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04/07/2023 | FRANCE | N°22/00010

France | France, Cour d'appel de Grenoble, Réparation détention, 04 juillet 2023, 22/00010


N° RG 22/00010 - N° Portalis DBVM-V-B7G-LS7J



C1



N° Minute : 2023/3





















































































Notifications faites le

04 JUILLET 2023







copie exécutoire délivrée

le 04 JUILLET 2023 à :



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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE





DÉCISION DU 04 JUILLET 2023







ENTRE :



DEMANDEUR suivant requête du 24 Novembre 2022





M. [J] [U]

né le [Date naissance 1] 2002 à [Localité 6] (62)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 2]



représenté et plaidant par Me Amal OURACHANE, avocat au barreau de VALENCE





ET :



DEFENDEUR



M...

N° RG 22/00010 - N° Portalis DBVM-V-B7G-LS7J

C1

N° Minute : 2023/3

Notifications faites le

04 JUILLET 2023

copie exécutoire délivrée

le 04 JUILLET 2023 à :

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

DÉCISION DU 04 JUILLET 2023

ENTRE :

DEMANDEUR suivant requête du 24 Novembre 2022

M. [J] [U]

né le [Date naissance 1] 2002 à [Localité 6] (62)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 2]

représenté et plaidant par Me Amal OURACHANE, avocat au barreau de VALENCE

ET :

DEFENDEUR

M. L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]

représenté par la SCP LEXWAY, avocats au barreau de GRENOBLE substituée et plaidant par Me Alexandre SPINELLA, avocat au barreau de GRENOBLE

EN PRÉSENCE DU MINISTÈRE PUBLIC

pris en la personne de M. MULLER, avocat général

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 Juin 2023,

Nous, Patrick BEGHIN, conseiller délégué par la première présidence de la cour d'appel de Grenoble par ordonnance du 16 décembre 2022, assisté de Valérie RENOUF, greffier, les formalités prévues par l'article R 37 du code de procédure pénale ayant été respectées,

Avons mis l'affaire en délibéré et renvoyé le prononcé de la décision à l'audience de ce jour, ce dont les parties présentes ou représentées ont été avisées.

2

M. [J] [U], né le [Date naissance 1] 2002, a été placé en détention provisoire le 18 juillet 2019 après avoir été mis en examen du chef de viol en réunion.

Il a été libéré par arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Grenoble du 26 septembre 2019.

Il a été déclaré irresponsable pénalement, sur le fondement de l'article 122-2 du code pénal, et en conséquence acquitté par arrêt de la cour d'assises des mineurs de la Drôme du 27 juin 2022, devenu définitif (certificat de non-appel du 26 juillet 2022).

Par requête reçue au greffe de la cour d'appel le 24 novembre 2022, M. [U] a sollicité la réparation du préjudice que lui a causé sa détention et demandé 15 000 euros au titre de son préjudice moral ainsi que 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir qu'il a été incarcéré pour des faits de nature criminelle commis dans des circonstances d'emprise, et détenu pendant soixante-dix jours, à l'âge de 16 ans, sans antécédent carcéral ; qu'il a présenté des troubles de l'alimentation prenant la forme d'une hyporexie ayant entraîné une perte de poids de plusieurs kilos ; qu'il a été agressé par un autre détenu et a subi une fracture du poignet avec port d'un plâtre ; que le psychologue qu'il a rencontré après sa libération a constaté qu'il présentait des signes de stress encore actif.

Par conclusions déposées le 21 février 2023, l'agent judiciaire de l'Etat offre la somme de 8 700 euros en réparation du préjudice moral et il s'en rapporte sur la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir que les proches de M. [U] ont obtenu un permis de visite et que son père a obtenu une autorisation de communication téléphonique, que l'origine de la fracture du poignet est incertaine, et que le préjudice moral causé par le demi-frère du demandeur ne peut être réparé au titre du dommage résultant de la détention.

Par conclusions déposées le 27 février 2023, M. l'avocat général propose d'indemniser le préjudice moral à hauteur de 3 000 euros, et d'allouer au demandeur la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir que la déclaration de culpabilité de M. [U] doit être prise en compte, que la privation de liberté a été limitée à soixante-dix jours et que les liens familiaux ont été maintenus durant celle-ci.

SUR CE,

Il résulte des articles 149 à 150 du code de procédure pénale qu'une indemnité est accordée, à sa demande, à la personne ayant fait l'objet d'une détention provisoire, au cours d'une procédure terminée à son égard, par une décision de non-lieu, de relaxe, ou d'acquittement devenue définitive. Cette indemnité est allouée en vue de réparer intégralement le préjudice personnel, matériel et moral, directement causé par la privation de liberté.

Par ces textes, le législateur a instauré le droit pour toute personne d'obtenir de l'État réparation du préjudice subi à raison d'une détention provisoire fondée sur des charges entièrement et définitivement écartées.

3

Sur la recevabilité de la requête

La requête en réparation a été formée dans les conditions de temps et de forme prescrites par les articles 149-2 et R. 26 du code de procédure pénale et est ainsi recevable.

Sur la liquidation des préjudices

Sur la durée de la détention indemnisable

M. [U] a été détenu du 18 juillet 2019 au 26 septembre 2019, soit pendant soixante-dix jours.

Sur l'indemnisation du préjudice moral

L'article 149 du code de procédure pénale n'exclut pas du droit à réparation qu'il instaure les personnes ayant été déclarées pénalement irresponsables sur le fondement de l'article 122-2 du code pénal.

Dès lors, le fait que, selon l'arrêt de la cour d'assises des mineurs de la Drôme du 27 juin 2022, M. [U] a effectivement commis les faits pour lesquels il a été poursuivi ne peut en lui-même constituer un principe de minoration du préjudice moral que sa détention provisoire lui a causé et, à l'inverse, la contrainte ou emprise subie lors de la commission des faits, étrangère à la détention, ne peut constituer ou majorer ce préjudice.

Il est constant en l'espèce que M. [U], sans antécédent judiciaire, n'avait jamais été détenu avant son incarcération survenue, pour des faits de nature criminelle, alors qu'il était âgé de 16 ans, et il convient de relever que le service éducatif ayant observé M. [U] dans l'unité des arrivants de l'EPM du [7] a indiqué avoir « d'emblée constaté un choc de l'incarcération chez l'adolescent qui semblait fortement insécurisé dans cet univers carcéral qu'il ne connaissait pas » et avoir craint que l'affectation en unité de vie et en service commun soit compliqué pour lui.

Il a été écroué à l'établissement pénitentiaire pour mineurs du [7] alors que ses parents résidaient dans le Pas-de-Calais où il était scolarisé et devait entamer après l'été une année scolaire en première professionnelle, puisqu'il venait de terminer son année de seconde.

Le maintien des liens de M. [U] avec ses parents, par des visites et communications téléphoniques dont la fréquence n'est toutefois pas justifiée, ne peut minorer l'atteinte à la vie familiale que la privation de liberté a nécessairement causée.

D'une façon générale, aucune circonstance de minoration du préjudice moral n'est établie.

L'expert psychiatre ayant examiné M. [U] le 24 janvier 2020 a mentionné une hyporexie en détention, le poids ayant été normalisé depuis, ainsi qu'une amélioration de l'humeur et du sommeil depuis la libération, et l'expert psychologue l'ayant rencontré le 23 janvier 2020 a mentionné quant à lui que l'intéressé gardait un souvenir douloureux de la détention.

Il y a lieu de tenir compte de ces éléments, mais non, toutefois, des « signes de stress encore actif » qu'a mentionnés l'expert psychologue, les brûlures et remontées gastriques symptomatiques n'étant pas certainement en lien direct et exclusif avec la détention.

Par ailleurs, M. [U] a été atteint le 21 août 2019 d'une fracture au poignet, et si sa cause n'est pas établie, il reste que ses conséquences ont certainement accru la pénibilité de la détention postérieure.

En l'état de ces éléments, il convient d'allouer à M. [U] la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral subi.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Il apparaît conforme à l'équité d'allouer à M. [U] une somme de 1 000 euros en remboursement des frais de procédure qu'il a dû exposer pour présenter sa demande en réparation.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,

Allouons à M. [J] [U] la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral, ainsi que celle de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Laissons les dépens à la charge du Trésor public.

Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Le greffier Le conseiller délégué


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : Réparation détention
Numéro d'arrêt : 22/00010
Date de la décision : 04/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-04;22.00010 ?
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