COUR D'APPEL
DE GRENOBLE
Chambre Commerciale
Cabinet de
Mme Marie-Pierre FIGUET,
Présidente de chambre chargée de la mise en état
N° RG 23/02729 -
N° Portalis DBVM-V-B7H-L47I
N° minute :
Copie exécutoire délivrée
le :
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY
la SARL JBV AVOCATS
Me François VERCRUYSSE
ORDONNANCE JURIDICTIONNELLE DU
JEUDI 11 AVRIL 2024
Appel d'une décision (N° RG 23/01163)
rendue par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de GRENOBLE
en date du 19 juin 2023 , suivant déclaration d'appel du 18 juillet 2023
APPELANTE :
Madame [U] [B]
née le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE- CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me François ROBBE, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAÔNE,
INTIMES :
Monsieur [R] [B]
né le [Date naissance 3] 1987 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représenté par Me Ségolène JAY-BAL de la SARL JBV AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE
G.A.E.C. DOMAINE DE LA RIVIERE au capital variable de 225.000 euros, immatriculée au RCS de Grenoble sous le numéro 531 459 402, représentée par son Administrateur Judiciaire, la SELARL AJ UP, prise en la personne de Maître [V] [E], désignée par décision du Tribunal judiciaire du 19 Juillet 2023
[Adresse 5]
[Adresse 5]
représentée et plaidant par Me François VERCRUYSSE, avocat au barreau de GRENOBLE
A l'audience sur incident du 08 mars 2024, Nous, Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente, chargée de la mise en état, assistée de Mme Alice RICHET, Greffière, avons examiné l'incident,
Puis l'affaire a été mise en délibéré et à l'audience de ce jour, avons rendu l'ordonnance dont la teneur suit :
Exposé du litige
Vu le jugement rendu le 19 juin 2023 par le tribunal judiciaire de Grenoble qui a:
- ordonné la dissolution du Gaec Domaine de la Rivière pour justes motifs,
- désigné la Selarl Ajup, administrateur judiciaire représenté par Me [V] [E] avec pour mission :
* de récupérer ou d'établir un bilan du Gaec,
* de réaliser les actifs et apurer le passif de la société,
* répartir entre les associés le boni de liquidation, s'il existe, en proportion de leurs droits dans la société,
* effectuer auprès du greffe du tribunal de commerce toutes les démarches nécessaires à la radiation de la société lorsque les opérations de liquidation auront été achevées,
- dit que la rémunération de l'expert pourra être mise à la charge finale du Gaec,
- dit que le liquidateur devra faire connaître sans délai son acceptation de la mission et commencer ses opérations dès qu'il sera avisé par le greffe et qu'en cas d'empêchement, il sera pourvu à son remplacement par ordonnance rendue sur requête de la partie la plus diligente,
- dit qu'en cas de difficultés pour remplir sa mission, l'expert devra demander au juge chargé du contrôle des expertises une prorogation de délai,
- ordonné la consignation par madame [U] [B], demanderesse de la dissolution, de la somme de 2.000 euros à valoir sur la rémunération du liquidateur judiciaire, à consigner au greffe, en chèque à l'ordre du régisseur d'avances et de recettes du tribunal judiciaire de grenoble avant le 31 juillet 2023, - dit qu'à défaut de versement de cette consignation dans le délai imparti, la désignation de l'expert deviendra caduque,
- débouté madame [U] [B] de l'ensemble de ses demandes de dommages et intérêts,
- dit que chacune des parties assumera la moitié des dépens et que chacune d'elle conservera la charge de ses frais irrépétibles ;
- rappelé que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit,
Vu la déclaration d'appel formée le 18 juillet 2023 par Mme [U] [B] à l'encontre de ce jugement en intimant M. [R] [B],
Vu la déclaration d'appel formée le 19 juillet 2023 par M. [R] [B] à l'encontre de ce jugement en intimant Mme [U] [B] et le Gaec [Adresse 4],
Vu les conclusions remises le 18 octobre 2023 par le Gaec Domaine de la Rivière formant appel incident,
Vu la jonction de ces deux instances le 21 septembre 2023,
Vu les conclusions d'incident remises le 28 février 2024 par Mme [U] [B] demandant au juge de la mise en état de :
- juger irrecevable l'appel incident de Me [E], liquidateur judiciaire, formé pour le compte du Gaec Domaine de la Rivière,
- condamner Me [E] à verser à Mme [U] [B] une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
Elle fait valoir que Me [E] n'a aucun intérêt, ni qualité à agir pour former un appel incident dans la mesure où sa mission se limite en application de la décision intervenue aux opérations de liquidation et que le tribunal ne lui a pas confié le mandat d'agir en justice, que le liquidateur est tenu à une certaine neutralité et n'a pas à prendre fait et cause pour un associé au détriment d'un autre.
En réponse à Me [E] qui indique que c'est le Gaec Domaine de la Rivière qui agit, celui-ci disposant de la personnalité morale malgré la décision du tribunal qui a ordonné sa dissolution, elle relève que la personnalité morale repose sur une fiction juridique, que c'est bien Me [E] qui représente la société le temps de la liquidation, que la personnalité morale d'une société civile est amoindrie après sa dissolution, qu'elle ne subsiste que pour les besoins de sa liquidation et non pour remettre en cause le jugement du tribunal judiciaire qui a ordonné sa dissolution, que le juge de première instance n'a pas donné pour mission à Me [E] d'agir en justice aux fins de demander la réformation de la décision ordonnant la dissolution du Gaec.
Vu les conclusions d'incident remises le 28 février 2024 par M. [R] [B] qui demande au conseiller de la mise en état de :
- juger recevable l'appel du Gaec Domaine de la Rivière,
- juger infondée la demande d'irrecevabilité soulevée par Mme [U] [B] à l'encontre de l'appel du Gaec Domaine de la Rivière,
- condamner Mme [U] [B] à verser à M. [R] [B] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [U] [B] à supporter les dépens avec distraction au profit de Maître Ségolène Jay-Bal et de Maître Jacques Labit,
Il fait remarquer que :
- en application de l'article 546 du code de procédure civile, le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt si elle n'y a pas renoncé,
- le seul représentant du Gaec Domaine de la Rivière est la Selarl AJUP,
- la personnalité juridique du Gaec Domaine de la Rivière en cours de liquidation ne constitue pas une fiction juridique,
- refuser à la Selarl AJUP de faire appel de la décision reviendrait à priver le Gaec [Adresse 4] de son droit fondamental de faire appel, celui-ci disposant d'une personnalité morale distincte des associés,
- son intérêt et l'intérêt des salariés qu'il emploie sont que le Gaec ne soit pas liquidé.
Vu les conclusions d'incident remises le 6 février par le Gaec Domaine de la Rivière qui demande au conseiller de la mise en état de :
- juger recevable l'appel du Gaec Domaine de la Rivière,
- juger infondée la demande d'irrecevabilité soulevée par Mme [U] [B] à l'encontre de l'appel du Gaec Domaine de la Rivière ,
- condamner Mme [U] [B] à payer au Gaec Domaine de la Rivière la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner Mme [U] [B] à supporter les dépens avec distraction au profit de Me Vercruysse,
Il relève que :
- il était partie en première instance et intimé, il s'est constitué,
- il est en droit de faire appel de la décision qui a prononcé sa dissolution,
- il a une personnalité juridique distincte de ses associés de sorte qu'il est en droit de défendre ses propres intérêts qui ne se confondent pas avec ceux de ses associés,
- il emploie des salariés, réalise un chiffre d'affaire et contracte avec des fournisseurs et la décision de dissolution porte atteinte à ses intérêts,
- Mme [U] [B] confond le Gaec Domaine de la Rivière et Me [E] qui ne fait que représenter le Gaec,
- seul le liquidateur est habilité à représenter la société en justice tant en demande qu'en défense le temps de la liquidation de la société,
- la personnalité morale d'une société dissoute ne disparaît qu'après publication de la clôture de sa liquidation.
Motifs de la décision
1/ Sur la qualité à agir
En application de l'article 546 du code de procédure civile, le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt si elle n'y a pas renoncé.
Aux termes de l'article 548, l'appel peut être incidemment relevé par l'intimé.
En l'espèce, le Gaec [Adresse 4] était partie en première instance et a été intimé par M. [R] [B] lors de sa déclaration d'appel formée le 19 juillet 2023.
En tant que partie en première instance et intimé, il a donc qualité pour former un appel incident de la décision ayant prononcé sa dissolution.
Comme relevé par le Gaec Domaine de la Rivière, ce n'est pas Me [E] qui a formé appel mais le Gaec [Adresse 4] qui a une personnalité juridique distincte de ses associés. Même en cas de dissolution, cette personnalité survit pour les besoins de la liquidation et durant le temps de cette liquidation. Il ne peut être sérieusement soutenu qu'une société dont la dissolution a été prononcée par décision de justice ne peut pas interjeter appel de cette décision, ni bénéficier d'un double degré de juridiction.
En fait, sous le prétexte d'un défaut de qualité, Mme [U] [B] allègue d'un défaut de pouvoir du représentant de la personne morale en considérant que Me [E], liquidateur, n'a pas le pouvoir de représenter le Gaec Domaine de la Rivière pour interjeter appel d'une décision de justice.
Néanmoins, ce moyen ne constitue pas une fin de non recevoir mais une cause de nullité, non soulevée en l'espèce.
En outre, Mme [U] [B] reconnaît dans ses conclusions que Me [E], liquidateur, représente la société le temps de la liquidation.
En conséquence, Mme [U] [B] ne peut qu'être déboutée de sa fin de non recevoir pour défaut de qualité au regard des dispositions des articles 546 et 548 du code de procédure civile.
2/ Sur l'intérêt à agir
Il n'est pas contesté que le Gaec Domaine de la Rivière emploie des salariés et exerce une activité. Il a donc un intérêt manifeste à interjeter appel d'une décision qui a prononcé sa dissolution.
En conséquence, Mme [U] [B] ne peut qu'être déboutée de sa fin de non recevoir pour défaut d'intérêt.
L'appel incident formé par le Gaec Domaine de la Rivière est donc recevable.
3/ Sur les mesures accessoires
Mme [U] [B] qui succombe sera condamnée aux dépens de l'incident et à payer au Gaec Domaine de la Rivière, représenté par la Selarl Ajup, représentée par Me [V] [E], la somme de 1.200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
En équité, il n'y a pas lieu d'allouer une somme aux autres parties au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Nous, Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente, chargée de la mise en état, statuant publiquement, par ordonnance, et contradictoirement,
Rejetons les fins de non-recevoir soulevées par Mme [U] [B].
Déclarons recevable l'appel incident formé par le Gaec Domaine de la Rivière.
Condamnons Mme [U] [B] aux dépens de l'incident.
Condamnons Mme [U] [B] à payer au Gaec Domaine de la Rivière, représenté par la Selarl Ajup, représentée par Me [V] [E], la somme de 1.200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Déboutons les autres parties de leur demande formée au titre des frais irrépétibles.
Prononcé par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
Signe par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente, chargée de la mise en état, et par Mme Alice RICHET, Greffière présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente