N° RG 23/01854 - N° Portalis DBVM-V-B7H-L2FG
C4
Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL LEXAVOUE [Localité 8] - [Localité 7]
la SCP JOUANNEAU-PALACCI
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 27 JUIN 2024
Appel d'une décision (N° RG 2021J200)
rendue par le Tribunal de Commerce de ROMANS SUR ISERE
en date du 15 mars 2023
suivant déclaration d'appel du 12 mai 2023
APPELANTS :
Me [E] [L] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL L'EAU VIVE VALENCE, nommé à ces fonctions suivant jugements du Tribunal de commerce de Romans-sur-Isère en date des 28 juillet 2020 et 8 avril 2021,
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 3]
S.A.R.L. L'EAU VIVE VALENCE au capital de 147.000 euros immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Romans-sur-Isère sous le n° 533 651 063, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentés par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et par Me Arnaud LAURENT, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me HELL, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉE :
CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE LOIRE DROME ARDECHE Société Anonyme coopérative à Directoire et Conseil d'Orientation et de Surveillance au capital de 352 271 000,00 €, immatriculée au RCS de SAINT ETIENNE sous le n° 383 686 839, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Me Séverine JOUANNEAU de la SCP JOUANNEAU-PALACCI, avocat au barreau de VALENCE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Mme Raphaële FAIVRE, Conseillère,
DÉBATS :
A l'audience publique du 05 avril 2024, M. BRUNO, Conseiller, qui a fait rapport assisté de Alice RICHET, Greffière, a entendu les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour, après prorogation du délibéré.
Faits et procédure :
1. Suivant acte sous-seing privé en date des 7 et 14 octobre 2011, la Sarl Sam Bio'te souscrit un contrat de prêt professionnel auprès de la Caisse d'Epargne Loire Drôme Ardèche de 366.091 euros au taux contractuel de 4,05% soit un TEG de 5,77% amortissable en 10 ans.
2. Suite à la cession des parts sociales composant le capital social de la société Sam Bio'te intervenue le 1er mai 2015 entre monsieur et madame [T] et la société L'Eau Vive Sas immatriculée au RCS de Grenoble, la société Sam Bio'te est devenue la société L'Eau Vive Valence.
3. Suivant jugement rendu le 28 juillet 2020 par le tribunal de commerce de Romans sur Isère, la société L'Eau Vive Valence a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, au passif de laquelle la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Loire Drôme Ardèche a déclaré sa créance le 8 septembre 2020 pour 129.781 euros au titre du solde du prêt.
4. Par courrier du 24 février 2021, maître [L], liquidateur judiciaire, a avisé la Caisse d'Epargne d'une contestation de sa créance déclarée pour la somme de 129.781,05 euros, en totalité en raison d'une erreur affectant la régularité du TEG. Par courrier du 11 mars 2021, la Caisse d'Epargne a indiqué que le juge-commissaire n'est pas compétent pour statuer sur la régularité du TEG, et qu'en toute hypothèse, ce moyen était prescrit. La contestation a néanmoins été maintenue par le liquidateur.
5. Suivant ordonnance rendue le 5 juillet 2021, le juge-commissaire s'est déclaré incompétent pour statuer sur la contestation et a invité la banque à saisir la juridiction compétente à peine de forclusion.
6. En conséquence, la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Loire Drôme Ardèche a saisi le tribunal de commerce de Romans sur Isère par assignation du 19 juillet 2021.
7. Par jugement du 15 mars 2023, le tribunal de commerce de Romans sur Isère a :
- rejeté la demande d'irrégularité de l'assignation formulée par la Sarl L'Eau Vive Valence et maître [L], liquidateur judiciaire de la société L'Eau Vive, faute d'avoir été soulevée simultanément et avant toute défense au fond ou 'n de non-recevoir ;
- fixé le montant de la créance de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Loire Drôme Ardèche au passif de la société L'Eau Vive Valence à titre privilégié échu pour la somme de 129.781,05 euros au titre du prêt professionnel et, à titre privilégié échu pour la somme de 11.079,97 euros au titre du solde débiteur du compte courant professionnel ;
- rejeté la demande de la Sarl L'Eau Vive Valence et maître [L], liquidateur judiciaire de la société L'Eau Vive, concernant la contestation relative à la régularité du TEG, cette dernière étant forclose ;
- débouté la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Loire Drôme Ardèche de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires ;
- liquidé les dépens visés à l'article 701 du code de procédure civile pour être mis à la charge de la société L'Eau Vive Valence et de maître [L], liquidateur judiciaire de la société L'Eau Vive.
8. La société L'Eau Vive Valence et maître [L], ès-qualités de liquidateur judiciaire, ont interjeté appel de cette décision le 12 mai 2023, en ce qu'elle a :
- rejeté la demande d'irrégularité de l'assignation formulée par la Sarl L'Eau Vive Valence et maître [L], liquidateur judiciaire de la société L'Eau Vive, faute d'avoir été soulevée simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir ;
- fixé le montant de la créance de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Loire Drôme Ardèche au passif de la société L'Eau Vive Valence à titre privilégié échu pour la somme de 129.781,05 euros au titre du prêt professionnel et, à titre privilégié échu pour la somme de 11.079,97 euros au titre du solde débiteur du compte courant professionnel ;
- rejeté la demande de la Sarl L'Eau Vive Valence et maître [E] [L], liquidateur judiciaire de la société L'Eau Vive, concernant la contestation relative à la régularité du TEG, cette dernière étant forclose ;
- rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires ;
- liquidés les dépens visés à l'article 701 du code de procédure civile pour être mis à la charge de la société L'Eau Vive Valence et de maître [L], liquidateur judiciaire de la société L'Eau Vive.
L'instruction de cette procédure a été clôturée le 7 mars 2024.
Prétentions et moyens de la société L'Eau Vive Valence et de maître [L], ès-qualités de liquidateur judiciaire :
9. Selon leurs conclusions d'appelants remises par voie électronique le 1er août 2023, ils demandent à la cour, au visa des articles 4, 5, 53, 122, 123, 446-2 et 857 du code de procédure civile, de l'article R. 624-5 du code de commerce, de déclarer la société L'Eau Vive Valence recevable en ses demandes et d'infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Romans-sur-Isère le 15 mars 2023 notamment en ce qu'il a :
- rejeté la demande d'irrégularité de l'assignation formulée par la société L'Eau Vive Valence et maître [L] ès-qualités, faute d'avoir été soulevées simultanément et avant toute défense au fond ;
- fixé le montant de la créance de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Loire Drôme Ardèche au passif de la société L'Eau Vive Valence à titre privilégié échu à hauteur de 129.781,05 euros au titre du prêt professionnel et de 11.079,99 euros au titre du solde débiteur du compte-courant professionnel ;
- rejeté la demande de la société L'Eau Vive Valence et maître [L] ès-qualités s'agissant de la régularité du TEG pour être forclose ;
- rejeté toutes autres demandes, fins et conclusions contraires ;
- liquidé et mis les dépens visés à l'article 701 du code de procédure civile à la charge de la société L'Eau Vive Valence et de maître [L] ès-qualités.
10. Les appelants demandent à la cour, statuant à nouveau ;
- de rejeter toutes prétentions, demandes et fins contraires ;
- de recevoir en ses demandes, fins et prétentions, la société L'Eau Vive Valence et l'y déclarant parfaitement fondée,
- de juger que la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Loire Drôme Ardèche n'a pas saisi le tribunal de commerce de Romans-sur-Isère dans le délai de l'article R.624-5 du code de commerce ;
- de déclarer la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Loire Drôme Ardèche forclose en application de l'article R. 624-5 du code de commerce ;
- de déclarer irrecevable l'intégralité des moyens formulés par la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Loire Drôme Ardèche ;
- de débouter la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Loire Drôme Ardèche de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- de condamner la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Loire Drôme Ardèche à verser à la société L'Eau Vive Valence la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
- de condamner la Caisse d'Epargne Loire Drôme Ardèche aux entiers dépens.
Ils soutiennent :
11. - que selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui rend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel que le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix et la chose jugée ; qu'un délai préfix est un délai d'action déterminé par la loi dont le cours, à la différence du délai de prescription, n'est susceptible ni de suspension, ni d'interruption ;
12. - qu'en l'espèce, dans son assignation du 19 juillet 2021, l'intimée a saisi le tribunal de commerce, mais pas aux fins de fixer le montant de sa créance, puisqu'elle a seulement sollicité de dire et juger que toute contestation relative à la régularité du TEG est prescrite depuis le 14 octobre 2016 ; de dire et juger irrecevable la contestation formée par la société L'Eau Vive Valence au titre de la régularité du TEG ; subsidiairement, de dire et juger la contestation formée par la société L'Eau Vive Valence infondée ; à titre infiniment subsidiaire, de constater que la société L'Eau Vive Valence ne justifie pas qu'elle aurait pu souscrire un meilleur financement que celui accordé par la Caisse d'Epargne ; de dire et juger que la société L'Eau Vive Valence ne justifie pas avoir subi un préjudice ; sur l'indemnité conventionnelle, de dire et juger que la société L'Eau Vive Valence ne prétend ni de démontre en quoi l'indemnité conventionnelle serait manifestement excessive ; de condamner la société L'Eau Vive Valence et maître [L] ès-qualités à payer à la Caisse d'Epargne la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;
13. - que selon les articles 4, 56 et 446-2 du code de procédure civile, l'assignation vaut conclusions ; que les demandes de « dire et juger » et de « constater » ne constituent pas des demandes, mais de simples moyens ;
14. - que l'intimée n'a pas demandé au tribunal de fixer le montant de sa créance dans cette assignation ; que les prévisions de l'article R624-5 du code de commerce n'ont pas été respectées, puisqu'en ne formant pas de prétentions, l'intimée n'a pas saisi le tribunal en temps utile ;
15. - que contrairement à l'appréciation du tribunal, la demande des concluants n'est pas une exception de procédure tenant à l'irrégularité de l'assignation, puisqu'il n'a pas été demandé de constater l'irrégularité de l'assignation en temps que telle, mais l'absence de respect du délai imparti pour saisir cette juridiction, puisque le délai prévu par l'article R624-5 est un délai préfix.
Prétentions et moyens de la Caisse d'Epargne Loire Drôme Ardèche :
16. Selon ses conclusions d'intimée remises par voie électronique le 21 septembre 2023, elle demande à la cour, au visa des article 1231-5 et 1034 du code civil, de l'article L110-4 du code de commerce :
- de confirmer le jugement rendu le 15 mars 2023 par le tribunal de commerce de Romans sur Isère en ce qu'il a rejeté la demande d'irrégularité de l'assignation soulevée par la société L' Eau Vive Valence et maître [L] ; en ce qu'il a fixé le montant de la créance de la concluante au passif de la société L'Eau Vive Valence à titre privilégié échu pour la somme de 129.781,05 euros au titre du prêt professionnel et, à titre privilégié échu pour la somme de 11.079,97 euros au titre du solde débiteur du compte courant professionnel ;
- de dire et juger que la seconde exception de procédure formée par la société Eau Vive Valence fondée sur l'irrégularité de l'assignation est irrecevable ;
- de dire et juger que l'assignation signifiée le 19 juillet 2023 est régulière et recevable et a valablement saisi le tribunal de commerce de Romans sur Isère;
- de débouter la société L'Eau Vive Valence et maître [L] de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions contraires ; - de juger que la concluante a valablement saisi le tribunal de commerce de Romans sur Isère conformément aux dispositions de l'article R624-5 du code de commerce ;
- de débouter la société L'Eau Vive Valence et maître [L] de leur demande visant à voir juger la concluante forclose ;
- de fixer le montant de la créance de la concluante au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société L'Eau Vive Valence conformément à la déclaration de créance du 8 septembre 2020 à titre privilégié échu pour la somme de 129.781,05 euros au titre du prêt professionnel et, à titre privilégié échu pour la somme de 11.079,97euros au titre du solde débiteur du compte courant professionnel ;
- de condamner la société L'Eau Vive Valence et maître [L] ès-qualités à payer à la concluante la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
L'intimée indique :
17. - qu'après avoir soulevé l'incompétence territoriale du tribunal de commerce, la société L'Eau Vive Valence a soulevé une seconde exception de procédure 18 mois plus tard, tenant à la prétendue irrégularité de l'assignation ; qu'en application de l'article 74 du code de procédure civile, cette seconde exception était irrecevable faute d'avoir été soulevée concomitamment avec la première exception, ce qui a conduit le tribunal à la déclarer irrecevable ;
18. - que la société L'Eau Vive Valence soutient, à tort, que cette exception est une fin de non-recevoir, puisque selon la jurisprudence, si l'objet de la demande n'est pas indiqué, l'assignation est nulle, à condition qu'il y ait un grief, ce qui est une exception de procédure au regard de l'article 56 du code de procédure civile;
19. - en l'espèce, que la concluante s'est vue contrainte d'assigner la société L'Eau Vive Valence afin qu'il soit statué sur sa contestation du TEG formée devant le juge-commissaire ; que la concluante n'a pu former d'autres demandes que celle tendant au débouté de la contestation formée par la société L'Eau Vive Valence devant le juge-commissaire concernant la régularité du TEG, alors que la preuve de cette irrégularité incombait aux appelantes; qu'au jour de l'assignation, la contestation du TEG n'avait pas été valablement formée par la société L'Eau Vive Valence devant le tribunal de commerce puisque le juge-commissaire s'était déclaré incompétent ;
20. - qu'en raison de l'oralité de la procédure suivie devant le tribunal de commerce, et s'agissant d'une nullité « relative », la concluante pouvait former toutes prétentions jusqu'à l'audience de plaidoirie ;
21. - en tout état de cause, que l'assignation n'était pas dépourvue de prétentions, puisqu'un « dire et juger » constitue une prétention selon la Cour de cassation (Civ.2, 13 avril 2023 n°21-21.463) ;
22. - que le tribunal de commerce a ainsi été valablement saisi dans le délai imparti par l'article R.624-5 du code de commerce, puisque l'ordonnance du juge-commissaire a été notifiée le 6 juillet 2021 ;
23. - sur le fond, que les appelants ne maintiennent pas devant la cour leur contestation du TEG.
*****
24. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION
1) Concernant la forclusion de l'action de la Caisse D'Epargne :
25. Il résulte de l'article 954 du code de procédure civile, que les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
26. Concernant le délai dans lequel cette assignation a été délivrée, l'ordonnance du juge commissaire a été rendue le 5 juillet 2021. L'assignation saisissant le tribunal a été signifiée le 19 juillet 2021, ainsi dans le mois visé par l'ordonnance. Il en résulte que le tribunal a été saisi dans le délai imparti.
27. S'agissant de la formulation du dispositif de cette assignation, il résulte de l'ordonnance du juge-commissaire du 5 juillet 2021 qu'une contestation a été émise concernant la régularité du TEG et le caractère excessif de l'indemnité, de nature à caractériser une contestation sérieuse relevant de la compétence des juges du contrat. Ce problème n'a concerné que le solde du prêt, et non celui du compte courant de la société L'Eau Vive Valence. Le juge-commissaire, constatant que cette contestation ne relevait pas de sa compétence, a notamment :
- constaté l'existence d'une contestation sérieuse ;
- accueilli l'exception d'incompétence soulevée au profit des juges du contrat ;
- invité le créancier à saisir la juridiction compétente dans le délai d'un mois à compter de la notification de son ordonnance, à peine de forclusion, à moins de contredit dans le cas où cette voie de recours est ouverte.
28. En conséquence, le dispositif de l'assignation délivrée par l'intimée le 19 juillet 2021 s'est limitée à demander au tribunal :
- dire et juger que toute contestation relative à la régularité du TEG est prescrite depuis le 14 octobre 2016 ;
- de dire et juger irrecevable la contestation formée par la société L'Eau Vive Valence au titre de la régularité du TEG ;
- subsidiairement, de dire et juger la contestation formée par la société L'Eau Vive Valence infondée ;
- à titre infiniment subsidiaire, de constater que la société L'Eau Vive Valence ne justifie pas qu'elle aurait pu souscrire un meilleur financement que celui accordé par la Caisse d'Epargne ;
- de dire et juger que la société L'Eau Vive Valence ne justifie pas avoir subi un préjudice ;
- sur l'indemnité conventionnelle, de dire et juger que la société L'Eau Vive Valence ne prétend ni de démontre en quoi l'indemnité conventionnelle serait manifestement excessive ;
- de débouter la société L'Eau Vive Valence de toute demande visant à voir réduire l'indemnité conventionnelle ;
- de condamner la société L'Eau Vive Valence et maître [L] ès-qualités à payer à la Caisse d'Epargne la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
29. Selon l'exposé du litige très sommairement développé dans le jugement déféré, la banque a, par conclusions ultérieures, sollicité également la fixation du montant de sa créance.
30. Si les appelants demandent à la cour de retenir que les « dire et juger » et « constater » figurant dans l'assignation ne constituent pas des demandes, mais qu'il s'agit de moyens, il résulte néanmoins de l'arrêt de la Cour de cassation du 13 juin 2023 que le juge du fond doit examiner la demande du plaideur au-delà de la formule qu'il utilise. En l'espèce, les formules « dire et juger » de l'intimée constituent bien des prétentions. Il en résulte que l'intimée est recevable en son action, sollicitant le rejet de la contestation formée par les appelantes.
31. Si en outre l'intimée n'a pas demandé initialement au tribunal de fixer le montant de sa créance, la cour retient que tel n'a pas été l'objet de l'ordonnance du juge-commissaire, puisqu'il a limité la saisine du tribunal normalement compétent à l'appréciation de la régularité du TEG et du caractère excessif de l'indemnité contractuelle. La cour observe que le jugement déféré ne contient aucune développement concernant une irrecevabilité soulevée au regard d'une tardiveté de la demande de fixation du montant de la créance, alors qu'aucune conclusion ou plumitif d'audience n'est produit pas les appelants sur ce point. Le pouvoir du tribunal de fixer le montant de la créance n'a pas été contesté, pas plus qu'il ne l'est devant la cour. En outre, la procédure suivie devant le tribunal étant orale, les parties pouvaient compléter leurs prétentions.
32. L'assignation de l'intimée est ainsi régulière au regard de l'article R624-5 du code de commerce. Il en résulte que les prétentions de la Caisse d'Epargne sont recevables.
33. Formellement, les appelants n'ont pas sollicité ni du tribunal, ni de la cour, de prononcer l'annulation de cette assignation, mais seulement de constater que l'intimée était irrecevable à agir en raison du délai préfix présidant la saisine de la juridiction du fond lorsque le juge-commissaire a relevé l'existence d'une contestation sérieuse. Il en résulte, comme conclu par les appelants, qu'il s'agissait bien de statuer sur une fin de non-recevoir et non sur une exception de procédure. Par conséquent, la cour infirmera le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande d'irrégularité de l'assignation des appelants, faute d'avoir été soulevée simultanément et avant toute défense au fond. Statuant à nouveau, la cour rejettera la fin de non-recevoir formée par les appelants, et déclarera la Caisse d'Epargne recevable en son action.
2) Sur le fond :
34. La cour rappelle les dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, et constate qu'elle n'est pas saisie, statuant à nouveau, de prétentions des appelants concernant l'irrégularité du TEG, le montant de l'indemnité contractuelle et le montant de la créance retenue par le tribunal de commerce, puisque si les appelants demandent l'infirmation du jugement concernant la fixation de la créance, c'est au regard de la forclusion de l'action de la banque, que la cour a déclaré plus haut recevable.
35. En conséquence, le jugement déféré ne pourra qu'être confirmé en ce qu'il a fixé le montant de la créance de la Caisse d'Epargne et a rejeté la demande des appelants concernant la régularité du TEG pour être forclose ainsi que toutes autres demandes, fins et conclusions contraires. C'est enfin à juste titre que le tribunal a mis les dépens à la charge de la procédure collective.
36. Succombant en leur appel, la société L'Eau Vive Valence et maître [L] ès-qualités seront condamnés à payer à l'intimée la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les 4, 122 et suivants, 954 du code de procédure civile, l'article R624-5 du code de commerce ;
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande d'irrégularité de l'assignation formulée par la Sarl L'Eau Vive Valence et maître [L], liquidateur judiciaire de la société L'Eau Vive, faute d'avoir été soulevée simultanément et avant toute défense au fond ou 'n de non-recevoir ;
statuant à nouveau,
Déboute la société L'Eau Vive Valence et maître [L] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société L'Eau Vive Valence de leur fin de non-recevoir ;
Déclare la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Loire Drôme Ardèche recevable en son action ;
Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions soumises à la cour;
y ajoutant ;
Condamne la société L'Eau Vive Valence et maître [L], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société L'Eau Vive Valence, à payer à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Loire Drôme Ardèche la somme complémentaire de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société L'Eau Vive Valence et maître [L], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société L'Eau Vive Valence aux dépens, qui seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire ;
SIGNÉ par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente et par Mme Alice RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente