N° RG 23/00717 - N° Portalis DBVM-V-B7H-LWSS
C4
Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
Me Carole GIACOMINI
la SELARL GALLIZIA DUMOULIN ALVINERIE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 06 JUIN 2024
Appel d'une décision (N° RG )
rendue par le Tribunal de Commerce de Grenoble
en date du 16 janvier 2023
suivant déclaration d'appel du 16 février 2023
APPELANT :
M. [F] [S]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Carole GIACOMINI, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉE :
S.A.S. CARTER CASH, immatriculée au RCS de Lille Métropole sous le numéro 440 948 578, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège,
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Delphine DUMOULIN de la SELARL GALLIZIA DUMOULIN ALVINERIE, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et par Me Frédéric PLANCKEEL, avocat au barreau de LILLE, substitué par Me RONK, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre. FIGUET, Présidente de Chambre,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Mme Raphaële FAIVRE, Conseillère,
DÉBATS :
A l'audience publique du 28 mars 2024, M. Lionel BRUNO Conseiller, qui a fait rapport et, Mme Raphaële FAIVRE, Conseillère, assistés de Mme Alice RICHET, Greffière, ont entendu les avocats en leurs conclusions, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile.
Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.
Faits et procédure :
1. [F] [S] a sous-loué à la Sas Carter-Cash le 9 mars 2015 un local commercial où il a exercé son activité de garagiste. En raison d'infiltrations récurrentes menaçant la poursuite de l'activité de monsieur [S], un accord est intervenu avec la Sas Carter-Cash afin que l'obligation de payer les loyers soit suspendue à compter du 30 mai 2018 jusqu'à la 'n des travaux de réparations. Cette dernière est intervenue le 14 janvier 2019, et à partir du mois de février 2019, la facturation des loyers a été reprise par la Sas Carter-Cash.
2. Le 5 juillet 2019, la Sas Carter-Cash a fait délivrer un commandement de payer à [F] [S] visant la clause résolutoire. Le 25 juillet 2019, [F] [S] a contesté ce commandement devant le tribunal judiciaire de Grenoble.
3. Une ordonnance de référé rendue le 14 octobre 2020 a dit que [F] [S] n'est redevable d'aucun loyer pour la période du 1er février 2019 au 9 avril 2019, l'a condamné au paiement de 2.718,70 euros au titre des loyers dus depuis le 9 avril 2019 et pour le mois de mai 2019, a constaté l'acquisition de la clause résolutoire au 5 août 2019, mais en a suspendu les effets, et dit que monsieur [S] pourra s'acquitter de la dette par mensualités de 453 euros en plus du loyer courant et pour la première fois le 15 octobre 2020. Le juge des référés a dit qu'à défaut de paiement d'un acompte à son échéance, la totalité du solde sera exigible et que le bail sera résolu sans autre formalité, avec le paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer majoré des charges locatives, et que l'expulsion pourra intervenir.
4. Le 19 janvier 2021, un commandement de quitter les lieux faisant jouer la clause résolutoire dès le 4 janvier 2021 a été signifié. [F] [S] a été expulsé des lieux à la fin du mois d'avril 2021.
5. Par assignation délivrée le 17 janvier 2021, [F] [S] a saisi le tribunal de commerce de Grenoble, afin d'obtenir le paiement de différentes sommes à titre de dommages et intérêts, pour le préjudice subi du fait de son expulsion, de l'absence de respect de la réglementation relative à l'amiante, des conséquences de l'inondation jusqu'à la fin des travaux et de la remise en état d'un pont élévateur, des fautes commises par la société Carter-Cash.
6. Par jugement du 16 janvier 2023, le tribunal de commerce de Grenoble a :
- jugé que la Sas Carter-Cash n'a pas commis de manquements contractuels dans la conclusion et l'exécution du bail commercial concernant les murs du garage ;
- en conséquence, condamné [F] [S] à payer à la Sas Carter-Cash, au titre des loyers, charges, et frais d'huissier restés impayés, une somme de 11.106,43 euros TTC arrêtée au 5 mars 2019, à laquelle s'ajoutent les intérêts au taux légal courus et restant à courir ;
- débouté [F] [S] de ses demandes de paiement de préjudice financier subi du fait de l'expulsion, de préjudice subi du fait du non-respect de la réglementation afférente à l'amiante, de préjudice financier subi du fait de sa perte d'exploitation, de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;
- condamné la Sas Carter-Cash d'avoir à rembourser à [F] [S] la somme de 2.307,40 euros au titre des dépenses utiles qui ont été supportées indûment par [F] [S] ;
- condamné in solidum [F] [S] et la Sas Carter-Cash aux entiers dépens ;
- débouté les parties de leurs demandes d'article 700 du code de procédure civile ;
- liquidé les dépens à la somme indiquée au bas de la première page de la présente décision conformément aux dispositions de l' article 701 du code de procédure civile.
7. [F] [S] a interjeté appel de cette décision le 16 février 2023, en ce qu'elle a :
- jugé que la Sas Carter-Cash n'a pas commis de manquements contractuels dans la conclusion et l'exécution du bail commercial concernant les murs du garage ;
- en conséquence, condamné [F] [S] à payer à la Sas Carter-Cash, au titre des loyers, charges, et frais d'huissier restés impayés, une somme de 11.106,43 euros TTC arrêtée au 5 mars 2019, à laquelle s'ajoutent les intérêts au taux légal courus et restant à courir ;
- débouté [F] [S] de ses demandes de paiement de préjudice financier subi du fait de l'expulsion, de préjudice subi du fait du non-respect de la réglementation afférente à l'amiante, de préjudice financier subi du fait de sa perte d'exploitation, de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;
- condamné la Sas Carter-Cash d'avoir à rembourser à [F] [S] la somme de 2.307,40 euros, au titre des dépenses utiles qui ont été supportées indûment par [F] [S] ;
- condamné in solidum [F] [S] et la Sas Carter-Cash aux entiers dépens ;
- débouté les parties de leurs demandes d'article 700 du code de procédure civile ;
- liquidé les dépens à la somme indiquée au bas de la première page de la présente décision conformément aux dispositions de l'article 701 du code de procédure civile ;
- en ce qu'elle n'a pas fait droit aux demandes suivantes présentées par [F] [S] à l'encontre de la société Carter-Cash :
* dire et juger que la société Carter-Cash a commis de nombreux manquements contractuels dans la conclusion et l'exécution du bail commercial, causant des préjudices d'exploitation, de jouissance, matériels, financiers et moral à monsieur [S] ;
* condamner la société Carter-Cash d'avoir à payer à monsieur [S] les sommes suivantes : 5.760 euros, à la date du 31 décembre 2021,provisoirement, et à actualiser au jour du jugement, à titre de dommages- intérêts pour le préjudice financier subi du fait de l'expulsion, 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait du non-respect de la réglementation afférente à l'amiante, 43.398,75 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier subi du fait de sa perte d'exploitation pendant la fermeture contrainte de son garage depuis l'inondation à la fin des travaux, et jusqu'à la remise en service des ponts élévateurs strictement nécessaires à son activité, 24.814,24 euros, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel subi du fait des dépenses nécessitées par les fautes commises par la société Carter-Cash, 20.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;
* ordonner la compensation judiciaire des sommes dues à monsieur [S] au titre de ces condamnations de la société Carter-Cash avec les éventuelles sommes dues au titre des loyers et charges du local ;
* débouter la société Carter-Cash de l'ensemble de ses demandes, fins, et moyens ;
* condamner la Carter-Cash d'avoir à payer à monsieur [S] la somme de 3.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* condamner la Carter-Cash aux entiers dépens.
L'instruction de cette procédure a été clôturée le 22 février 2024.
Prétentions et moyens de [F] [S] :
8. Selon ses conclusions n°2 remises par voie électronique le 7 septembre 2023, il demande à la cour, au visa des articles 1719 et suivants, 606 et 1343-5 du code civil, de l'article L. 145-1 du code de commerce :
- d'infirmer le jugement déféré dans l'intégralité de ses dispositions, et statuant à nouveau, de dire et juger que la société Carter-Cash a commis de nombreux manquements contractuels dans la conclusion et l'exécution du bail commercial, causant des préjudices d'exploitation, de jouissance, matériels, financier et moral au concluant ;
- de condamner l'intimée à payer au concluant les sommes suivantes :
- 16.260 euros, à la date du 31 mars 2023, provisoirement, et à actualiser au jour de l'arrêt, à titre de dommages-intérêts pour le préjudice financier subi du fait de l'expulsion,
- 15.000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait du non-respect de la réglementation afférente à l'amiante,
- 43.398,75 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier subi du fait de sa perte d'exploitation, pendant la fermeture contrainte de son garage depuis l'inondation à la fin des travaux, et jusqu'à la remise en service des ponts élévateurs strictement nécessaires à son activité,
- 24.814,24 euros, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel subi du fait des dépenses nécessitées par les fautes commises par la société Carter-Cash,
- 20.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;
- d'ordonner la compensation judiciaire des sommes dues au concluant au titre de ces condamnations de la société Carter-Cash avec les éventuelles sommes dues au titre des loyers et charges du local ;
- de débouter la société Carter-Cash de l'ensemble de ses demandes, fins, et moyens ;
- de condamner la société Carter-Cash à payer au concluant la somme de 3.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles de première instance,
- de condamner la société Carter-Cash aux entiers dépens de première instance ;
- y ajoutant, de condamner la société Carter-Cash à payer au concluant la somme de 3.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles d'appel ;
- de condamner la société Carter-Cash aux entiers dépens d'appel.
L'appelant expose :
9. - concernant l'acquisition de la clause résolutoire et le préjudice résultant de l'expulsion du concluant, que l'ordonnance de référé du 14 octobre 2020 n'a été mise à la disposition des parties que la semaine suivant son prononcé, de sorte que le concluant n'a pu en avoir connaissance le 15 octobre, constituant le point de départ de la première échéance du calendrier prévu par le juge, ce qu'a expressément reconnu l'intimée par courrier officiel du 16 novembre 2020, indiquant que l'échéance pouvait être payée au plus tard le 15 novembre ;
10. - que le concluant a payé le 30 octobre 2020 les deux échéances de loyers d'octobre et de novembre, outre 400 euros au titre de la première échéance d'apurement, ne se trompant ainsi que de 53 euros ; que le 12 décembre, il a réglé son loyer ainsi que l'échéance de retard ; que le 22 décembre, il a payé les 53 euros manquants sur l'échéance de novembre,
ainsi que l'échéance d'apurement du mois d'octobre ; qu'il n'existait ainsi plus de retard au 29 décembre 2020, mais que l'intimée lui a cependant fait délivrer un commandement de quitter les lieux le 4 janvier 2021;
11. - qu'en raison de l'expulsion, il se trouve depuis privé d'activité, alors que les difficultés dans le paiement des loyers résultent des manquements de l'intimée puisqu'elle n'avait pas délivré un local en état correct concernant la toiture et n'avait pas procédé aux travaux de réfection, ce qui a entraîné les infiltrations, alors que la remise en état n'a pas été réalisée rapidement, ce qui a conduit à un arrêt d'activité pendant près d'un an ; que pendant ce délai, le concluant a cependant continué à payer ses charges sociales et fiscales, d'assurance, de crédit-bail pour son matériel ; que n'ayant plus de trésorerie, il n'a pu reprendre le paiement des loyers ; que ce sont ces faits imputables à l'intimée qui ont conduit à l'expulsion ;
12. - que si le tribunal de commerce a retenu que l'expulsion résulte de l'absence de paiement des loyers, cette affirmation est fausse puisque l'expulsion a été ordonnée en raison du faible retard pris dans l'exécution de l'échéancier imposé par le juge des référés ; que le tribunal n'a pas tenu compte de la privation de revenus du concluant suite aux fautes commises par l'intimée, alors qu'il appartenait à cette dernière de solliciter du propriétaire des lieux de réaliser les travaux, sans que cela ne lui coûte ;
13. - que le concluant a dû retrouver un emploi salarié de mécanicien en CDD, avec un salaire mensuel de 1.300 euros, alors qu'il tirait de son ancienne activité un revenu mensuel de 2.000 euros ;
14. - que si l'intimée oppose l'existence d'une clause de renonciation à recours figurant dans le contrat, cependant le bail a été signé le 9 mars 2015, de sorte qu'il est postérieur aux nouvelles dispositions des articles L145-40-2 et R145-35 du code de commerce ; qu'ainsi, les parties ne pouvaient mettre à la charge du preneur les obligations incombant au bailleur dont les grosses réparations prévues par l'article 606 du code civil ; que ces dispositions sont d'ordre public et que toute clause contraire est réputée non écrite ;
15. - concernant la demande de dommages et intérêts formée en raison de la présence d'amiante, que si le concluant n'a plus soutenu sa prétention visant à ordonner l'exécution forcée de travaux de désamiantage, puisqu'elle est devenue sans objet en raison de son expulsion, il sollicite néanmoins l'indemnisation du préjudice lié à l'inhalation des poussières d'amiante survenue lors du premier dégât des eaux, puis lors de travaux réalisés par une entreprise non agréée ; qu'il s'agit de la réparation d'un préjudice corporel distinct du préjudice moral subi du fait du comportement de l'intimée dans les suites de l'inondation puis de l'expulsion ;
16. - que lors des inondations, de l'amiante s'est répandue sur les sols et les murs, ainsi que sur les véhicules des clients et sur le matériel ; que l'article 5.2 du contrat de sous-location stipulait que le preneur ne prenait pas en charge les grosses réparations prévues à l'article 606 du code civil ; que la présence d'amiante est établie par le rapport produit par l'intimée sur la qualité de l'air après travaux ; que si elle soutient que les taux relevés sont inférieurs au seuil légal, ils étaient bien plus importants lors du sinistre, puisque l'amiante n'était plus emprisonnée dans les plaques du faux plafond, mais était répandue dans tout le garage ; que les travaux ont été réalisés sans protection ce qui a entraîné une dispersion de l'amiante, alors qu'ils n'ont pas consisté en un retrait de l'amiante, mais dans la pose de plaques de faux plafond non scellées entre elles et se déplaçant lors des intempéries, ce qui a fait l'objet d'un constat d'huissier du mois de juillet 2019 ;
17. - que si l'intimée oppose le fait que le concluant a pu reprendre son activité, il n'était cependant pas expert en matière d'amiante, alors qu'il n'avait pas été destinataire des résultats du rapport, outre le fait qu'il ne disposait plus de trésorerie et qu'il devait à nouveau s'acquitter des loyers ; que le fait que le concluant n'ait pas occupé les lieux depuis le sinistre du 30 mai 2018 jusqu'à la fin des travaux le 1er février 2019 est indifférent, puisque le concluant s'est rendu sur les lieux dans le cadre de la réalisation de constats d'huissier, pour l'enlèvement des véhicules abîmés et des matériels, ainsi que pour le désencombrement et le nettoyage des lieux ;
18. - concernant le préjudice d'exploitation, que l'impossibilité d'accéder aux locaux en raison de grosses réparations devant être réalisées par le bailleur impose l'indemnisation de ce préjudice ; que si le tribunal a reproché au concluant de ne pas avoir fait intervenir son assureur, cette motivation est inopérante puisque la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable, alors que l'assurance pour pertes d'exploitation n'est pas obligatoire ; que l'assureur du concluant a refusé d'intervenir ;
19. - qu'à partir du 30 mai 2018, le concluant n'a pu exercer son activité en raison de l'effondrement des panneaux isolants du plafond, les locaux devenant alors insalubres, alors que le matériel présent dans le local n'était plus utilisable ; qu'il n'est pas contestable que l'intimée a manqué à son obligation de délivrance ; que le concluant a ainsi été privé d'exploitation jusqu'au 9 avril 2019, date de la réparation du pont élévateur et a subi un préjudice pendant 10 mois et 10 jours ;
20. - que si l'intimée oppose la force majeure, cette cause d'exonération ne peut être retenue puisque la toiture était vétuste et insuffisamment entretenue ; que le fait que le bail stipulait que le preneur déclarait prendre les lieux dans l'état dans lequel ils se trouvaient ne signifie pas qu'ils étaient en bon état ; que l'intimée a reconnu que le constat d'entrée dans les lieux faisait apparaître des traces anciennes d'infiltrations ;
21. - que sur la base d'un chiffre d'affaires annuel TTC de 56.205 euros en 2017, il est possible de déduire un chiffre d'affaires mensuel en 2018 de 4.683,75 euros, à multiplier par le nombre de mois pendant lesquels le concluant n'a pu exercer son activité ;
22. - que si l'intimée indique que la TVA ne doit pas être prise en compte, puisqu'elle revient à l'État, le concluant est cependant collecteur et doit reverser cette taxe ; que si elle soutient que la perte d'exploitation doit être calculée sur le bénéfice et non sur le chiffre d'affaires, cela est faux, puisque les charges d'exploitation sont payées au moyen du chiffre d'affaires, alors qu'elles ont continué à courir pendant la période lors de laquelle le concluant n'a pu exploiter les lieux ; que les loyers n'ont pas à être déduits des charges ;
23. - que l'expert-comptable du concluant s'est trompé dans le montant du chiffre d'affaires dans son attestation alors que c'est la moyenne qui doit être prise en compte ;
24. - concernant les préjudices moral, financier et de jouissance, que le concluant a subi un préjudice d'image puisqu'il n'a pu terminer les travaux en cours sur les véhicules qui lui avaient été confiés, et a dû rembourser des clients, alors que les conditions de travail sont devenues difficiles en raison de locaux non chauffés et que le concluant a été trompé sur le diagnostic de performance énergétique ; qu'il a inhalé de l'amiante ;
25. - qu'il a subi un préjudice du fait de l'absence de mise à disposition de matériels, puisque début février 2019, le pont élévateur ne fonctionnait pas et n'a été réparé qu'en avril, alors qu'aucune vérification n'a été effectuée, le rapport produit par l'intimée ne concernant pas le garage, ce que tente de justifier l'intimée en indiquant que cela procède d'une erreur du contrôleur qui a également vérifié les ponts équipant ses propres locaux; que c'est finalement le concluant qui a fait vérifier ce matériel le 26 août 2019 ; qu'un compresseur mis à disposition par l'intimée ne fonctionnait pas et n'a jamais été réparé de sorte que le concluant a fait l'acquisition d'un compresseur pour 2.700 euros TTC ;
26. - que l'intimée a détourné la clientèle pour l'orienter vers la société Midas avec laquelle elle est en partenariat, alors qu'elle avait fait payer par le concluant une licence O'Garage ; que si l'intimée soutient que les deux locaux sont distincts géographiquement, ils ne sont cependant distants qu'à hauteur d'un trajet s'effectuant en 10 minutes ; que l'intimée ne peut invoquer le fait que la licence n'aurait conféré aucune exclusivité au concluant, puisque le contrat a prévu de confier au concluant la qualité d'acteur indépendant privilégié pour le service, la réparation et le montage de pièces de rechange provenant essentiellement de l'enseigne Carter-Cash, de sorte que l'intimée devait lui renvoyer par préférence ses clients ; que l'intimée a également manqué à son obligation d'exécuter le contrat de licence de bonne foi ;
27. - que l'intimée a en réalité souhaité louer les locaux à une autre entreprise, puisque avant son expulsion, le concluant a été contacté par la société 123 Pare-Brise afin de reprendre le local ;
28. - que les frais financier sont constitués notamment par le remplacement du matériel, la réalisation de constats d'huissier et l'intervention d'une entreprise afin de réaliser un diagnostic de performance énergétique, les frais de remise en service et de vérification de conformité des ponts élévateurs ; que le concluant a été contraint de souscrire un crédit-bail afférent à une machine à pneu équilibreuse, l'ancienne ayant été détruite ;
29. - concernant les demandes reconventionnelles de l'intimée, qu'elle ne justifie pas du montant de sa créance concernant les loyers impayés, puisque le commandement ne mentionne pas les loyers d'avril et mai 2018 et de juin 2019 ; que les relevés bancaires du concluant indiquent qu'il a payé les loyers d'avril et mai 2018 ; que si l'intimée soutient que ces paiements concernent les loyers de novembre 2017 et janvier 2018, elle n'en justifie pas, d'autant que ces loyers n'ont pas été réclamés puisque le concluant avait payé le loyer de novembre fin octobre 2017; que les paiements s'imputant par priorité sur la dette la plus ancienne, le paiement éventuel n'aurait pu s'imputer que sur des loyers successifs ; que pour le loyer de janvier 2018, il avait été convenu d'une dispense en raison de pannes affectant les ponts élévateurs pendant trois semaines ; qu'aucune réclamation n'a été faite avant la présente instance ; qu'en raison de la remise en route des ponts au mois d'avril 2019, seule une partie du loyer de novembre 2019 n'a pas été payée.
Prétentions et moyens de la société Carter-Cash :
30. Selon ses conclusions n° 2 remises par voie électronique le 15 novembre 2023, elle demande à la cour, au visa des articles L. 145-41 du code de commerce et 1355 du code civil, des articles 1134, 1147 et 1184 du code civil dans leur version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
- jugé que la Sas Carter-Cash n'a pas commis de manquements contractuels dans la conclusion et l'exécution du bail commercial concernant les murs du garage ;
- en conséquence, condamné [F] [S] à payer à la Sas Carter-Cash, au titre des loyers, charges, et frais d'huíssier restés impayés, une somme de 11.106,43 euros TTC arrêtée au 5 mars 2019, à laquelle s'ajoutent les intérêts au taux légal courus et restant à courir ;
- débouté [F] [S] de ses demandes de paiement de préjudice financier subi du fait de l'expulsion, de préjudice subi du fait du non-respect de la réglementation afférente à l'amiante, de préjudice financier subi du fait de sa perte d'exploitation, de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral.
31. Formant appel incident, l'intimée demande d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
- condamné la Sas Carter-Cash d'avoir à rembourser à [F] [S] la somme de 2.307,40 euros au titre des dépenses utiles qui ont été supportées indûment par [F] [S] ;
- condamné in solidum [F] [S] et la Sas Carter-Cash aux entiers dépens ;
- débouté les parties de leurs demandes d'article 700 du code de procédure civile.
32. L'intimée demande en conséquence à la cour, statuant à nouveau :
- de rejeter la demande de [F] [S] de condamnation de la société Carter-Cash à hauteur de 2.307,40 euros au titre des dépenses utiles qui ont été supportées indûment par lui ;
- de rejeter en conséquence toutes les demandes financières présentées à ce titre ;
- de condamner [F] [S] à payer à la concluante une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance ;
- de débouter [F] [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et moyens concernant l'indemnisation des préjudices invoqués et des frais qu'il prétend avoir indûment réglés ;
- de débouter plus généralement [F] [S] de toutes ses demandes, fins et moyens ;
- de condamner [F] [S] à payer à la concluante une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel ;
- de le condamner aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel.
L'intimée soutient :
33. - concernant le préjudice financier résultant de la mise en 'uvre de la clause résolutoire et de l'expulsion de l'appelant, que cette résiliation résulte exclusivement des fautes de l'appelant ; que l'ordonnance définitive du juge des référés a constaté l'acquisition de la clause résolutoire et a accordé un échéancier qui n'a pas été respecté, ce qui a fait perdre à l'appelant le bénéfice de la suspension de la clause et a rendu définitive la résiliation du bail ; que le tribunal de commerce a ainsi justement retenu que l'expulsion ne peut être constitutive d'une faute ;
34. - en outre, que la résiliation du bail aux torts de l'appelant n'aurait pu être empêchée par le juge du fond, puisqu'il n'aurait pu remettre en cause l'échéancier prescrit par le juge des référés, dont l'ordonnance a acquis l'autorité de la chose jugée sur ce point comme une décision intervenue au fond, un juge ne pouvait accorder de nouveaux délais ;
35. - que si l'appelant invoque des manquements de la concluante, il devait le faire dans le cadre de la contestation du commandement visant la clause résolutoire du 5 juillet 2019, ce qu'il n'a pas fait ; que dans son assignation devant le juge des référés du 25 juillet 2019, il n'a demandé que de dire qu'il n'est redevable d'aucun loyer pour la période du 1er février au 9 avril 2019, outre des délais de paiement avec la suspension de la clause résolutoire et la suppression d'une clause pénale ; qu'il n'a pas ainsi contesté les loyers et charges d'avril à mai 2018 puis du 10 avril au 30 juin 2019 ;
36. - concernant l'indemnité réclamée au titre de la présence d'amiante, que les allégations de l'appelant ne sont pas corroborées puisqu'il ne produit aucune pièce justificative, se bornant à produire des constats d'huissier mais aucun rapport d'un technicien spécialisé permettant de prouver une concentration anormale de l'amiante dans l'air ; que l'appelant reconnaît que la concluante a fait intervenir une entreprise spécialisée qui conclut à des seuils largement inférieurs à la réglementation ; que sur la base de ce rapport, l'appelant a accepté de reprendre son activité ;
37. - qu'il n'est pas établi que la concluante devait procéder à une opération de retrait de l'amiante, le code de la santé publique ne l'imposant qu'en cas de dégradation trop importante de ce matériau ; que l'article R 1334-28 du code de la santé publique ne prévoit ainsi qu'une évaluation périodique lorsque le niveau est inférieur ou égal à cinq fibres par litre d'air, alors qu'il a été relevé en l'espèce une concentration de 0,28 à 0,29 fibres ;
38. - que cette obligation n'incombait pas à la concluante, mais au propriétaire de l'immeuble, débiteur légal des obligations prévues dans le cas de la présence d'amiante selon l'article L1334-12-1 du code de la santé publique; qu'en sa qualité de sous-bailleur, la concluante n'était tenue que de délivrer un local conforme à la réglementation, ce dont elle justifie ;
39. - que si l'appelant invoque les conditions de la réalisation des travaux et un constat d'huissier relevant que des panneaux ne seraient pas correctement jointés, les allégations de l'appelant ne sont pas établies, alors qu'un huissier n'a pas de compétence technique ;
40. - que l'appelant n'apporte aucune preuve sur les conséquences de la situation sur sa santé, d'autant qu'il n'a pas occupé les locaux entre le 30 mai 2018, date du sinistre, et le 1er février 2019, date des prélèvements ;
41. - concernant le préjudice lié à des pertes d'exploitation, que la demande est tardive bien que non prescrite ; que le contrat de sous- location contient une clause de renonciation à recours, en disposant que le sous-locataire est tenu de s'assurer notamment contre le dégât des eaux, tant pour ses biens que pour son activité, et que les parties, ainsi que le bailleur principal et leurs assureurs respectifs, consentent à renoncer à tout recours réciproque ;
42. - que l'obligation de délivrance et de réparation n'est pas d'ordre public et peut ainsi être aménagée comme en l'espèce ; que peu importe que le contrat ait été conclu après l'entrée en vigueur de la loi Pinel, puisque tant la loi que le décret d'application n'ont pas modifié les articles 1719 et 1720 du code civil, ne limitant que les clauses de transfert de charges notamment prévues à l'article 606 du code civil ou concernant la vétusté ; qu'en l'espèce, la discussion ne porte pas sur la prise en charge des dépenses de réparation de la toiture, mais sur la validité de la clause d'assurance et de renonciation à recours ; que cette renonciation ne prive pas de sa substance l'obligation de délivrance de la concluante, qui resterait ainsi tenue des réparations sans pouvoir exiger le paiement du loyer pendant la période d'indisponibilité des lieux ; que cette clause de renonciation n'est qu'une clause exonératoire de responsabilité, ne cédant que devant une faute lourde au sens de l'article 1150 (ancien) du code civil applicable lors de la conclusion du contrat, laquelle n'est pas établie puisque c'est le propriétaire des locaux qui a été à l'initiative des travaux ;
43. - que si une assurance couvrant les pertes d'exploitation n'est pas légalement obligatoire, l'appelant était tenu contractuellement de la souscrire ; que la demande faite par l'intimé à son assureur a été rejetée en raison du fait que la cause de l'inondation est une obstruction de la canalisation de descente des eaux pluviales par des déchets, de sorte qu'elle est sans lien avec des infiltrations constatées par le passé sur la toiture, et parce que l'appelant n'a justifié d'aucun des dommages allégués, alors que l'expert de l'assureur a indiqué qu'il pouvait reprendre son activité après une fermeture de seulement neuf jours ; que l'appelant ne peut ainsi se prévaloir de sa carence pour se retourner contre la concluante ;
44. - subsidiairement, qu'il existe un cas de force majeure exonérant la concluante, puisque le sinistre résulte d'un orage violent, et éventuellement de l'exécution de travaux sur la toiture d'un magasin adjacent, alors que la concluante n'était elle-même que locataire ;
45. - qu'il n'est pas établi que la toiture était vétuste et mal entretenue, d'autant que le bail stipulait que l'appelant prenne les lieux dans l'état dans lequel ils se trouvaient sans pouvoir exiger aucune réparation, le bien étant loué en bon état, ce qu'il reconnaissait ; que l'état des lieux réalisé le 5 mars 2015 ne faisait apparaître que des traces d'infiltrations anciennes, et un bon état général ; qu'avant le sinistre, l'appelant n'avait formé aucune réclamation ;
46. - très subsidiairement, que l'appelant n'établit pas le montant réel de son préjudice d'exploitation, puisqu'il le calcule d'après un chiffre d'affaires TTC, alors que la TVA n'est perçue que sur la vente de biens et de services; que les attestations établies par son expert-comptable sont contradictoires, mentionnant d'abord un chiffre d'affaires de 40.305,88 euros pour l'année 2016, puis de 29.550 euros ; que le concluant calcule son préjudice sur le premier montant alors que rien n'indique que le second chiffre serait erroné ;
47. - que la perte d'exploitation ne peut être calculée que sur le bénéfice, après déduction des charges du chiffre d'affaires, notamment des charges variables inhérentes à l'activité comme les achats de pièces, la consommation d'énergie ; qu'il faut tenir compte de la dispense de loyers et charges concernant la période courant du 1er juin 2018 au 9 avril 2019 si on retient comme base de départ le chiffre d'affaires; qu'en réalité, l'appelant sollicite une indemnité de 43.398,75 euros alors que son bénéfice annuel s'élevait en 2017 à 24.105 euros selon son expert-comptable, de sorte qu'il demande une indemnité calculée sur 10 mois et 10 jours égale au double de ce bénéfice de 20.768 euros calculé sur cette période ;
48. - concernant les prétendus préjudice moral, financier et matériel, que la demande portant sur 20.000 euros est injustifiée ; que concernant un problème de chauffage, l'appelant n'avait pas formé de réclamation d'autant qu'il s'était engagé à prendre les lieux en l'état ; que le diagnostic produit par l'appelant est inexploitable alors que l'article L134-3 du code de la construction en vigueur en 2015 précise que le locataire ne peut se prévaloir, à l'encontre du bailleur, des informations contenues dans ce document, le diagnostic n'étant fourni qu'afin d'information;
49. - s'agissant des ponts élévateurs, qu'une intervention avait été réalisée le 9 avril 2019 afin de remédier à une fuite et de contrôler leur bon fonctionnement ; que des contrôles avaient été effectués le 27 février 2019 avec un résultat favorable ; que le contrôleur a vérifié le même jour les ponts équipant le local occupé par l'appelant et ceux dépendant du local exploité par la concluante, ce qui explique l'erreur commise par le bureau de contrôle concernant les photographies figurant dans son rapport ; que le contrôle réalisé à la demande de l'appelant le 26 août 2019 n'avait ainsi aucun intérêt, alors qu'il avait repris son activité en avril, ce qui est confirmé par ses relevés bancaires ;
50. - pour le compresseur, que le juge des référés a admis sa remise en état au 9 avril 2019 et a ainsi dispensé totalement l'appelant de loyer entre le 1er février et le 9 avril 2019 ; que ce compresseur ne faisait pas partie de la
liste du matériel loué, mais que la concluante lui en a cependant livré un, mais que l'appelant n'a pas voulu utiliser, utilisant le réseau du compresseur de l'établissement de la concluante ;
51. - concernant le grief pris d'une déloyauté de la concluante, qu'un partenariat a été mis en place avec Midas, mais au niveau national, et non pour nuire à l'appelant ; que le garage Midas se trouve à 20 mn de celui occupé alors par le concluant ; que le contrat d'utilisation de la marque O'Garage ne conférait aucune exclusivité ni garantie de chiffre d'affaires, alors que le territoire concédé se limitait aux locaux donnés à bail ; que la concluante n'est pas responsable du comportement de la société 123 Pare-Brise, outre le fait que ce contact est intervenu le 14 décembre 2020, époque à laquelle la résiliation du bail était définitivement acquise, de sorte que l'appelant n'avait plus le droit à une jouissance paisible ;
52. - s'agissant du prétendu préjudice résultant de l'expulsion, que l'acquisition définitive de la clause résolutoire justifiait cette mesure ;
53. - concernant le préjudice matériel résultant de frais indûment payés, que le préjudice résultant du matériel mis hors de service à cause du sinistre est couvert par la clause de renonciation ; que le matériel acquis par l'appelant n'a pas à être remboursé puisqu'il est ou deviendra, sa propriété ; que la remise en état du pont élévateur était inutile en raison des travaux réalisés par la concluante ; que le coûts des constats d'huissier relèvent de la clause de renonciation, alors que celui du 29 juillet 2019 était inutile en particulier concernant l'amiante ; que la concluante n'a pas à rembourser le coût du diagnostic de performance énergétique réalisé pour les besoins de la cause ;
54. - reconventionnellement, concernant les loyers impayés par l'appelant, que peu importe qu'ils aient figuré ou non dans le commandement de payer ; que le juge des référés n'a pas pris en compte tous les impayés, alors que son ordonnance n'a pas autorité de la chose jugée sur ce point ; que la concluante est ainsi bien fondée à réclamer le paiement du solde de 11.106,43 euros TTC, tenant compte du paiement partiel du loyer de novembre 2019 et des acomptes de 100 euros ;
55. - que si l'appelant indique avoir réglé les loyers d'avril et mai 2018, ces paiements s'imputent en réalité sur les loyers de novembre 2017 et janvier 2018 ; que la concluante n'a donné aucun accord sur une remise du loyer de janvier 2018.
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56. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION
1) Concernant les demandes liées à l'expulsion de monsieur [S] :
57. La cour constate qu'il est constant que l'ordonnance de référé du 14 octobre 2020 est définitive en ce qu'elle a constaté l'acquisition de la clause résolutoire faute de paiement des loyers et en ce qu'elle a suspendu ses effets, avec une clause de déchéance du terme, sous réserve que les loyers courants soient à nouveau payés avec un apurement de ceux arriérés, par mensualités de 453 euros en plus du loyer courant et pour la première fois le 15 octobre 2020.
58. La cour ne peut que constater que si l'appelant invoque une délivrance tardive de cette ordonnance, il n'en justifie pas, alors que l'exemplaire qu'il produit indique qu'une copie exécutoire a été délivrée par le greffe le jour de son prononcé à l'ensemble des avocats des parties. Il résulte cependant du courrier de l'avocat de la société Carter-Cash du 16 novembre 2020, adressé à l'avocat de l'appelant, que cette société accepte de décaler d'un mois le paiement de la première mensualité. Il en résulte qu'il appartient à la cour de vérifier si, à partir du 16 novembre 2020, l'appelant a exécuté les obligations imparties dans cette ordonnance.
59. La cour constate que selon le décompte produit par l'intimée, l'échéancier prescrit par le juge des référés n'a pas été respecté, puisqu'au 15 novembre 2020, le solde était de 506 euros en faveur du bailleur. En outre, le bail a stipulé que les loyers sont payables par avance le 1er jour de chaque mois, alors que ce décompte établit qu'ils n'ont pas été payés à bonne date, à l'exception des loyers courant du mois de janvier au mois de mars 2021. Le solde de ce compte n'a été apuré que le 23 décembre 2020, l'appelant reprenant le paiement du loyer courant et de l'arriéré à bonnes dates postérieurement. Il en résulte que conformément à l'ordonnance, la clause résolutoire a repris ses effets, justifiant la signification du commandement de quitter les lieux le 4 janvier 2021.
60. Si l'appelant invoque les circonstances antérieures à l'ordonnance de référé, justifiant, selon lui, ses difficultés à régler les loyers impayés, la cour constate qu'il ne lui appartient pas de revenir sur ce qui a été définitivement jugé. En la cause, l'expulsion de monsieur [S] résulte du retard pris dans l'exécution de l'ordonnance du 14 octobre 2020, retard indépendant des problèmes rencontrés par l'appelant antérieurement.
61. Il en résulte que le jugement déféré ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a débouté monsieur [S] de sa demande de dommages et intérêts subi du fait de son expulsion.
2) Sur la demande de monsieur [S] concernant le paiement de dommages et intérêts en raison de la présence d'amiante :
62. Le bail a été conclu le 9 mars 2015, et en conséquence, il se trouve soumis aux dispositions des articles L145-40-1 et suivants ainsi qu'aux articles R145-35 et suivants du code de commerce. Ces dispositions étant d'ordre public, il en résulte que la clause du bail selon laquelle monsieur [S] prendra les lieux dans l'état dans lequel ils se trouvent sans pouvoir exiger aucune réparation de toute sorte et qu'il reconnaît que le local est en bon état, est réputée non écrite, ne pouvant dispenser la société Carter-Cash de ses obligations, même s'il ne s'agit que d'une sous-location, l'intimée, en sa qualité de bailleur, ne pouvant se soustraite à ces obligations particulières, alors qu'elle est tenue d'exécuter son obligation de délivrer des lieux conformes à leur usage. Il ressort en outre de l'article L1334-12-1 du code de la santé publique que les propriétaires, ou à défaut les exploitants, des immeubles bâtis y font rechercher la présence d'amiante ; en cas de présence d'amiante, ils font établir un diagnostic de l'état de conservation de l'amiante dans les matériaux et produits repérés et mettent en 'uvre, le cas échéant, les mesures nécessaires pour contrôler et réduire l'exposition.
63. En la cause, si monsieur [S] se prévaut de la présence de particules d'amiante, il résulte du rapport d'analyse de la société Aldarim que des prélèvements ont été effectués les 1er et 2 février 2019, démontrant une quantité de fibres inférieure à une fibre d'amiante par litre. Or, selon les articles R1334-28 et suivants du code de la santé publique, le seuil de déclenchement d'une mesure de confinement ou de retrait de l'amiante est la présence de plus de cinq particules par litre. En dessous de ce seuil, seule une
mesure de contrôle périodique est obligatoire. Si l'appelant soutient que lors du premier dégât des eaux, de l'amiante s'est répandue dans le local, ainsi que sur les véhicules de ses clients et le matériel, il n'en justifie pas. Il n'est pas plus justifié d'une opération de retrait de l'amiante réalisée par une entreprise non agréée. Il en résulte que le tribunal a justement rejeté cette prétention et le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
3) Concernant la demande de monsieur [S] reposant sur une perte d'exploitation :
64. Il est constant que l'appelant a été dans l'impossibilité d'utiliser le local donné à bail entre le 30 mai 2018 et le 2 février 2019. Il a été dispensé du paiement des loyers du 1er juin 2018 au 9 avril 2019.
65. La perte d'exploitation correspond à la différence entre les produits d'exploitation (ventes, services, production immobilisée, produits financiers) et les charges variables (achat de matière première, de consommables, de marchandises, frais de transports, variation des stocks). Or, l'appelant ne produit qu'une attestation comptable concernant le chiffre d'affaires TTC réalisé entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2017, une seconde attestation de son expert-comptable du 2 décembre 2021, mais inexploitable faute de précision de date. Il ne fournit aucune comptabilité permettant de vérifier la perte d'exploitation subie. Il en résulte qu'il ne rapporte pas la preuve du préjudice qu'il invoque. Le jugement déféré ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
4) S'agissant des demandes de l'appelant formée au titre de son préjudice matériel, financier et moral:
66. Concernant la perte d'image invoquée, aucun élément ne confirme ce préjudice. Il n'est pas justifié d'une perte de clientèle, pas plus que des remboursements de clients invoqués par l'appelant.
67. S'agissant de conditions de travail difficiles résultant notamment d'une absence de chauffage, la cour constate que la preuve d'un tel préjudice n'est pas plus rapportée, d'autant qu'un diagnostic de performance énergétique a été établi en 2012, et remis à l'appelant, indiquant un niveau G, correspondant à un bâtiment particulièrement énergivore (c'est le niveau le plus défavorable selon le document produit). Si l'appelant produit un diagnostic qu'il a fait établir, ce document ne contient aucune estimation, en raison de consommations non exploitables en l'absence de tout moyen de chauffage, ce qui n'est pas contredit par l'intimée. Or, le bail ne contient aucune mention au système de chauffage, alors qu'il s'est agi de la location d'un garage d'une surface de 150 m². L'appelant ne justifie pas de l'obligation de l'intimée de fournir un chauffage de ce local, et ainsi d'un manquement à son obligation de délivrance. Le constat dressé par huissier afin de réaliser l'état des lieux lors de l'entrée de l'appelant ne contient aucune mention relative à un chauffage, et jusqu'à la présente instance, monsieur [S] n'a jamais émis de doléance à ce sujet. Il en résulte qu'il ne rapporte pas la preuve d'une inexécution du bailleur pas plus que d'un préjudice.
68 Concernant le grief pris de la présente d'amiante, un diagnostic a été remis à l'appelant lors de la conclusion du bail. Il a en outre été indiqué plus haut que le préjudice invoqué à l'occasion du dégât des eaux n'est pas fondé. La preuve du préjudice allégué n'est pas rapportée.
69. L'appelant ne justifie pas plus de la persistance d'infiltrations d'eau pluviale suite à la réalisation des travaux.
70. Concernant l'absence de mise à disposition du matériel nécessaire à l'activité de monsieur [S], la cour relève que le bail a stipulé que ce matériel est listé en annexe 6. Il s'agit de deux ponts élévateurs, d'une cuve à huile et d'un récupérateur d'huile, outre deux extincteurs. En outre, le contrat a stipulé que l'entretien des installations et du matériel est à sa charge, de même que les travaux nécessaires au maintien des équipements en conformité des lois et règlements, ce qui est licite, ne s'agissant pas des dépenses visées à l'article R145-35 du code de commerce. Sans qu'il soit nécessaire de plus amplement statuer, il s'ensuit que l'appelant est mal fondé à se plaindre d'un défaut d'entretien de ce matériel après trois ans d'utilisation. Concernant le compresseur, la cour constate que le bail ne contient aucune mention sur l'obligation de l'intimée d'en fournir un.
71. En outre, il en résulte que le tribunal n'a pu condamner l'intimée à payer à monsieur [S] la somme de 2.307,40 euros au titre des dépenses utiles qu'il aurait supporté indûment, puisque les frais concernant un pont élévateur relevait de l'obligation d'entretien du locataire incluant les visites périodiques imposées par la loi ou les règlements. Il s'ensuit que le coût des constats retenus par le tribunal ne peut pas plus être mis à la charge de la société Carter-Cash. Le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point.
72. Concernant le détournement de clientèle invoqué par l'appelant, la cour constate que le bail a prévu que l'intimée se réserve le droit de louer, pour l'exercice de la même activité et sans que l'appelant ne puisse faire aucune réclamation à ce sujet, tous les bâtiments ou partie de bâtiments contigus, mitoyens ou voisins. Le contrat de licence d'utilisation de la marque O'Garage a conféré à l'appelant, outre l'utilisation de ce nom à titre d'enseigne, la réparation, le montage de pièces de rechange provenant de l'enseigne Carter-Cash. Le territoire concédé est limité au garage donné à bail séparément, et il est prévu que le concédant a la faculté d'exploiter personnellement la marque ou d'accorder des licences à d'autres personnes en dehors du garage concédé. Or, l'appelant confirme que le concurrent dont il se plaint est distant géographiquement. Il ne justifie pas que l'intimée a manqué à son obligation d'exécuter le contrat de licence de bonne foi. Ainsi que soutenu par l'intimée, si un flyer a été publié afin que les clients de l'enseigne Carter-Cash fassent monter leurs pièces auprès de l'enseigne Midas, il s'agit d'une publicité nationale (ce sont principalement des villes situées au nord de la France qui sont mentionnées). Il ne peut ainsi qu'être constaté que l'appelant ne rapporte pas la preuve de ce détournement.
73. Concernant d'autres frais financiers, l'appelant ne produit aucun élément concernant la destruction du matériel qu'il aurait été contraint de remplacer, dont une machine à pneu équilibreuse. Il n'existe en effet aucune facture concernant l'achat initial de ce matériel, et aucun élément concernant ce qui a pu être détruit lors du sinistre et ainsi aucun élément sur ce qu'il a été nécessaire de remplacer. Cette demande est également infondée.
74. Enfin, aucun préjudice moral n'est établi. Il n'est pas établi que l'expulsion de l'appelant résulte de la volonté de l'intimée de louer les lieux à une autre société. Il en résulte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté monsieur [S] de ces prétentions.
5) Concernant la demande reconventionnelle de la société Carter-Cash tendant au paiement du solde des loyers :
75. Le commandement de payer visant la clause résolutoire signifié le 5 juillet 2019 pour 11.134,62 euros en principal a concerné les loyers compris entre le 1er janvier et le 31 mai 2019. C'est sur la base de ce commandement que le juge des référés a constaté l'acquisition de la clause résolutoire. En dehors de ce commandement, l'intimée ne produit aucun décompte concernant le solde de sa créance. Le décompte qu'elle produit devant la cour ne concerne que les loyers et les paiements intervenus en exécution de l'ordonnance de référé, avec un solde à 0 au 15 mars 2021.
76. L'ordonnance de référé du 14 octobre 2010 est définitive en ce qu'elle a exonéré le preneur de son obligation de régler les loyers pour la période du premier février au 9 avril 2019, et le juge a liquidé la créance du bailleur pour les mois d'avril et mai 2019.
77. Si la société Carter-Cash invoque l'absence de paiement du loyer de novembre 2019, le jugement déféré n'a liquidé sa créance que jusqu'au 5 mars 2019, en faisant droit à sa demande et l'intimée sollicite la confirmation du jugement déféré sur ce point. Il en résulte que la discussion concernant le loyer du mois de novembre 2019 est sans objet.
78. La société Carter-Cash ne rapportant pas ainsi la preuve de la créance qu'elle invoque, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné l'appelant à régler la somme de 11.106,43 euros TTC arrêtée au 5 mars 2019. Statuant à nouveau, la cour déboutera la société Carter-Cash de cette demande.
6) Concernant l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
79. Le tribunal de commerce a justement fait application des articles 696 et 700 du code de procédure civile et il sera confirmé sur ces points. Le sens du présent arrêt impose également de laisser à chacune des parties la charge des frais et dépens exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu les articles L145-1 et suivants du code de commerce, les articles L1334-12-1 et R1334-8 du code de la santé publique ;
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Carter-Cash à rembourser à [F] [S] la somme de 2.307,40 euros au titre des dépenses utiles qui ont été supportées indûment par [F] [S] ;
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné [F] [S] à payer à la société Carter-Cash la somme de 11.106,43 euros TTC arrêtée au 5 mars 2019, outre intérêts aux taux légal ;
Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions soumises à la cour;
statuant à nouveau ;
Déboute [F] [S] de sa demande tendant au remboursement, par la société Carter-Cash, de la somme de 2.307,40 euros ;
Déboute la société Carter-Cash de sa demande tendant à la condamnation de [F] [S] à lui payer la somme de 11.106,43 euros TTC arrêtée au 5 mars 2019, outre intérêts aux taux légal ;
y ajoutant ;
Laisse à chacune des parties la charge des frais qu'elle a exposés en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que ses dépens exposés en cause d'appel ;
Signé par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente