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18/06/2024 | FRANCE | N°22/01468

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 1ere chambre, 18 juin 2024, 22/01468


N° RG 22/01468

N° Portalis DBVM-V-B7G-LKDL



C3



N° Minute :













































































Copie exécutoire délivrée



le :











à :



Me Mathilde VILLARD



la SCP FICHTER TAMBE

AU NOM DU PE

UPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU MARDI 18 JUIN 2024





Appel d'une décision (N° RG 21/01148)

rendue par le tribunal judiciaire de Grenoble

en date du 03 mars 2022

suivant déclaration d'appel du 12 avril 2022





APPELANT :



M. [R] [L]

né le 18 décembre 1961 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]



représenté...

N° RG 22/01468

N° Portalis DBVM-V-B7G-LKDL

C3

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Mathilde VILLARD

la SCP FICHTER TAMBE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 18 JUIN 2024

Appel d'une décision (N° RG 21/01148)

rendue par le tribunal judiciaire de Grenoble

en date du 03 mars 2022

suivant déclaration d'appel du 12 avril 2022

APPELANT :

M. [R] [L]

né le 18 décembre 1961 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté et plaidant par Me Mathilde VILLARD, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIME :

M. [Y] [Z]

né le 11 Avril 1973 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté et plaidant par Me Julien TAMBE de la SCP FICHTER TAMBE, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Catherine Clerc, présidente,

Mme Joëlle Blatry, conseiller,

Mme Véronique Lamoine, conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 29 avril 2024 madame Clerc président de chambre chargé du rapport en présence de madame Blatry, conseiller assistées de Abla Amari, greffier, ont entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.

Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

En décembre 2013, M. [Y] [Z] a acquis une maison avec terrain attenant située [Adresse 2] jouxtant la propriété de M. [R] [L] et Mme [F] [T] épouse [L] où se trouvait une bambouseraie de 400m² en limite des deux propriétés.

Dès l'acquisition de son bien, M. [Z] a supprimé la bambouseraie située sur son terrain pour la remplacer par une haie de cyprès.

Un différend s'est élevé au sujet de la bambouseraie des époux [L] que ceux-ci avaient refusé d'arracher conduisant M. [Z] à saisir la juridiction de proximité en 2016 et ce, après une tentative de conciliation infructueuse en novembre 2015.

La juridiction de proximité ayant été saisie une nouvelle fois par M. [Z], a constaté la conciliation des parties à l'audience et a rendu le 10 avril 2017 un jugement constatant cet accord selon lequel les époux [L] s'engageaient à effectuer un entretien annuel de leur haie de bambous se trouvant en limite de propriété de M. [Z] dans le respect du plan d'occupation des sols de [Localité 3].

Toutefois, les bambous des époux [L] n'ayant pas été entretenus se sont développés de façon massive, jusqu'à étouffer les cyprès de M.[Z].

M. [Z] a saisi le conciliateur de justice et un constat de carence a été dressé en date du 3 juillet 2020, les époux [L] ne s'étant pas présentés.

Par acte extrajudiciaire du 8 mars 2021, M.[Z] a fait assigner M. [L] seul (Mme [L] étant décédée entretemps ) devant le tribunal judiciaire de Grenoble aux fins qu'il soit condamné à procéder à l'arrachage de sa haie de bambous.

Par jugement contradictoire du 3 mars 2022, le tribunal précité a':

déclaré recevables et bien fondées les demandes de M. [Z],

condamné M. [L] à procéder à l'arrachage de la haie de bambous ainsi que des rhizomes qui en sont issus dans un délai de 2 mois à compter de la signification de la décision,

dit que faute d'avoir procédé à l'arrachage dans un délai de 2 mois à compter de la signification de la décision, M. [L] sera redevable d'une astreinte dont le montant est provisoirement fixé à 50€ par jour de retard,

débouté M. [L] de ses demandes,

débouté M. [Z] de sa demande de dommages-intérêts,

condamné M. [L] à verser à M. [Z] la somme de 900€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

rappelé que l'exécution provisoire est de droit,

condamné M. [L] aux entiers dépens.

La juridiction a retenu en substance que':

le trouble de voisinage est établi en l'état des constatations du procès-verbal de constat d'huissier du 28 mars 2021, la haie de bambous de M. [L] implantée au Sud du terrain de M. [Z] occasionnant à celui-ci une perte d'ensoleillement,

l'arrachage de cette haie de bambous sous astreinte doit être ordonnée, M. [L] n'ayant pas respecté l'engagement acté par jugement du 10 février 2017 et ses bambous, dont l'un atteint une hauteur de 6,50m et s'affaisse sur la propriété [Z], ont envahi l'intérieur de la haie de cyprès de M. [Z], à aucun endroit elle n'est tenue à une distance supérieure à 2 mètres par rapport à la distance séparative et ce alors que la plupart des tiges de bambous ont une hauteur supérieure à 2 mètres.

Par déclaration déposée le 12 avril 2022, M. [L] a relevé appel.

Par ordonnance de référé du 7 septembre 2022, la juridiction du premier président a dit irrecevable la demande de M. [L] en arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement dont appel.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 31 juillet 2023 M. [L] demande à la cour de':

réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,

constater que M. [Z] ne rapporte ne rapporte ni la preuve d'une faute, ni la preuve d'un préjudice ;

constater que M. [Z] est défaillant à établir l'existence d'un trouble anormal du voisinage,

rejeter l'ensemble des demandes de M. [Y] [Z],

condamner M. [Z] à lui verser la somme de 2.400€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

L'appelant fait valoir en substance que':

les bambous litigieux n'ont pas été plantés par lui mais par l'ancien propriétaire du terrain appartenant désormais à M. [Z] lequel a omis d'installer un barrière anti-rhizome lorsqu'il a arraché ses bambous,

il ne peut être exclu que les bambous poussant dans la haie de cyprès de M. [Z] résultent des rhizomes en provenance de la propriété de celui-ci qui auraient été mal arrachés,

les bambous excédant la hauteur maximale prévue se trouvant à plus de 2 mètres de la propriété de M. [Z], celui-ci ne peut dénoncer cette hauteur, aucune limite de taille existant en ce cas pour les végétaux se situant à l'intérieur d'une propriété,

les conditions de la théorie de la préoccupation sont réunies, à savoir que l'obturation de la vue depuis la propriété de M. [Z] a toujours existé et malgré cette situation, il a choisi d'acquérir cette propriété,

le trouble anormal de voisinage n'étant pas démontré, il n'y a pas lieu de le condamner à arracher ses bambous,

il respecte les dispositions de l'article 671 du code civil,le constat d'huissier du 18 octobre 2021 révèle qu'aucune plantation située à moins de 2 mètres de la limite de propriété n'a une hauteur supérieure à 2 mètres et qu'il n'y a pas de plantation à moins de 50 cm de la limite de propriété';

il s'est conformé à l'accord en 2017 et 2018 et si les haies de bambous ont été taillées de façon partielle en 2019 et 2020, c'est en raison de problèmes personnels accompagnement (accompagnement de son épouse en fin de vie)'; ce manquement à son engagement de tailler les bambous en limite de propriété est donc exceptionnel et ne saurait conduire à une sanction aussi grave que l'arrachage de sa bambouseraie,

M. [Z] jette dans sa propriété des bouteilles de bière vides et des branches de cyprès.

Dans ses dernières conclusions déposées le 12 septembre 2022 au visa des articles R.211-3-8 du code de l'organisation judiciaire, 542 du code de procédure civile, et des articles 544, 671, 672, 1240 et suivants du code civil, M. [Z] entend voir la cour':

déclarer irrecevable l'appel de M. [L], et confirmer purement et simplement le jugement dont appel,

au fond,

confirmer purement et simplement le jugement dont appel',

infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts, et, statuant à nouveau, condamner M. [L] à lui payer la somme de 5.000€ à titre de dommages-intérêts,

y ajoutant,

condamner M. [L] à lui payer la somme de 2.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner le même aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'intimé répond que':

l'appelant ne sollicite pas dans ses conclusions, l'infirmation, la réformation ou l'annulation du jugement, la cour n'est donc pas saisie et il sera déclaré irrecevables en ses demandes, le jugement déféré devant être purement et simplement confirmé,

la haie de bambous implantée sur la parcelle de M. [L] crée un trouble de voisinage dès lors qu'elle n'est pas à distance réglementaire, qu'elle obstrue la vue du paysage ce qui occasionne une dépréciation de son bien de 10'% et détruit ses plantations (haie de cyprès),

l'inertie de M. [L] à entretenir annuellement sa haie de bambous et le non-respect de ses engagements justifient qu'il soit condamné à son arrachage.

Par ordonnance juridictionnelle du 17 octobre 2023, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable l'exception de caducité de la déclaration d'appel soulevée par M. [Z].

L'ordonnance de clôture est intervenue le 26 mars 2024.

MOTIFS

Sur l'appel principal

Sauf indication contraire, les articles visés ci-après sont issus du code de procédure civile.

Il résulte de l'article 954 que les conclusions d'appel comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions et que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

L'article L.910-1 précise que l'objet du litige est déterminé par les conclusions adressées à la cour dans le délai prévu par l'article 908, tandis que l'article 910-4 prévoit que les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond.

La cour relève qu'en l'espèce, le dispositif des premières conclusions de l'appelant déposées le 7 juillet 2022 dans le délai de l'article 908 était ainsi libellé':

«'vu les pièces versées aux débats,

vu la jurisprudence,

ordonner , en ce qui concerne la condamnation de Monsieur [L] à procéder à l'arrachage de la haie de bambous ainsi que des rhizomes qui en sont issus dans un délai de 2 mois à compter de la signification de la décision, l'arrêt de l'exécution provisoire dont se trouve assorti le jugement rendu par la Chambre 4.1 du Tribunal judiciaire de Grenoble le 3 mars 2022 (RG n°21/01148),

ordonner l'exécution de l'ordonnance à intervenir sur minute.'»

Ainsi, dans ses premières conclusions, M. [L] n'a pas demandé l'infirmation ou l'annulation du jugement mais s'est borné à formuler une demande de condamnation (ordonner l'arrachage de la haie de bambous sous astreinte)

Cette omission dans les premières conclusions ne s'analyse pas en effet en une simple erreur matérielle, susceptible de faire l'objet d'une régularisation ultérieure en ce qu'elle constitue une irrégularité substantielle,

Il en résulte que les «'conclusions 'rectificatives'», déposées le 31 juillet 2023 par lesquelles M. [L] sollicite au dispositif l'infirmation du jugement, ne sont pas de nature à régulariser l'omission constatée dans ses premières conclusions, dès lors qu'elles n'ont pas été notifiées dans le délai imparti par l'article 908 du code de procédure civile.

En conséquence, à défaut de prétention sollicitant expressément l' infirmation ou l'annulation du jugement frappé d'appel au sein du dispositif des conclusions de M. [L] remises dans le délai de l'article 908, la cour, ne statuant que sur les prétentions énoncées à ce dispositif, ne peut que confirmer le jugement conformément aux dispositions de l'article 954, alinéa 3.

Le jugement sera donc confirmé (et non pas l'appel déclaré irrecevable comme demandé par M. [Z]) en ses dispositions concernant M. [L], y compris celles relatives aux dépens et aux frais irrépétibles, mais également s'agissant de la recevabilité de l'action de M.[Z] retenue par le premier juge au visa de l'article R.211-3-81° du code de l'organisation judiciaire. '

L'appel incident de M. [Z] saisit quant à lui régulièrement la cour en ce qu'il comporte une demande d'infirmation du jugement qui l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Sur l'appel incident

M. [Z] ne communique pas plus en appel qu'en première instance des éléments de preuve de nature à établir et caractériser l'existence et l'étendue du préjudice moral et du préjudice de jouissance allégués au soutien de sa demande de paiement de dommages et intérêts.

Le jugement querellé est en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté M. [Z] de ce chef de réclamation.

Sur les mesures accessoires

Succombant respectivement dans leurs prétentions d'appel, les parties conserveront la charge de leurs dépens et frais irrépétibles exposés dans l'instance d'appel.

Les mesures accessoires de première instance sont par ailleurs confirmées comme dit ci-avant. '

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Disant que la cour n'est valablement saisie d'aucune prétention aux fins d'infirmation ou d'annulation du jugement déféré par M. [R] [L],

Confirme le jugement déféré à l'égard des dispositions concernant M. [R] [L], y compris sur les frais irrépétibles et les dépens, et la recevabilité de l'action de M. [Y] [Z],

Déboutant M. [Y] [Z] de son appel incident,

Confirme le jugement déféré ayant débouté M. [Y] [Z] de sa demande de dommages et intérêts,

Ajoutant,

Dit que chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles et dépens personnels exposés dans l'instance d'appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de la procédure civile,

Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 22/01468
Date de la décision : 18/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-18;22.01468 ?
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