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19/08/2022 | FRANCE | N°20/00193

France | France, Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, Chambre civile ti, 19 août 2022, 20/00193


ARRÊT N°

PC



R.G : N° RG 20/00193 - N° Portalis DBWB-V-B7E-FKGU





[U]



C/



[N]



























COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS



ARRÊT DU 19 AOUT 2022



Chambre civile TI



Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE SAINT-PIERRE en date du 02 DECEMBRE 2019 suivant déclaration d'appel en date du 24 JANVIER 2020 RG n° 15-000912





APPELANT :


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[Adresse 4]

97432 Ravine des Cabris

Représentant : Me Jean maurice NASSAR LI WOUNG KI de la SCP MOREAU -NASSAR - HAN-KWAN, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION



INTIMÉ :



Monsieur [E] [N]

[Adresse 8]

97432 RAVINE DES CABR...

ARRÊT N°

PC

R.G : N° RG 20/00193 - N° Portalis DBWB-V-B7E-FKGU

[U]

C/

[N]

COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS

ARRÊT DU 19 AOUT 2022

Chambre civile TI

Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE SAINT-PIERRE en date du 02 DECEMBRE 2019 suivant déclaration d'appel en date du 24 JANVIER 2020 RG n° 15-000912

APPELANT :

Monsieur [M] [K] [U]

[Adresse 4]

97432 Ravine des Cabris

Représentant : Me Jean maurice NASSAR LI WOUNG KI de la SCP MOREAU -NASSAR - HAN-KWAN, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

INTIMÉ :

Monsieur [E] [N]

[Adresse 8]

97432 RAVINE DES CABRIS

Représentant : Me Virginie VON PINE, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION

DATE DE CLÔTURE : 10 mars 2022

DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Mai 2022 devant Monsieur CHEVRIER Patrick, Président de chambre, qui en a fait un rapport, assisté de Mme Véronique FONTAINE, Greffier, les parties ne s'y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué, à l'issue des débats, que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 19 Août 2022.

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre

Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère

Conseiller : Madame Magali ISSAD, Conseillère

Qui en ont délibéré

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 19 Août 2022.

* * *

LA COUR :

Monsieur [M] [K] [U] est propriétaire de la parcelle de terrain cadastrée section HY n°[Cadastre 7] sise au [Adresse 3]. Sa parcelle jouxte les propriétés suivantes :

. section HY n° [Cadastre 6] appartenant à Mme [U] [X] [F] ;

. section HY n° [Cadastre 9] appartenant à M. [N] [E].

Monsieur [U] a fait assigner les propriétaires des fonds voisins, par actes d'huissier délivrés le 17 novembre 2015, aux fins de borner les fonds contigus et le sien. Par jugement du 24 octobre 2016, réputé contradictoire en l'absence de Monsieur [N] [E], le tribunal d'instance de Saint-Pierre a ordonné, avant dire droit, le bornage des parcelles en cause et désigné, Monsieur [W], expert géomètre. Celui-ci a déposé son rapport le 26 mai 2017.

Par jugement contradictoire mixte en date du 15 octobre 2018, le même tribunal a statué en ces termes :

ORDONNE le bornage de la parcelle cadastrée Section HY [Cadastre 6] (propriété de Mme [X] [F] [U]) avec la parcelle cadastrée Section HY [Cadastre 5] (propriété de M. [G] [R] [U]) ;

ORDONNE un complément d'expertise confié à M. [W], pour, dans le cadre d'un seul rapport, d'une part procéder aux opérations de bornage de ces deux parcelles contigües et d'autre part, préciser, compléter ou modifier le cas échéant les conclusions de son rapport daté du 26 mai 2017 relatives à la détermination de la limite séparative des parcelles HY [Cadastre 6], HY [Cadastre 7] et HY [Cadastre 9]; (')

Puis, par jugement contradictoire en date du 2 décembre 2019, le tribunal d'instance de SAINT-PIERRE a statué en ces termes :

ECARTE l'irrecevabilité, soulevée par M. [E] [N], de la demande introduite par M. [M] [K] [U] en bornage de sa parcelle cadastrée section HY [Cadastre 7] avec celle cadastrée section HY [Cadastre 9] ;

DIT n'y avoir lieu à écarter des débats l'attestation de Mme [B] [T] produite par M. [E] [N] (pièce n° 6) ;

JUGE que les limites séparatives de la parcelle cadastrée section HY [Cadastre 7] (propriété de M. [M] [K] [U]) avec les parcelles contiguës cadastrées section HY [Cadastre 6] (propriété de Mme [X] [F] [U]) et HY [Cadastre 9] (propriété de M. [E] [N]), sises sur la commune de la [Localité 10], passent par les lignes suivantes telles que figurées en annexe n° 19 du rapport d'expertise complémentaire :

- ligne BlC1 entre les parcelles HY [Cadastre 7] et HY [Cadastre 9],

- et ligne AB1 entre les parcelles HY [Cadastre 7] et HY [Cadastre 6] ;

JUGE que la limite séparative de la parcelle cadastrée section HY [Cadastre 6] avec la parcelle contiguë cadastrée section HY [Cadastre 5] (propriété de M. [G] [R] [U]) passe par la ligne VW telle que figurée en annexe n° 19 du rapport d'expertise complémentaire ;

DIT qu'à la demande de la partie la plus diligente l'expert ou tout autre géomètre retournera sur les lieux pour implanter, si nécessaire et si elles n'existent déjà, les bornes à ces différents points et dressera de ses opérations un procès-verbal qui sera déposé au greffe de ce tribunal ;

REJETTE la demande formée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

JUGE que les dépens, lesquels comprendront les frais d'expertise et d'abornement, seront partagés entre les parties dans les proportions suivantes:

- 1/3 chacun pour M. [M] [K] [U] et Mme [X] [F] [U],

- et 1/6 chacun pour M. [E] [N] et M. [G] [R] [U],

Et seront recouvrés comme en matière d`aide juridictionnelle ;

MANDATE l'expert ou tout autre géomètre pour établir un plan d'arpentage conforme à la présente décision afin de procéder à la modification du plan cadastral.

Monsieur [M] [U] a interjeté appel de cette décision par déclaration déposée par RPVA au greffe de la cour le 24 janvier 2020.

L'affaire a été renvoyé à la mise en état par ordonnance en date du 28 janvier 2020.

Monsieur [U] a déposé ses premières conclusions d'appel par RPVA le 23 avril 2020. Il les a signifiés en même temps que la déclaration d'appel par acte d'huissier délivré le 14 mai 2020 à Monsieur [E] [N].

Monsieur [N] a déposé ses conclusions d'intimé le 13 août 2020 par RPVA.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 mars 2021.

Par arrêt avant dire droit en date du 5 novembre 2021, la cour a ordonné la réouverture des débats, enjoint à Monsieur [M] [U] de communiquer l'original de l'acte authentique de donation-partage, dressé le 31 octobre 2000 par Maître [D], notaire associé de la SCP [C] [H] et [V] [D], notaire à [Localité 11], sur lequel figurent en principe la signature et le paraphe de l'appelant, renvoyé l'affaire à la mise en état.

Monsieur [U] a versé aux débats l'acte authentique en original.

Les parties n'ont pas déposé de nouvelles conclusions à la suite de l'arrêt avant dire droit.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 mars 2022.

***

Aux termes de ses dernières conclusions N° 2 déposées par RPVA le 9 décembre 2020, Monsieur [M] [U] demande à la cour de :

" DECLARER l'appel recevable et bien fondé,

DEBOUTER l'intimé de ses prétentions, exceptions ou fins de non-recevoir,

INFIRMER le jugement rendu entre les parties le 03 décembre 2019 en ce qu'il a :

ECARTE l'irrecevabilité soulevée par M. [E] [N], de la demande en bornage introduite par M. [M] [K] [U] en bornage de sa parcelle cadastrée section HY [Cadastre 7] avec celle cadastrée section HY [Cadastre 9] ;

DIT n'y avoir lieu à écarter des débats l'attestation de Mme [B] [T] produite par M. [E] [N] ;

JUGE que les limites séparatives de la parcelle cadastrée section HY [Cadastre 7] (propriété de M. [M] [K] [U]) avec les parcelles contiguës cadastrées HY [Cadastre 9] (propriété de M. [E] [N]), sises sur la commune de la [Localité 10], passent par les lignes suivantes telles que figurées en annexe n° 19 du rapport d'expertise complémentaire :

- Ligne B1C1 entre les parcelles HY [Cadastre 7] et HY [Cadastre 9]

STATUANT À NOUVEAU,

CONSTATER que Monsieur [U] [M] n'a pas signé le procès-verbal de bornage du 3 février 2004,

DECLARER le procès-verbal de bornage du 3 février 2004 inopposable à Monsieur [U] [M],

En conséquence,

FIXER la limite entre les parcelles cadastrées HY n° [Cadastre 7] sise au [Adresse 3] comme suit :

Entre les parcelles HY [Cadastre 7] et HY [Cadastre 9] : la limite BC de l'annexe 9 du rapport d'expertise judiciaire du 26 mai 2017 ;

DIRE que la partie la plus diligente fera procéder à l'apposition des bornes, dont le coût sera partagé par moitié par les propriétaires concernés,

CONDAMNER Mr [E] [N] à payer à Mr [M] [K] [U] la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

CONDAMNER Mr [E] [N] aux dépens. "

Selon l'appelant, le procès-verbal de bornage du 3 février 2004 lui est inopposable car, il apparaît qu'une croix figure à côté du nom de Monsieur [U] [M] (HY [Cadastre 7]), signifiant que le concluant n'était pas comparant aux opérations de bornage ou n'a pas souhaité signer le procès-verbal tel qu'il était établi. Par la suite, une signature a été rajoutée en surcharge, signature qui n'est pas celle du concluant au regard des nombreux spécimens de sa signature figurant sur des documents officiels. Mais le tribunal a décidé d'écarter des documents officiels et indispensables à la vérification d'écriture - en l'occurrence la vérification de la signature de l'appelant - au motif que ceux-ci ont été établis postérieurement aux faits litigieux, et en conclut qu'on ne peut " confirmer ou exclure l'authenticité de la signature de M. [M] [Y] [U] ".

Dans le même temps, le tribunal a considéré pouvoir prendre en compte les attestations de M. [J] [N] et de Mme [T], elles-mêmes établies bien postérieurement aux faits litigieux et se bornant uniquement à indiquer la " présence " de Monsieur [U] [M] lors de la tentative de bornage. Ces attestations sont insuffisantes à démontrer à l'authenticité du procès-verbal de bornage de Monsieur [S]. Or, en ne retenant que la présence de Monsieur [U] [M] audit bornage, sans déterminer les éléments permettant d'affirmer que ce dernier aurait donné son accord aux limites proposées, le juge a dénaturé les faits et a tiré des conséquences inexactes de ses constatations.

La Cour tirera les conséquences de l'inopposabilité envers l'appelant du procès-verbal de bornage de Monsieur [S] du 3 février 2004, et retiendra la proposition de l'expert judiciaire de voir fixer les limites entre les parcelles telles que définies lors du rapport d'expertise judiciaire du 26 mai 2017, à savoir suivant la ligne BC.

Monsieur [U] fait valoir que, par voie de conclusions, l'intimé formule, d'une part, une demande tendant à voir déclarer irrecevable la demande initiale en bornage au motif de l'existence d'un procès-verbal de bornage amiable, et, d'autre part, une demande de confirmation du jugement rendu le 2 décembre 2019. Ces demandes sont contradictoires entre-elles.

Enfin Monsieur [U] ajoute que le long de la limite B1C1 retenue par le premier juge, il n'existe aucun mur ni aucune construction.

***

Par conclusions déposées par RPVA le 13 août 2020, Monsieur [E] [N] demande à la cour de :

(')

INFIRMER le jugement rendu le tribunal d'instance de Saint-Pierre le 2 décembre 2019 uniquement en ce qu'il a écarté l'irrecevabilité de la demande en bornage ;

CONFIRMER le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur le chef contesté à titre principal :

Déclarer irrecevable la demande de bornage judicaire de Monsieur [M] [K] [U] ;

Débouter Monsieur [U] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Dire et juger que la limite séparative entre les parcelles HY [Cadastre 7] et HY [Cadastre 9] correspond au mur existant et à son prolongement dont la construction a été amorcée par Monsieur [M] [U] ;

Dire et juger que les dépens comprenant les frais d'expertise seront intégralement à la charge e Monsieur [M] [K] [U] ;

A titre subsidiaire en cas de recevabilité de l'action en bornage :

Confirmer le jugement rendu le tribunal d'instance de Saint-Pierre le 2 décembre 2019, signifié le 27 janvier 2020 en toutes ses dispositions ;

Homologuer le pré-rapport complémentaire d'expertise de Monsieur [W] en date du 29 janvier 2019 et le rapport complémentaire d'expertise du 19 mars 2019, retenant la limite B1C1 entre la parcelle HY-[Cadastre 7] de Monsieur [U] et la parcelle HY-[Cadastre 9] de Monsieur [N] ;

En conséquence,

Débouter Monsieur [U] de sa demande d'homologation du rapport d'expertise de Monsieur [W] du 26 mai 2017 ;

Débouter Monsieur [U] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Dire et juger que la limite séparative entre les parcelles HY [Cadastre 7] et HY [Cadastre 9] correspond au mur existant et à son prolongement dont la construction a été amorcée par Monsieur [M] [U] ;

Condamner Monsieur [M] [K] [U] à payer à Monsieur [E] [N] la somme de 5.000 euros pour procédure abusive et dilatoire ;

Condamner Monsieur [M] [K] [U] à payer à Monsieur [E] [N] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

Condamner Monsieur [M] [K] [U] à payer à Monsieur [E] [N] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise;

Ordonner l'exécution provisoire en vertu de l'article 515 du code de procédure civile.

Monsieur [N] expose que Monsieur [U] ne conteste plus sa présence aux opérations de bornage amiable de 2004 mais persiste à dénier sa signature. Mais les documents produits pour contester sa signature sont récents par rapport à la date du procès-verbal de bornage du 3 février 2004. Le dépôt de plainte de l'appelant et les attestations qu'il produit ne sont pas probantes. D'ailleurs, Monsieur [W] n'émet pas de doute à propos de l'authenticité de la signature de Monsieur [U].

***

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure en application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n'examine que les moyens développés dans la partie discussion des conclusions présentés au soutien de ces prétentions.

En outre, la cour constate que Madame [F] [U], et Monsieur [G] [U], intervenants volontaires s'étant désistés en première instance, n'ont pas été intimés.

Rappel historique de la procédure :

La demande de bornage de Monsieur [U] concerne les lignes divisoires des fonds suivants, contigus au sien :

- section HY n° [Cadastre 6] appartenant à Mme [U] [X] [F] ;

- section HY n° [Cadastre 9] appartenant à M. [N] [E].

Monsieur [U] demande à la cour de fixer la limite entre les parcelles cadastrées HY n° [Cadastre 7] sise au [Adresse 3], entre les parcelles HY [Cadastre 7] et HY [Cadastre 9] : la limite BC de l'annexe 9 du rapport d'expertise judiciaire du 26 mai 2017.

Monsieur [N] demande subsidiairement de confirmer le jugement querellé et d'homologuer le pré-rapport complémentaire d'expertise de Monsieur [W] en date du 19 mars 2019, retenant la limite B1C1 entre la parcelle HY-[Cadastre 7] de Monsieur [U] et la parcelle HY-[Cadastre 9] de Monsieur [N] et de rejeter la demande de Monsieur [U], tendant à l'homologation du rapport d'expertise de Monsieur [W] du 26 mai 2017.

Selon les termes du jugement querellé, au vu du procès-verbal de bornage du 4 décembre 2018 établi au cours des opérations d`expertise, Mme [X] [F] [U] et M. [G] [R] [U] se sont entendus pour fixer la limite séparative de leurs fonds contigus selon la ligne notée VW correspondant au mur existant et à son prolongement, qu'il convient par conséquent de retenir.

Il reste ainsi en litige la demande de bornage relative à la limite des parcelles appartenant à Monsieur [U] et à Monsieur [N].

Sur la recevabilité de l'action en bornage judiciaire :

Le bornage judiciaire a été ordonné par jugement en date du 24 octobre 2016 (RG N° 11-15-912 - Minute N° 673-16) pour les parcelles cadastrées section HY [Cadastre 6] appartenant à Madame [F] [U], HY [Cadastre 7] appartenant à Monsieur [M] [U], et HY [Cadastre 9] appartenant à Monsieur [N].

Selon les termes de ce jugement, Madame [F] [U] avait déjà fait valoir l'irrecevabilité de l'action en invoquant un précédent bornage amiable.

Or, le tribunal d'instance avait écarté la fin de non-recevoir en ordonnant le bornage de ces parcelles.

Le jugement querellé a de nouveau statué sur la fin de non-recevoir, soulevée cette fois par Monsieur [N] en l'écartant.

En l'occurrence, la recevabilité de l'action de Monsieur [U] est conditionnée par l'existence ou non du procès-verbal de bornage amiable en date du 3 février 2004, invoqué par Monsieur [N] mais contesté par l'appelant.

Puis, comme l'a précisé Monsieur [W] dans son rapport complémentaire déposé le 19 mars 2019, les limites séparatives des fonds cadastrés Section HY [Cadastre 7] (Propriété de Monsieur [U]) et Section HY [Cadastre 9] (propriété de Monsieur [N]) dépendront de la validité du procès-verbal de bornage amiable de 2004 ou du rapport de l'Expert du 26 mai 2017.

Sur la vérification d'écriture :

Selon les prescriptions de l'article 287 du code de procédure civile, si l'une des parties dénie l'écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l'écrit contesté à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte. Si l'écrit contesté n'est relatif qu'à certains chefs de la demande, il peut être statué sur les autres.

Le premier juge a justement procédé à la vérification d'écriture puisque Monsieur [U] nie avoir apposé sa signature sur le procès-verbal du 3 février 2004.

Monsieur [N] verse aux débats (Pièce N° 2) le procès-verbal de bornage en date du 3 février 2004, dressé par Monsieur [S], saisi à la requête de Madame [U], [X], épouse [N] [P], propriétaire de la parcelle.

Monsieur [U] figure parmi les propriétaires concernés, pour la parcelle HY [Cadastre 7].

A la fin du document figure un paraphe face au nom de Monsieur [M] [U] mais celui-ci affirme qu'il ne s'agit pas de sa signature même s'il admet désormais avoir été présent aux opérations de bornage amiable. Il indique ne pas avoir acquiescé à ce projet.

Monsieur [O] a annexé à ce procès-verbal un procès-verbal de carence, daté du 28 septembre 2004, exposant qu'il n'a pas pu mener ses opérations à terme pour la limite entre les parcelles HY [Cadastre 2], appartenant à une Dame [A] [JT], et HY [Cadastre 1] appartenant à Monsieur [N] [J]. Cette constatation est d'ailleurs confirmée par l'absence de signature devant les noms des propriétaires de la parcelle HY [Cadastre 2] du procès-verbal amiable ainsi que par la mention " PV de carence ". Il résulte de ce fait qu'il serait surprenant qu'un géomètre expert accepte de recevoir une signature d'acceptation, fût-ce un paraphe, d'une personne absente ou refusant sa proposition de bornage alors qu'il agit autrement et justement dans le cas d'un autre propriétaire intéressé aux opérations de bornage.

Pour contester la signature figurant devant son nom sur le procès-verbal litigieux, Monsieur [U] verse aux débats :

-Un échantillon des documents contenant sa signature ;

-Une attestation d'employeur sur la période de février 2004 ;

-Le procès-verbal de dépôt de plainte du 7 mai 2015 ;

-Une attestation de témoin de Monsieur [I] [Z].

Parmi les pièces versées aux débats pour proposer des échantillons de sa signature, l'appelant présente :

-Son permis de conduire signée en 2017 ;

-Sa carte de qualification de conducteur professionnel signée en 2017;

-Sa carte de conducteur de véhicules super-lourd signée en 2015 ;

-Sa carte d'électeur signée en 2017 ;

-Sa carte nationale d'identité signée en 2013 ;

-Son passeport signé en 2016.

Ces documents ne permettent pas d'établir la fausseté de la signature incriminée ni d'en conclure à l'authenticité, l'acte litigieux ayant été paraphé en 2004, soit bien avant les documents cités plus haut.

Désormais, l'acte authentique de donation-partage, dressé le 31 octobre 2000 en présence de Monsieur [M] [U], donataire co partagé, quelques années avant le procès-verbal de bornage contesté, est produit.

La cour est en mesure de vérifier si la signature et les paraphes de l'appelant sont identiques ou proches dans les deux actes.

Il résulte clairement de l'examen de cet acte daté du 31 octobre 2000 et du procès-verbal de bornage amiable établi par Monsieur [S] le 3 février 2004 que la signature ou le paraphe de Monsieur [M] [U] est nettement différente dans les deux actes.

En effet, la signature de Monsieur [M] [U] figure sur le plan annexé à l'acte (intitulé TERRAIN A). La signature permet de distinguer le nom du signataire, suivi de la lettre J, le tout étant souligné d'un trait partant de la première lettre et croisant l'initiale de [M].

En revanche, la signature figurant dans le procès-verbal de bornage litigieux (page 3), ressemble à une première lettre arrondie, associée à une petite barre à 7 heures, figurant la lettre majuscule Q, poursuivie par une petite ligne horizontale sinueuse, le tout souligné par un trait dépassant la ligne susdite.

Ces deux paraphes ne présentent manifestement aucune correspondance, ce qui permet de retenir pour vraies les allégations anciennes et constantes de Monsieur [U], aux termes desquelles il n'aurait jamais signé ni validé le procès-verbal de bornage de Monsieur [S].

Ainsi, même si le premier juge a justement retenu que l'attestation de M. [J] [N] et celle de Mme [B] [U], épouse [T], établissent que Monsieur [M] [U] avait bien été appelé et présent aux opérations de bornage, il ne résulte pas de l'attestation du premier que l'appelant aurait signé le procès-verbal (pièce N° 5 de l'intimé), pas plus de celle de Madame [T] (pièce N° 6), ces témoins se bornant à confirmer la seule présence de Monsieur [U].

Il résulte de ce qui précède que l'action de Monsieur [U] est recevable dès lors que le procès-verbal de bornage du 3 février 2004 lui est inopposable.

Néanmoins, le jugement querellé sera confirmé de ce chef car il a d'abord retenu que la demande en bornage introduite par M. [M] [U] ne peut être déclarée irrecevable dès lors qu'elle avait déjà été accueillie par le jugement mixte du 24 octobre 2016, ayant autorité de la chose jugée sur ce point.

Sur les conséquences de l'inopposabilité à Monsieur [M] [U] du procès-verbal de bornage du 3 février 2004 :

Le procès-verbal de bornage du 3 février 2004 est inopposable à Monsieur [U] [M] qui ne l'a pas signé.

En conséquence, l'action de Monsieur [M] [U], engagée devant le juge d'instance le 17 novembre 2015 sur le fondement de l'article 646 du code de procédure civile est parfaitement recevable.

Sur les limites divisoires des fonds :

Le 19 mars 2019, Monsieur [W] a rédigé un rapport complémentaire à celui qu'il avait réalisé le 26 mai 2017.

Selon le jugement du 15 octobre 2018, il était demandé à l'expert d'ajouter une proposition de bornage entre les parcelles HY [Cadastre 6], appartenant à Madame [X] [F] [U], et HY [Cadastre 5], appartenant à Monsieur [G] [R] [U].

Il lui était aussi demandé de compléter son premier rapport relativement à la détermination de la limite séparative des parcelles HY [Cadastre 6], HY [Cadastre 7] et HY [Cadastre 9], cette dernière appartenant à Monsieur [N].

Il convient en conséquence de retenir ce rapport complémentaire du 19 mars 2019, qui contient nécessairement les éléments retenus dans le rapport du 26 mai 2017, alors que toutes les parties ont pu faire valoir contradictoirement leurs doléances auprès de Monsieur [W].

Or, l'expert judiciaire conclut comme suit sur la question opposant Monsieur [U] à Monsieur [N] :

Limite B1-C1 entre la parcelle HY [Cadastre 7] de Monsieur [U] et la parcelle HY [Cadastre 9] de Monsieur [N], à condition toutefois que le procès-verbal de bornage de Monsieur [S] DE février 2004 soit applicable et que la signature de M. [U] soit validée par le tribunal.

Si tel n'était pas le cas, il conviendrait de retenir les éléments du rapport d'expertise du 26 mai 2017 et de proposer la limite BC tel que représenté sur le plan expert [L] de l'annexe numéro 19 de ce rapport.

Or, en l'espèce, le procès-verbal de bornage du 3 février 2004 n'est pas opposable à Monsieur [U].

Monsieur [W], dans son premier rapport, avait expliqué que pour proposer la ligne divisoire des fonds BC, il avait fait application du plan parcellaire cadastral en le superposant avec les éléments homologués de chaque plan.

Il avait ainsi obtenu la limite QC, constituant une ligne droite séparant les fonds HY-[Cadastre 5]-[Cadastre 6]-[Cadastre 7] à l'Ouest et HY-[Cadastre 9],895-896 à l'Est.

Enfin, l'expert avait aussi remarqué que le mur EF ne se situe pas sur la limite QC.

C'est donc la ligne divisoire BC figurant à l'annexe N° 19 du rapport complémentaire de Monsieur [W] qu'il convient de retenir pour tracer les limites entre la parcelle HY [Cadastre 7] de Monsieur [U] et la parcelle HY [Cadastre 9] de Monsieur [N], le fait qu'un mur soit édifié plus loin que cette limite dans la parcelle de Monsieur [U] ne suffisant pas à déterminer la ligne divisoire des fonds au regard des éléments retenus par l'expert.

Le jugement querellé doit être infirmé en ce qu'il a fixé la limite séparative des parcelles cadastrée section HY [Cadastre 7] (propriété de M. [M] [K] [U]) avec les parcelles contiguës cadastrées HY [Cadastre 9] (propriété de M. [E] [N]), sises sur la commune de la [Localité 10], passent par la ligne B1C1 telles que figurées en annexe n° 19 du rapport d'expertise complémentaire.

Sur les autres demandes :

Le jugement querellé doit être confirmé en ce qu'il a jugé justement que la partie la plus diligente fera procéder à l'apposition des bornes, dont le coût sera partagé par moitié par les propriétaires concernés.

Les demandes de dommages et intérêts présentées par Monsieur [N], au titre de préjudices consécutifs à une procédure abusive et à un préjudice moral, doivent être rejetées puisque Monsieur [U] n'a commis aucune faute en faisant valoir ses droits, à raison.

Enfin, la nature du litige justifie que les parties conservent leurs frais irrépétibles.

Les dépens seront répartis conformément au dispositif du premier jugement mais les dépens de l'appel doivent rester à la charge de chacune des parties qui les a avancés.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,

DECLARE inopposable à Monsieur [M] [U] le procès-verbal de bornage du 3 février 2004, qu'il n'a pas signé, rédigé par Monsieur [S] ;

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a fixé la limite séparative des parcelles cadastrée section HY [Cadastre 7] (propriété de M. [M] [K] [U]) avec les parcelles contiguës cadastrées HY [Cadastre 9] (propriété de M. [E] [N]), sises sur la commune de la [Localité 10], passent par la ligne B1C1 telles que figurées en annexe n° 19 du rapport d'expertise complémentaire ;

Statuant à nouveau de ce chef,

FIXE la limite divisoire des fonds HY [Cadastre 7] de Monsieur [U] et HY [Cadastre 9] de Monsieur [N] selon la ligne divisoire BC figurant à l'annexe N° 19 du rapport complémentaire de Monsieur [W] ;

Y AJOUTANT,

DEBOUTE Monsieur [E] [N] de ses demandes de dommages et intérêts ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT que les parties supporteront leurs propres dépens de l'appel et que ceux de première instance resteront répartis conformément au dispositif du premier jugement.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre, et par Mme Véronique FONTAINE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion
Formation : Chambre civile ti
Numéro d'arrêt : 20/00193
Date de la décision : 19/08/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-08-19;20.00193 ?
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