N° RG 21/02274 - N° Portalis DBVM-V-B7F-K4IZ
C2
N° Minute :
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC
Me Christian GABRIELE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 27 JUIN 2023
Appel d'une décision (N° RG 11-17-815)
rendue par le tribunal judiciaire de GRENOBLE
en date du 14 mai 2020
suivant déclaration d'appel du 18 mai 2021
APPELANTS :
Mme [P] [J]
née le 27 juillet 1964 à [Localité 15]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 6]
Mme [C] [J]
née le 12 novembre 1967 à [Localité 13]
de nationalité Française
[Adresse 14]
[Localité 1]
M. [T] [J]
né le 15 février 1935 à ST JEAN DE MAURIENNE
de nationalité Française
[Localité 16]
[Localité 18]
représentés par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMES :
Mme [Z] [V]
née le 14 novembre 1960 à [Localité 19]
de nationalité Française
[Adresse 10]
[Localité 4]
Mme [F] [V]
née le 23 juillet 1932 à [Localité 17]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 5]
M. [A] [V]
né le 20 septembre 1959 à [Localité 19]
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Localité 9]
représentés par Me Christian GABRIELE, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme [P] CLERC, présidente,
Mme Joëlle BLATRY, conseiller,
Mme Véronique LAMOINE, conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 22 mai 2023 madame Blatry, conseiller chargée du rapport en présence de madame Clerc président de chambre, assistées de Frédéric Sticker, greffier, ont entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.
Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.
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FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Les consorts [T], [P] et [C] [J] sont propriétaires, sur la commune de [Localité 18] (38) lieudit [Localité 16], des parcelles cadastrées [Cadastre 12] et [Cadastre 7] voisines du fonds [Cadastre 11] appartenant aux consorts [F], [Z] et [A] [V].
Par arrêt du 8 avril 2013 confirmant le jugement du 7 octobre 2010, la cour d'appel de Grenoble a retenu que la limite entre les fonds [J]/ [V] était définie par une ligne droite passant entre les bornes B et C visibles sur place.
Exposant que la ligne divisoire n'avait pas été établie de la borne C jusqu'au ruisseau, les consorts [J] ont, suivant exploit d'huissier des 12 et 18 avril 2017, fait citer les consorts [V] en bornage complet de leurs propriétés.
Suivant jugement avant dire droit du 15 mars 2018, le tribunal d'instance de Grenoble a ordonné le bornage entre la seconde borne et le ruisseau en instaurant une mesure d'expertise à ces fins.
L'expert, M. [I] [X], a déposé son rapport le 17 octobre 2019.
Par jugement du 14 mai 2020, le tribunal judiciaire de Grenoble a :
retenu les conclusions du rapport d'expertise,
dit que ce rapport sera annexé au présent jugement,
débouté les consorts [J] de leur demande de nouvelle expertise,
dit que les frais de bornage seront supportés par moitié entre les parties,
condamné les consorts [J] aux dépens.
Suivant déclaration du 18 mai 2021, les consorts [J] ont relevé appel de cette décision.
Au dernier état de leurs écritures en date du 17 août 2021, les consorts [J] demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré et de :
désigner un nouvel expert géomètre avec mission d'établir un projet de bornage des fonds en présence de la seconde borne au ruisseau, après avoir reconstitué l'emplacement du muret figurant aux plans [N] et [H] et défini la limite de propriété en deçà de la borne D à l'aide des dits plans,
condamner in solidum les consorts [V] à leur payer la somme de 6.000€ en raison de leurs man'uvres dolosives pour tenter d'obtenir un jugement favorable, outre une indemnité de procédure de 3.000€ et réserver les dépens.
Ils font valoir que :
postérieurement au jugement, ils ont retrouvé le muret enfoui sous des végétaux en décomposition,
ils ont fait réaliser un constat d'huissier,
au soutien de leur appel, ils estiment que les plans antérieurs ont une force probante au moins égale si ce n'est supérieure au plan cadastral et sont opposables aux consorts [V],
la trace du muret existe bien, elle a été camouflée avant d'être détruite dans le but de tromper la religion du tribunal,
le tribunal a fait une mauvaise interprétation du plan de 1971 ainsi que des éléments de fait
ce plan démontre l'existence opposable d'une non linéarité de la ligne séparative,
il serait difficile de comprendre pourquoi ce plan serait opposable aux parties pour la limite entre les bornes B et C mais pas pour le surplus,
ils versent diverses attestations qui font référence au plan de 2007 [G]/[H] qui montre la présence du muret et que la ligne située en contrebas du terrain ne suit pas une ligne droite,
les deux plans [G]/[H] de 2002 et 2007 démontrent la présence d'un muret et reprennent comme limite de propriété le trait de travers et non une ligne droite conformément au plan [N],
ils produisent des photographies qui établissent l'existence dudit mur avant son enfouissement par les consorts [V],
il conviendra de poser une borne en partie basse conformément aux plans [N] et [G]/[H],
l'expert et le tribunal ont écarté ces éléments sans raison justifiée,
l'expert, qui a estimé que ce muret n'existait plus, a refusé tout sondage,
l'expert amiable [U] a indiqué que la proposition de limite le laissait perplexe, la qualité du travail de M. [N] était bien connue, de sorte que s'il avait indiqué la présence d 'un mur dans son plan de 1971, c'est que ce mur existait,
cet expert souligne que les règles ordinales sont claires et que le cadastre ne doit être utilisé que s'il n'existe pas de plans et PV contradictoires, ce qui n'est pas le cas de l'espèce.
Par uniques conclusions du 16 novembre 2021, les consorts [V] demandent à la cour de confirmer le jugement déféré, de débouter les consorts [J] de l'ensemble de leurs prétentions, y ajoutant, de les condamner à leur payer, chacun, une indemnité de procédure de 3.500€ et à supporter les entiers dépens.
Ils exposent que :
les consorts [J] multiplient les décisions dans l'objectif de leur nuire,
manifestement les consorts [J] sont de mauvaise foi et cherchent à tromper la cour en produisant une argumentation incomplète,
le tribunal a retenu à juste titre qu'il n'existait pas de plan de bornage et a considéré que le dernier arrêt de la cour n'avait pas permis de trancher le litige sur la dernière portion de la limite de propriété,
le tribunal a parfaitement retenu que l'expert avait répondu à la question de la prise en compte des divers plans,
le tribunal a justement déduit des conclusions argumentées de l'expert qu'aucun indice ne pouvait être issu des plans de division antérieurs invoqués par les consorts [J],
à ce jour, les consorts [J] cherchent à déplacer le débat sur la prise en compte de divers plans alors même que le seul point litigieux consiste en l'existence d'élément pouvant justifier le plan [N] de 1971,
concernant la destruction du muret et sa dissimulation sous de la végétation, il est certain que l'expert aurait constaté sa présence,
on peut s'interroger également sur le fait que les consorts [J] ne se seraient pas aperçus de la prétendue destruction du muret alors qu'ils sont à l'affut de tout ce qui se passe dans le voisinage,
le constat d'huissier, qui n'a pas été effectué contradictoirement, n'est pas probant contrairement aux opérations d'expertise,
le constat d'huissier souligne la présence de pierres, ce qui n'est pas bien étonnant à proximité d'un ruisseau.
La clôture de la procédure est intervenue le 9 mai 2023.
MOTIFS
1/ sur le bornage
Par arrêt du 8 avril 2013 confirmant le jugement du 7 octobre 2010, la cour d'appel de Grenoble a retenu que la limite entre les fonds [J]/ [V] était définie par une ligne droite passant entre les bornes B et C visibles sur place.
L'enjeu du présent litige porte sur la détermination de la ligne passant entre le point C précédemment défini et le point D à définir au droit du ruisseau.
Les consorts [J] critiquent le rapport d'expertise et le jugement déféré au motif qu'ils n'a pas été tenu compte des précédents plans [N] et [G]/[H] qui retiennent l'existence d'une ligne divisoire légèrement biaisée et non droite.
Ils reprochent à l'expert de ne pas avoir recherché l'existence d'un muret dont ils prétendent qu'il aurait été détruit par les consorts [V] et qu'ils l'auraient finalement retrouvé.
Dans son rapport, l'expert indique qu'il n'a découvert aucun mur, ce dont il justifie par les photographies de la page 6 de son rapport et souligne qu'il n'y a pas de dénivelé significatif entre les deux propriétés pouvant justifier un tel ouvrage.
En l'absence du moindre indice sur site concernant la présence d'un muret, c'est à bon droit que l'expert a estimé inutile d'engager des fouilles.
Les pierres éparses ressortant du constat d'huissier effectué sur demande des consorts [J] en date du 23 juillet 2020, sans la moindre fondation, ne sont pas probantes au regard des constatations contradictoires réalisées à l'occasion des opérations d'expertise et de la proximité du ruisseau.
Concernant les plans, l'expert a répondu aux dires des parties en soulignant que le plan [N] est un plan de division de la propriété originairement Thevenon non côté et non contradictoire dans sa partie basse.
Il souligne qu'il n'y a eu aucun bornage ou constations contradictoires venant conforter ces plans.
Ainsi, les règles ordinales ont été parfaitement respectées par l'expert.
Au regard de ces éléments, l'expert a proposé de se référer à la présomption de limite figurée sur le plan cadastral, à savoir un ligne droite entre le point C et un point D se situant dans le prolongement de la ligne matérialisée par les points B et C.
Ainsi, c'est à bon droit que le tribunal, en l'absence de signes matériels ou naturels sur les lieux et d'indices probants issus des plans de division antérieurs, a rejeté la demande des consorts [J] en désignation d'un nouvel expert et a fixé la limite séparative des fonds conformément au rapport d'expertise.
Le jugement déféré sera confirmé sauf sur les dépens en première instance et, pour une meilleure compréhension, complété par la désignation précise de ladite limite telle qu'indiquée dans le dispositif du présent arrêt.
2/ sur la demande en dommages-intérêts des consorts [J]
En l'absence de démonstration de l'existence d'un muret, et sans la communication du moindre élément, les consorts [J] échouent à démontrer l'attitude frauduleuse qu'ils allèguent à l'encontre des consorts [V].
Il convient en conséquence de débouter les consorts [J] de leur demande en dommages-intérêts.
3/ sur les mesures accessoires
L'équité justifie de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au seul bénéfice des consorts [V].
Enfin, les dépens de la procédure d'appel seront supportés par les consorts [J].
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré sauf sur les dépens de première instance,
Statuant à nouveau sur ce point et y ajoutant,
Dit que la limite entre les fonds cadastrés sur la commune de [Localité 18] (38) lieudit [Localité 16] [Cadastre 12] et [Cadastre 7] appartenant aux consorts [T], [P] et [C] [J] et [Cadastre 11] appartenant aux consorts [F], [Z] et [A] [V] au delà du point C défini à l'arrêt du 8 avril 2013 est fixée jusqu'au ruisseau par une ligne droite dans le prolongement des points B-C jusqu'au point D au droit du ruisseau,
Déboute les consorts [T], [P] et [C] [J] de leur demande en dommages-intérêts à l'encontre des consorts [F], [Z] et [A] [V],
Condamne les consorts [T], [P] et [C] [J] à payer aux consorts [F], [Z] et [A] [V] la somme de 3.500€ par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette le surplus des demandes formées à ce titre,
Fait masse des dépens de première instance qui comprennent les frais d'expertise et les partage par moitié entre les parties,
Condamne les consorts [T], [P] et [C] [J] aux dépens de la procédure d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT