ARRÊT N°24/
ACL
R.G : N° RG 23/00654 - N° Portalis DBWB-V-B7H-F4ZG
[Y]
[L]
C/
S.A.R.L. B-SQUARED INVESTMENTS
COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS
ARRÊT DU 06 MARS 2024
Chambre commerciale
Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL MIXTE DE COMMERCE DE SAINT-PIERRE en date du 20 MARS 2023 suivant déclaration d'appel en date du 13 MAI 2023 RG n° 2022003104
APPELANTS :
Monsieur [Z] [Y]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentant : Me Laura VARAINE, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION
Monsieur [K] [L]
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représentant : Me Laura VARAINE, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION
INTIMÉE :
S.A.R.L. B-SQUARED INVESTMENTS
[Adresse 6]
[Adresse 3]
Représentant : Me Olivier CHOPIN de la SELARL CODET-CHOPIN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
DATE DE CLÔTURE : 20/11/2023
DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Décembre 2023 devant Madame LEGROIS Anne-Charlotte, Vice-présidente placée, assistée de Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, les parties ne s'y étant pas opposées.
Ce magistrat a indiqué, à l'issue des débats, que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 06 Mars 2024.
Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre
Conseiller : Madame Anne-Charlotte LEGROIS, Vice-présidente placée affectée à la cour d'appel de Saint-Denis par ordonnance de Monsieur le Premier Président
Conseiller : Mme Sophie PIEDAGNEL, Conseillère
Qui en ont délibéré
Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 06 Mars 2024.
* * *
LA COUR
Le 6 avril 2012, la société Speed Construction BTP a ouvert dans les livres de la SA Banque française commerciale de l'Océan Indien (ci-après la BFCOI ou la banque) un compte courant n° [XXXXXXXXXX02].
Par actes sous seing privé en date du 11 juin 2015, Monsieur [Z] [Y] et Monsieur [K] [L] se sont engagés en qualité de cautions solidaires à objet général à garantir l'ensemble des sommes dues par la société Speed Construction BTP, dont ils étaient les gérants, dans la limite de la somme de 18.000 euros incluant principal, intérêts et le cas échéant pénalités ou intérêts de retard et ce, pour une durée de dix ans.
La société Speed Construction BTP a présenté un compte courant débiteur à compter du 28 juillet 2016 puis a été placée en liquidation judiciaire suivant jugement du tribunal mixte de commerce de Saint-Pierre de la Réunion en date du 18 octobre 2016.
La banque a régulièrement déclaré sa créance entre les mains du mandataire liquidateur.
Suivant jugement du 7 novembre 2017, la procédure de liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actif.
Par acte sous seing privé du 26 mars 2020, la BFCOI a cédé à la société NACC un portefeuille de créances, dont celle détenue à l'encontre de la société Speed Construction BTP.
Suivant lettres en date des 19 et 26 janvier 2022, la société NACC a mis en demeure Messieurs [Y] et [L] de régler les sommes dues au titre du solde débiteur de la société Speed Construction BTP à hauteur de leur engagement.
Par acte en date du 30 avril 2022, la société NACC a cédé sa créance à la SARL B-Squared Investments.
Par actes des 8 et 16 septembre 2022, cette dernière a fait assigner Monsieur [Z] [Y] et Monsieur [K] [L] devant le tribunal de commerce de Saint-Pierre aux fins de les entendre condamner au paiement des sommes dues au titre du solde débiteur du compte professionnel de la société Speed Construction BTP en vertu de leur engagement de caution.
Suivant jugement du 20 mars 2023, le tribunal mixte de commerce a statué en ces termes :
- Condamne solidairement Monsieur [Z] [Y] et Monsieur [K] [L] à payer à la SARL B-Squared Investments une somme de 18 000 euros;
- Dit que Monsieur [Y] [Z] et Monsieur [L] [K] pourront se libérer de leur dette en 24 versements mensuels égaux de 750 euros chacun ;
- Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
- Condamne solidairement Monsieur [Z] [Y] et Monsieur [K] [L] aux entiers dépens de la présente instance, y compris les frais de greffe taxés et liquidés à hauteur de 81,07 euros ;
- Rappelle que la présente décision est de droit revêtue de l'exécution provisoire en toutes ses dispositions.
* * *
Par déclaration au greffe de la cour en date du 13 mai 2023, Monsieur [Z] [Y] et Monsieur [K] [L] ont interjeté appel de cette décision.
L'affaire a été renvoyée à la mise en état par ordonnance du 15 juin 2023.
La société B-Squared Investments a constitué avocat le 28 juin 2023.
Les appelants ont remis leurs premières conclusions au greffe par RPVA le 13 août 2023.
L'intimée a remis ses premières conclusions par le RPVA le 10 novembre 2023.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 novembre 2023.
* * *
Aux termes de leurs uniques conclusions régulièrement notifiées par RPVA le 13 août 2023, les appelants demandent à la cour de :
Vu les articles 30 et suivants du Code de procédure civile,
Vu les articles 122 et 123 du Code de procédure civile,
Vu l'article 1321 du Code civil, tel que modifié par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016,
Vu l'article 1128, tel que modifié par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016,
Vu l'article 1324 alinéa 2 du Code civil, tel que modifié par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février
2016,
Vu les pièces versées aux débats,
- Infirmer le jugement rendu le 20 mars 2023 par le Tribunal mixte de commerce de Saint-Pierre en ce qu'il a :
" Condamné solidairement Messieurs [Z] [Y] et [K] [L] à payer à la S.A.R.L. B-Squared Investments une somme de 18.000,00 euros ;
" Débouté Messieurs [Z] [Y] et [K] [L] du surplus de leurs demandes ;
" Condamné solidairement Messieurs [Y] et [L] aux entiers dépens de l'instance, y compris les frais de greffe taxés et liquidés à hauteur de 81,07 euros.
Statuant à nouveau :
- Prononcer l'annulation de l'acte de cession de créance conclu le 30 avril 2022 entre les sociétés NACC et B-Squared Investments;
En conséquence,
- Débouter la société B-Squared Investments de sa demande tendant à voir condamner Messieurs [Z] [Y] et [K] [L] au paiement de la somme de 19.654,87 euros au titre du solde débiteur du compte numéro [XXXXXXXXXX01] ;
- Condamner la société B-Squared Investments à verser à Messieurs [Z] [Y] et [K] [L] la somme de 2.000,00 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner la société B-Squared Investments aux dépens de la première instance et de l'instance d'appel.
Aux termes de ses uniques conclusions d'intimée régulièrement notifiées par RPVA le 10 novembre 2023, l'intimée demande à la cour de :
Vu l'article 2288 du Code civil
- Recevoir la société B-Squared Investments en son action, et y faisant droit à ses demandes ;
- Confirmer le jugement rendu par le Tribunal Mixte de Commerce de Saint-Pierre le 20 mars 2023 (RG n° 202203104) ;
- Débouter Monsieur [Z] [Y] et Monsieur [K] [L] de l'intégralité de leurs prétentions ;
- Condamner solidairement Monsieur [Z] [Y] et Monsieur [K] [L], en leur qualité de caution, à payer la somme de 18.000 euros chacun au titre du :
Solde débiteur du compte numéro [XXXXXXXXXX01] : 19.654,87 euros
En toute hypothèse,
- Condamner Monsieur [Z] [Y] et Monsieur [K] [L], en leur qualité de caution, à verser à la société B-Squared Investments la somme de 3.000 euros chacun au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l'exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS
A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n'examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentés au soutien de ces prétentions.
Elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de " constatations " ou de " dire et juger " lorsqu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques mais constituent, en réalité, les moyens invoqués par les parties au soutien de leurs demandes.
Sur la demande en paiement formée contre les cautions :
Pour faire droit à la demande en paiement formée par la société B-Squared Investments, dans la limite de 18.000 euros, les premiers juges, après avoir considéré, en application des articles L. 210-6 et R. 201-5 du code de commerce, que la convention de compte courant consentie par la BFCOI à la société Speed Construction BTP, alors en formation, est nulle, ont précisé que les cautionnements souscrits par les appelants ne se rattachent pas à cette convention mais garantissent toutes les sommes dues par la société cautionnée et qu'ils sont dès lors valables. Ils ajoutent qu'en cas d'annulation du contrat principal, la caution reste tenue de garantir les restitutions consécutives à la nullité en application de l'article 1379 ancien du code civil de sorte que les cautions sont tenues au paiement du solde débiteur du compte courant de la société Speed Construction BTP.
Pour s'opposer à la demande en paiement formée contre eux, les appelants invoquent en premier lieu la nullité de la convention de compte courant passée entre la BFCOI et la société Speed Construction BTP au motif que celle-ci a été conclue avant l'immatriculation de la société. Ils en déduisent que le contrat, support de la créance litigieuse, étant nul, la créance de la BFCOI et les sûretés qui en sont l'accessoire n'existent plus de sorte que les cessions de créance successives entre la banque et la société NACC puis entre cette dernière et la société B-Squared Investments sont dépourvues de contenu et doivent dès lors être annulées.
L'intimée fait valoir que les engagements de cautions souscrits en 2015 garantissent toutes les sommes dues par la société Speed Construction BTP à la banque et ne sont pas rattachés à la convention de compte de sorte qu'ils sont valables. Elle ajoute que la dette principale existe et qu'elle demeure impayée de sorte que les cessions de créance intervenues sont régulières.
Sur ce :
- Sur la nullité de la convention de compte courant :
Vu les articles L. 210-6 et R. 201-5 du code de commerce,
Il ressort des pièces produites que la Sarl Speed Construction BTP a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 10 avril 2012 (pièce n° 2 des appelants), date à laquelle elle a acquis la personnalité juridique, et qu'elle a souscrit une convention de compte courant auprès de la BFCOI dès le 06 avril 2012 (pièce n° 3 de l'intimée). Par ailleurs, il n'est ni démontré ni même allégué que la société aurait repris la convention dans les conditions visées aux articles précités.
Les premiers juges en ont justement déduit que la convention de compte courant est nulle, ce point n'étant d'ailleurs pas contesté par aucune des parties.
- Sur la validité des engagements de caution :
Vu l'article 2289 du code civil,
Les engagements de caution souscrits par Messieurs [Z] [Y] et [K] [L] (pièces n° 4 et 5 de l'intimée) le 11 juin 2015, soit plus de trois ans après la convention de compte courant précitée, s'appliquent " au paiement ou au remboursement de toutes sommes que le cautionné peut à ce jour ou pourra devoir à l'avenir à la Banque (...) à raison (...) de toutes obligations nées sans exception, directement ou indirectement, pour quelque cause que ce soit ".
Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les appelants, les cautionnements souscrits par les appelants ont un objet général et ne sont pas spécifiquement rattachés à la convention de compte courant de sorte que la nullité de cette dernière ne peut avoir pour effet de les rendre nuls.
- Sur le bien-fondé de la demande en paiement :
Vu l'ancien article 1379 du code civil, devenu l'article 1352-9 du même code,
En cas d'annulation du contrat principal, les suretés constituées pour le paiement de l'obligation sont reportées de plein droit sur l'obligation de restituer sans toutefois que la caution soit privée du bénéfice du terme.
Contrairement à ce que soutiennent les appelants, la nullité de la convention de compte courant n'a pas pour effet d'entraîner l'annulation de la créance qui s'y rattache mais donne lieu à des restitutions.
L'obligation de restituer inhérente au solde débiteur du compte courant de la SARL Speed Construction BTP demeure valable tant que les parties n'ont pas été remises en l'état antérieur à la conclusion de la convention.
Cette créance a donc pu être valablement cédée, avec les suretés qui s'y rattachent, d'abord entre la BFCOI et la société NACC, puis entre cette dernière et la société B-Squared Investments. Le moyen tiré de la nullité de ces cessions de créances est dès lors infondé et doit être rejeté.
Pour le surplus, l'intimée verse aux débats un extrait du relevé du compte n° [XXXXXXXXXX01] faisant apparaître au jour du jugement de liquidation judiciaire de la société Speed Construction BTP un solde débiteur de 19 654,87 euros (pièce n° 6) et justifie de la déclaration d'une créance de ce montant au passif de la société (pièce n° 9), laquelle n'a fait l'objet d'aucune contestation.
Le placement de la société Speed Construction BTP en liquidation judiciaire puis la clôture de la procédure pour insuffisance d'actif permettent d'établir que la débitrice principale n'a pas restitué les sommes dues au titre du solde débiteur, ce point n'étant d'ailleurs pas contesté par les appelants.
Il en résulte que ces derniers sont tenus de garantir la restitution du solde débiteur du compte courant, dans la limite de leur engagement de caution, soit 18 000 euros, de sorte que la société B-Squared Investments était bien fondée à obtenir leur condamnation au paiement de ladite somme.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en l'ensemble de ses dispositions.
Sur les autres demandes :
Les appelants, succombants, supporteront les dépens de l'appel et les frais irrépétibles de l'intimée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, en matière commerciale, par mise à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne solidairement Monsieur [Z] [Y] et Monsieur [K] [L] aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT