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28/03/2024 | FRANCE | N°22/03539

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 28 mars 2024, 22/03539


N° RG 22/03539 - N° Portalis DBVM-V-B7G-LQ7W





C4



Minute N°





































































Copie exécutoire

délivrée le :







la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY



la SELARL GUMUSCHIAN ROGUET BONZY



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR

D'APPEL DE GRENOBLE



CHAMBRE COMMERCIALE



ARRÊT DU JEUDI 28 MARS 2024





Appel d'un jugement (N° RG 2021J314)

rendu par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE

en date du 12 août 2022

suivant déclaration d'appel du 29 septembre 2022



APPELANTE :



S.A.R.L. RAY ESTATE BUILDINGS enregistrée au RCS de GRENOBLE

sous le numéro 521 135 657,et représenté...

N° RG 22/03539 - N° Portalis DBVM-V-B7G-LQ7W

C4

Minute N°

Copie exécutoire

délivrée le :

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY

la SELARL GUMUSCHIAN ROGUET BONZY

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 28 MARS 2024

Appel d'un jugement (N° RG 2021J314)

rendu par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE

en date du 12 août 2022

suivant déclaration d'appel du 29 septembre 2022

APPELANTE :

S.A.R.L. RAY ESTATE BUILDINGS enregistrée au RCS de GRENOBLE

sous le numéro 521 135 657,et représentée par son gérant en exercice, domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 1]

[Localité 7]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me LAMOILLE, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

S.E.L.A.R.L. ML CONSEILS prise en la personne de Maître [X] [N], Mandataire Judiciaire, agissant en qualité de liquidateur de la SAS CABINET WAZE ET ASSOCIES immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Versailles sous le n° B 450 438 536, dont le siège social est situé [Adresse 5] à [Localité 4], en exécution d'un jugement de conversion en liquidation

judiciaire rendu par le Tribunal de commerce de VERSAILLES le 27 février 2020

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me David ROGUET de la SELARL GUMUSCHIAN ROGUET BONZY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me PERIGAUD, avocat au barreau du VAL D'OISE,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,

M. Lionel BRUNO, Conseillère,

Mme Raphaële FAIVRE, Conseillère,

Assistés lors des débats de Alice RICHET, Greffière,

DÉBATS :

A l'audience publique du 25 janvier 2024, M. BRUNO, Conseiller, a été entendu en son rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,

Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour,

Faits et procédure :

1. La société A.Raymond, produisant des composants pour l'industrie automobile, a décidé en 2010 de transférer son activité historiquement située [Adresse 6] à [Localité 7], sur deux sites, le site de [Localité 7] Technisud et celui de [Localité 8]. Pour ce faire, elle a acquis les terrains nécessaires et a fait procéder à l'édification de cinq bâtiments industriels, l'un situé sur la commune de [Localité 7] Technisud, les quatre autres sur la commune de [Localité 8]. Ces opérations ont été conduites par la société Ray Estate Buildings, filiale du groupe A.Raymond.

2. Le 3 avril 2012, cinq contrats de maîtrise d'oeuvre mission complète ont été signés entre la société Ray Estate Buildings et la société Waze et Associés, pour un budget prévisionnel de 50 millions d'euros. Deux permis de construire ont été accordés, l'un sur le site de [Localité 7] Technisud le 6 juin 2013, l'autre sur le site de [Localité 8] le 24 octobre 2012. Deux déclarations d'ouverture de chantier ont été effectuées, l'une le 7 juin 2013 pour le site de [Localité 8], l'autre le 7 janvier 2014 pour le site de [Localité 7] Technisud. Les transferts d'activité du siège historique de la société A.Raymond vers les deux nouveaux sites ont débuté le 18 août 2014 et se sont achevés le 15 juin 2015.

3. Des procès verbaux de réception ont été établis par la maîtrise d'oeuvre pour chaque bâtiment en 2014 et 2015, et le 21 octobre 2015, le maître de l'ouvrage a informé le maître d'oeuvre que les bâtiments présentent des non-conformités emportant des risques pour la sécurité des personnes.

4. Le Cabinet Waze a indiqué que ces réserves ont été levées le 1er décembre 2015, et le 5 février 2016, il a proposé d'achever sa mission en contrepartie du paiement de sa demande d'honoraires supplémentaires d'un montant de 664.664 euros HT ou 797.596,80 euros TTC.

5. Le 14 mars 2016, le Cabinet Waze a adressé à la société Ray Estate Buildings une mise en demeure de payer la somme de 797.596,80 euros. Le 19 octobre 2016, la société Waze et Associés a délivré à la société Ray Estate Buildings une assignation en référé en paiement d'une provision au titre d'honoraires restant dus, pour cette somme outre intérêts, en demandant subsidiairement la désignation d'un expert pour établir les comptes entre les parties.

6. Par ordonnance du 1er décembre 2017, le juge des référés du tribunal de commerce de Chambéry a rejeté la demande principale en paiement d'une provision au titre d'honoraires restant dus, et a désigné un expert pour établir le compte entre les parties.

7. Par une autre ordonnance du même jour, le juge des référés a rejeté la demande d'expertise sur les non-conformités et désordres invoqués par le maître de l'ouvrage.

8. La société Ray Estate Buildings a interjeté appel de l'ordonnance ayant rejeté sa demande d'expertise, et par un arrêt du 29 janvier 2019, la cour d'appel de Chambéry a infirmé la décision de rejet de la demande d'expertise et a nommé un expert afin de rechercher l'origine des désordres, décrire les travaux nécessaires, de donner tous éléments permettant d'apprécier les préjudices allégués par les demandeurs, et de faire le compte entre les parties notamment afin de définir les travaux réalisés par les entreprises et les sommes qui leur sont dues.

9. Le 8 mars 2020, le tribunal de commerce de Versailles a prononcé la liquidation judiciaire du Cabinet Waze et a désigné la Selarl ML Conseils, représentée par maître [N], en qualité de liquidateur.

10. L'expert commis suite à la première ordonnance rendue par le tribunal de commerce de Chambéry a remis son rapport final le 17 mars 2021. Le 27 mai 2021, le liquidateur judiciaire a rejeté la demande de Ray Estate Buildings portant inscription de sa créance au passif de la liquidation judiciaire à hauteur de 1.945.731,90 euros.

11. Par acte du 8 juillet 2021, la société Ray Estate Buildings a assigné la Selarl ML Conseils et la compagnie AXA France devant le tribunal de commerce de Grenoble afin de leur rendre les opérations d'expertise en cours communes et opposables. Par ordonnance du 22 avril 2022, le juge des référés a constaté que l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal de commerce de Chambéry est définitive à l'égard du Cabinet Waze et Associés, et a jugé que la société Ray Estate Buildings est dépourvue d'intérêt à demander à ce que les opérations d'expertise ordonnées par la cour d'appel de Chambéry le 29 janvier 2019 soient rendues communes et opposables au liquidateur judiciaire du Cabinet Waze et Associés et qu'elle est ainsi irrecevable en cette demande, qu'il a ensuite rejetée.

12. Par acte du 15 septembre 2021, la Selarl ML Conseils a assigné la société Ray Estate Buildings devant le tribunal de commerce de Grenoble en paiement de la somme de 719.724 euros TTC.

13. Par jugement du 12 août 2022, le tribunal de commerce a :

- rejeté la demande de la société Ray Estate Buildings de surseoir à statuer dans l'attente de la remise du rapport d'expertise ;

- entériné les deux rapports d'expertise judiciaire de l'expert [Y] [R];

- condamné la société Ray Estate Buildings à payer à la Selarl ML Conseils prise en la personne de maître [N], agissant en qualité de liquidateur de la Sas Cabinet Waze et Associés, la somme de 719.224 euros TTC, majorée des intérêts de 3 fois le taux légal à compter de la mise en demeure de payer du 11 octobre 2016 jusqu'à complet paiement, et aux indemnités forfaitaires de recouvrement ;

- débouté la société Ray Estate Buildings de sa demande de voir la responsabilité de la Selarl ML Conseils agissant en qualité de liquidateur de la Sas Cabinet Waze et Associés engagée à hauteur de 1.212.665,23 euros, celle-ci étant prescrite ;

- débouté la société Ray Estate Buildings de sa demande au titre de la garantie décennale d'un montant de 97.286,60 euros ;

- condamné la société Ray Estate Buildings à verser au demandeur 20.000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris les dépens de l'instance en référé et les frais d'expertise judiciaire, outre les dépens de cette instance ;

- liquidé les dépens conformément aux dispositions de l'article 701 du code de procédure civile.

14. La société Ray Estate Buildings a interjeté appel de cette décision le 29 septembre 2022, en toutes ses dispositions reprises dans son acte d'appel.

15. Par arrêt du 17 novembre 2022, la chambre commerciale de la cour d'appel de Grenoble a, sur appel de la société Cegelec Dauphiné, déclarées communes et opposables à la Selarl ML Conseils en qualité de liquidateur judiciaire de la société Cabinet Waze et Associés et à la société AXA France IARD en qualité d'assureur de la société Cabinet Waze et Associés, les opérations d'expertise ordonnées par la cour d'appel de Chambéry par arrêt du 29 janvier 2019 et confiées à [Y] [R].

16. L'instruction de la présente procédure a été clôturée le 7 décembre 2023.

Prétentions et moyens de société Ray Estate Buildings :

17. Selon ses conclusions remises le 19 février 2023, elle demande à la cour :

- d'infirmer le jugement déféré ;

- à titre principal, de surseoir à statuer dans l'attente de la remise du rapport d'expertise;

- à titre subsidiaire, de dire et juger que les prétentions de la Selarl ML Conseils sont mal fondées;

- de condamner en tout état de cause la Selarl ML Conseils à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner la Selarl ML Conseils aux entiers dépens, dont les dépens de première instance.

Elle expose :

18. - concernant sa demande de sursis à statuer, que si le tribunal a considéré que cette demande n'est pas recevable au visa de l'article 528-1 du code de procédure civile, motif pris de ce que les opérations d'expertise pour les désordres de construction n'ont pas été rendues communes et opposables au liquidateur judiciaire du Cabinet Waze et Associés dans les deux ans de l'ordonnance de référé du 1er décembre 2017, il résulte cependant de cet article que si le jugement n'a pas été notifié dans le délai de deux ans de son prononcé, la partie qui a comparu n'est plus recevable à exercer un recours à titre principal à l'expiration de ce délai ; que cette disposition n'est applicable qu'aux jugements qui tranchent tout le principal et à ceux qui, statuant sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident, mettent fin à l'instance ;

19. - que le juge de première instance a ainsi commis une erreur, puisque l'ordonnance du 1er décembre 2017 a rejeté la demande d'expertise de la concluante, de sorte qu'elle n'a pu faire partir le délai de deux ans prévu par l'article 528-1 du code de procédure civile ; qu'en outre, cette décision n'est pas un jugement qui tranche tout le principal ou met fin à l'instance ; qu'il en est de même concernant l'arrêt infirmatif de la cour d'appel de Chambéry du 29 janvier 2019 ;

20. - que l'expertise ordonnée en appel est indispensable afin de définir l'imputabilité des désordres et de faire le compte entre les parties ; qu'elle aura une influence sur le principe et le montant des demandes de l'intimée ;

21. - concernant les honoraires complémentaires, que le tribunal a considéré, à tort, qu'ils sont contractuellement dus, puisque l'article 6.2 des contrats de maîtrise d'oeuvre a prévu que de tels honoraires sont dus si des modifications sont imputables au maître d'ouvrage, avant la phase DCE, et avec son accord sur les conditions d'exécution de ces modifications, ces trois conditions étant cumulatives ;

22. - qu'en l'espèce, il ne s'agit pas de modifications imputables à la concluante, mais d'évolutions du projet liées à l'absence d'intégration par le maître d'oeuvre de la totalité des besoins fonctionnels du site arrêtés par le maître d'ouvrage ; que ces besoins ont été arrêtés le 3 août 2012 et ont permis la réalisation des études aboutissant à la délivrance des permis de construire en 2012 et 2013 ; que les permis modificatifs n'ont concerné que des modifications mineures concernant les façades et les parkings, ce qui ne justifie pas la demande d'honoraires complémentaires pour 719.724 euros ; que l'intimée ne peut invoquer des contraintes ou des incidents rencontrés pendant les études et les travaux, puisque concernant les contraintes particulières relatives à la protection incendie, il appartenait au maître d'oeuvre d'en tirer les conséquences techniques, alors qu'aucune demande de modification n'était imputable à la

concluante; que l'intimée a reconnu en première instance que le Cabinet Waze ne disposait pas de toutes les ressources internes suffisantes pour assurer la maîtrise d'oeuvre, ce qui a entraîné une explosion des coûts de construction, les entreprises ayant été consultées avant la finalisation de toutes les études ;

23. - en outre, que l'intimée ne démontre pas que les modifications aient été approuvées par la concluante ; qu'il résulte de la lecture des comptes rendus des comités de pilotage que les conditions d'exécution des modifications n'ont pas été exposées précisément par le maître d'oeuvre, lequel n'a pas détaillé l'impact financier que les variations auront sur le montant de ses honoraires ;

24. - que ces comités ne représentaient pas le maître d'ouvrage dans ses relations avec le maître d'oeuvre.

Prétentions et moyens de la Selarl ML Conseils prise en la personne de maître [X] [N], agissant en qualité de liquidateur de la Sas Cabinet Waze et Associés :

25. Selon ses conclusions remises le 15 mars 2023, elle demande à la cour, au visa des articles 1103 et suivants du code civil, des articles 379, 905-2 et 908 à 910 du code de procédure civile :

- sur la demande de sursis à statuer dans l'attente de la remise du rapport d'expertise, de juger que la société Ray Estate Buildings a abandonné en appel ses demandes de première instance tendant à rejeter les demandes présentées par la concluante ; tendant à dire et juger que le Cabinet Waze a manqué à ses obligations contractuelles, et que sa responsabilité est engagée à hauteur de 1.212.655,23 euros ; tendant à dire et juger que la responsabilité du Cabinet Waze est engagée au titre de la garantie décennale des constructeurs à hauteur de 97.286,60 euros ; à titre infiniment subsidiaire, tendant à prononcer le cas échéant la compensation entre les sommes dues entre les parties ;

- de juger que la société Ray Estate Buildings ne formule aucune prétention en cause d'appel quant à la condamnation prononcée à son encontre et au débouté de ses demandes reconventionnelles ;

- de juger que la société Ray Estate Buildings ne soutient sa demande de sursis à statuer par aucune prétention ;

- de juger que la demande de sursis à statuer formée par la société Ray Estate Buildings est sans objet ;

- en conséquence, de débouter la société Ray Estate Buildings de sa demande de sursis à statuer ;

- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de la société Ray Estate Buildings de surseoir à statuer dans l'attente de la remise du rapport d'expertise ;

- sur la demande tendant à dire et juger que les prétentions de la concluante sont mal fondées, de débouter la société Ray Estate Buildings de sa demande ;

- de juger que la société Ray Estate Buildings ne formule aucune prétention en cause d'appel quant à la condamnation prononcée à son encontre et au débouté de ses demandes reconventionnelles ;

- en conséquence, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a entériné les deux rapports d'expertise judiciaire de l'expert [R] ; en ce qu'il a condamné la société Ray Estate Buildings à payer à la concluante ès-qualités la somme de 719.224 euros TTC, majorée des intérêts de 3 fois le taux légal à compter de la mise en demeure de payer du 11 octobre 2016 jusqu'à complet paiement, et aux indemnités forfaitaires de recouvrement ; en ce qu'il a débouté la société Ray Estate Buildings de sa demande de voir la responsabilité de la concluante agissant en qualité de liquidateur de la Sas Cabinet Waze et Associés engagée à hauteur de 1.212.665,23 euros, celle-ci étant prescrite ; en ce qu'il a débouté la société Ray Estate Buildings de sa demande au titre de la garantie décennale d'un montant de 97.286,60 euros ; en ce qu'il a condamné la société Ray Estate Buildings à verser au demandeur 20.000 euros au titre

d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris les dépens de l'instance en référé et les frais d'expertise judiciaire, outre les dépens de la présente instance ; en ce qu'il a liquidé les dépens conformément aux dispositions de l'article 701 du code de procédure civile ;

- y ajoutant, de condamner la société Ray Estate Buildings à verser à la concluante agissant en qualité de liquidateur de la Sas Cabinet Waze et Associés, la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- de condamner la société Ray Estate Buildings aux entiers dépens de l'instance.

L'intimée soutient :

26. - concernant le rejet de la demande de sursis à statuer, dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise concernant les désordres et les défauts de conformité, que cette demande ne tend qu'à retarder le paiement des sommes dues, retard ayant conduit à la liquidation judiciaire du Cabinet Waze et Associés ; que dans le cadre de la procédure d'appel, la société Ray Estate Buildings n'a pas intimé le Cabinet Waze, mais seulement des locateurs d'ouvrage et leurs assureurs ; que ce n'est qu'après le dépôt du rapport de l'expert concernant les comptes entre le maître d'oeuvre et le maître d'ouvrage que l'appelante a assigné en référé la concluante afin de lui rendre communes et opposables les opérations d'expertise concernant les désordres ;

27. - que dans son assignation ayant abouti à l'ordonnance de référé du 22 avril 2022, l'appelante a indiqué que l'ordonnance de référé du 1er décembre 2017 était définitive à l'égard du Cabinet Waze et Associés, ce qui a conduit le juge des référés du tribunal de commerce de Grenoble à déclarer irrecevable sa demande tendant à voir les opérations d'expertise déclarées communes et opposables à la concluante ;

28. - que si cette ordonnance fait l'objet d'un appel pendant devant la cour d'appel de Grenoble, l'arrêt à intervenir est sans incidence compte tenu de l'abandon par l'appelante d'une partie de ses demandes, ce qui ne peut ainsi fonder un sursis à statuer, puisque l'appelante ne sollicite dans la présente instance qu'un tel sursis, et ne forme de demande de condamnation qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

29. - que l'appelante n'invoque aucune prétention au fond concernant l'octroi de ce sursis, en contravention avec l'article 910-4 du code de procédure civile, n'ayant pas repris l'intégralité de ses demandes formées en première instance sollicitant le sursis à statuer, et subsidiairement le rejet des demandes de la concluante, et l'engagement de la responsabilité du Cabinet Waze et Associés à hauteur de 1.212.655,23 euros au titre de ses obligations contractuelles et à hauteur de 97.286,60 euros au titre de la responsabilité décennale des constructeurs, avec subsidiairement une demande de compensation ;

30. - que dans le dispositif de ses conclusions d'appelante, la société Ray Estate Buildings a abandonné ses demandes reconventionnelles, puisqu'elle sollicite à titre principal de surseoir à statuer, et subsidiairement de déclarer les demandes de la concluante mal fondée ; ainsi, que la condamnation de l'appelante à payer la somme de 719.224 euros TTC à la concluante, et le rejet de ses demandes reconventionnelles sont définitifs, faute de demandes contraires présentées à la cour, la seule demande d'infirmation du jugement n'étant pas une prétention, pas plus qu'une demande de sursis à statuer qui ne dessaisit pas le juge; que sans prétention venant la soutenir, la demande de sursis à statuer ne peut qu'être rejetée ; en outre, si la cour prononce un sursis à statuer, que le juge ne sera in fine saisi d'aucune demande de débouté ou de condamnation une fois le sursis expiré ;

31. - concernant le bien fondé des demandes de la concluante, que le tribunal a justement entériné les deux rapports d'expertise, est entré en voie de condamnation à l'encontre de l'appelante et a rejeté ses demandes reconventionnelles; qu'il résulte en effet du premier rapport que les causes de dépassement du budget initial résultent majoritairement des demandes de modifications de programme par l'appelante, alors qu'il résulte du second rapport que le Cabinet Waze et Associés a exécuté ses obligations ; que l'expert a conclu que les conditions de réalisation des mission de maîtrise d'oeuvre justifient l'octroi d'honoraires complémentaires, pour 719.724 euros TTC.

*****

32. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

1) Concernant les effets de l'appel interjeté par la société Ray Estate Buldings :

33. La cour constate que dans sa déclaration du 29 septembre 2022, cette société a dirigé son recours contre toutes les dispositions du jugement du 12 août 2022. Dans ses dernières conclusions, elle demande à la cour à titre principal de surseoir à statuer dans l'attente de la remise du rapport d'expertise, et subsidiairement, de dire et juger que les demandes de l'intimée sont mal fondées.

34. Si cette formulation est imparfaite, il n'en demeure pas moins que l'appel tend bien au rejet des demandes de l'intimée, puisqu'il est demandé à la cour de les déclarer mal fondées. En outre, l'appelante n'a pas renoncé à ses demandes formées en première instance, par lesquelles, en réponse à l'action de la Selarl ML Conseils, l'appelante a sollicité reconventionnellement, à titre principal, à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la remise du rapport d'expertise, et subsidiairement, de déclarer les demandes du liquidateur mal fondées, de déclarer que le Cabinet Waze a manqué à ses obligations contractuelles et que sa responsabilité est engagée à hauteur de 1.212.655,23 euros, que sa responsabilité est également engagée au titre de la garantie décennale des constructeurs à hauteur de 97.286,60 euros, et à titre plus subsidiaire, de prononcer une compensation.

35. La demande de sursis à statuer formée à titre principal tend bien à remettre en cause les condamnations prononcées par le tribunal et le rejet des demandes reconventionnelles de l'appelante, et, après le dépôt du rapport d'expertise, à permettre à la juridiction de statuer sur le fond.

36. Il en résulte que l'intimée est mal fondée à demander à la cour de juger que l'appelante a abandonné en appel ses demandes de première instance, et qu'elle ne formule aucune prétention en cause d'appel quant à la condamnation prononcée à son encontre et au rejet de ses demandes reconventionnelles.

2) Sur la demande de sursis à statuer de la société Ray Estate Buldings :

37. Concernant ce point, le tribunal de commerce a relevé que par une première ordonnance de référé du 1er décembre 2017, le juge des référés du tribunal de commerce de Chambéry a rejeté la demande principale en paiement d'une provision au titre d'honoraires restant dus, et a désigné un expert pour établir le compte entre les parties ; que par une deuxième ordonnance de référé du 1er décembre 2017, le juge des référés du tribunal de commerce de

Chambéry a rejeté la demande d'expertise judiciaire relative aux désordres de construction allégués ; que l'appelante a interjeté appel de cette deuxième ordonnance en intimant un certain nombre de locateurs d'ouvrage et leurs assureurs, et a obtenu, par arrêt de la cour d'appel de Chambéry du 29 janvier 2019, une mission d'expertise ; qu'à l'époque, l'appelante n'a pas jugé utile d'intimer le Cabinet Waze et Associés en cause d'appel de cette deuxième ordonnance ; qu'après le dépôt du rapport d'expertise le 17 mars 2021, concernant les comptes entre la maîtrise d'oeuvre et le maître de l'ouvrage, l'appelante a assigné en référé devant le tribunal de commerce de Grenoble l'intimée en sa qualité de liquidateur du Cabinet Waze et Associés, afin de lui rendre communes et opposables les opérations d'expertise ordonnées par l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry du 29 janvier 2019, ce dont elle a été déboutée par une ordonnance rendue le 22 avril 2022.

38. Le tribunal a noté, au visa de l'article 528-1 du code de procédure civile, que les opérations d'expertise concernant les désordres de construction n'ayant pas été rendues communes et opposables au liquidateur judiciaire dans les deux ans de l'ordonnance de référé du 1er décembre 2017, il ne peut que constater que la demande de l'appelante tendant à voir surseoir à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise n'est plus recevable et est mal fondée.

39. La cour constate que l'article 528-1 dispose que si le jugement n'a pas été notifié dans le délai de deux ans de son prononcé, la partie qui a comparu n'est plus recevable à exercer un recours à titre principal après l'expiration dudit délai. Cette disposition n'est applicable qu'aux jugements qui tranchent tout le principal et à ceux qui, statuant sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident, mettent fin à l'instance.

40. En l'espèce, la cour ne peut que constater que ces dispositions sont inapplicables à une décision qui ordonne seulement une mesure d'expertise. Tel est le cas de la procédure ayant abouti à l'ordonnance de référé du 1er décembre 2017 suite à l'action introduite par le Cabinet Waze à l'encontre de l'appelante.

41. La seconde ordonnance du même jour, rejetant la demande d'expertise concernant les non-conformités et les désordres invoqués par le maître d'ouvrage, a été rendue à la demande de la société Ray Estate Buildings et a été formée à l'encontre de locateurs d'ouvrage, et le Cabinet Waze n'a pas été partie à cette instance. L'arrêt de la cour d'appel de Chambéry infirmant cette seconde ordonnance, a été rendu au visa de l'article 145 du code de procédure civile.

42. Il en résulte que ni la première ordonnance rendue le 1er décembre 2017 ordonnant une mesure d'expertise afin de faire le compte entre le Cabinet Waze et l'appelante, ni l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry du 29 janvier 2019 infirmant la seconde ordonnance du 1er décembre 2017 ayant rejeté la demande d'expertise formée par l'appelante contre les locateurs d'ouvrage afin de déterminer les non-conformités et les désordres, n'ont tranché le principal ou mis fin à l'instance.

43. En conséquence, le jugement entrepris n'a pu, pour ce motif, rejeter la demande de sursis à statuer dans son dispositif, après avoir retenu que cette demande de sursis n'est pas recevable en raison de l'expiration du délai de deux ans ayant couru à l'encontre de l'appelante depuis le prononcé de l'ordonnance de référé du 1er décembre 2017. La cour relève que le tribunal a d'ailleurs commis une erreur à ce titre, puisqu'il s'agit en réalité de l'arrêt infirmatif de la cour d'appel de Chambéry ayant, hors la présence du Cabinet Waze, ordonné l'expertise concernant les non-conformités et les désordres.

44. S'agissant ensuite du bien fondé de cette demande de sursis, l'intimée ne peut prétendre que l'appelante ne soutient cette demande par aucune prétention, puisque la société Ray Estate Buldings indique que l'expertise

ordonnée par la cour d'appel de Chambéry est indispensable afin de définir l'imputabilité des désordres et de faire le compte entre les parties, avec une influence sur le principe et le montant des demandes de l'intimée.

45. La cour constate que par ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Grenoble du 22 avril 2022, la société Ray Estate Buildings a été déboutée de sa demande dirigée contre l'intimée et la compagnie AXA France IARD prise en sa qualité d'assureur du Cabinet Waze, de voir rendre commune et opposable l'expertise ordonnée par la cour d'appel de Chambéry en 2019. Cette ordonnance est définitive.

46. Cependant, par arrêt du 17 novembre 2022 infirmant l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de commerce de Grenoble le 1er février 2022, la présente cour a, concernant cette même expertise visant à déterminer les désordres et les non-conformités, et dans l'instance opposant un locateur d'ouvrage à la Selarl MJ Conseils ès-qualités de liquidateur du Cabinet Waze et de la compagnie AXA, déclaré communes et opposables à ces intimées les opérations d'expertise ordonnées par la cour d'appel de Chambéry.

47. Il en résulte que suite à cette dernière décision, l'appelante a désormais un intérêt évident à ce qu'il soit sursis à statuer dans la présente instance l'opposant au Cabinet Waze représenté par son liquidateur judiciaire. Comme soutenu par l'appelante, l'expertise concernant les désordres et les non-conformités aura une influence sur le principe et le montant des demandes du liquidateur.

48. En conséquence, la cour ne peut qu'infirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions. Il sera en conséquence sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise relatif aux désordres et aux non-conformités. L'affaire sera renvoyée devant le tribunal de commerce, afin qu'il statue au fond après le dépôt de ce rapport d'expertise.

49. La Selarl ML Conseils succombant devant cet appel sera condamnée à payer à la société Ray Estate Buildings la somme de 4.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu les articles 145, 379, 528-1, 905-2 et 908 à 910 du code de procédure civile;

Déboute la Selarl ML Conseils ès-qualités de liquidateur judiciaire de la Sas Cabinet Waze et Associés de ses demandes tendant à juger que la société Ray Estate Buildings a abandonné en appel ses demandes de première instance tendant à rejeter les demandes présentées par la Selarl ML Conseils; tendant à dire et juger que le Cabinet Waze a manqué à ses obligations contractuelles, et que sa responsabilité est engagée à hauteur de 1.212.655,23 euros ; tendant à dire et juger que la responsabilité du Cabinet Waze est engagée au titre de la garantie décennale des constructeurs à hauteur de 97.286,60 euros ; à titre infiniment subsidiaire, tendant à prononcer le cas échéant la compensation entre les sommes dues entre les parties ;

Déboute également la Selarl ML Conseils ès-qualités de sa demande tendant à juger que la société Ray Estate Buildings ne formule aucune prétention en cause d'appel quant à la condamnation prononcée à son encontre et au débouté de ses demandes reconventionnelles ;

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau ;

Ordonne qu'il soit sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport de l'expertise ordonnée par l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry du 29 janvier 2019 ;

Renvoie en conséquence la cause et les parties devant le tribunal de commerce de Grenoble, afin qu'il statue sur le fond après le dépôt de ce rapport d'expertise ;

Condamne la Selarl ML Conseils prise en la personne de maître [N], ès-qualités de liquidateur judiciaire du Cabinet Waze et Associés, à payer à la société Ray Estate Buildings la somme de 4.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Selarl ML Conseils prise en la personne de maître [N], ès-qualités de liquidateur judiciaire du Cabinet Waze et Associés, aux dépens exposés en cause d'appel ;

SIGNÉ par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 22/03539
Date de la décision : 28/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 07/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-28;22.03539 ?
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