB tracée sur le plan expertal constituant l'annexe 8 du rapport de l'expert déposé le 9 février 2017 ».

Ayant répondu aux trois chefs de mission définis dans l'arrêt du 18 octobre 2019 et rappelés dans l'arrêt du 1er avril 2022, l'expert [L] aboutit à la même conclusion que dans son premier rapport, à savoir que « Les superficies indiquées dans ces titres (les titres datant de 1964 et 1975) sont désormais inutilisables pour positionner les limites de propriété.

Nous proposons en conséquence de retenir comme limite entre les fonds [U] et [W] la ligne notée L'G sur le plan annexe 2, s'appuyant sur des bornes anciennes mises en place avant 2000, et qui avaient été relevées en 2011 et 2013 par le géomètre [K] ['] ».

Par conséquent, le rapport d'expertise et le complément d'expertise de Monsieur [L] seront homologués et la limite séparative des fonds sis à [Localité 7] et cadastrées AS [Cadastre 5], AS [Cadastre 6] et AS [Cadastre 2] sera définie par la ligne notée L'G sur le plan annexe 2.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur les demandes au titre des frais irrépétibles et aux dépens :

Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile,

Madame [U] [F] [P] qui succombe supportera les entiers dépens d'appel.

L'équité commande de condamner Madame [U] [F] [P] à payer la somme de 2.500 euros à Madame [W] épouse [E] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par décision contradictoire, en matière civile et en dernier ressort, mis à disposition au greffe, conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a homologué le rapport de l'expert géomètre ([S]) et dit que la limite séparative des fonds sis à [Localité 7] et cadastrées AS [Cadastre 5], AS [Cadastre 6] et AS [Cadastre 2] sera définie par la ligne AB ainsi qu'elle est tracée sur le plan expertal constituant l'annexe 8 du rapport déposé au greffe le 9 février 2017 et annexé à la décision ;

LE CONFIRME pour le surplus ;

ET STATUANT A NOUVEAU :

HOMOLOGUE le rapport d'expertise et le complément d'expertise de Monsieur [L]

DIT que la limite séparative des fonds sis à [Localité 7] et cadastrées AS [Cadastre 5], AS [Cadastre 6] et AS [Cadastre 2] sera définie par la ligne notée L'G sur le plan annexe 2

Y AJOUTANT :

CONDAMNE Madame [F] [P] [U] à payer à Madame [G] [F] [C] [W] la somme de 2.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Madame [F] [P] [U] aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Madame Sarah HAFEJEE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

SIGNE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion
Formation : Chambre civile ti
Numéro d'arrêt : 18/00176
Date de la décision : 08/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-08;18.00176 ?
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