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14/06/2023 | FRANCE | N°19/00561

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, Chambre commerciale, 14 juin 2023, 19/00561


ARRÊT N°23/

FA



R.G : N° RG 19/00561 - N° Portalis DBWB-V-B7D-FEWI





[C]

[C]

S.A.R.L. AUTOPROLOCATION



C/



S.A. CREDIT MODERNE OCEAN INDIEN























COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS



ARRÊT DU 14 JUIN 2023



Chambre commerciale



Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL MIXTE DE COMMERCE DE SAINT-DENIS en date du 04 MARS 2019 suivant déclaration d'appel en date du 03 AVRIL 2019 RG







APPELANTS :



Monsieur [J] [C]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Vincent RICHARD, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION



Madame [V] [E] [R] [C]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Rep...

ARRÊT N°23/

FA

R.G : N° RG 19/00561 - N° Portalis DBWB-V-B7D-FEWI

[C]

[C]

S.A.R.L. AUTOPROLOCATION

C/

S.A. CREDIT MODERNE OCEAN INDIEN

COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS

ARRÊT DU 14 JUIN 2023

Chambre commerciale

Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL MIXTE DE COMMERCE DE SAINT-DENIS en date du 04 MARS 2019 suivant déclaration d'appel en date du 03 AVRIL 2019 RG n°

APPELANTS :

Monsieur [J] [C]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Vincent RICHARD, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

Madame [V] [E] [R] [C]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Vincent RICHARD, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

S.A.R.L. AUTOPROLOCATION

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Vincent RICHARD, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

INTIMÉE :

S.A. CREDIT MODERNE OCEAN INDIEN

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me Dominique LAW WAI, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

DATE DE CLÔTURE : 21/11/2022

DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 Avril 2023 devant Monsieur ALZINGRE Franck, Conseiller, qui en a fait un rapport, assisté de Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, les parties ne s'y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué, à l'issue des débats, que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 14 Juin 2023.

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre

Conseiller : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère

Conseiller : Monsieur Franck ALZINGRE, Conseiller

Qui en ont délibéré

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 14 Juin 2023.

* * *

LA COUR

FAITS ET PROCEDURE

Dans le cadre d'une opération de défiscalisation, et suivant trois offres de crédit du 31 août 2015, la SA Crédit Moderne Océan Indien (le CMOI ou la banque) a consenti à la SNC Salazie Location 137 trois crédits destinés à l'acquisition de trois véhicules automobiles de marque Peugeot en vue de leur location auprès de la SARL Autoprolocation, dirigée par Mme [V] [E] [R] [Y] épouse [C], chacun des prêts comprenant une clause de réserve de propriété au profit de la banque.

Le même jour, ont été conclus :

-Trois contrats de location entre les SNC Salazie Location et la société Autoprolocation, avec promesse irrévocable de rachat pour chacun d'entre eux;

-Trois conventions tripartites de délégation et de mandat entre la SNC, la société Autoprolocation et le CMOI, aux termes desquelles l'emprunteur déléguait au CMOI le montant total des loyers et de toute somme dont la locataire pourrait être redevable résultant des contrats de locations consentis (pour assurer le remboursement du capital et des intérêts des prêts) et lui donnait mandat d'agir en ses lieu et place pour assurer la conservation des biens financés ;

-les actes de cautions solidaires et indivisibles de M. [J] [C] et son épouse dans la limite de la somme de 14.222,80 euros pour chacun des trois contrats de prêt conclus entre la banque et la SNC Salazie Location 137.

A la suite de la défaillance de la société Autoprolocation dans le paiement des loyers, par lettre recommandée avec avis de réception en date du 6 mars 2017, la banque a notifié à la société débitrice la déchéance du terme des trois contrats de location et réclamé à la locataire et aux cautions le paiement des sommes lui restant dues et ce, en vain.

Par actes d'huissier en date du 24 juillet 2017, le CMOI a fait assigner la société Autoprolocation ainsi que M. et Mme [C] devant le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion aux fins de condamnation à lui payer les sommes de 11.297,52 euros au titre du contrat n° 275124, 11.297,52 euros au titre du contrat n° 275125, 11.297,52 euros au titre du contrat n° 275126 et 3.500 euros au titre des frais irrépétibles, la restitution des véhicules, sous astreinte, ainsi que la condamnation à lui payer la somme de 260,81 euros par mois en cas de restitution tardive jusqu'à restitution effective, et ce sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

Les défendeurs ont conclu au débouté des prétentions de la banque, sollicité en tout état de cause des délais de paiements ainsi qu'une indemnité de procédure de 3.000 euros.

C'est dans ces conditions que, par jugement rendu le 4 mars 2019, le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion a :

-DÉCLARÉ la société CMOI recevable et bien fondée en ses demandes

-CONDAMNÉ solidairement la SARL Autoprolocation et les époux [C] à payer à la société CMOI les sommes suivantes, déduction à faire de la somme de 7.250 euros :

.11.297,52 euros au titre du contrat n° 275124,

.11.297,52 euros au titre du contrat n° 275125,

.11.297,52 euros au titre du contrat n° 275126,

Et ce, avec les intérêts au taux légal sur la somme due en principal, à compter du premier impayé du mois de septembre 2016 jusqu'au règlement effectif des sommes dues ;

-ORDONNÉ la restitution immédiate des trois véhicules Peugeot immatriculés [Immatriculation 6], [Immatriculation 8] et [Immatriculation 7] dans un lieu indiqué par la société CMOI, et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant la signification de la présente décision ;

-AUTORISÉ la société CMOI à appréhender les véhicules en quelque lieu et quelques mains qu'ils se trouvent et à les faire conduire dans le garage de son choix aux frais du débiteur, et ce, le cas échéant, avec l'assistance de la force publique ;

-CONDAMNÉ solidairement la SARL Autoprolocation et les époux [C] à payer à la société CMOI la somme de 260,81 euros en cas de restitution tardive, par mois et pour chacun des véhicules jusqu'à leur restitution effective;

-CONDAMNÉ la SARL Autoprolocation et les époux [C] à payer à la société CMOI la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

-AUTORISÉ les défendeurs à s'acquitter de leur dette en principal, intérêts et frais en 24 mensualités égales, et ce, à compter du premier jour ouvrable du mois suivant celui de la signification de la présente décision ;

-DIT qu'à défaut de règlement d'une seule échéance à sa date, l'entier solde sera exigible et les poursuites pourront être reprises ;

-DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

-CONDAMNÉ les défendeurs aux dépens.

Par déclaration au greffe en date du 3 avril 2019, la société Autoprolocation ainsi que M. et Mme [C] ont interjeté appel de cette décision.

L'affaire a été orientée à la mise en état par ordonnance du 5 avril 2019.

Les appelants ont notifié ses premières conclusions par RPVA, le 3 juillet 2019. Par exploit d'huissier de justice en date du 12 juillet suivant, ils ont fait procéder à la signification de la déclaration d'appel et des conclusions.

L'intimée, la banque, s'est constituée le 13 août 2019 et a notifié par RPVA du 11 octobre 2019 ses premières conclusions.

Est survenue une première ordonnance de clôture en date du 21 septembre 2020, renvoyant l'affaire pour être plaidée le 7 avril 2021.

Par arrêt avant dire droit en date du 23 août 2021, la cour a :

-INVITÉ les parties à mettre leurs écritures en conformité avec la situation juridique telle qu'elle ressort des pièces produites (les parties évoquant dans leurs conclusions indistinctement les contrats de prêts et les contrats de location, M. et Mme [C] n'étant pas, a priori, cautions de la société Autoprolocation au titre des contrats de location et la société Autoprolocation n'étant pas, a priori, caution de la SNC Salazie Location 137 au titre des contrats de prêts), et à présenter toutes observations utiles ;

-ORDONNÉ le rabat de l'ordonnance de clôture ;

-RENVOYÉ le dossier à l'audience de mise en état du 18 octobre 2021;

-RÉSERVÉ l'ensemble des demandes et des dépens.

L'intimée a déposé par RPVA du 15 octobre 2021 un deuxième jeu de conclusions.

Une seconde ordonnance de clôture a été prononcée selon ordonnance datée du 31 janvier 2022.

Par arrêt avant dire droit en date du 12 octobre 2022, la cour a :

-RÉVOQUÉ l'ordonnance de clôture ;

-ORDONNÉ la réouverture des débats afin d'inviter M. [J] [C], Mme [V] [E] [R] [Y] épouse [C] et la SARL Autoprolocation de préciser le fondement juridique de leur demande tendant à voir annuler la clause autorisant la SA Crédit Moderne Océan Indien (la société CMOI) à intervenir par subrogation auprès de la société Autoprolocation et dire et juger irrecevable la demande en restitution immédiate des véhicules sur le fondement de la subrogation dont entend se prévaloir la société CMOI et permettre à cette dernière de faire toutes observations utiles, et ce avant le 7 novembre 2022, sous peine de radiation;

-RENVOYÉ l'affaire à l'audience de mise en état du 21 novembre 2022 à 14 heures;

-RÉSERVÉ les dépens.

La clôture a été prononcée le 21 novembre 2022, étant précisé qu'aucune des parties n'a conclu postérieurement à l'arrêt avant-dire droit du 12 octobre 2022. L'affaire a reçu fixation pour être plaidée à l'audience rapporteur du 5 avril 2023. Le prononcé de l'arrêt, par mise à disposition du greffe, a été fixé au 14 juin 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Dans leurs premières et dernières conclusions transmises par voie électronique le 3 juillet 2019, la société Autoprolocation et M. et Mme [C] demandent à la cour, au visa des articles (version applicable au présent litige) 1134, 1152, 1231, 1250 et 1147 du code civil et L. 341-4 du code de la consommation, de :

-DIRE ET JUGER recevable l'appel interjeté ;

-RÉFORMER le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau

-DIRE ET JUGER que la société Autoprolocation a de bonne foi réglé en partie la dette contractuelle découlant des contrats litigieux ;

-DIRE ET JUGER que les clauses relatives à l'indemnité de résiliation doivent être qualifiées de clause pénale ;

-DIRE ET JUGER que le montant réclamé au titre de la clause pénale figurant dans les offres de crédit et dans les contrats de location, délégation et mandat, est manifestement excessif et doit être réduit dans des proportions substantielles et équitables au regard du montant des sommes réclamées et du montant de la dette réelle ;

-DIRE ET JUGER que les demandes présentées contre M. et Mme [C] à la fois au titre des contrats de crédit puis des contrats de location, délégation et mandat ne sont pas justifiées au regard de la qualité mise en cause et des montants réclamés ;

-DIRE ET JUGER que la société CMOI ne peut valablement réclamer à la fois l'ensemble du paiement des loyers, la restitution des véhicules ainsi que le montant des clauses pénales sans violer le principe de réparation intégrale du préjudice ;

-ANNULER la clause autorisant la société CMOI à intervenir par subrogation auprès de la société Autoprolocation ;

-DIRE ET JUGER irrecevable la demande en restitution immédiate des véhicules sur le fondement de la subrogation dont entend se prévaloir la société CMOI ;

- DIRE ET JUGER disproportionnés les engagements de caution souscrits par M. et Mme [C] au titre des contrats de crédit, location, délégation ou mandat, au jour de l'assignation délivrée par la société CMOI ;

-PRONONCER la mise hors de cause de M. et Mme [C] au titre de tout engagement de caution relatif à l'offre de crédit de la société CMOI ;

-DIRE ET JUGER les engagements de caution inopposables à l'égard de M. et Mme [C] et prononcer la déchéance desdits engagements à l'égard de M. et Mme [C] ;

En conséquence

-REJETER la demande en restitution des véhicules au profit de la société CMOI ;

-REJETER les demandes en paiement formées à l'égard de la société Autoprolocation et de M. et Mme [C] telles qu'elles sont libellées par la société CMOI et dans les montants sollicités, et à quelque titre que ce soit ;

En toute hypothèse

-en cas de condamnation des défendeurs à l'égard de la société CMOI, quel qu'en soit le montant, ACCORDER un délai de grâce de 24 mois eu égard aux difficultés financières de la société Autoprolocation et des tentatives régulières de la société de régler une part de la dette dans la mesure de ses possibilités;

-CONDAMNER la société CMOI à verser à la société Autoprolocation la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de leurs prétentions, les appelants soutiennent que :

Ils n'ont jamais cessé de verser les échéances, même de façon irrégulière en raison de difficultés financières et de trésorerie; que l'accord initial amiable ne prévoyait pas de date mensuelle de règlement;

Au titre des clauses pénales insérées dans les différents contrats, l'intimée réclame le paiement de montants disproportionnés et injustifiés; qu'ainsi, au titre de l'offre de crédit, l'indemnité d'un montant de 8% sur le capital restant dû correspond à une clause pénale devant être jugée excessive au visa de l'article 1152 du code civil dans sa version applicable au litige ;

Au titre des contrats de crédit et de location, délégation et mandat, les stipulations se rapportant aux indemnités de résiliation doivent être qualifiées de clause pénale notoirement excessive et disproportionnée ; que l'intimée ne justifie pas la réalité d'un préjudice distinct ;

La réclamation du paiement du capital restant dû ainsi que la restitution immédiate des véhicules est contraire au principe de la réparation intégrale du préjudice ;

La clause de réserve de propriété avec subrogation au profit du prêteur est irrégulière et rend la demande de l'intimée irrecevable, et ce par application de l'article 1250 du code civil qui prévoit que le créancier subrogeant doit recevoir son paiement d'une tierce personne ;

Les engagements sollicités par l'intimée auprès des cautions sont disproportionnés.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 15 octobre 2021, la banque demande à la cour de :

-DIRE ET JUGER l'appel de la SARL Autoprolocation et de M. et Mme [C] recevable ;

-le DIRE ET JUGER toutefois mal fondé ;

-DÉBOUTER la SARL Autoprolocation et M. et Mme [C] de toutes leurs demandes, fins et prétentions ;

-CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement entre pris ;

-CONDAMNER, solidairement la SARL Autoprolocation et M. et Mme [C] à payer à la SA CMOI la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont il conviendra de faire masse et dont distraction au profit de Me D. Law-Wai qui pourra les recouvrer, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, l'intimée fait valoir que ses prétentions résultent de la stricte application des contrats de crédit, des engagements de caution, des contrats de location et délégation et de mandat, étant précisé que l'ensemble constitue un contrat indivisible, support d'un montage juridique destiné à défiscaliser. La SARL Autoprolocation s'est abstenue de régler les loyers dans les délais impartis, nonobstant les mises en demeure.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l'exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS

Sur la résiliation et les clauses pénales

Les appelants soutiennent qu'ils n'ont jamais cessé de verser les échéances, même de façon irrégulière en raison de difficultés financières et de trésorerie et, que l'accord initial amiable ne prévoyait pas de date mensuelle de règlement, de sorte qu'on ne peut reprocher à la société Autoprolocation des défaillances.

En outre, ils estiment, au titre des clauses pénales insérées dans les différents contrats, que les sommes réclamées sont disproportionnées et injustifiées :

au titre de l'offre de crédit, l'indemnité d'un montant de 8% sur le capital restant dû correspond à une clause pénale devant être jugée excessive au visa de l'article 1152 du code civil dans sa version applicable au litige; le caractère manifestement excessif résulte de la comparaison entre, d'une part, le montant consécutif à l'application de la clause pénale et, d'autre part, le préjudice subi par le créancier ; au cas d'espèce, un tel préjudice n'est pas démontré et, qu'il appartient au juge de fixer le montant de la peine conformément aux dispositions de l'article 1231 du code civil dans sa version applicable au litige, et de manière proportionnée à l'exécution partielle ;

Au titre des contrats de location, délégation et mandat, les stipulations se rapportant aux indemnités de résiliation doivent être qualifiées de clause pénale notoirement excessive et disproportionnée.

Enfin, ils font valoir que l'intimée ne justifie pas la réalité d'un préjudice distinct alors que le préjudice serait déjà réparé par la restitution des véhicules.

En réponse, l'intimée affirme que les sommes qu'elle réclame aux cautions sont redevables en application des contrats de crédit et des engagements de caution (déduction faite de règlements (7.250 euros) intervenus entre le 1er avril 2017 et le 9 octobre 2018 ; l'indemnité de résiliation de 8% du capital restant dû est calculé en référence aux dispositions de la clause « I-4 Exécution du contrat ») ; que les autres sommes qu'elle réclame à la société Autoprolocation sont redevables aux termes des contrats de location (l'article II-9 Résiliation prévoit qu'en cas de non-paiement, même partiel, à son échéance d'un loyer, le locataire devra verser au bailleur les loyers échus et impayés au jour de la résiliation, et, en réparation du préjudice, une indemnité de résiliation égale au montant taxes comprises des loyers restant à échoir à la date de résiliation) et de délégation et de mandat, soit du contrat du défiscalisation; les versements opérés en vertu d'un accord amiable l'ont toujours été postérieurement à l'échéancier convenu.

Sur ce,

Les articles 1103 et 1147 du code civil disposent, dans leur version applicable au litige, pour le premier que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et, pour le second, que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Pour ce qui est de la clause pénale, l'article 1152 du code civil prévoit que lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite. L'article 1231 du même code ajoute que lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la peine convenue peut, même d'office, être diminuée par le juge à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'article 1152. Toute stipulation contraire sera également réputée non écrite.

En l'espèce, il est admis par les parties, et donc non contesté, que le contrat, support de la contestation, est le résultat d'un montage juridique effectué dans l'optique d'une opération de défiscalisation.

En effet, aux termes de trois actes de prêt sous seing privés en date du 31 août 2015, signés entre la SNC Salazie Location 137 et la SA CMOI, cette dernière a mis en place au profit de la SARL Autoprolocation trois contrats défiscalisables « Modulo Pro » pour permettre l'acquisition de trois véhicules de marque Peugeot modèle « 208 active » après location (3 X 11.883,12 euros). La SNC Salazie, acquéreur initial, louait pendant 60 mois à la SARL Autoprolocation les véhicules avec possibilité d'achat à l'issue.

Aussi, parallèlement :

-trois contrats de location ont été conclus relatifs à ces mêmes biens, le montage juridique étant destiné à permettre une défiscalisation entre la SNC Salazie Location 137 susnommée (le bailleur) et la SARL Autoprolocation (le locataire) et le rachat à terme des véhicules ; des conventions de délégation et de mandat ont par ailleurs été établies entre les sociétés SNC Salazie Location 137 (déléguant) et CMOI (délégataire) sus-désignée aux termes desquels la SNC Salazie Location 137 délègue à CMOI le montant total des loyers et de toutes sommes dont le locataire pourrait être redevable, résultant des contrats de location consentis, pour garantir à la société CMOI le remboursement du capital et des intérêts des contrats de prêts ;

-M. et Mme [C] se sont portés cautions solidaires et indivisibles dans le cadre de l'opération de défiscalisation dans la limite de la somme de 14.422,80 euros couvrant le paiement du principal et des intérêts, pénalités ou intérêts de retard pour la durée de 60 mois, au titre de chacun des contrats de défiscalisation.

De l'analyse des clauses, il en ressort que le dispositif a eu pour finalité de permettre au bénéficiaire final (le locataire, la SARL Autoprolocation) de disposer d'un matériel à moindre coût, via des investisseurs, avec promesse irrévocable de rachat au terme de la location. Autrement dit, le locataire a bénéficié d'un financement du matériel de son choix par des investisseurs ouvrant, pour ces derniers, le bénéfice des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts dit « Loi Girardin » (soit une défiscalisation), les trois contrats étant liés par un lien d'indivisibilité sans lequel la réalisation de l'objet de défiscalisation ne pourrait pas être atteint. Il faut ajouter que :

-le contrat de location du matériel a programmé un versement des loyers directement entre les mains de l'établissement qui a consenti le crédit - conformément à une cession de créance ou à une délégation de loyers conclue entre le bailleur, le locataire et la banque ;

-une convention de délégation et de mandat a été conclue, l'emprunteur déléguant le locataire à la société CREDIT MODERNE pour assurer à la société CREDIT MODERNE le remboursement du capital et des intérêts du contrat de prêt et lui donnant mandat pour assurer la conservation du bien financé et prendre les mesures de sauvegarde appropriées.

S'agissant des sanctions prévues en cas d'inexécution contractuelle, chacun des trois contrats de crédits, des trois contrats de location et des trois conventions de délégation et de mandat (dossier n°275124, dossier n°275125, dossier n°275126) prévoit qu'en cas de non-paiement des loyers à échéance, la déchéance du terme est encourue. Ainsi :

-l'article I-4 des contrats de crédit, intitulé « exécution du contrat » prévoit : « en cas de défaillance de l'emprunteur dans ses remboursements, le prêteur pourra prononcer la déchéance du terme du contrat de prêt et exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus, mais non payés, par lettre recommandée avec avis de réception. Jusqu'à la date du règlement effectifs, les sommes restant dues produisent des intérêts de retard au taux contractuellement prévu entre les parties au conditions particulières »; l'article I-8 ajoute : « Déchéance du terme : L'emprunteur reconnaît qu'il y a déchéance du terme : a) Causes : à défaut de paiement à sa date d'exigibilité d'une seule échéance (') ; b) Conséquences : Le prêteur adressera à l'emprunteur défaillant une lettre recommandée avec avis de réception lui notifiant tant la déchéance du terme que les sommes restant dues, et le cas échéant frais et accessoires »;

-l'article II-9 ' Résiliation, du contrat de location entre la SNC Salarie location 137 et la SARL Autoprolocation, stipule : « En cas de non-observation d'une des clauses du présent contrat et huit jours après mise en demeure faite au locataire par lettre recommandée avec avis de réception non suivie d'effet, notamment en cas de non-paiement, même partiel, à son échéance d'un loyer ou d'inexécution par le locataire d'une quelconque de ses obligations (...) », « (') Dans tous les cas de résiliation, le locataire devra immédiatement restituer au bailleur le matériel aux conditions de l'article 10 ci-après, verser au bailleur les loyers échus et impayés au jour de la résiliation, et en réparation du préjudice, une indemnité de résiliation égale au montant taxes comprises des loyers restant à échoir à la date de résiliation » ;

-l'article 1 du contrat de la convention de délégation et de mandat édicte : « La SNC Salazie location 137 ci-après dénommée le délégant, délègue au CMOI, ci-après dénommé le délégataire, conformément aux dispositions de l'article 1275 du code civil, le montant total des loyers soit, 60 loyers de 240,38 euros Hors Taxes et de toutes sommes dont le locataire pourrait être redevable, résultant du contrat de location consenti, à compter du jour de la signature du procès-verbal de prise en charge par le locataire, ci-après dénommé le délégué, et ce pour une durée de 60 mois ».

Il ressort des écritures et des pièces versées aux débats que la SARL Autoprolocation n'a pas, à plusieurs reprises, respecté le terme des échéances. D'ailleurs, elle le reconnaît elle-même dans ses écritures en spécifiant n'avoir « jamais cessé de verser les échéances même de façon irrégulière » et, surtout, ces défaillances résultent des mises en demeure (par lettres recommandées du 2 décembre 2016 ou du 6 mars 2017).

De par l'application de l'article 1147 du code civil précité, il importe peu que le paiement soit seulement tardif, le créancier pouvant s'en prévaloir pour en déduire la résiliation, même de plein droit. Le débiteur souhaitant échapper à cette conséquence devra apporter la preuve qu'une cause étrangère est à l'origine du non-paiement des loyers à échéance.

Or, les appelants n'apportent aucunement cette preuve, se contentant d'affirmer que l'intimée n'a pas respecté l'échéancier amiable établi conjointement, ce qui est totalement inopérant au regard de l'article 1147 du code civil mais aussi parce que la proposition d'un échéancier, au surplus non produite aux débats, n'est absolument pas de nature à remettre en cause les stipulations contractuelles constituant la loi des parties.

Dans ces conditions, alors que le prêteur justifie avoir respecté les conditions de forme prévues contractuellement, il y a lieu de constater que la déchéance du terme des loyers est intervenue et a entraîné l'obligation pour les appelants d'avoir à régler les échéances échues et impayées, le capital restant dû, et les frais sur échéances impayées. L'ensemble de ces sommes est justifié par l'intimé selon décompte arrêté au 24 mai 2017, déduction à faire de la somme de 7.250 euros correspondant aux versements effectués entre le 1er avril 2017 au 9 octobre 2018. L'intimée en a convenu dans ses écritures, tout comme les premiers juges.

Concernant l'indemnité prononcée en première instance, les clauses s'y rapportant sont rédigées comme suit :

-l'article I-4 du contrat de crédit, intitulé « exécution du contrat » : « en cas de défaillance (...) En outre, le prêteur pourra demander à l'emprunteur une indemnité égale au plus à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance constatée (') » ;

-l'article II-9 des contrats de location, intitulé « résiliation », stipule : « (') Dans tous les cas de résiliation, le locataire devra immédiatement restituer au bailleur le matériel aux conditions de l'article 10 ci-après, verser au bailleur les loyers échus et impayés au jour de la résiliation, et en réparation du préjudice, une indemnité de résiliation égale au montant taxes comprises des loyers restant à échoir à la date de résiliation ».

Les termes employés permettent de conclure que ces stipulations contractuelles correspondent à une clause pénale, qui ne constitue ni un enrichissement injuste pour le prêteur ni la continuation du paiement des échéances par l'emprunteur. Ce n'est que l'exécution d'une clause et/ou sanction librement acceptée en cas de manquement à des obligations et qui s'applique du seul fait de cette inexécution. Il n'est donc pas nécessaire de justifier d'un préjudice distinct pour le prêteur (Civ 3°, 12 janvier 1994).

La cour rappelle enfin qu'en cas de refus de révision du montant forfaitairement prévu, aucune motivation n'est obligatoire. Les différentes chambres civiles et commerciale de la Cour de cassation l'ont rappelé de manière constante : « Le juge, pour qui la réduction des obligations résultant d'une clause pénale « manifestement excessive » n'est qu'une simple faculté, n'a pas à motiver spécialement sa décision lorsque, faisant application pure et simple de la convention, il refuse de modifier le montant de la peine qui y est forfaitairement prévue » (Civ 3°, 12 janvier 1994, Civ 1° 12 juillet 2001, Com. 26 février 1991).

Au cas particulier, alors que le moyen fondé sur la nécessité pour l'intimée de démontrer l'existence d'un préjudice distinct est écarté, les appelants n'expliquent pas en quoi les clauses pénales prévues contractuellement sont manifestement excessives. Ils se contentent de procéder par affirmation en disant que la société serait en péril en cas de mise à exécution des sanctions contractuelles, tandis que les pièces qu'ils versent aux débats sont sans lien avec le caractère excessif ou non des clauses pénales. Dès lors, le moyen tendant à voir déclarer les clauses pénales excessives ne peut qu'être écarté.

Sur la restitution des véhicules

Les appelants arguent que la réclamation du paiement du capital restant dû ainsi que la restitution immédiate des véhicules est contraire au principe de la réparation intégrale du préjudice, lequel interdit de régler au-delà de ce qui est dû en réparation du préjudice subi ; que l'application du principe de réparation intégrale en matière contractuelle résulte des dispositions de l'article (ancien) 1147 du code civil (devenu l'article 1231-1 du code civil), et doit empêcher de faire peser sur la société Autoprolocation et ses cautions des montants d'indemnité sans proportion avec la dette contractuelle.

Ils ajoutent que la restitution immédiate des véhicules serait pénalisante et mettrait en péril le devenir de la société; que la mise en cause des cautions n'apportera pas non plus de solution dans la mesure ou M. et Mme [C] tirent leurs revenus de l'activité de location.

Ils concluent, pour finir, que la clause de réserve de propriété avec subrogation au profit du prêteur est irrégulière et rend la demande de l'intimée irrecevable, et ce par application de l'article 1250 du code civil qui prévoit que le créancier subrogeant doit recevoir son paiement d'une tierce personne ; que n'est pas l'auteur du paiement le prêteur qui se borne à verser au vendeur les fonds empruntés par son client afin de financer l'acquisition d'un véhicule, ce client étant devenu dès la conclusion du contrat de crédit, propriétaire des fonds libérés entre les mains du vendeur.

De son côté, l'intimée rétorque que la restitution des véhicules s'impose de par les dispositions contractuelles, en particulier les articles I-6, II-9 et II-10 des contrats de location, le principe de la réparation intégrale du préjudice n'ayant pas lieu à s'appliquer s'agissant de l'inexécution d'un contrat, le principe de la liberté contractuelle prévalant ;

Sur ce,

Vu les articles 1103 et 1147 du code civil précités,

L'article 1250 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 1er octobre 2016, édicte que « Cette subrogation est conventionnelle :

1° Lorsque le créancier recevant son paiement d'une tierce personne la subroge dans ses droits, actions, privilèges ou hypothèques contre le débiteur : cette subrogation doit être expresse et faite en même temps que le paiement (...) ».

Les contrats de location, en leur article II-9, intitulé « Résiliation », spécifient très clairement que « dans tous les cas de résiliation, le locataire (SARL Autoprolocation) devra immédiatement restituer au bailleur (SNC Salazie Location 137) le matériel aux conditions de l'article II-10 ci-après ». Ce dernier article précise quant à lui : « En cas de restitution tardive, le locataire versera une redevance d'utilisation calculée sur la base du dernier loyer, hors taxes, TVA en sus, échu et correspondant à un mois de loyer par mois de retard. Toute période commencée étant due en totalité ».

Par ailleurs, et surtout, les contrats de délégation et de mandat prévoient à l'article 1-2 que « le délégué (la SARL Autoprolocation) accepte ladite délégation et se reconnaît débiteur du délégataire (la CMOI) à concurrence des loyers et de toutes sommes prévues dans le contrat de location (') ». L'article 2-3 ajoute : « Le mandataire (CMOI) pourra au nom du mandant (SNC Salazie Location 137), prononcer la résiliation du contrat de location, en cas d'inexécution constatée des obligations supportées par le locataire et notamment en cas de non-paiement d'au moins trois loyers. En cas de résiliation du contrat de location, le mandataire est habilité à récupérer auprès du locataire le matériel objet de la location et à prendre toutes mesures appropriées pour en assurer la conservation ». L'article 2-4 conclut le contrat de cette manière : « Le mandataire ne contracte par la présente aucune obligation à l'égard du locataire et ne saurait être substitué au mandant qui demeure propriétaire des matériels et qui assumera donc tous les risques que lui confèrent la qualité de loueur ».

De l'ensemble, il en résulte que l'intimée ne fait que demander l'application des termes du contrat que la société Autoprolocation a signé, et donc accepté ; or, dans la mesure où les appelants ne démontrent pas en quoi l'intimée présenterait des demandes indemnitaires excédant le cadre contractuel, il ne peut être retenu que le principe de la réparation intégrale du préjudice subi n'a pas été respecté.

Enfin, les appelants remettent en cause la validité d'une clause de réserve de propriété avec subrogation au profit du prêteur. L'article II de cette réserve de propriété professionnelle, produite aux débats par l'intimée, est constituée entre le vendeur (concessionnaire automobile Jules Caillé), l'acheteur (la SNC Salazie Location 137) et le prêteur (la CMOI), elle prescrit : « par la présente, le vendeur constitue à son profit une réserve de propriété, différant le transfert de la propriété du bien désigné ci-dessus jusqu'au paiement effectif et complet du prix. Dès réception du solde du prix de vente du bien, réglé par le prêteur CMOI, il subroge ce dernier conformément aux dispositions aux dispositions de l'article 1250 alinéa 1 et suivants du code civil, dans tous ses droits et actions nés de la clause de réserve de propriété ». Il est manifeste que ces prescriptions sont conformes aux exigences posées par l'article 1250 du code civil, rendant inopérant le moyen soulevé par les appelants.

La restitution des véhicules ne peut qu'être confirmée.

Sur les engagements de caution

Les appelants expliquent que les engagements sollicités par l'intimée auprès des cautions sont disproportionnés ; qu'aucune fiche de renseignement patrimonial ne figure au dossier de sorte que la banque est dans l'incapacité de justifier d'une juste proportion entre les engagements souscrits et les revenus perçus, étant précisé que les époux [C] ne possèdent pas de patrimoine et que leurs seuls revenus proviennent de la société autoprolocation ; qu'il importe peu de savoir si la caution était avertie ou non, contrairement à l'obligation de mise en garde ; que la banque n'a pas apporté la preuve de la possibilité, pour les deux cautions, d'être en mesure de s'exécuter au jour de la délivrance de l'assignation.

L'intimée soutient quant à elle que la disproportion alléguée par les cautions n'est pas démontrée, la banque ayant pris soin de collecter des renseignements sur leur situation financière et sur leur capacité à honorer leurs engagements, sans compter qu'elles sont des cautions averties en leur qualité de gérant de société et qu'elles n'apportent pas la preuve de cette disproportion puisqu'elles ne justifient ni de leurs ressources ni de leur patrimoine ; que les contrats sont indivisibles et nécessaires à une opération de défiscalisation.

SUR CE,

Aux termes de l'article L. 341-4 du code de la consommation, alors applicable aux faits de l'espèce, « Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. »

 

Il s'en déduit que la proportionnalité de l'engagement d'une caution s'apprécie soit au moment de sa conclusion, soit, le cas échéant, lorsque la caution est appelée à exécuter son engagement. La disproportion doit être manifeste, c'est à dire flagrante ou évidente, et qu'elle correspond à l'impossibilité d'honorer ses engagements au regard de tous les éléments de son patrimoine et pas seulement de ses revenus.

 

Lorsque le cautionnement a été consenti par un époux marié sous le régime de la communauté de biens, la proportionnalité d'un tel engagement s'apprécie au regard du patrimoine propre de l'époux souscripteur mais aussi des biens communs aux époux.

 

Il appartient à la caution, qui l'invoque, de démontrer l'existence de la disproportion manifeste de son engagement, au moment de la conclusion de celui-ci. Il peut en être déduit que l'article L. 341-4 du code de la consommation n'impose pas au créancier professionnel de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement (Com., 13 sept. 2017). Ainsi, lorsque la caution a, lors de son engagement, déclaré des éléments sur sa situation financière à la banque qui l'a interrogée, la banque peut se fier à de tels éléments dont elle n'a pas à vérifier l'exactitude, sauf en cas d'anomalie apparente ou sauf lorsque le créancier professionnel avait connaissance ou ne pouvait pas ignorer l'existence d'autres charges pesant sur la caution non déclarées sur la fiche de renseignements. C'est le cas lorsque les engagements antérieurs ont été souscrits au profit du banquier dispensateur de crédit. Toutefois, il a été jugé que ne suffit pas à caractériser l'anomalie apparente le fait que d'autres engagements aient été souscrits.

En tout état de cause, il y a lieu de considérer qu'il y a disproportion manifeste dès lors que l'engagement de la caution, même modeste, est de nature à la priver du minimum vital nécessaire à ses besoins et à ceux des personnes qui sont à sa charge, étant souligné qu'il importe peu en la matière de savoir si la caution est avertie ou non.

 

En l'espèce, M. et Mme [C] se sont portés caution de la SNC Salazie Location 137 pour le paiement d'une somme maximale de 14.422,80 euros, et ce pour chacun des trois contrats de prêt. Leur engagement est repris dans trois actes datés du jour de signature des actes de prêt, à savoir le 31 août 2015. Ils se sont ainsi engagés dans les termes suivants : « en me portant caution de la SNC Salazie Location 137, dans la limite de la somme de 14.422,80 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de 60 mois, je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si la SNC Salazie Location 137 n'y satisfait pas lui-même. En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec la SNC Salazie Location 137, je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement la SNC Salazie Location 137 ».

 

La banque prétend s'être intéressée aux capacités financières des cautions alors que les fiches de renseignements qu'elle produit sont relatifs à la santé financière de l'entreprise. Il y est effectivement fait état des chiffres d'affaires, des résultats d'exploitation, des fonds propres et du bilan total pour les années 2014 et 2015.

Ces pièces, tout comme toutes celles versées aux débats par les parties, ne sont donc pas directement exploitables pour apprécier de la situation personnelle des époux [C].

Toutefois, force est de constater que les appelants se contentent de dire qu'ils ne possèdent pas de patrimoine et que leurs seuls revenus du ménage proviennent de la société Autoprolocation. La cour observe qu'il s'agit d'affirmations péremptoires car nullement étayées, les pièces que les appelants versent aux débats ne permettant pas d'établir quelle était leur situation patrimoniale au moment de l'acte de caution mais aussi au moment où leur responsabilité est engagée. Ce faisant, alors qu'ils ne peuvent intervertir la charge de la preuve en pointant l'absence de fiche de renseignement établie par la banque, les appelants ne rapportent pas la preuve d'un engagement disproportionné au titre de la caution.

Sur les délais de grâce

Les délais accordés par le premier juge peuvent être confirmés en appel dans la mesure où, même s'il eût été utile pour les appelants de justifier de leur situation économique et patrimoniale respective, il n'est pas contesté par chacune des parties que le non-paiement des loyers résulte de difficultés financières de la société Autoprolocation.

* * *

 

En conséquence, le jugement attaqué sera entièrement confirmé en ce que :

-il a condamné solidairement la SARL Autoprolocation et les époux [C] à payer à la société CMOI les sommes suivantes, déduction à faire de la somme de 7.250 euros : 11.297,52 euros au titre du contrat n°275124; 11.297,52 euros au titre du contrat n°275125; 11.297,52 euros au titre du contrat n°275126, et ce avec intérêts au taux légal sur la somme due en principal, à compter du premier impayé du mois de septembre 2016 jusqu'au règlement effectif des sommes dues;

- il a ordonné la restitution immédiate des trois véhicules Peugeot, selon les modalités prévues au jugement;

- il a condamné solidairement la SARL Autoprolocation et les époux [C] à payer à la société CMOI la somme de 260,81 euros en cas de restitution tardive, par mois et pour chacun des véhicules jusqu'à leur restitution effective;

-il a condamné la SARL Autoprolocation et les époux [C] à payer à la société CMOI la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

-il a autorisé les défendeurs à s'acquitter de leur dette en principal, intérêts et frais en 24 mensualités égales, et ce à compter du premier jour ouvrable du mois suivant celui de la signification de la présente décision;

-il a condamné les défendeurs aux dépens.

Sur les demandes accessoires

Il est équitable de limiter la condamnation à prononcer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La somme à payer sera identique à celle décidée en première instance.

Les appelants seront également condamnés aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, selon arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, en matière commerciale, par mise à disposition au greffe, conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ;

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis en date du 4 mars 2019,

Y ajoutant,

CONDAMNE solidairement la SARL Autoprolocation, Mme [V] [Y] épouse [C] et M. [J] [C] à payer à la SA Crédit Moderne Océan Indien la somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE solidairement la SARL Autoprolocation, Mme [V] [Y] épouse [C] et M. [J] [C] aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19/00561
Date de la décision : 14/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-14;19.00561 ?
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