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03/07/2023 | FRANCE | N°21/02469

France | France, Cour d'appel de Grenoble, 1ere chambre, 03 juillet 2023, 21/02469


N° RG 21/02469 - N° Portalis DBVM-V-B7F-K43R

C2

N° Minute :













































































Copie exécutoire

délivrée le :







Me Pascale PRA



Me David HUARD

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE GRENOBLE



PREMIÃ

ˆRE CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU LUNDI 03 JUILLET 2023





Appel d'une décision (N° RG 18/03471)

rendue par le Tribunal judiciaire de GRENOBLE

en date du 08 avril 2021

suivant déclaration d'appel du 01 juin 2021





APPELANTS :



Mme [N] [B] épouse [G]

née le 20 octobre 1976 à [Localité 12]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 8]



M. [Z] [G]

né le 0...

N° RG 21/02469 - N° Portalis DBVM-V-B7F-K43R

C2

N° Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

Me Pascale PRA

Me David HUARD

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU LUNDI 03 JUILLET 2023

Appel d'une décision (N° RG 18/03471)

rendue par le Tribunal judiciaire de GRENOBLE

en date du 08 avril 2021

suivant déclaration d'appel du 01 juin 2021

APPELANTS :

Mme [N] [B] épouse [G]

née le 20 octobre 1976 à [Localité 12]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 8]

M. [Z] [G]

né le 03 avril 1977 à [Localité 10]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 8]

représentés par Me Pascale PRA, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

Mme [T] [L] épouse [K]

née le 23 août 1961 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 8]

représentée par Me David HUARD, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Catherine Clerc, président de chambre,

Mme Joëlle Blatry, conseiller,

Mme Véronique Lamoine, conseiller

DÉBATS :

A l'audience publique du 30 mai 2023, Mme Blatry, conseiller chargé du rapport en présence de Mme Clerc, président de chambre, assistées de Madame Anne Burel, greffier, ont entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.

Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Les époux [N] [B]/[Z] [G] sont propriétaires, sur la commune de [Localité 8] (38) d'une maison d'habitation cadastrée AE [Cadastre 2] contiguë de celle de Mme [T] [L] épouse [K] AE [Cadastre 5].

Exposant que la construction des époux [K] leur causait un trouble illicite, les époux [G] ont obtenu, suivant ordonnance de référé du 14 septembre 2016, l'instauration d'une mesure d'expertise afin de procéder au calcul de la distance de la vue créée par le balcon de l'immeuble [K].

L'expert, M. [D] [O], a déposé son rapport le 22 mai 2017.

Suivant exploit d'huissier du 7 août 2018, les époux [G] ont fait citer Mme [K], sur le fondement de la vue illicite et du trouble anormal du voisinage, en transport sur les lieux, en bornage des propriétés des parties, en suppression de la terrasse et en condamnation à dommages-intérêts.

Par jugement du 8 avril 2021, le tribunal judiciaire de Grenoble a :

déclaré irrecevable la demande en bornage,

débouté les époux [G] de l'ensemble de leurs prétentions,

condamné les époux [G] à payer à Mme [K] une indemnité de procédure de 1.000€ et à supporter les dépens.

Suivant déclaration du 1er juin 2021, les époux [G] ont relevé appel de cette décision.

Au dernier état de leurs écritures en date du 29 juillet 2021, les époux [G] demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré et de :

1) avant dire droit, ordonner un transport sur les lieux et le bornage des fonds en présence avec désignation d'un expert,

2) sur le fond :

ordonner la suppression de la terrasse sous astreinte de 300€ par jour de retard suivant la décision à intervenir,

condamner Mme [K] à leur payer des dommages-intérêts de 60.000€ en réparation de leur préjudices résultant du trouble anormal de voisinage,

3) en tout état de cause, débouter Mme [K] de l'ensemble de ses demandes, la condamner à leur payer une indemnité de procédure de 2.500€ et à supporter les entiers dépens comprenant les frais d'expertise et d'huissier.

Ils font valoir que :

le transport sur les lieux permettrait une meilleure compréhension du dossier,

Mme [K], qui avait accepté le bornage amiable des fonds, revient sur sa position,

en tout état de cause, sur le fondement de l'article 646 du code civil, le bornage des fonds doit être ordonné,

contrairement à ce que prétend Mme [K], celle-ci a créé une vue droite inférieure à 1,90 m, soit en l'espèce 1,74 m,

dès lors, il convient d'ordonner la destruction de son ouvrage, sous astreinte,

la création de cette terrasse, qui surplombe leur terrain, permet à Mme [K] de regarder sans effort particulier sur leur terrain,

cela constitue une atteinte à leur qualité de vie dépassant très largement les troubles normaux du voisinage,

ils sont dans l'impossibilité de profiter en toute quiétude de leur jardin à l'abri des regards et des invectives,

ils subissent les nuisances sonores et olfactives, ce qui diminue considérablement la valeur de leur maison,

Mme [K] a adossé à leur mur non mitoyen sa construction.

Par uniques conclusions du 21 septembre 2021, Mme [K] demande à la cour, à titre principal, de confirmer le jugement déféré, subsidiairement, de dire que la mesure d'expertise sera ordonnée aux frais avancés des époux [G] et, en tout état de cause, de condamner ceux-ci à lui payer une indemnité de procédure de 2.000€ et à supporter les entiers dépens de l'instance.

Elle expose que :

elle s'en rapporte à justice sur la demande en transport sur les lieux,

le bornage n'est pas utile puisqu'ils ont réalisé des travaux ramenant la limite entre le balcon et le fonds [G] à moins de 1,90 m,

en outre, la limite des fonds est déjà établie par le mur très ancien des époux [G],

les époux [G] persistent dans leur demande de suppression du balcon alors qu'il est situé à une distance réglementaire,

l'angle du balcon a été arrondi et l'expert judiciaire relève, en page 13, que même si le balcon avait été réalisé conformément aux dispositions du code civil, la vue droite aurait été identique,

le juge a un pouvoir souverain pour apprécier les mesures nécessaires à la suppression de la vue qui ne passe pas uniquement par la démolition,

la demande adverse de démolition du balcon est absolument infondée,

l'expert fait état d'une zone péri-urbaine présentant des terrains exigus et soutient qu'il n'y a pas d'anormalité du trouble du voisinage,

la simple existence d'une construction sur un terrain voisin ou la dépréciation éventuelle d'une maison par l'urbanisation autour d'elle ne suffit pas à établir le trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage,

les époux [G] allèguent des nuisances sonores et olfactives sans les démontrer.

La clôture de la procédure est intervenue le 25 avril 2023.

MOTIFS

1/ sur les demandes de M. et Mme [G]

en transport sur les lieux

Ainsi que l'a justement relevé le tribunal, au regard des diverses pièces produites aux débats, notamment les photographies, le transport sur les lieux sollicité par les époux [G] n'a pas d'utilité.

Le jugement déféré qui rejette cette demande, sera confirmé sur ce point.

sur le bornage

La cour, contrairement au tribunal, a plénitude de juridiction et la demande en bornage est désormais recevable.

Par application de l'article 646 du code civil, tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriété contiguës. Le bornage se fait à frais communs.

Par voie de conséquence, le jugement déféré sera infirmé sur ce point et le bornage sera ordonné avec instauration d'une mesure d'expertise et consignation des frais partagés par moitié entre les parties.

Faisant application des dispositions de l'article 964-2 du code de procédure civile, l'expertise se déroulera sous le contrôle du juge chargé du suivi des mesures d'instruction du Tribunal judiciaire de Grenoble, juridiction dont émane la décision infirmée sur ce point.

sur la suppression du balcon

Par application de l'article 678 du code civil, on ne peut avoir de vues droites ou fenêtres d'aspect, ni balcons ou autres semblables saillies sur l'héritage clos ou non clos de son voisin s'il n'y a 19 décimètres de distance entre le mur où on les pratique et le dit héritage, à moins que le fonds ou partie du fonds sur lequel s'exerce la vue ne soit déjà grevé au profit du fonds qui en bénéficie d'une servitude de passage faisant obstacle à l'édification de constructions.

Dans le cadre de l'expertise [O], la distance du balcon a été établie à 1,74 mètres.

Ensuite de l'expertise [O], Mme [K] a procédé à la suppression de l'angle du balcon le plus proche du mur [G] en l'arrondissant, ce qui est justifié par photographies.

Suivant constat du 26 août 2019, l'huissier a relevé avec un télémètre laser, en retenant l'aplomb du parement du mur [G] le plus à l'intérieur de la propriété [K], une distance conforme aux exigences légales susvisées de 1,90 m.

Par voie de conséquence, en l'absence de démonstration d'une vue droite illicite, c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande des époux [G] en suppression du balcon de l'habitation de Mme [K].

sur le trouble anormal de voisinage

Par application de l'article 544 du code civil, nul ne doit occasionner à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage.

Le trouble allégué doit être apprécié au regard du contexte.

Les époux [G] prétendent à une perte d'intimité au regard de la construction de l'immeuble [K] permettant sans effort d'avoir une vue sur leur jardin, l'existence de nuisances sonores et la fragilisation de leur mur.

Il est constant que les immeubles des parties sont situées en zone péri-urbaine impliquant une certaine promiscuité du fait de l'exiguïté des parcelles.

Si durant plusieurs années, les époux [G] sont restés sans construction voisine de la leur, la modification déplorée de leurs conditions de vie du fait de l'édification de l'immeuble de Mme [K], parfaitement prévisible du fait du caractère constructible du terrain de celle-ci, ne suffit pas à caractériser un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage.

De surcroît, la seule présence des fenêtres équipant l'immeuble de Mme [K] suffit à créer une vue, parfaitement licite mais générant un trouble lequel néanmoins ne peut qu'être qualifié de normal, les époux [G] ne pouvant prétendre interdire toutes constructions à proximité de leur maison d'habitation.

Enfin, les attestations produites par les appelants, non circonstanciées et reprenant essentiellement les doléances des époux [G], ne caractérisent pas davantage un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage.

Ainsi, c'est à bon droit que le tribunal a débouté les époux [G] de leur demande en dommages-intérêts.

2/ sur les mesures accessoires

L'équité justifie de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au seul bénéfice de Mme [K].

Enfin, les dépens de la procédure d'appel seront supportés par les époux [G].

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré sauf sur le bornage,

Statuant à nouveau sur ce point,

Ordonne le bornage des fonds cadastrés sur la commune de [Localité 8] ( 38) section A n° [Cadastre 2] des époux [N] [B]/[Z] [G] et n° AE [Cadastre 5] de Mme [T] [L] épouse [K],

Ordonne une mesure d'expertise judiciaire et désigne à cet effet :

M. [D] [O]

[Adresse 3]

[Localité 4]

[Courriel 11]

tel [XXXXXXXX01]

avec mission de:

1) convoquer les parties et leurs conseils,

2) se faire communiquer tous documents utiles,

3) faire une proposition de bornage des fonds en présence avec plan et repères,

Déposer un pré-rapport et s'expliquer, dans le cadre des chefs de mission ci-dessus énoncés, sur les dires et observations des parties,

Constater l'éventuelle conciliation des parties et faire rapport au juge du tribunal judiciaire de Grenoble chargé du suivi des expertises de sa mission devenue sans objet,

Dit que l'expert fera connaître au greffe, sans délai, son acceptation,

Dit qu'en cas de refus, d'empêchement légitime ou de retard injustifié, il sera pourvu aussitôt à son remplacement,

Dit que l'expert pourra s'adjoindre tout spécialiste de son choix, dans une spécialité distincte de la sienne, à charge d'en informer préalablement le juge chargé du contrôle de l'expertise,

Dit que les époux époux [N] [B]/[Z] [G] et Mme [T] [L] épouse [K], chacun, devront consigner entre les mains du régisseur d'avances et de recettes du tribunal judiciaire de Grenoble une somme de 500€, soit au total 1.000€, avant le 15 août 2023,

Rappelle qu'en application de l'article 271 du code de procédure civile, à défaut de consignation dans le délai prescrit, la désignation de l'expert sera caduque,

Rappelle que l'expert devra commencer ses opérations d'expertise dès qu'il sera averti que les parties ont consigné la provision mise à leur charge,

Dit que le rapport devra être déposé au greffe du tribunal judiciaire de Grenoble dans le délai de trois mois suivant la consignation, sauf prorogation qui serait accordée sur demande de l'expert à cet effet,

Dit que le juge chargé du suivi des opérations d'expertise du tribunal judiciaire de Grenoble assurera le contrôle des opérations,

Renvoie la présente procédure auprès de cette juridiction,

Y ajoutant,

Condamne solidairement M. [Z] [G] et Mme [N] [B] épouse [G] à payer à Mme [T] [L] épouse [K] la somme de 2.000€ par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [Z] [G] et Mme [N] [B] épouse [G] aux dépens de la procédure d'appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Grenoble
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 21/02469
Date de la décision : 03/07/2023
Sens de l'arrêt : Désignation de juridiction

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-03;21.02469 ?
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